Le méga festival où le sexe hors mariage est un péché, Caroline Amberger, 28 septembre 2017

La communauté du renouveau charismatique catholique de l’Emmanuel à Paray-le-Monial (9000 habitants) en Bourgogne accueille plus de 200’000 pèlerins durant l’année. Six sessions d’une semaine ont lieu l’été et rassemblent à elles seules 30’000 participants. Accompagnement spirituel pour les homosexuels, camps Optimum destinés à la revirilisation masculine ou semaines de la bioéthique sont des thèmes proposés.

Il est 8h30 du matin et la petite ville de Paray-le-Monial semble déjà en effervescence. D’énormes barnums ont pris place sur le parc du Moulin Liron attenant à la basilique. Un parking de voitures et de camping-cars orne l’entrée de ce festival religieux. Louanges, messes et veillées rythment les longues journées. Au choix des carrefours abordant des thématiques comme éducation, bioéthique, famille, sexualité, engagement chrétien dans la société. Des familles bon chic bon genre en shorts et mocassins à glands déambulent, beaucoup de jeunes et d’enfants sont sur le site. Les louanges, chants des missions évangéliques commencent à 9h. Chauffage de la salle digne d’un concert pop, l’ambiance monte rediffusée sur écrans géants. Les bras se lèvent, certains parlent en langue.

Derrière cette apparente bonhomie le petit groupe du parcours homosexuel se trouve à l’écart du site principal. Ils sont une quarantaine à s’être inscrits. Certains sont là pour trouver des réponses parce que «leur entourage est concerné». D’autres sont eux-mêmes homosexuels. Un leitmotiv est scandé aux participants: l’Eglise vous accueille tels que vous êtes, qui suis-je pour vous juger? Mais le discours glisse très vite sur «une histoire marquée par nos fragilités, il faut donc se guérir des blessures du passé en suivant l’appel de Dieu dans la chasteté». Le père Louis-Marie Guitton responsable du groupe et fondateur de Courage, version française importée de Courage international s’explique: «parler des homosexuels c’est une abstraction je ne connais que des personnes créées à l’image de Dieu. Je prends la parole telle qu’elle est: Dieu a créé les hommes et les femmes et les a voulu sexués. Ce qui importe c’est le plan de Dieu sur la sexualité et le comportement homosexuel oublie ces distinctions. La guérison n’est pas notre débat. Nous accueillons ces personnes qui se sentent souvent jugées par l’Eglise».

L’après-midi je retrouve le groupe qui assiste à un enseignement: «inutile de s’en référer aux études scientifiques, aux sexologues ou aux travailleurs sociaux. Le seul à qui il faut poser la question c’est Dieu», commente Louis-Marie Guitton. Enjoué et d’une assurance déconcertante les participants ont même droit à une petite parodie de Louis de Funès. «Oh non pas la chasteté! Si la chasteté!»

S’appuyant sur la Bible qui est présentée comme un livre de morale sexuelle la recette est simple: Genèse 1 est la parole de Dieu. La sexualité ne peut être dissociée de la procréation dans le cadre du mariage. Puis application stricte du catéchisme de l’Eglise catholique, le sixième commandement («Tu ne commettras pas d’adultère») est exposé comme le remède à tous les maux des participants.

Démonstration faite, «les actes homosexuels ne conduisent pas au bien de la personne. Mais les personnes homosexuelles vivent de grands combats spirituels. C’est une grande souffrance et leur désir du Christ est bien plus présent que chez la plupart des chrétiens», conclut le père Louis-Marie Guitton.

Si cette version française à peine édulcorée se défend de toute tentative de guérison, le discours de son homologue américain est largement moins policé et pourtant véhiculé par le blog français de Courage. Selon le prêtre Paul N. Check certaines circonstances familiales seraient récurrentes: «des familles éclatées ou troublées, une aliénation du parent de même sexe (…), et un choc sexuel». Le constat fantaisiste va plus loin encore: «Beaucoup d’hommes avec un SSA (same sex attractions – attirance pour le même sexe) ont un déficit de coordination main/œil et de ce fait ont été rejetés ou été sujets de dérision pour leurs pères ou pour les garçons du voisinage, parce qu’ils ne pouvaient pas jouer avec aisance à certains sports» On y apprend également que «L’attirance vers le même sexe est un désordre développemental qui est à la fois soignable et évitable», étant entendu non comme un problème sexuel, mais comme un déficit dans l’identité au genre.

A Paray-le-Monial cette association se calque sur un modèle proche de celui des alcooliques anonymes. Cinq piliers sont proposés, chasteté, prière et consécration, camaraderie, soutien et bon exemple. Un sous-groupe «Encourage» est au service des familles dont un proche est touché par l’homosexualité.

L’œcuménisme des tranchées

Philippe Gonzalez, maître d’enseignement et de recherche en faculté de sciences sociales et politique de l’Université de Lausanne souligne la convergence qui existe entre évangéliques et catholiques conservateurs. Particulièrement féconde aux Etats-Unis, le sociologue décortique une genèse. «Cet œcuménisme des tranchées s’est fédéré sur une vision bourgeoise et patriarcale qui pointe l’homosexualité comme une menace de la famille ou l’islam comme une menace culturelle. Certains évêques américains ont été chercher un auditorat chez les évangéliques qu’ils n’auraient pas trouvé chez leurs coreligionnaires. Il s’agissait de produire un front commun afin de s’opposer au postulat de la décadence de la société et ceci malgré des différences d’ordre doctrinales».

En France, l’acclimatation de ce phénomène théoconservateur a utilisé la brèche ouverte par le mariage pour tous. Une alliance s’est faite entre différentes franges du catholicisme qui se sont senties ostracisées par la proposition de loi de François Hollande malgré des divergences dogmatiques.

Romain Carnac, doctorant et chargé de recherches à l’EESP (école d’études sociales et pédagogiques) souligne quant à lui «un conflit interne dans l’église française sur l’opportunité ou pas d’entrée en politique». Relevant une pluralité de mouvements misant sur l’aura de la manif pour tous, le doctorant constate qu’il n’y a finalement aucune stratégie globale ayant fait l’unanimité au sein de l’Eglise catholique. Selon son analyse, l’accompagnement spirituel des homosexuels tels qu’il est proposé à Paray-le-Monial a pour objectif de se couvrir de la stigmatisation en laissant prioritairement le message d’aider des gens qui seraient en souffrance.
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