FACE AUX ATTENTATS DE JUILLET, LES IDENTITAIRES ACCENTUENT LEUR RADICALISATION (6/7/2016)

FACE AUX ATTENTATS DE JUILLET, LES IDENTITAIRES ACCENTUENT LEUR RADICALISATION

En juin 2014, à Paray-le-Monial, François-Xavier Bellamy avait lancé un appel au martyre aux catholiques identitaires de la Manif Pour tous. Or depuis les massacres de mars 2012, non seulement aucune des 241 victimes n’a leur profil, mais la plupart sont représentatives des valeurs de la République porteuses de diversité et d’un vivre-ensemble faisant prévaloir la citoyenneté sur les appartenances religieuses : un militaire musulman, des juifs, des caricaturistes, un chef d’entreprise, des consommateurs aux terrasses de cafés, des amateurs de rock, des policiers, la foule du 14 juillet et un curé d’ouverture. Dans le cas précis de l’assassinat de Jacques Hamel, on constate même que les déclarations des autorités musulmanes nationales ou locales concordent avec l’ensemble des autorités épiscopales pour dénoncer l’acte et pour se rassembler dans les églises au nom de ce même vivre-ensemble. Or, face à cette persistance des faits, l’extrême -droite identitaire se trouve déstabilisée dans ses analyses visant à faire croire au contraire, comme nous l’avons déjà montré, que c’est le chaos républicain, le « vide », sa laïcité et ses lois prétendument immorales et mortifères (IVG, PACS, Mariage Pour Tous..) qui sont responsables des attentats.

Comment les identitaires gèrent-ils cette contradiction fondamentale ? La comparaison des réactions des animateurs de la Manif Pour Tous aux attentats de juillet met en évidence plusieurs évolutions :

1- Une opposition violente sur la question de la tolérance à l’égard de l’Islam entre les identitaires catholiques d’une part, les autorités épiscopales, la majorité des fidèles et le pape d’autre part: Fondateur de la MPT à Paray-le-Monial en novembre 2012, Christian Vanneste apparait, à travers trois pages de son blog, comme le plus emblématique des pourfendeurs de l’Islam : On le voit invoquer Benoît XVI et le discours de Ratisbonne contre le pape actuel, ironiser sur « la fraternisation déployée …le comportement enthousiaste de l’Eglise si favorable à l’immigration » et dénoncer comme « délire politiquement correct » « ces idées stupides (qui) ont donné des ailes à l’islam », la « tolérance… la volonté de vivre ensemble…la recherche de cohésion sociale » de l’Eglise. Par ailleurs, il fait le procès sans nuances de l’Islam accusé de violence, d’inégalité et d’obsession pour les rites plus que les valeurs morales, considérant comme une « trahison » l’idée que toutes les religions seraient éprises d’amour et de paix (26/7, 30/7 , 2/8). Ce procès s’accompagne d’une dénonciation de la faiblesse du catholicisme. Ainsi Jacques Bompard affirme-t-il dans une conférence de presse (15/7) : « C’est parce que le catholicisme est devenu faible que les jeunes se radicalisent …L’accueil des réfugiés, c’est aider le terrorisme …Ils haïssent l’occident parce que nous sommes faibles ». François-Xavier Bellamy (Tweeter 28/7) et Robert Ménard suivi de ses lecteurs vont dans le même sens: « Le pape est comme ces bobos des beaux quartiers. Il prône la diversité mais ne vit pas avec elle » (tweeter, 1/8). Dans cette affaire, le silence sur les réseaux sociaux, de Dominique Rey rappelle celui qui a suivi l’appel de Lesbos pour accueillir les réfugiés.

2-Le renforcement de l’union des populismes catholiques et musulmans contre la République : Interviewé par Boulevard Voltaire, c’est Camel Bechkikh, porte- parole de la Manif Pour Tous , mais aussi président de Fils de France, membre de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), et sympathisant d’Egalité et Réconciliation d’Alain Soral qui monte au front. Dramatisant l’assassinat de Jacques Hamel en brandissant la menace d’une nouvelle Saint Barthélemy et le retour aux guerres de religion, il s’attaque violemment à la république à travers la fête nationale, mais plus particulièrement à la loi de 1905 qui priverait, selon lui « la majorité des jeunes français de l’Eglise chassée de l’enseignement public » , la loi sur l’IVG et la politique migratoire du gouvernement. En regard, il fait prévaloir les racines chrétiennes, les valeurs de la famille, de la vie, de l’ordre et de l’autorité. Son message est repris par Anne Lorne et les Veilleurs de Cognac tandis que l’abbé Grosjean surfe sur la surenchère des guerres de religion : « Un prêtre est tombé, cent se lèveront pour servir ce monde» et qu’Alain Escada (Civitas) poste sur son blog (3/8) « Le grand rembarquement » et l’image d’un croisé intitulée « Défends ta foi ». Un groupe « Avenir de la culture » lance une pétition sur Facebook pour exiger l’interruption du dialogue avec les musulmans, l’urgence de les évangéliser et de faire reconnaître les racines chrétiennes de la France.

3-La reprise par des modérés des attaques contre la laïcité, l’égalité et l’école publique: Si le cardinal André Vingt-Trois instrumentalise la mort de Jacques Hamel en s’en prenant à la loi Taubira (ci-dessous, 29/7), Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef de La Croix, focalise ses analyses sur la victimisation de l’Eglise catholique -en oubliant les Juifs- et remet en cause l’école publique et la loi de 1905 : «vous avez une laïcité, en France, qui empêche qu’il ait des pôles ou des universités théologiques …on a une laïcité qui empêche de parler de Dieu à l’Université, c’est complètement ridicule ..il est temps que l’Etat fasse un geste» (F 5, C dans l’air, 28/7). Sur France Info, elle avance que la religion manque « de moyens, de financements pour s’organiser. La loi de 1905 ne permet pas à l’Etat de financer les mosquées et les financements des imams » (31/7). Dans Paris-Normandie, (31/7), Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, va dans le même sens : « Dans nos écoles publiques, on n’a pas le droit de croire….si l’un d’eux lève le doigt en disant : « Moi, madame j’ai fait ma première communion », elle dit : « Quelqu’un d’autre a quelque chose à dire… La liberté elle est où ? Dans nos écoles. Dans les écoles publiques il n’y a pas de liberté. Là où il y a la liberté, c’est là où on peut dire que l’on croit. ». Ces caricatures visent sur le fond, en rupture avec la loi, à obtenir de l’Etat le financement des universités confessionnelles et des agents du culte. Pour un catholicisme en perte de vitesse depuis 30 ans, l’argent public apparaît plus que jamais le nerf de la guerre. Nul doute donc que ces surenchères ne soient en relation directe avec la proximité de la primaire de la droite : c’est bien une droite désormais contaminée par les identitaires -et non plus seulement l’extrême-droite- qui agite la suppression de la loi de 1905 comme enjeu majeur de la campagne présidentielle.

La Ligue des Droits de l’Homme s’oppose fermement à ce changement. Le 8 avril 2015, elle rappelle dans un communiqué que : « Il n’appartient pas à l’Etat et au gouvernement de s’ingérer dans l’organisation des cultes, ni de désigner ses « interlocuteurs officiels », ni de former les religieux et encore moins de délivrer des diplômes religieux. Nos associations rappellent ce que disait Victor Hugo : « L’Etat chez lui, les Eglises chez elles ». Toute autre disposition visant à l’ingérence de l’Etat dans les cultes relève de l’esprit de concordat. »