COMMEMORATION DE L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE A PARAY-LE-MONIAL, LE 21 MAI 2022

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Hommage de la LDH prononcé par Germaine Lemétayer, Présidente de la section de Paray en présence de Franck Charlier, Conseiller Régional, de William Robin, trésorier de la section et d’Hélène Thomas, militante.

« Avant de commencer cet hommage à Pierre Moreau dans ce lieu, nous allons poser un acte fort de protestation contre l’infamie qui fut faite à sa mémoire le 7 mai 2021 par le maire de Paray, Jean-Marc Nesme et Christiane Mathos, représentant l’association « Les routes de l’abolition de l’esclavage » de Philippe Pichot. Nous allons recouvrir d’un voile noir la plaque déposée par eux sous celle des Billet, décideurs et acteurs des persécutions des protestants de Paray. Nous allons recouvrir d’un voile noir l’infamie mémorielle qui prolonge celle que les jésuites ont fait de l’histoire de Paray. Nous allons recouvrir d’un voile noir, la honte faite aux Parodiens dans le mépris public affiché par des élus identitaires pour lesquels l’histoire falsifiée ne sert que de support à des causes politiques. Pierre Moreau, que ce voile retourne la honte contre eux et gloire à toi, le fils du cordonnier parodien qui compte parmi les grands antiesclavagistes et abolitionnistes de notre pays.Nous sommes réunis aujourd’hui pour commémorer à travers ta pensée et ton oeuvre, l’abolition de l’esclavage. C’est que cette grande cause n’a pas encore trouvé toute sa mesure en France, il fallu attendre la loi du 21 mai 2001 pour que Christiane Taubira fasse de l’esclavage un crime contre l’humanité et le 10 mai 2014 pour que tu sois honoré, pour la première fois par une manifestation publique, ici même à Paray. Ce qui fait la grandeur de cette abolition, ce sont d’abord ses implications humanitaires, la libération par le décret du 27 avril 1848 de 250000 esclaves rachetés à leurs propriétaires par l’Etat aux Antilles, en Guyane, au Sénégal et à la Réunion, c’est aussi le fait que ce concept rassemble en un, les trois fondements de notre devise républicaine, la liberté, l’égalité et la fraternité. Or Pierre Moreau est né, lui, en temps où la société d’Ancien Régime était, de droit, inégalitaire entre hommes et femmes, inégalitaire entre les trois ordres, noblesse, clergé et tiers état, inégalitaire socialement entre riches et pauvres. Quant à la liberté, elle était très limitée, la plus fondamentale, celle de la conscience, qui induit le droit de choisir sa religion par exemple, est juste amorcée avec l’édit de Nantes qui donne un droit de cité limité aux protestants depuis 1598, mais pas encore à l’égard des juifs. Dans un tel état de fait, au temps de Pierre Moreau, la simple idée de l’abolition de l’esclavage reste impensable pour le commun des mortels.Pourtant à Paray, comme à Amsterdam quelques années après comme dans l’Angleterre de Cromwell et à German Town en Amérique, l’idée s’est imposée à quelques groupes d’hommes. Comment expliquer, dans ces lieux, chez ces hommes, en leur temps, la maturation des concepts de liberté et d’égalité en droit ? La liberté ? Au milieu du XVIIe siècle, à Paray, catholiques et protestants ont décidé de mettre en œuvre la liberté de conscience en laissant à chacun la possibilité d’accepter ou de refuser la chrétienté commune, de conclure des alliances ou non entre familles de religions différentes, ils ont laissé aux femmes la liberté de refuser certains mariages décidés par les hommes ou le couvent forcé, ils ont décidé de l’égalité entre les communautés des deux religions alors que la loi créait une inégalité croissante entre elles, ils ont réalisé, à l’école, l’égalité entre garçons et filles et chez le notaire, l’égalité dans les contrats d’affaires, entre tous les partenaires.A Amsterdam, Pierre Moreau découvrira la liberté de culte dans les faits sinon de droit, la liberté d’expression pour la foule d’écrivains persécutés réfugiés de toute l’Europe ; au Brésil, il découvre une grande liberté de mariage entre européens, indiens et africains, la tolérance religieuse pour les juifs, l’interdiction de l’esclavage des indiens. Tous ces frontières transgressées vont le conduire à des prises de position inédites contre l’esclavage et la colonisation, à les écrire dans son récit de voyage en encourant des risques que personne ne prenait à ce moment.C’est cela que nous somme fiers d’honorer aujourd’hui, la courage d’un précurseur audacieux voire téméraire qui plus d’un siècle après ouvrira la voie à d’autres, ici même, dans le Charolais-Brionnais, et à Paray-le-Monial, d’autres qui vont écrire et œuvrer, dans plusieurs cas, pour participer à ce combat de la liberté et de l’égalité en droit en faveur des esclaves. A partir de l’an prochain, la section ajoutera à la tienne d’autres commémorations qui seront autant d’hommages qui te seront rendus, à toi et à la communauté irénique de Paray qui avez été les premiers, à travers la double cause de l’antiesclavagisme et de l’anticolonialisme, à porter l’humanisme à un tel niveau. »