Roms : la faute lourde de Manuel Valls

Le Monde

| 25.09.2013 à 10h46

• Mis à jour le 25.09.2013 à 14h56

Peu de temps après son installation au ministère de l’intérieur, Manuel Valls avait assuré vouloir traiter le problème des Roms « dans la sérénité ». Faisant référence au discours prononcé à Grenoble, en juillet 2010, par le président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, il ajoutait : « Ce n’est pas facile. Si le débat est remis sur la place publique de la manière dont cela a été fait il y a deux ans, on n’y arrivera pas. »

A l’évidence, il n’y arrive pas. Les propos qu’il a tenus le 24 septembre sont aux antipodes de la sérénité à laquelle il invitait. Il ne s’est pas contenté, en effet, d’assurer – ce qui est son rôle – qu’il ferait procéder, à chaque fois qu’une décision de justice le justifie, au démantèlement des campements illégaux où s’entassent quelque 15 000 Roms dans des conditions indignes, à la lisière de nos grandes villes. Il ne s’est pas contenté de juger, comme en mars, que « les Roms ont vocation à rester en Roumanie ou à y retourner ».

Il a relancé le débat exactement sur le terrain où l’avait placé la droite : l’impossibilité, sauf pour « quelques familles », d’intégrer ces populations dont les « modes de vie extrêmement différents des nôtres » et entrent « en confrontation » avec les populations voisines. Dès lors, sauf exception, « il n’y a pas d’autre solution » que de démanteler les campements et de renvoyer leurs occupants dans leur pays d’origine.

Ce faisant, le ministre de l’intérieur sait qu’il exprime, tout haut, l’irritation de bon nombre des élus locaux concernés et qu’il répond à leur sentiment d’impuissance. De même, il veut entendre l’exaspération devant l’augmentation de la petite délinquance dans la capitale ou quelques grandes villes, à laquelle les Roms contribuent pour une part non négligeable – en particulier les mineurs, souvent organisés par des réseaux mafieux.

Si ce n’est du cynisme, drapé dans un langage de « vérité », c’est une faute lourde. Politique autant que morale. Depuis des semaines, sans même que l’extrême droite ait besoin de s’y employer, la droite a délibérément choisi de faire de la « menace » que constitueraient les Roms un thème explosif des prochaines élections municipales et, au-delà, européennes. En apportant de l’eau à son moulin, M. Valls donne crédit à cette campagne qui joue, sans vergogne, sur la peur de l’étranger et fait des Roms des boucs émissaires parfaits.

Mais en désignant l’ensemble d’une population étrangère – et néanmoins européenne –, en stigmatisant une population ethniquement étiquetée, en la jugeant incapable de s’intégrer en France, le ministre de l’intérieur renonce à des principes élémentaires républicains : l’accueil, l’intégration, la solidarité.

Plusieurs voix, à gauche, l’ont immédiatement déploré. Celle de Martine Aubry, maire de Lille, qui a invoqué « l’humanité et l’efficacité, c’est-à-dire la République ». Celle du ministre Arnaud Montebourg, qui a jugé le propos de M. Valls « excessif » et estimé qu’il devait être « corrigé ». Il a raison.

Et c’est au président de la République de le faire, avec fermeté et, si possible, sérénité. C’est sa responsabilité et son devoir.