Catégorie : Etrangers, Droit de vote..

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Le gouvernement? Les «minorés visibles» préfèrent en rire

Mediapart.fr

29 avril 2014 | Par Stéphane Alliès

 Une quarantaine d’associations de lutte anti-discriminations ont choisi de se « coaliser », pour proposer au pouvoir d’« arrêter d’être » ce qu’ils sont. Une façon de dénoncer par l’absurde l’inertie de la gauche.

Quand on n’a (plus) que l’humour… Ce mardi, dans un café du centre de Paris, des représentants d’une quarantaine d’associations de lutte contre les discriminations ont choisi d’emprunter le chemin de l’absurde pour dire leur désarroi face à l’indifférence gouvernementale. Réunis à l’initiative du collectif « Stop contrôle au faciès », ils ont dévoilé une campagne de promotion qu’ils proposent aux pouvoirs publics de diffuser à leur compte. Afin de rendre plus raccord la communication avec l’absence d’actes de François Hollande, depuis son accession à l’Élysée, il y a deux ans. Et puisque Manuel Valls « ne propose en définitive que d’arrêter d’être ce qu’on est », explique Sihame Assbague, porte-parole du collectif, une dizaine d’affiches, frappées du slogan « Arrêtez d’être », seront dévoilées d’ici dimanche, jour d’une « fête du rire », dans un squat du nord de la capitale, mis à disposition par le DAL et Jeudi-Noir (voir ici le site spécialement dédié).

L'une des trois premières affiches dévoilées ce mardi
L’une des trois premières affiches dévoilées ce mardi

L’initiative est plus sérieuse qu’il n’y paraît, et le « rire collectif » se veut jaune face au « sens de l’humour » de Hollande et à la promotion de Manuel Valls, du ministère de l’intérieur à Matignon. « Une belle blague en soi », explique Amadou Ka, des Indivisibles. « Tout ça devient tellement grotesque, enchaîne Sihame Assbague. Tous les engagements du candidat sur la lutte contre les discriminations se sont avérés être une succession de leurres. » « C’est une façon de traduire ce qu’il ressort entre les lignes de la langue de bois gouvernementale : “À nous de nous travestir, à nous de nous nier” », appuie de son côté Franco Lollia, de la « Brigade anti-négrophobie ».

La singularité de l’événement, soulignée par tous les présents, est l’étendue de l’arc de forces qui s’est regroupé autour de la blague pas si potache. Associations de quartiers populaires, d’handicapés, de mamans voilées, de lutte contre la précarité dans le logement, contre l’islamophobie et le racisme, ou de défense des Rroms ou des sans-papiers… « Nous sommes tous des “minorés visibles”, chacun avec nos spécificités, mais faisant tous partie de la population qui n’a pas accès aux mêmes droits que les autres », explique Sihame Assbague, qui défend l’idée d’une « coalition ».

Une idée déjà défendue par Mohammed Mechmache, fondateur de l’association collectif liberté, égalité, fraternité, ensemble, unis, (ACLEFEU), prônant une alliance entre universitaires et acteurs des quartiers populaires pour mieux se faire entendre (lire notre article). Ce dernier est encore de la partie, estimant que « ce qui réunit tout le monde ici, c’est l’idée de prendre le pouvoir en se prenant en main, face aux promesses trahies ». Candidat écolo aux européennes (en troisième position sur la liste Île-de-France), Mechmache ne tarit pas de critiques face à ceux qui « ont fait lever les salles sur les questions d’égalité pendant la campagne », et qui, finalement, n’ont « même pas sorti l’immigration et l’intégration du ministère de l’intérieur, comme sous Sarkozy ».

L'une des trois premières affiches dévoilées ce mardi
L’une des trois premières affiches dévoilées ce mardi

Pour le porte-parole du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), Louis-Georges Tin, l’initiative « contrecarre le cliché selon lequel les associations n’ont pas d’humour, voire empêchent l’humour ». Comparant « les meilleurs scores de Hollande en 2012 » dans les Dom-Tom et la Seine-Saint-Denis, ainsi que le très fort vote musulman en faveur des socialistes, avec le fait que « neuf des dix villes les plus abstentionnistes aux dernières municipales se trouvent dans le 9-3 », Tin observe : « Avec les minorités, la gauche peut gagner. Sans elles, elle est condamnée à l’échec. »

En portant à nouveau le fer, et en tentant de faire unité entre discriminés, les « coalisés » n’ont pour l’heure pas réfléchi à d’autres actions. « La rapidité de la réaction des associations montre l’ampleur du malaise », indique toutefois Sihame Assbague, pour qui cette première action est « un signal à ceux qui nous gouvernent : nous ne sommes pas aussi divisés que vous le pensez. » Elle se lamente du sens donné par Hollande à la nomination du premier ministre : « Ce pouvoir ne gouverne que par les sondages. La popularité de Valls était déjà le principal argument donné aux ministres qui soutenaient le récépissé de contrôle d’identité. Mais à Matignon, il semble avoir rallié à lui deux de nos plus importants soutiens, Montebourg et Hamon, qui désormais se taisent sur ce sujet… »

Pour autant, elle nourrit encore quelques espoirs sur le successeur de Valls à l’intérieur, Bernard Cazeneuve. « Il a l’air beaucoup plus ouvert, dit-elle. Déjà, il est d’accord pour nous recevoir, ce qui nous a été systématiquement refusé jusqu’ici. » Comme l’humour, l’espoir fait vivre…

Section de Chancelade. Projection du film « Le village de carton à Périgueux. Lundi 24 mars à 20h.

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Juifs, homos, Noirs, Roms, musulmans: l’extension du domaine de la haine

 Mediapart.fr

14 février 2014 | Par Carine Fouteau

 

© Nicolas Serve

Encore une profanation de mosquée. Et des Roms attaqués. Le tout dans un climat aux relents homophobes et antisémites. Aucune minorité n’est épargnée. François Hollande en appelle à l’«apaisement», mais son incapacité à produire un discours puissant de cohésion sociale laisse le terrain libre à l’exacerbation des haines. 

La désignation de boucs-émissaires varie au fil des ans de manière apparemment aléatoire au gré des faits divers et de leur écho politico-médiatique. La roue de l’infortune tourne et s’arrête sur les uns, puis sur les autres. Une fois les Noirs, une fois les Arabes, une fois les Juifs, une fois les homosexuels, une fois les enfants d’immigrés, et ainsi de suite. Il arrive que la roue s’enraye. En France, pendant plusieurs années, elle est restée bloquée sur les musulmans et les Roms. Depuis quelques mois, elle repart de plus belle. Mais reste détraquée: tous sont visés à la fois!

L’automne 2013 voit ressurgir un racisme anti-Noir à travers la ministre de la justice Christiane Taubira lors d’un déplacement en Maine-et-Loire. «C’est pour qui la banane? C’est pour la guenon!», l’insultent des mineurs dans le cadre d’une action organisée par le collectif de la «Manif pour tous». À l’hiver 2013-14, l’antisémitisme de Dieudonné M’Bala M’Bala rejoint celui de groupuscules d’extrême droite. Le «jour de colère» résonne en pleine rue de slogans anti-Juifs. Du jamais vu depuis les années 1930. S’y agrègent des propos xénophobes, homophobes ou islamophobes. Les cortèges du mouvement héritier de la lutte contre le mariage pour tous débordent de relents homophobes et sexistes. La polémique orchestrée par l’ex-militante anti-raciste Farida Belghoul contre la «théorie» du genre produit elle aussi des alliances propices aux dérapages.

Plus un jour ne passe sans un acte islamophobe. Dernier exemple en date: une tête de porc et des morceaux de viande retrouvés dans l’enceinte d’une mosquée à Blois. Et les Roms! Les violences touchent désormais à leur intégrité physique comme en témoignent les agressions à l’acide dont sont victimes des familles installées sur les trottoirs de la place de la République à Paris. Noirs, Juifs, homos, musulmans, Roms: l’extension du domaine de la haine, fondée sur un commun rejet de l’égalité (entre les hommes et les femmes, entre les homosexuels et les hétérosexuels, entre les origines) semble sans limite.

Un exemple parmi d'autres: un tweet du reponsable du Bloc identitaire.
Un exemple parmi d’autres: un tweet du reponsable du Bloc identitaire.

Le bouc-émissaire endosse une fonction précise. Présumé fautif, il sert de punching-ball collectif. Lui taper dessus apparaît acceptable. Quels sont ses torts présumés? Il est accusé de prendre le boulot, les allocs, la femme, l’argent du «Français de souche», comme peut le dire l’essayiste Alain Finkielkraut sur une chaîne du service public sans être interrompu. Autant de reproches évidemment infondés, mais dont il doit répondre. Le bouc-émissaire est un faux-coupable, mais un faux-coupable utile: exposé à la vindicte populaire, il masque les dysfonctionnements politiques et économiques des gouvernants et propulse l’extrême droite sur le devant de la scène, donnant un écho démesuré aux discours haineux de quelques centaines d’individus.

Coupable idéal, le bouc-émissaire se repère facilement. Issu d’un groupe minoritaire, il est soit pauvre, soit venu d’ailleurs, soit réprouvé, en tout cas perçu comme différent. Parce que les minorités ne manquent pas (il est même probable que mises bout à bout elles constituent une majorité), il n’y a que l’embarras du choix. Mais il ne peut qu’être identifié à une population jugée non-représentative de la société dominante. Alain Dupont, 55 ans, né à Angers de parents français, marié à Micheline, a peu de chance d’être un jour désigné: il est un homme, a priori blanc, d’un certain âge. Insoupçonnable. Le bouc-émissaire est Autre: il fait peur, miroir d’un possible déclassement.

Malgré l’apparence, la roue de l’infortune ne s’arrête pas au hasard. Elle est truquée. Toute stigmatisation de tel ou tel est stratégique. En l’espace d’une décennie, entre son arrivée au poste de ministre de l’intérieur en 2002 et son départ de l’Élysée en 2012, Nicolas Sarkozy est devenu un expert: étrangers, immigrés, musulmans et Roms sont la cible à presque tous les coups. En charge des questions de sécurité et d’immigration place Beauvau, sa politique consiste à distinguer les «bons» immigrés, bardés de diplômes, des «mauvais» immigrés, venus rejoindre leur conjoint. Les cerveaux contre les boulets. Dans la même logique, il ouvre les bras aux «vrais» demandeurs d’asile, tout en fustigeant les «faux» réfugiés, ces migrants économiques fuyant la misère ou la famine, accusés de «détourner les procédures».

Cette philosophie de la segmentation est reprise par ses proches. En septembre 2007, le député Thierry Mariani cherche à faire passer des tests ADN aux candidats au regroupement familial. Deux plus tard, Brice Hortefeux, alors ministre, est pris en flagrant délit d’«humour auvergnat». À son interlocutrice qui présente un militant, Amine, né de père algérien, comme mangeant du porc et buvant de la bière, il rétorque: «Ah, mais ça ne va pas du tout, alors, il ne correspond pas du tout au prototype.» Puis il ajoute: «Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes.» Ses insinuations lourdes de préjugés ne l’empêchent pas de se défendre d’être raciste. Condamné en première instance, il est relaxé en 2011 par la cour d’appel qui juge néanmoins ses propos «méprisants» et «outrageants». Depuis, Rama Yade et Azouz Begag lui reprochent ses réflexions et gestes racistes.

Dans ce sillage, l’ensemble de la majorité du quinquennat précédent se prend à tourner la roue: le «grand débat sur l’identité nationale», dont l’organisation est déléguée au transfuge du PS Éric Besson, donne lieu à l’automne et à l’hiver 2010 à un déferlement inédit de déclarations anti-musulmans. Tout à son projet de chasser sur les terres électorales du FN, l’ex-président atteint des sommets, en désignant, à l’été suivant, dans son discours de Grenoble, les Roms et en promettant de déchoir de la nationalité française certains délinquants «d’origine étrangère».

Dans son rapport annuel publié en mars 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) constate les dégâts. Elle qui observait depuis l’après Seconde guerre mondiale un mouvement général d’ouverture de la société française (avec des à-coups) perçoit une soudaine dégradation. Elle la date à 2009, année du «débat sur l’identité nationale». En trois ans, l’intolérance gagne du terrain: l’indice qui lui sert d’outil de mesure chute de près de 10 points.

Depuis 2009, la tolérance de la société française s'amenuise, selon la CNCDH.
Depuis 2009, la tolérance de la société française s’amenuise, selon la CNCDH.

Tous les boucs-émissaires, pendant ce quinquennat, ne sont pourtant pas également pointés du doigt. Homosexuels et Juifs sont globalement épargnés. Pourquoi? Ils servent de caution à l’UMP et au FN pour mieux exclure les étrangers et les presque-étrangers. C’est ce que soulignent Lise Wajeman, maître de conférence en littérature comparée, et Pierre Zaoui, philosophe, dans un éditorial de la revue Vacarme, «Minority trouble», du printemps 2011.

Notant l’«OPA» de la droite et de l’extrême droite sur les femmes, les gays et les Juifs, ils indiquent par exemple qu’«il suffit (alors) d’attester de son non-antisémitisme pour s’autoriser d’un racisme légitime envers d’autres minorités». «C’est parce qu’elle teinte son islamophobie et son racisme fondamentaux d’un peu de philosémitisme et de défense de la laïcité que Marine Le Pen gagne dix points dans les sondages par rapport à son père», écrivent-ils tout en anticipant la suite: «Les minorités promues par la droite d’aujourd’hui (en 2011) peuvent avoir la certitude qu’elles incarneront les mauvais citoyens de demain.»

«Conjonction des intégrismes»

La roue de l’infortune a tourné, et de fait, Juifs et homosexuels se retrouvent dans le collimateur. Non des pouvoirs publics, mais des conservateurs et des réactionnaires qui battent le pavé depuis le début du quinquennat de François Hollande, soit pour dénoncer les quelques réformes sociétales engagées par la majorité de gauche, soit pour exprimer leur volonté de renverser le régime. Dans ce climat délétère, une alliance paradoxale se noue entre des éléments de la droite extrême et des défenseurs de Dieudonné, via l’essayiste Alain Soral autoproclamé «national-socialiste».

Une «collusion objective» d’adversaires se réalise autour d’un plus petit dénominateur commun. Des islamophobes notoires dénonçant le «grand remplacement» défilent aux côtés de musulmans revendiqués au nom d’un rejet partagé des Juifs et des homosexuels. Antisémitisme et homophobie comme trait d’union. D’autres glissements ont lieu, comme dans le cas des militants de la «Manif pour tous» cédant au racisme anti-Noir le plus primaire. Entre les intégristes catholiques et Farida Belghoul, le lien, à un autre moment, se tisse à partir d’un sexisme et d’une homophobie à peine voilés. Dans la marche du dimanche 2 février, une banderole en arabe et en français affiche «Les Français musulmans disent non au mariage homosexuel».

C’en est trop pour les pourfendeurs des inégalités et des discriminations. Appels et communiqués se succèdent: la Ligue des droits de l’Homme dénonce la «conjonction des intégrismes», tandis que des associations et intellectuels maghrébins se rassemblent pour se démarquer de tout antisémitisme, de tout sexisme et de toute homophobie en rappelant l’assise égalitaire des luttes d’indépendance et des luttes sociales de part et d’autre de la Méditerranée.

Mais rien n’arrête la roue. Sa folie apparaît à son comble lorsque la main qui la tourne est elle-même minoritaire. Minorités contre minorités. Victimes contres dominés. Dans leur texte intitulé «Juifs et Noirs: raviver les solidarités», la socio-anthropologue Nicole Lapierre et l’historien Pap Ndiaye analysent l’antisémitisme de Dieudonné à l’aune d’une «concurrence victimaire destructrice» sur fond de compétition des mémoires – commémoration généralisée de la Shoah versus difficile remise en cause du passé colonial.

Les chercheurs expliquent comment cette pensée réactive la rhétorique de la conspiration qui a émergé aux États-Unis dans les années 1990 au sein de groupes extrémistes noirs liés à Nation of islam dirigé par Louis Farrakhan, «ceux-ci accusant les Juifs de cacher leur responsabilité massive dans la traite des esclaves et de promouvoir le génocide pour en tirer profit». Le trouble de la comparaison vient non seulement de son actualité mais aussi de ce qu’elle rappelle que la haine des minorités n’est pas propre aux dominants. Quand les boucs-émissaires échouent à s’allier, la convergence des haines se profile.

Mais à qui profite-t-elle? Pas forcément à ceux qui lancent la roue. Prompts à souffler sur les braises et agiter les peurs, les dirigeants de l’opposition, en cet hiver 2013-14, s’ils ne sont pas à l’initiative, participent au défoulement et espèrent en bénéficier. Henri Guaino revigore son image de souverainiste réactionnaire en manifestant contre la supposée «familiophobe» du gouvernement. Après avoir dit «comprendre» les parents inquiets de la «théorie» du genre, Jean-François Copé, chef de file de l’UMP, prêt à sauter sur toutes les polémiques, va jusqu’à dénoncer un ouvrage recommandé, selon lui, aux enseignants du primaire et intitulé «Tous à poil!» À quelques semaines des élections municipales, les élus de droite comptent capitaliser sur ces fractures.

Dans la majorité, le ministre de l’intérieur Manuel Valls a cru, lui aussi, que son bras-de-fer avec Dieudonné, renforcerait son image d’autorité. La responsabilité est partagée au plus haut niveau. Incapable d’assumer un discours politique puissant pour contrer les dérives, François Hollande laisse faire.

S’exprimant aussi rarement que possible sur les questions sociétales pour ne parler presque exclusivement d’économie, le président de la République, par son silence, donne libre cours à une hystérisation des faits divers. Plutôt que de proposer un nouveau récit où chacun trouverait sa place, il se limite à marteler sa volonté incantatoire d’«apaisement». Le résultat est inverse à celui recherché: l’apaisement se transforme en chaos. Au racisme d’État ciblé sous Nicolas Sarkozy se substitue un multiracisme diffus.

Utiles à quelques-uns, les boucs-émissaires finissent par fracturer durablement la société. Un désordre dont le philosophe Giorgio Agemben explique dans un récent texte – «Comment l’obsession sécuritaire fait muter la démocratie» – publié dans le Monde diplomatique qu’il ne constitue pas une conséquence infortunée, mais une technique de gouvernement comme une autre visant à la perpétuation des pouvoirs économiques et politiques en place.

 

 

Le retour de l’ordre moral

Par Ingrid Merckx30 janvier 2014

Les manifestants réunis à Paris ce 26 janvier sont absolument contre : les gays, l’avortement, l’euthanasie, les étrangers, les juifs, l’art qu’ils jugent « dégénéré » et, surtout, les socialistes au pouvoir.

Hollande « l’anti-France ». On entendrait presque « l’antéchrist » dans cette fronde « anti-gouvernement-Hollande » lancée par ce que le pays fédère aujourd’hui de plus conservateur et réactionnaire, voire fascisant, sous la bannière « Jour de colère ». Les manifestants réunis à Paris ce 26 janvier sont absolument contre : les gays, l’avortement, l’euthanasie, les étrangers, les juifs, l’art qu’ils jugent « dégénéré » et, surtout, les socialistes au pouvoir. Lesquels en deviendraient presque héroïques d’oser défendre encore l’égalité des droits avec le mariage pour tous – décidément le catalyseur – et l’extension du droit à l’avortement avec la loi sur l’égalité femmes-hommes en discussion à l’Assemblée. Bientôt le congé parental partagé avec les pères ? L’euthanasie ? Ce qui réveille les partisans de l’ordre moral aujourd’hui, c’est la hantise de ce qu’ils nomment un changement de civilisation, dont la famille serait la première victime. Fini le « bon père de famille », « l’enfant à naître », « un père + une mère »  ! Derrière la défense d’un modèle canonique et hétérosexuel s’exprime la nostalgie d’un ordre patriarcal tel que l’a rêvé l’Action française. D’où un slogan ressorti des greniers moisis : « Travail, famille, patrie ». Mais pas seulement par des anciens : ce sont des jeunes catholiques qui ont adressé une « supplique au pape » pour lui faire part de leur « malaise ». Ce sont des jeunes mères « féminines », et surtout pas féministes, qui militent ici pour un retour à la « nature profonde de la femme ». Mais ce sont aussi 85 % de citoyens qui sentiraient la France décliner. De quoi faire les choux gras du FN ou d’organes comme Valeurs actuelles. Au-delà du cri du petit Blanc effrayé par le changement, c’est tout un climat qui transpire, jusque sur les bancs de la gauche gouvernementale, qui ne se montre pas toujours téméraire – comme en témoigne l’abandon de la PMA ou de la gestation pour autrui. Il faudrait pourtant passer à la contre-offensive. Mais une société ne se soigne pas sans politique sociale.

Valls confirme l’ouverture prochaine des centres de rétention aux journalistes

 Mediapart.fr

31 janvier 2014 | Par Carine Fouteau

Lors de la présentation du bilan de sa politique migratoire, Manuel Valls a réfuté les accusations de laxisme portées par la droite. Il a bataillé pour expliquer que la baisse des expulsions est un effet d’optique et que la hausse des régularisations est temporaire.

Lors de sa conférence de presse organisée ce vendredi 31 janvier sur la politique d’immigration, Manuel Valls a confirmé que les journalistes ainsi que les associations de défense des droits des étrangers pourraient visiter les lieux dans lesquels sont enfermés les étrangers en situation irrégulière en instance de reconduite à la frontière. « L’accès des associations et des journalistes en centre de rétention sera consacré par décret dans les prochains jours », a-t-il affirmé. Jusqu’à présent, l’absence de procédure limitait drastiquement les possibilités de franchir la porte de ces établissements par lesquels ont transité 43 746 personnes en 2012 (métropole et outre-mer). Les reporters pouvaient y entrer au compte-gouttes, en fonction du bon vouloir de l’administration, sans qu’aucune règle n’encadre les droits et devoirs de chacun. Seules cinq associations étaient en contact régulier avec les sans-papiers en raison de leurs attributions d’accompagnement juridique. Les services du ministre de l’intérieur ont assuré que le décret sera publié dès qu’il aura été validé par le conseil d’État.

Cette solution semble ainsi l’emporter sur celle défendue au ministère de la justice d’amender le projet de loi sur le secret des sources. Christiane Taubira a en effet proposé que les dispositions prévues pour les établissements pénitentiaires soient élargies aux centres de rétention et aux zones d’attente, dans le cadre de visites de députés et sénateurs. Mais l’examen de son texte au Parlement a été reporté sine die, renvoyant à plus tard toute avancée. Le décret signé par Manuel Valls va plus loin car les journalistes devraient être autorisés à entrer dans les CRA de manière autonome, c’est-à-dire sans suivre un élu. Le ministère n’a en revanche pas souhaité détailler les conditions dans lesquelles ces visites seront réalisées. « Nous n’avons pas à rougir de nos dispositifs de lutte contre l’immigration irrégulière. La transparence est ici essentielle », a insisté Manuel Valls.

Cette annonce importante n’était toutefois pas la priorité du jour du ministre, qui, lors de son allocution, s’est évertué à réfuter les accusations de laxisme portées par la droite, s’adressant, à quelques semaines du scrutin municipal, aux électeurs soucieux de sécurité et d’autorité. « Il n’est pas question d’augmenter nos flux migratoires réguliers ; notre marché de l’emploi nous l’interdit, notre démographie ne le justifie pas, notre société ne l’accepterait pas », a-t-il prévenu d’emblée. « La France doit prendre sa part aux mouvements migratoires du monde. Sa juste part », a-t-il poursuivi en référence aux propos éculés de Michel Rocard, évoquant environ 180 000 entrées par an (au titre de la famille, des études et du travail), un chiffre stable depuis plusieurs années.

En réponse à ceux qui lui reprochent de régulariser trop de sans-papiers et de ne pas en expulser assez, bref d’ouvrir les frontières de la France à tout-va, il a affiché sa « fermeté ». Pour démonter la polémique sur les chiffres de l’immigration relancée par Le Figaro, il a repris le thème de la « transparence ». En 2013, 27 051 éloignements ont été effectués par les forces de l’ordre, a-t-il indiqué. Ce résultat, selon lui, ne peut être comparé à ceux des années précédentes (32 912 en 2011 et 36 822 en 2012) car ces derniers ont été gonflés artificiellement par les retours volontaires (principalement de ressortissants roumains et bulgares de la minorité rom). Lorsque les pouvoirs publics se sont rendu compte que l’aide au retour favorisait les allers-retours plutôt que les retours définitifs, Manuel Valls a décidé d’en réduire le montant. Mécaniquement, le nombre de candidats a chuté. Une fois décortiqué cet enchaînement, le ministre s’est félicité de ce que les « vrais éloignements », à savoir les retours forcés, soient en hausse de 2 % d’une année sur l’autre. « Ils atteignent leur plus haut niveau depuis 2006 », s’est-il réjoui. Mieux encore, à l’entendre, les « éloignements les plus complexes, hors de l’Union européenne, augmentent de 13 % ». « La seule chose qui diminue, insiste-t-il, ce sont des effets d’aubaine, liés aux retours aidés, et des truquages statistiques, autour de 8 000. »

Côté régularisations, pas de quoi s’affoler non plus, dit-il en substance. La hausse, « de l’ordre de 10 000 régularisations supplémentaires », observée en 2013 est un « phénomène conjoncturel », lié à la circulaire du 28 novembre 2012. « De très nombreux dossiers ont été déposés en même temps dans les préfectures, en début d’année 2013, et leur traitement simultané a entraîné une hausse mécanique du niveau des régularisations qui n’aura plus de raison d’être en 2014 », assure-t-il. « Il n’y a pas eu de régularisation massive », martèle-t-il.

Le ministre est tout aussi satisfait de sa politique à l’égard des Roms. Elle produit des résultats, estime-t-il. « Les premiers éléments dont je dispose démontrent qu’en fin d’année 2013, il y avait moins de campements illicites en France et qu’ils étaient moins densément peuplés » – le chiffre d’une baisse de 10 % est ainsi avancé de même qu’un recul de 8 000 à 2 600 personnes en bidonville en Seine-Saint-Denis. « Nous continuerons notre politique de démantèlements », a-t-il prévenu. « Nos compatriotes approuvent cette politique de démantèlements », a-t-il ajouté.

Au total, Manuel Valls assume la comparaison avec Nicolas Sarkozy. Il estime même le dépasser sur son propre terrain : « Je ne peux pas laisser dire que le précédent gouvernement incarnait la fermeté. C’était une fermeté de papier. Une fermeté – parfois l’outrance – dans les paroles. Pour ma part, je veux incarner, même si c’est plus exigeant, la fermeté républicaine dans les actes. »

En l’absence de réalisations d’envergure à présenter pour 2013, Manuel Valls a évoqué la nécessité de « prendre le temps d’écouter et d’approfondir », mais a nié tout report lié aux échéances électorales (lire notre analyse). « 2014 sera l’année des grandes réformes structurelles », promet-il, listant une réforme pour « sauver » le droit d’asile et une autre pour créer un titre de séjour pluriannuel visant à simplifier le parcours administratif des étrangers résidant légalement en France. Ces textes sont « prêts », confirment ses services qui travaillent dessus depuis plusieurs mois, mais ils ne seront pas présentés en conseil des ministres avant le mois d’avril.

Malgré un déminage en règle, Manuel Valls n’a pas convaincu l’UMP. « Au lieu d’accuser ses prédécesseurs, il devrait assumer cet échec qui conduit à une baisse des expulsions et à une explosion des régularisations. Le président de la République avait pourtant promis de la fermeté sur l’immigration irrégulière (…). Une nouvelle fois, c’est une promesse non tenue après l’emploi, la croissance, le déficit et la délinquance », indique dans un communiqué Michèle Tabarot, secrétaire générale du parti. Éric Ciotti, député UMP des Alpes-Maritimes, dénonce lui « le laxisme qui guide (la) politique migratoire » du ministre qu’il accuse de vouloir « doubler » le nombre de personnes naturalisées « afin d’élargir l’électorat de la gauche ». Le niveau de naturalisation par décret est, de fait, en hausse de 14 % en 2013, mais le recul avait été si marqué ces dernières années, que le retard n’est pas rattrapé : le volume actuel reste inférieur au niveau constaté en 2011.

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Résumé des principaux chiffres de l’immigration en 2013 :

– La population immigrée, c’est-à-dire née étrangère à l’étranger, représente 5,5 millions de personnes dont 40 % sont issues de l’Union européenne.

– Les entrées : environ 100 000 personnes en plus pour des motifs familiaux et politiques et environ 80 000 au titre des études et du travail.

– Les naturalisations : +14 % sur un an avec 52 207 décrets.

– Le nombre de sans-papiers oscille entre 200 000 et 400 000. Parmi eux, 27 051 ont été reconduits à la frontière : 15 469 ont été expulsés par les forces de l’ordre (10 793 vers un pays de l’Union européenne, 4 676 hors UE) ; 5 354 sont des départs « spontanés » et 6 228 des « départs aidés ».

– Environ 46 000 régularisations ont été enregistrées, un chiffre en hausse d’au moins 10 000 par rapport à 2012.

– 203 « filières » ont été démantelées (+14 % par rapport à 2012).

 

 

 

 

Samia Chala: «Quand la France découvrira que les Arabes sont une richesse…»

Mediapart.fr

16 novembre 2013
Image extraite de "Madame la France, ma mère et moi".
Image extraite de « Madame la France, ma mère et moi ».

La réalisatrice Samia Chala, auteure d’un documentaire sur la Marche pour l’égalité de 1983 et d’un autre sur le port du voile, tire la sonnette d’alarme dans une France qui s’interroge sur son racisme : « Si nous n’arrêtons pas cette escalade, nous aurons l’affrontement. On a construit le problème musulman. J’ai ressenti l’islamophobie comme un coup de poignard reçu, tous les soirs, à la télévision. »

Samia Chala est réalisatrice. La chaîne LCP diffusera le 18 novembre Les marcheurs, chronique des années beurs, documentaire dont elle est co-auteure à propos de la Marche pour l’égalité de 1983, improprement baptisée “Marche des Beurs”. On doit aussi à Samia Chala une approche dérangeante et pénétrante : Madame la France, ma mère et moi, qui sera projetée le 27 novembre au cinéma parisien La Clef, à l’occasion du festival “Maghreb des films”.

Elle s’y présente ainsi : « Féministe, laïque, croqueuse d’islamistes, j’ai vécu en Algérie jusqu’à l’âge de trente ans. J’ai quitté mon pays dans les années 90, au moment de la guerre civile. Exilée à Paris, j’ai découvert avec curiosité “Madame la France”, comme disent les vieux immigrés. Mais avec les incessants débats sur le voile, la laïcité, l’islam, les musulmans…, mon histoire d’amour avec “Madame la France” s’est singulièrement compliquée. »

À Mediapart, nous avons tenté d’y voir plus clair, au cours d’un dialogue approfondi, sans concession, pour comprendre le voile de l’autre côté du morceau d’étoffe, pour découvrir la partie de cache-cache qui se joue avec le passé colonial, pour entendre ce qui se revendique, pour saisir comment germe la tradition face à une modernité dégradante…

MEDIAPART : Vous en venez à réclamer le droit de porter le voile, si le cœur vous en dit…

SAMIA CHALA : Ça me paraît le b.a.-ba de la liberté. Je me bats pour que les gens puissent s’habiller comme ils l’entendent. Ce n’est pas pour autant mon modèle. Je ne le souhaite pas pour ma fille. Mais il existe déjà tant d’exemples, dans le domaine vestimentaire, qui ne sont pas ma tasse de thé… Ainsi, je n’aimerais pas que ma fille porte ces tenues archimoulantes qui transforment les collégiennes en caricatures, voire en objets sexuels : pour autant, je ne réclame pas une loi interdisant les Lolitas au collège !

La marchandisation traite les filles en objets déballés ; l’islam patriarcal en objets emballés…

Je me suis engagée, en Algérie, pour le droit de disposer de son corps, qui reste pour moi une valeur du féminisme. J’étais contre le port obligatoire du voile. Mais ici, en France, j’ai été choquée par la pression exercée contre les filles voilées, au nom du même droit à disposer de son corps. Pour moi, il n’y a pas contradiction : c’est le même combat.

La tolérance, en l’occurrence, induit davantage qu’un simple libéralisme vestimentaire…

J’ai rencontré des femmes bac plus l’infini. Au nom de quoi devrais-je interdire à ces êtres brillantissimes de renoncer à ce que leur foi les pousse à faire ? En qualité de quoi leur dénierais-je quoi que ce soit en les décrétant aliénées ? Les sociétés maghrébines ont évolué, nous ne sommes plus dans les années 1970 : ces femmes ne sont pas obligées, pour la plupart, de porter le voile. C’est leur décision, même si l’influence familiale joue, comme dans tout pays où chacun transmet des valeurs à ses enfants.

Croyez-vous que cette liberté relative puisse être généralisée, que l’obligation de porter le voile ait disparu ?

Longtemps, de chaque côté de la Méditerranée, les femmes ont vécu dans un système patriarcal verrouillé. Elles étaient logées à peu près à la même enseigne en Algérie comme en Espagne, au Maroc comme en France. Dans la seconde moitié du XXe siècle, les évolutions ont été incomparables. Il y avait, au Maghreb, dans les années 1970, une infime minorité de femmes en grande partie libérées, vivant au diapason de l’Occident – fac, ciné-club et révolution…

Avant l’émergence de l’islam politique, la condition des femmes n’était pas forcément meilleure qu’aujourd’hui. Elles vivaient, pour la majorité, dans la soumission, au sein de sociétés qu’avait figées la colonisation. Si bien qu’il y a deux siècles de différence, au moins, entre ce qu’a connu ma mère et ce que j’ai pu vivre : nous sommes au-delà du simple choc de générations.

Face à la misère économique et à l’humiliation de la colonisation, les femmes musulmanes se sont arc-boutées, drapées, cachées, pour échapper à la violence de conquérants prêts à dénuder, à prostituer, à ravaler. Cette recherche d’une protection a bien sûr débouché sur une forme d’immobilisme ou de sclérose – parfaitement analysée par Frantz Fanon –, qui a empêché les bonds qualitatifs en faveur de la condition féminine.

Vous convenez de cet archaïsme, qui a fait que le voile est devenu aliénation…

Ça, c’est le discours des féministes blanches. Même si elles portent majoritairement le voile, les Algériennes sont plus émancipées qu’il y a trente ans. Tout simplement parce qu’elles ont accédé à l’école et à l’université. L’affranchissement m’apparaît évident, même si certains signes, jugés régressifs, ne plaisent pas à une petite minorité bourgeoise, lettrée, occidentalisée. En Algérie, aujourd’hui, sur les plages, les femmes se baignent avec le voile. On peut se focaliser sur un bout de tissu. Moi, je trouve heureux que les femmes soient dehors, à l’aise dans l’espace public, au lieu d’être massivement confinées comme naguère.

Je reconnais cependant qu’il faut mener le combat pour que les femmes qui souhaitent se baigner en maillot puissent le faire en toute liberté : c’est loin d’être gagné !

Vous êtes donc contre l’obligation : de porter le voile en Algérie, de ne pas le porter en France. Ici, opposée au voile, existe une interdiction – laïque donc étatique. Mais vous ne pouvez pas sous-estimer la contrainte en faveur du voile – archaïque donc plus diffuse. Le débat concerne donc ces deux formes de coercition, sans minorer l’une ou l’autre…

Je vous répète que le voile n’est pas un modèle que je préconise. Mais l’interdire me semble inefficace, confus et révélateur : la façon dont cette question a été médiatisée dans une France en crise d’identité, n’a fait que donner envie à plus de femmes encore de porter le voile ! Vous nous humiliez sous couvert d’extirper notre prétendue aliénation. Comment ne pas ressentir une telle injustice ? J’ai quitté l’Algérie en étouffant sous le manque de liberté. Je rêvais d’une France où existerait la liberté de penser comme de se vêtir. Nous nous disions, entre nous : « À Paris, tu peux même marcher nue, personne ne te regarde ! » Et voici que vous inventez, au fil des années, des injonctions vestimentaires, en nous les faisant subir ! Qu’est-ce que c’est que cet abcès de fixation sur le voile ?!

Mais pourquoi s’accrocher au voile jusqu’à faire de cette forme d’éteignoir un signe de rébellion ?

Quand tu es en France, quand on te fait comprendre, matin, midi et soir, que tu n’es pas ici chez toi, que reste-t-il ? Le pays d’origine ? Tu n’y es pas plus chez toi qu’en France. Alors tu t’inventes ou tu te réinventes une identité : tu t’accroches à ce qui te reste, la religion, ta religion ; coûte que coûte, avec de plus en plus de force à mesure qu’on te la conteste. Et le nombre grandissant de filles françaises – parce qu’elles sont françaises – qui décident de porter le voile, sonne d’abord et avant tout l’échec de “l’intégration à la française”. L’État et la société devraient s’interroger sur cette déconvenue nationale, au lieu de vaticiner sur l’intégrisme barbare et barbu prétendument à l’œuvre.

Regardez la marche dite des Beurs de 1983 : il n’y avait pas un voile, ni un foulard dans les quartiers. Qu’est-ce qui a été manqué ? L’égalité. D’où ce bras d’honneur, qui signale la faillite de la gauche française, et que vous refusez de voir comme tel…

Alors que nous sommes condamnés à vivre ensemble aujourd’hui, je revendique de trouver criminelle la façon dont le débat sur le voile a été monté en épingle, en France, par le personnel politique et les grands moyens de communication. Ils opposent “musulmans” et “Français de souche” – personnellement je me sens française depuis 1830 et mes aïeux ont été embarqués dans deux guerres mondiales, alors qu’on arrête de me bassiner, même si je suis immigrée algérienne depuis vingt ans ! Nous avons besoin de respect et d’égalité. Or je n’ai jamais trouvé que ce débat sur le voile, au point de me sentir insultée, jusqu’à en chialer. Voilà ce qui m’a poussée à faire ce film.

Le voile régressera dès qu’une réelle égalité s’instaurera

Même s’il faut y mettre des guillemets, vous venez d’opposer musulmans et Français de souche, et non musulmans et chrétiens ou juifs…

On a effectivement islamisé le débat. D’où ma volonté de poser ainsi la question : quand une fille comme moi, dont Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir fut le livre de chevet, quand une fille intellectuellement et politiquement armée, profondément laïque, commence à revendiquer une identité de musulmane, c’est qu’il y a le feu à la maison ! J’ai ressenti l’islamophobie comme un coup de poignard reçu, tous les soirs, à la télévision !

Le dépit politique, aussi justifié soit-il, n’est jamais de bon conseil. Fonder une politique sur une blessure revendiquée, cela donne : on ne m’a pas intégré, intégriste je deviendrai !…

Mais je ne fais rien d’autre que tirer la sonnette d’alarme. Si nous n’arrêtons pas cette escalade, nous aurons l’affrontement. Et quel affrontement ! On a construit le problème musulman, on a crispé les identités. Le voile régressera dès qu’une réelle égalité s’instaurera. Il faut que le mépris laisse place à la reconnaissance. Pour cela, il faut juste vous convaincre qu’il existe des musulmans français. Ou plutôt des Français musulmans…

Un exemple parmi d’autres : ma fille est collégienne à Hélène-Boucher, bon établissement de l’est parisien, où ses copines ont pu apprendre l’allemand, l’anglais, l’italien, le russe ; ce qui correspond parfois au désir de se réapproprier la langue d’une mère, d’un père, ou de grands-parents. C’est parfait, cette ouverture sur le monde, qui peut permettre à la France de s’en sortir. Mais l’arabe ? Makach walou ! À moins d’aller dans une mosquée. Je vis dans un arrondissement populaire, avec une forte population intéressée par l’enseignement de l’arabe. N’est-ce pas à la République de le prendre en charge, au lieu de l’abandonner à la sphère religieuse, ou… à l’ambassade du Qatar ?

Quand la France découvrira que les Arabes sont une richesse, cela ira tellement mieux ! À défaut, nous deviendrons un pays de vieux, un pays racorni, à l’échelle de Venise ou de Bruges, ces villes qui ne sont plus que pour avoir été…

Comment démêler arabe et islam ?

Mais qui a islamisé le débat ? Il faut revenir à la réaction de Pierre Mauroy lors d’une grève d’OS chez Renault, avec de pauvres ouvriers algériens et marocains de la première génération d’immigrés, au début des années 1980. Que dit le premier ministre socialiste, traquant l’ombre portée de la révolution iranienne de 1979 : « Une grève de chiites »… Une salle de prière faisait certes partie des revendications, mais celles-ci portaient essentiellement sur les conditions de travail.

Depuis, le débat n’a cessé d’être islamisé, avec un retour du refoulé de la guerre d’Algérie.

Y répond une islamisation apparente, réelle et pas seulement fantasmée, avec ces voiles plus longs que le foulard maghrébin, ces niqabs portés avec de plus en plus d’ostentation en France et en Europe…

C’est effectivement, dans le cas du niqab, une revendication qui peut être militante, extrêmement minoritaire et qu’il ne sert à rien de diaboliser. Les musulmans n’ont pas l’exclusivité du machisme ni du patriarcat. On a enfermé les garçons arabes dans la théorie des trois “v ”qui en est venue à hanter l’inconscient collectif français : voleurs, voileurs, violeurs ! Quand cessera-t-on de barbariser l’Arabe pour se dédouaner ?…

Pourquoi, pour riposter à l’ostracisme, porter atteinte au legs étatique français incontestable, fragile, unique et complexe : la laïcité ? Déjà les crucifix ressortent pour répondre au voile…

La laïcité est d’abord là pour nous protéger les uns et les autres, sinon les uns des autres. C’est dans l’intérêt des musulmans, minoritaires dans la société française, d’être laïques, puisque la laïcité garantit la liberté de conscience. Si je mets un foulard, en quoi ne suis-je pas laïque ? Chasser la nounou d’une crèche au nom à la fois du féminisme et des valeurs de la laïcité, je trouve cela scandaleux ! Libérer les femmes, c’est les pousser à travailler, à étudier, à s’imprégner des valeurs de la République, en dépit de leur tenue vestimentaire, souvent héritée de milieux populaires conservateurs. Les idées diffusées dans l’espace public, les contacts, la mixité, ouvriront des horizons aux uns et aux autres. Or nous poussons, au contraire, les musulmanes voilées vers le communautarisme en leur fermant nos portes.

La liberté de porter le voile vous semble-t-elle, pour autant, la meilleure réponse ?

Oui, c’est la meilleure façon d’éviter que cette communauté ne devienne communautariste. L’école de la République vous fait et vous fera forcément français : pourquoi organiser cette chasse à une minorité voilée ? La grande République n’est-elle pas capable d’apporter à la fois une volonté, des moyens et des compromis pour régler cela ? Est-elle condamnée à reprendre le chemin de la discrimination, à buter sur ce passé qui ne passe pas ? Pourquoi ajouter de la crispation à la crispation ? Pourquoi rechercher – tout en faisant mine de s’en inquiéter – la confrontation ?

L’ethnocentrisme doit cesser : ne pas regarder le monde à partir de son seul point de vue occidental. Essayer de comprendre l’autre. Ne pas le ravaler à une caricature mêlant le mépris de classe et la peur des différences, ce qui revient à ce discours sous-jacent, que je perçois dans l’élite : salauds de pauvres voilés des quartiers !

La France doit résister aux tentations de croisades antimusulmanes qui la traversent. Pensons d’abord aux responsabilités des États, qui devraient apporter des solutions économiques, politiques, voire symboliques, au lieu de livrer des boucs émissaires à la vindicte publique en période de crise.

URL source: http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/161113/samia-chala-quand-la-france-decouvrira-que-les-arabes-sont-une-richesse

Sans-papiers : Valls régularise à peine plus que Sarkozy

 

Mediapart.fr

06 novembre 2013 | Par Carine Fouteau

 

Environ 17 000 sans-papiers ont bénéficié de la circulaire de régularisation signée il y a un an. Un chiffre peu élevé compte tenu du nombre d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire.

Une poignée d’heureux bénéficiaires et des milliers d’espoirs déçus. Sur les 200 000 à 400 000 sans-papiers vivant en France, 16 600 ont obtenu une autorisation de séjour au titre de la circulaire du 28 novembre 2012 précisant les critères de régularisation des étrangers en situation irrégulière, selon le ministre de l’intérieur.

Manuel Valls, auditionné mardi 5 novembre 2013 à l’Assemblée nationale, en commission élargie, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, sur les crédits de l’État concernant l’immigration, l’asile et l’intégration, a estimé qu’il y aurait en 2013 « 10 000 régularisations supplémentaires » par rapport aux années précédentes, soit environ 46 000 au total. Alors que les gouvernements de la majorité précédente refusaient de communiquer les données chiffrées sur ce sujet considéré comme sensible, le ministère avait fait savoir, en juillet dernier, qu’environ 36 000 personnes avaient été régularisées en 2012. Les dossiers les plus souvent retenus sont ceux émanant de parents d’enfants scolarisés : le motif familial a prévalu dans 81 % des cas.

Afin de ne pas apparaître « laxiste », le ministre de l’intérieur a minimisé son annonce en déclarant qu’« on est loin d’une régularisation massive ». Lors de la publication de la circulaire, qu’il avait justifiée dans un souci d’harmonisation entre les préfectures chargées d’instruire les dossiers, il avait assuré que son intention n’était pas d’augmenter le nombre de régularisations. Lors de la campagne présidentielle, François Hollande avait exclu toute « régularisation de masse », fermant de facto la porte aux procédures telles que celles menées par la gauche en 1981, au cours de laquelle 131 000 étrangers avaient été régularisés, et en 1997, qui avaient bénéficié à 80 000 personnes.

Comme s’il cherchait à contrer les critiques de la droite, et notamment du FN, le ministre, devant les députés, a évoqué « un phénomène conjoncturel, similaire à ce que d’autres circulaires avaient causé ». Sans le citer, Manuel Valls fait ainsi référence au texte du 13 juin 2006, signé par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur qui s’adressait spécifiquement aux parents d’enfants scolarisés. Les personnes disposaient alors de deux mois pour déposer leur dossier. Avant même que toutes les demandes aient été examinées, le ministre avait annoncé le résultat de l’opération en avançant le chiffre de 6 000 régularisations. Le bilan officiel établi en fin de compte faisait état de 6 924 titres de séjour délivrés sur 30 000 dossiers déposés, mais il semble que ce chiffre ait été sous-évalué.

À l'Assemblée nationale, en commission, le 5 novembre 2013.À l’Assemblée nationale, en commission, le 5 novembre 2013.

De Nicolas Sarkozy à Manuel Valls, l’ordre de grandeur est le même. « Ce résultat est maigrichon », commente Brigitte Wieser, du réseau Éducation sans frontières (RESF). « En même temps, cela ne nous étonne pas. Manuel Valls avait prévenu. En comparaison avec ce que les élus de gauche et les membres du PS demandaient quand ils étaient dans l’opposition, à savoir la régularisation des familles et des jeunes majeurs, on est loin du compte », ajoute-t-elle.

« S’il est établi que la circulaire en tant que telle n’a permis d’augmenter que de 10 000 le nombre de personnes régularisées, on peut considérer que c’est particulièrement ridicule », renchérit Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). « C’est lassant, nous n’arrêtons pas de le répéter, mais la politique menée par Manuel Valls est dans la lignée de celle de Nicolas Sarkozy : avant, le mot d’ordre était “ferme mais humain”, maintenant c’est “humain mais ferme” », ironise-t-il. « Ça me fait penser aux slogans des lycéens dans la manifestation de mardi : “Nicolas Valls, démission !” » résume Brigitte Wieser.

Il existe néanmoins une différence entre les deux procédures : la circulaire de 2012 n’est pas limitée dans le temps, contrairement à celle de 2006 qui était à durée déterminée. Cela signifie que les personnes peuvent continuer à présenter des dossiers aujourd’hui (à l’exception toutefois des jeunes majeurs qui doivent être rentrés en France avant l’âge de 16 ans, quelle que soit leur durée d’études). La militante de RESF nuance encore : le nombre de personnes régularisées après la circulaire Sarkozy a été, en réalité, « plus proche de 20 000 que des 7 000 affichés » car « les préfectures ont continué à appliquer les critères au-delà de la date butoir ».

Lors de son intervention, le ministre n’a pas indiqué combien de dossiers ont été déposés au cours des douze derniers mois, ce qui ne facilite pas l’évaluation de la portée des chiffres présentés. Il ressort néanmoins de ce bilan « provisoire » que les critères sont suffisamment restrictifs pour n’autoriser qu’un nombre limité de régularisations. Pour rappel, le texte de Manuel Valls vise les familles, les salariés et les jeunes majeurs. Concernant les familles, il fixe à cinq ans la durée de présence sur le territoire et à trois ans la durée de scolarisation. Que les deux parents soient en situation irrégulière n’est plus rédhibitoire, contrairement à ce qui était retenu précédemment. Il est demandé aux jeunes majeurs de prouver deux années de scolarisation « assidue et sérieuse » et d’être arrivés en France avant leur 16 ans (contre 13 auparavant), mais beaucoup passent entre les mailles du filet, soit parce qu’ils sont arrivés après, soit parce qu’ils n’ont que des proches sur le territoire (et pas leurs parents), soit enfin parce qu’ils ont accepté un titre de séjour précaire d’étudiant qui ne leur permet pas de demander un titre plus stable. Quant aux travailleurs, souvent des hommes célibataires, ils doivent combiner plusieurs années de présence en France et de fiches de paie. Or, celles-ci sont difficiles à obtenir de la part d’employeurs qui préfèrent embaucher leur main-d’œuvre au noir.

Une certaine continuité est également observée en matière de reconduites à la frontière. Le ministre lui-même en convient. Manuel Valls s’est récemment fendu d’un communiqué en réponse à un article du Figaro qui pointait du doigt la chute du nombre des expulsions. « Le nombre total d’éloignements d’étrangers en situation irrégulière au 31 août 2013 est de 18 126, et non de 14 800, comme l’affirme à tort » le quotidien, insistait-il, rappelant que la baisse globale s’explique par la moindre attractivité de l’aide au retour. Le montant de celle-ci a en effet été réduit après que les pouvoirs publics ont constaté que leurs bénéficiaires – principalement des Roms roumains et bulgares – revenaient peu de temps après avoir été renvoyés dans leur pays d’origine. « Si on enlève l’effet d’optique de ces aides au retour volontaire, le nombre de retours contraints effectués depuis la métropole s’élevait à 17 422 en 2009, 16 297 en  2010, 19 310 en 2011 et 21 841 en 2012. Au 31 août 2013, le nombre de retours contraints s’élevait à 13 510 », note le ministère. « Cette tendance, souligne-t-il, est supérieure à celle constatée entre 2009 et 2011. » Autrement dit, sans les Roms, Manuel Valls expulserait autant que Nicolas Sarkozy. Et le ministre s’en félicite.

A grand renfort de chiffres, François Gemenne, spécialiste des flux migratoires, considère l’immigration indispensable et vertueuse.

 

Le grand entretien 05/11/2013 à 17h20

On a soumis les idées reçues sur l’immigration à celui qui a mouché le FN

 Entretien.

A Menton, près de la frontière italienne, en 2011, sur l’affiche Front national d’un manifestant : « Régularisation des clandestins = immigration sans fin » (Antonio Calanni/AP/SIPA)

On l’a découvert sur un plateau télé, assis pas loin d’un vainqueur de « La Nouvelle Star » et d’un journaliste à moustache, en face d’un dirigeant du Front national et d’une animatrice tendance.

Dans « Salut les Terriens », l’émission mélange des genres de Canal+, son discours a visé juste. En opposant à Florian Philippot, vice-président du FN, des chiffres et des affirmations pro-immigration, François Gemenne l’a rendu silencieux.

« Salut les terriens » : voir à partir de 6 min 44

Nous avons voulu entendre ce chercheur en sciences politiques plus en profondeur. Un Belge qui enseigne à l’Université Libre de Bruxelles et Sciences-Po Paris, spécialiste de la gouvernance globale des migrations environnementales, ces réfugiés climatiques qu’il voit comme un enjeu majeur d’ici le milieu du siècle.

Nous l’avons notamment confronté aux idées reçues sur l’immigration, à ces phrases que l’on entend prononcées avec plus ou moins de précaution dans la vie de tous les jours. « Il y a trop d’immigrés en France », « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde »…

François Gemenne (DR)

A partir des statistiques, surtout celles de l’Insee et de l’OCDE, François Gemenne donne sa vision positive de l’immigration. Il la juge indispensable, vertueuse pour l’économie et inscrite dans le sens de l’Histoire.

Le débat politique français sur l’immigration ? « Il repose quasiment entièrement sur de l’émotionnel, de l’idéologique, du fantasme et de la peur. »

Avant de démarrer sa carrière universitaire, il a travaillé dans le cabinet du ministre belge de l’Ecologie entre 2002 et 2004, en charge de l’énergie des transports.

Le chercheur se dit « plutôt proche des milieux écologistes et de la gauche, quoique assez libéral sur les questions économiques », et ne cache pas ses convictions sur l’immigration :

« Je suis très favorable à l’ouverture des frontières. Je trouve qu’il y a une injustice fondamentale dans le fait que votre vie soit uniquement déterminée par l’endroit où vous êtes né.

Si on accepte que la politique, c’est l’idée d’essayer d’améliorer la vie des gens, je trouve que c’est une faillite politique complète que de raisonner dans le paradigme de l’immobilité. »

  1. « L’immigration fait augmenter les salaires »
  2. « On empêche les immigrés de travailler »
  3. « Dire “la France ne peut accueillir toute la misère du monde” est une insulte »
  4. « Notre politique migratoire, c’est la négation de la Révolution française »
  5. « Je ne suis pas très optimiste sur l’avenir des politiques migratoires »

Quel regard portez-vous sur une première phrase souvent répétée : « Il y a trop d’immigrés en France » ?

L’idée de placer un seuil, de dire « trop » ou « pas assez » est une question idéologique. Mon rôle de chercheur, c’est de dire combien il y en a et après, les acteurs politiques peuvent se positionner.

Ce que je n’accepte pas en tant que chercheur, c’est que l’on donne de faux chiffres et, comme on le fait souvent, que l’on mélange le stock et les flux, le nombre total d’immigrés et ceux qui arrivent chaque année.

En terme de stock d’immigrés, la France se situe dans la moyenne, comparée aux autres pays européens. A peu près 6% ou 7% de la population.

Si on prend les flux ces dernières années, la France accueille plutôt moins d’immigrés que d’autres pays européens comparables. En 2011, l’immigration en France, c’est 267 000 entrées, ce qui inclut les immigrés européens. L’Allemagne est à 490 000 entrées, l’Italie 385 000 et le Royaume-Uni 565 000. En 2012, ce sera vraisemblablement pareil.

Le solde migratoire en France est stable depuis plusieurs années, autour de 54 000. Ça représente moins de 1 pour 1 000 de la population française. Chacun tirera ses conclusions : est-ce que c’est ça la limite maximale ?

Qui sont les immigrés ?

Depuis 2006, on délivre à peu près 200 000 titres de séjour par an – « qui sont différents des flux de l’immigration, les Européens n’ont pas besoin de titres de séjour ». En 2012 :

  • 16 379 titres de séjour économiques – parmi eux 2 000 ou 3 000 travailleurs qualifiés et 15 000 travailleurs peu qualifiés ;
  • 91 000  : le regroupement familial, « dont les critères sont assez restreints en France » ;
  • 58 000 étudiants « qui, pour la plupart, rentrent ensuite chez eux » ;
  • 18 005 : la catégorie humanitaire ;
  • 13 000 : une catégorie résiduelle : « des visiteurs de longue durée (des chercheurs invités pour deux ou trois ans par exemple) et des étrangers qui sont entrés mineurs en France et atteignent leur majorité ».

D’où viennent les immigrés installés en France ?

Si on regarde les stocks, ce sont essentiellement des Européens, à peu près à 45% ; puis 30% de Maghrébins, 10% en provenance de l’Afrique sub-saharienne et ensuite, le reste du monde.

Sur les flux, c’est 20% d’Européens et, année après année, en fonction des crises et des guerres, la nationalité change. Les anciennes colonies, le Maghreb en particulier, restent une source importante des flux migratoires.

Ça donne l’impression qu’il y a de moins en moins d’Européens, c’est surtout que lorsque ceux-ci viennent, c’est pour des raisons professionnelles ou familiales : ils s’installent durablement.

Les gens qui viennent pour des raisons humanitaires rentrent, pour beaucoup, dans leur pays lorsque le conflit est apaisé.

Une autre phrase souvent associée à l’immigration : « Les immigrés viennent faire le travail que personne ne veut faire » ?

Elle est bien intentionnée mais elle n’est que partiellement exacte. Aujourd’hui, les immigrés qui arrivent sont souvent plus qualifiés et plus jeunes que la population française.

Pour une partie d’entre eux, ils viennent occuper des postes très qualifiés. Ce sont des chercheurs, des ingénieurs, des médecins, les footballeurs.

Voir le document

(Fichier PDF)

Parmi les immigrés, il y a deux extrêmes [voir le PDF] : ceux-là et, en effet, ceux qui travaillent pour des clopinettes à faire des boulots que personne ne veut.

Les deux sont absolument nécessaires à l’économie parce qu’il faut des gens pour remplir des trous dans le marché du travail, notamment dans la restauration et dans la construction, des secteurs qui s’effondreraient économiquement sans l’immigration. C’est aussi le cas des prêtres et des médecins dans les déserts médicaux.

Ces travailleurs acceptent des faibles revenus et du coup, les salaires baissent…

C’est complètement faux. En particulier, pour les salaires des professions plutôt peu qualifiées. On constate de manière assez nette que les salaires de ces emplois augmentent grâce à l’apport de l’immigration.

Parce que les immigrés prennent les salaires tout en bas de l’échelle et que par conséquent, les Français remontent un peu. C’est comme s’ils gagnaient un échelon. On considère que l’impact moyen est de +0,27%. Aux Etats-Unis, les résultats sont comparables [PDF].

Dans les professions plus qualifiées, l’impact sur les salaires est beaucoup plus faible, quasiment nul.

Un sans-papiers s’immole par le feu, le procureur le poursuit !

Blog Médiapart

http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain/051013/un-sans-papiers-s-immole-par-le-feu-le-procureur-le-poursuit

A Lyon, politique du chiffre oblige, la préfecture traque et enferme les sans-papiers jour et nuit. Parmi eux, les Tunisiens figurent en première place au palmarès des nationalités enfermées au Centre de Rétention Administratif de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry. C’est bien connu, depuis le printemps arabe, tous les pays d’Afrique du Nord sont des modèles de démocratie… Si leurs citoyens pensaient prétexter une éventuelle instabilité politique ou un régime islamiste un peu trop sectaire pour venir se réfugier en France, le pouvoir socialiste, les policiers et le procureur de Lyon sont là pour leur rappeler qu’ils se fourrent le doigt dans l’œil.

Mercredi 2 octobre, selon une information de Rue 89 Lyon (1), un sans-papiers tunisien comparait donc devant le Juge des Libertés et de la Détention qui doit statuer sur son maintien ou non au Centre de Rétention Administratif.

Alors que le juge examine le cas d’un autre sans-papiers, le jeune homme de 22 ans s’asperge d’un liquide inflammable et allume un briquet. « Il était assis, il a allumé le feu sur sa personne, son pull a commencé à brûler, il a fallu que les fonctionnaires de police se jettent sur lui pour stopper le feu» explique son avocat. Légèrement blessé, il est conduit à l’hôpital pour soigner ses blessures, heureusement superficielles, et en ressort rapidement.

L’audience reprend au tribunal avec un nouveau juge et un nouveau greffier, les précédents, choqués par la scène préférant se faire remplacer. Le nouveau juge ne trouvant probablement rien à redire sur la régularité de la procédure, confirme le maintien en rétention.

Pendant ce temps, le Procureur de la République, lui, décide de mettre en examen le sans-papiers, tenez-vous bien, pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « tentative de soustraction à une mesure d’éloignement» .

Elle est pas belle la France ?

Tu es sans-papiers, on veux te renvoyer dans un pays dont tu ne veux pas au point de préférer la mort plutôt que d’y retourner, on te met en prison pour avoir mis en danger la vie d’autrui…

Alors que plusieurs centaines de migrants viennent de perdre la vie en méditerranée au large de Lampedusa, et que des corps flottent encore dans l’eau, l’Italie décide d’instaurer une journée de deuil national. (2)

Parions que le procureur de la république de Lyon, lui, aurait préféré poursuivre les familles des victimes et les rescapés pour pollution maritime.

 

(1) http://www.rue89lyon.fr/2013/10/04/sans-papiers-tunisien-immole-lyon-procureur-poursuit-mise-danger-vie-autrui/

(2) http://www.mediapart.fr/journal/international/041013/naufrage-lampedusa-nous-ne-savons-plus-ou-mettre-les-corps