Auch : contraints de dormir dans la voiture avec leurs enfants de 3 et 2 ans
La préfecture refuse autorisation de travail et statut de réfugiés politiques à une famille d’Arméniens. Mais s’ils rentrent chez eux, ils s’attendent à être exécutés
La famille Markosyan a garé sa voiture sur la place de la cathédrale, à côté du commissariat, « par sécurité ». (Photo Michel Amat)
Mardi soir dernier, Elena, trois ans et Artur, deux ans, ont mangé une banane en lieu et place du dîner. Et si le biberon de lait était chaud, c’est uniquement parce que les fonctionnaires du commissariat ont accepté de prêter le micro-ondes de l’hôtel de police quelques minutes. Car depuis deux nuits, Elena, son petit frère et leurs parents Ruzanna et Avetis Markosyan n’ont plus d’autre choix que de dormir dans leur voiture.
Une situation dramatique à laquelle Avetis s’était habitué depuis plusieurs mois, mais qui devient intenable avec deux enfants en bas âge. Si les Markosyan se retrouvent ainsi à la rue, c’est que leur demande de statut de réfugiés politiques leur a été refusée. En Aveyron pourtant, la sœur d’Avetis a obtenu les précieux papiers qui reconnaissent qu’elle est en danger dans son pays d’origine. Le jeune père de famille ne comprend pas : « Nous avions le même dossier ».
S’il a quitté l’Arménie en 2011, avec sa mère, son frère, sa sœur, sa petite fille et sa jeune épouse enceinte, c’est qu’Avetis et sa famille n’étaient plus en sécurité.
« Mon père était un opposant au président Serge Sarkisyan. Nous avons subi des violences et des menaces, ma femme a fait deux fausses couches à cause des coups qu’elle a reçus lors de descentes chez nous. Un jour, mon père a été arrêté et conduit au commissariat pour y être interrogé. Le président voulait savoir où se trouvaient les rotatives qui servaient à imprimer le journal d’opposition dans lequel travaillait mon père. Il n’est pas ressorti vivant ».
Après le décès de son père, « l’assassinat », insiste Avetis, l’ultimatum est sans appel : « Soit on quittait le pays, soit ils tuaient toute ma famille ».
Les Markosyan s’envolent donc précipitamment pour la France en juillet 2011. Ruzanna est enceinte jusqu’aux yeux. Elle accouche d’ailleurs le jour même où elle pose les pieds sur le sol français. Le petit Artur est donc français. Mais pour sa grande sœur et ses parents, commence un long parcours du combattant pour obtenir titres de séjour et statut de réfugiés politiques.
En début d’année, Ruzanna, qui était infirmière en Arménie, mais qui faute de papiers ne peut faire valider son diplôme en France, parvient néanmoins à décrocher un emploi d’aide-soignante chez les Petites Sœurs des pauvres à Auch. « Elle s’est très bien adaptée dans notre établissement, tant avec ses collègues qu’avec les pensionnaires. Elle a fait beaucoup d’efforts pour apprendre à parler correctement le français », certifie la mère supérieure.
Également directrice de l’établissement des Petites Sœurs des pauvres, elle atteste dans un courrier du 22 mars dernier qu’elle lui réserve un contrat à durée indéterminée pour la rentrée.
Las, en juin, la préfecture lui refuse l’autorisation de travail. Empêchée de travailler et donc de gagner un salaire, Ruzanna et ses deux petits ne peuvent plus être hébergés dans des centres d’accueil, encore moins louer un appartement. Et faute de papiers, elle ne peut pas toucher le chômage en dépit de l’emploi qu’elle a exercé chez les Petites Sœurs des pauvres.
« C’est insoluble », se désole son mari, maçon de métier, qui lui non plus ne peut pas travailler. « La préfecture nous a intimé de quitter le territoire. Nous avons déposé un recours devant le tribunal administratif de Pau qui, à ce jour, n’a pas été jugé ».
En attendant, sans argent, ni toit, leur voiture est donc leur seul refuge. Et les colis alimentaires des associations locales, leur seul moyen de survivre. « Heureusement que c’est l’été, car nous mangeons froid puisque nous n’avons rien pour faire chauffer ou cuire les aliments », ironise tristement Ruzanna.
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