Vers une nouvelle prolongation de l’état d’urgence : pour quelles raisons ?

Le vote à l’Assemblée nationale de la prolongation pour 3 nouveaux mois de l’état d’urgence devrait intervenir mardi 16 février. Pour quelles raisons ?

Une dramatisation du contexte ?

Certains ne tendent-ils pas à dramatiser le contexte pour que cet état d’urgence soit encore prolongé de 3 mois au-delà du 26 février, pour pousser à cette prolongation durable de l’état d’urgence, comme d’ailleurs ne s’en est pas caché Manuel Valls lors d’un interview à la BBC (selon l’AFP, communiqué ci-joint). Ainsi, Manuel Valls, Premier Ministre, récidive et a affirmé à Munich le 13 février « qu’il y aura d’autres attentats d’ampleur en Europe » et que nous vivons dans une période d' »hyperterrorisme ». Comme il y aura la coupe d’Europe de foot à Saint-Denis en juin-juillet, pourquoi pas prolonger encore de 3 mois après celle qui serait décidée ce mardi ? Ca peut durer longtemps ! Et cela devient un état d’exception durable et non un état « d’urgence ».

Les principaux objectifs ont été atteints

Pourtant Monsieur Urvoas, alors député et président de la Commission des lois de l’Assemblée Nationale, (dixit l’article de Sud Ouest transmis en pièce jointe) avait estimé le 13 janvier dernier, que l’intérêt de l’état d’urgence s’estompait car « les principaux objectifs [de l’état d’urgence] avaient été atteints » et cela pour peu de résultats 40 personnes interpellées pour leur implication présumée dans des filières, pour des menaces ou apologie du terrorisme, selon le Ministère de l’Intérieur. Le problème avec l’état d’urgence est, comme le souligne la LDH, citée dans l’article de Sud Ouest, est la mise à l’écart des juges judiciaires, c’est à dire de la justice indépendante. La LDH réclame ce rétablissement de l’Etat de droit, ainsi que de la liberté de manifester et l’arrêt des perquisitions sans mandat autre que celui des Préfets et du Ministère de l’Intérieur.

Constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité: des vagues

Par ailleurs, le débat et le vote de la modification de la Constitution pour y introduire l’état d’urgence et la déchéance de nationalité fait de plus en plus de vagues. Une profonde division traverse le groupe majoritaire. Près de 100 députés du PS sont contre et d’autres s’abstiennent. Les 3/5e du Congrès semblent de plus en plus difficiles à réunir.

Cela fait dire au député de La Rochelle Olivier Falorni, qui s’est abstenu, que ce projet de loi est « inutile et inefficace », qu’il est ‘ »un coup de politique qui se transforme aujourd’hui en coût politique. Ce coût c’est celui de la division, là où il aurait fallu de l’unité ». On ne serait être plus clair !

Même Emmanuel Macron, Ministre de l’économie, a déclaré lors d’une rencontre avec la fondation France-Israël: « J’ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place que ce débat a pris. On ne traite pas le mal en l’expulsant de la communauté nationale, il faut prévenir et punir implacablement ».

Henri Moulinier
Délégué régional LDH Poitou-Charentes