Expulsions et incendies de camps de Roms se multiplient

Médiapart

03 avril 2013 |

Après Moulin-Galant la semaine dernière, un autre grand campement de Roms d’Essonne a été démantelé, mercredi 3 avril : celui de Ris-Orangis. Entre 300 et 400 personnes résidaient dans le premier, environ 250 dans le second. Alors que la trêve hivernale vient de finir, selon l’agenda administratif, les évacuations, qui n’ont jamais complètement cessé, se multiplient malgré des températures encore proches de zéro. La crise politique traversée par le gouvernement n’empêche pas les forces de l’ordre, sous la houlette de Manuel Valls, de continuer à sévir à l’encontre de populations parmi les plus précaires de France.

Ce terrain situé en bordure de la N7 était habité depuis un an. Pendant de longs mois, les résidents ont fait l’objet d’un harcèlement quasi quotidien de la part des policiers, mais aussi de la mairie socialiste, qui a cherché à les faire partir par tous les moyens (lire nos enquêtes ici et ). L’association Pérou, pour Pôle d’exploration des ressources urbaines, y avait engagé une expérience inédite, symbolisée par la construction d’une salle polyvalente en bois, conçue comme un lieu d’accueil, nommée « Ambassade du Pérou ». Cet espace, comme l’ensemble des cabanons, ont été mis à terre.

Dans un communiqué, la préfecture affirme que l’évacuation a eu lieu « en application d’un arrêté municipal motivé par des risques importants de sécurité » et que 12 familles ont été « retenues » pour « participer à une plate-forme d’insertion avec installation d’une base de vie sur un terrain situé sur la commune de Ris-Orangis ». « En attendant la mise en place de la base de vie sous trois semaines par les services du conseil général, un hébergement transitoire a été proposé à ces familles. Les autres familles se sont vu proposer une mise à l’abri », ajoute-t-elle.

« Les personnes “sélectionnées” pour le dispositif d’insertion, 19 adultes accompagnés de 18, bientôt 19 enfants, ont été régularisées et la plupart ont obtenu un contrat de travail », précise l’initiateur du projet Pérou, Sébastien Thiéry, qui se réjouit pour elles, mais souligne le désarroi des autres familles. « Les propositions de logement ne correspondent pas à ce qui était prévu, insiste-t-il, puisqu’elles consistent le plus souvent en quelques nuits dans des hôtels dispersés dans les quatre coins de l’Île-de-France, à Aubervilliers, à Nanterre ou à La Courneuve, ce qui complique les choses pour la scolarisation des enfants. Par ailleurs, certains se retrouvent sans rien. »

« L’évacuation s’est déroulée sans accroc, mais la suite a révélé l’état de panique, l’impréparation des pouvoirs publics, qui sont apparus dépassés par une situation qu’ils ont eux-mêmes créée », constate-t-il, après avoir passé la nuit sur place.

Arrivée à la première heure, Colette Olczyk, membre de l’Association de solidarité en Essonne aux familles roumaines, Roms (ASEFRR), raconte une journée en forme d’odyssée. « Avec les familles encore présentes, indique-t-elle, on a erré un peu partout dans l’Essonne. On a été accueillis sur le parvis de l’église avant d’être chassés par les CRS. On est allés à la Maison des solidarités, mais on n’a pas pu rentrer. On a fini par être reçus par le Secours islamique de Massy. Ils nous ont donné à manger, à boire. Après cette journée d’errance, c’était inespéré. » Après avoir récupéré un moyen de transport collectif, la petite troupe a repris son chemin vers Ris-Orangis, en quête d’un toit à proximité des écoles, mais le véhicule a été intercepté et bloqué par les forces de l’ordre avant que des solutions parcellaires ne soient trouvées pour la nuit dans les alentours. Concernant les jours à venir, c’est l’incertitude. « Ce qui se passera demain, on n’en sait rien », déplore-t-elle.

Le même jour que l’opération à Moulin-Galant, bidonville autour duquel un film a été réalisé, des bulldozers ont détruit les baraques d’un campement à Villeurbanne, près de Lyon, qui abritait environ 80 personnes, sous le regard des familles délogées.

À Lille, 160 Roms installés depuis deux ans le long d’une voie rapide sont, quant à eux, dans l’attente d’une décision du tribunal administratif concernant leur éventuelle évacuation.

Ces démantèlements interviennent dans le sillage des déclarations du ministre de l’intérieur à propos de la poursuite des expulsions. « Hélas, les occupants des campements ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution », avait-il martelé pour justifier son action.

Dans le même temps, les incendies de terrains où vivent des Roms se succèdent, sans que leur origine, accidentelle ou criminelle, ne soit établie. Pour l’instant, aucun n’a fait de victime. Le dernier en date remonte à quelques jours à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Les flammes ont embrasé les habitations de fortune vers 21 heures dans la soirée de dimanche. Des résidents s’étaient présentés à la mairie trois jours auparavant pour dénoncer des menaces dont ils disaient avoir été victimes, selon l’AFP, qui cite une « source proche de l’affaire » confirmant que deux hommes s’étaient rendus sur leur campement, qu’ils avaient « tenté de mettre le feu avec des bidons » d’essence et qu’une bagarre s’en était suivie.

Ces dernières semaines, des incendies ont également dévasté des camps à Saint-Fons, près de Lyon, à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, à Sarcelles, dans le Val-d’Oise, et à Wissous, dans l’Essonne. À Montreuil, en Seine-Saint-Denis, des véhicules de chantier ont été vandalisés sur un terrain dégagé pour accueillir des logements modulaires destinés à des familles roms. À chaque fois, les circonstances restent obscures. Là où des enquêtes ont été engagées, les préfectures refusent de communiquer. Parfois, en l’absence de plainte, aucune recherche n’a été diligentée.

Sans cesse déplacée, cette population sollicite les dispositifs d’urgence de droit commun. Elle se retrouve en concurrence avec les familles les plus démunies vivant en France. La pression ininterrompue sur les structures d’hébergement comme le 115 ne peut que s’accentuer avec la reprise des expulsions locatives. Reportée de quinze jours, la trêve s’est achevée le 31 mars, en même temps que le plan hivernal de mise à l’abri des personnes sans domicile fixe.