COMMEMORATION DE L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE A PARAY-LE-MONIAL (23 mai 2020)
Le 23 mai quelques membres de la section de Paray-le-Monial de la Ligue des Droits de l’Homme ont commémoré l’abolition de l’esclavage à travers un hommage au Parodien Pierre MOREAU. Confinement oblige, cette manifestation -qui n’a pas été rendue publique- s’est limitée cette année à un rappel de sa biographie, à la lecture de deux de ses textes contre l’esclavage et à une minute de silence. En un temps où ces commémorations sont contestées (statues renversées de Victor Schoelcher), nous avons la chance d’avoir, à Paray-le-Monial, un abolitionniste exceptionnel à plusieurs titres: 1- par la double condamnation qu’il fit de l’esclavage et de la colonisation alors que deux siècles plus tard, nombre d’abolitionnistes les ont dissociées d’où les contestations actuelles 2- par l’association qu’il opéra avec la liberté de conscience, l’égalité des droits face à l’école, une solidarité universelle 3-par la précocité de cette prise de conscience: il est le plus ancien des abolitionnistes de Bourgogne -Franche-Comté 4-par l’ostracisme dont il fut victime pendant 3 siècles à cause de son appartenance à la communauté protestante de Paray-le-Monial: c’est la présidente de la section de la Ligue des Droits de l’Homme de Paray qui a découvert Pierre Moreau et le commémore avec la section depuis 2014 dans le respect de sa mémoire et dans la dignité; ce sont les militants de la LDH paray qui, depuis, chaque année, organisent plusieurs manifestations en hommage à l’irénisme qui l’a inspiré et à sa communauté qui a partagé ses idées: recueillement devant la rue où il est né, en 1621, visite guidée de la ville protestante, conférence sur l’un des thèmes choisi dans son oeuvre. Nous regrettons tout de même avec incompréhension et colère que le déni dont il fut victime persiste encore à travers le déni de l’histoire de cette communauté, objet de conflits parfois violents, de commémorations-bidons et de tentatives de récupération par des associations catholiques non laïques. Cette instrumentalisation de l’abolition de l’esclavage est d’autant plus scandaleuse que l’histoire fait progresser les connaissances et permet maintenant de faire le tri entre les mystificateurs et les abolitionnistes authentiques.
Ci-dessous, les deux textes lus: extraits de son livre: Histoire des derniers troubles du Brésil
La servitude
« La nourriture même leur était déniée et on ne leur départissait seulement que quelques pièces de terre dans lesquelles, pendant le temps limité pour leur repos (car on les relevait de douze heures en douze heures), ils semaient des pois, des fèves et du mil pour blé de Turquie et faisaient échange de leur grappe (boisson qu’ils font avec de l’eau qu’ils jettent sur la gaine des cannes de sucre brisées, lorsqu’elles sont hors du pressoir) avec de la racine et farine de Manioque qui leur sert de pain que les esclaves du Labrador, qui se mêlent d’en faire et vivent de cette sorte, leur fournissaient, et étant malades, ils en avaient moins de soin que de bêtes. Que si quelqu’un tuait l’esclave qui n’était pas le sien, il en était quitte en payant au maître ce qu’il était estimé et n’y avait que l’action civile pour ce regard ; étant morts, la cérémonie était de leur faire lier le corps par trois ou quatre endroits à une perche et deux de leurs camarades les troussaient sur leurs épaules et les allaient jeter dans la ou en quelque rivière. Il leur était impossible de se dégager d’une si détestable servitude, vu que s’ils pensaient s’échapper, au lieu de trouver du refuge, reconnus à la marque de leurs maître qu’ils leurs imprimaient en divers endroits de leurs corps avec un fer chaud, ils y étaient ramenés et traités comme il a été dit…. Il est vrai que les Hollandais n’exerçaient pas cette sorte de barbarie… » p. 41
la violence contre les esclaves:
« J’appréhende quasi d’exprimer la façon inhumaine et pitoyable dont on use envers ces malheureux captifs puisqu’elle va au-delà de la compassion et excite le frémissement. Ils étaient tellement géhennés au travail assidu qu’on leur marquait, qu’encore qu’il excédait leurs forces, si quelqu’un manquait à point nommé à faire ce qui était prescript, on le liait et garrottait en présence de tous les autres esclaves qu’on faisait assembler : le facteur commandait au plus fort et vigoureux d’entre eux de le frapper et donner deux à trois cents coups de corde sans discontinuer, depuis la plante des pieds jusques sur la tête, de sorte que le sang ruisselait de toute part et que la peau toute déchirée de coups était frottée de vinaigre et de sel sans qu’ils osassent crier ni se plaindre, à peine d’en recevoir le double ; quelquefois selon la grandeur de la faute, ce châtiment ou plutôt bourrellement était redoublé par deux ou trois jours consécutifs ; de là on les serrait en un lieu obscur enchaînés et le lendemain plus souples qu’un gant on les remettait à la besogne ou plutôt que de manquer, ils se tuaient de peine, tous nus comme le bêtes ; leurs corps fondant en sueur enduraient patiemment l’ardeur des fourneaux qui purifiaient le sucre sans oser se retirer ni cesser de remuer avec des pelles et grands bâtons le sirop; de sorte que pour divertir les flammes et les étincelles de feu qui s’attachaient à leur peau et la grillaient, ils n’avaient autre liberté que celle de se trémousser » p. 40-41COMMEMORATION
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