Catégorie : A la une

EVENEMENTS LDH FEDERATION DE GIRONDE 10 au 27 septembre à Bordeaux…

EVENEMENTS LDH FEDERATION DE GIRONDE


Mardi 10 septembre à 18h00 : réunion du groupe de travail sur le colloque 2013 (Université de Bordeaux 2, dept sociologie, Place de la Victoire à Bordeaux)


Mardi 10 septembre à 20h00
: réunion de la section LDH de Bordeaux (Athénée Joseph Wresinski, Place Saint Christoly à Bordeaux) 

Dimanche 22 septembre de 11h00 à 18h00 : Cap Associations, forum des associations de la ville de Bordeaux (Stand LDH Bordeaux – Hangar 14, quai des Chartrons à Bordeaux)
http://www.bordeaux.fr/pgFicheEvt.psml?_nfpb=true&_pageLabel=pgFicheEvt&classofcontent=evenement&id=46118
Lundi 23 septembre à 19h00 : réunion du comité fédéral LDH Gironde (24 place du Palais à Bordeaux) 

Vendredi 27 septembre de 18h30 à 19h30 : Emission mensuelle « En toutes libertés », en direct sur RIG, Aqui FM et Plage FM

 

EVENEMENTS AVEC PARTENARIAT LDH33

Mercredi 11 septembre à 18h00 : réunion de la Coordination Santé Solidarité Gironde 

 

Mercredi 11 septembre à 18h30 : réunion du Collectif Audit Citoyen de la dette 33 (Bourse du travail, cours Aristide Briand, salle 105 au 1er étage) 

Mardi 17 septembre à 20h30 : projection-débat en faveur de la libération de Georges Ibrahim Abdallah, autour du film « Après la guerre, c’est toujours la guerre » (ATTENTION : RESERVEZ VOS PLACES A L’AVANCE)
http://www.cinemas-utopia.org/bordeaux/index.php?id=2228&mode=film

EVENEMENTS POUR INFORMATION

 

Vendredi 6 septembre à 20h30 : projection débat sur Aimé Césaire (cinéma Utopia, Place Camille Jullian à Bordeaux) dans le cadre du centenaire d’Aimé CESAIRE ; cette projection débat sera suivie le samedi 14 septembre d’un colloque qui se tiendra à l’Athénée municipal Joseph Wresinski, place Saint Christoly à Bordeaux, de 9h00 à 18h00

http://www.cinemas-utopia.org/bordeaux/index.php?id=2223&mode=film

Mardi 10 septembre à 11h00 : manifestation intersyndicale pour les retraites (départ Place de la Bourse à Bordeaux)

 

Vendredi 20 septembre à 20h30 : toujours à l’Utopia, projection débat sur le cas Pinochet au Chili

http://www.cinemas-utopia.org/bordeaux/index.php?id=2238&mode=film

Armes chimiques en Syrie: ce qui s’est passé le 21 août

 

Mediapart

27 août 2013

Les inspecteurs de l’ONU qui se sont rendus lundi à Moadamiyeh, une des localités de la Ghouta touchée par l’attaque du mercredi 21 août, vont devoir établir l’utilisation d’armes chimiques responsables d’un massacre de masse. Ils ont été au préalable accueillis par un barrage de tirs. Les bombardements ont d’ailleurs repris sur cette localité dès leur départ.

Depuis mercredi, les opposants au régime syrien, combattants et diverses ONG présentes sur place ont établi de premiers bilans accablants. Selon le réseau de médecins syriens de l’UOSSM, plus de 1.300 personnes sont mortes en raison de l’utilisation de gaz toxiques, dont 67% de femmes et enfants. Les structures médicales de la Ghouta ont pris en charge 9.838 personnes dont 3.041 cas graves.

Médecins sans frontières (MSF), qui appuie plusieurs hôpitaux dans cette zone, a aussi recensé les décès de 355 patients « présentant des symptômes neurotoxiques ». «Les symptômes qui nous ont été rapportés, le schéma épidémiologique de cet événement – caractérisé par l’afflux massif de patients dans un laps de temps très court, la provenance des patients et la contamination des secouristes et du personnel ayant fourni les premiers soins – suggèrent fortement l’exposition massive à un agent neurotoxique», a précisé MSF dans un communiqué publié samedi.

Dès vendredi, l’ONG Violations Documentation Center in Syria (VDC), qui travaille sur place avec un réseau de militants et avocats, publiait un rapport extrêmement précis sur les attaques de la nuit de mardi à mercredi (rapport à lire ici). Les équipes de VDC basées dans la Ghouta-est, se sont rendues dans plus de 80% des points médicaux et ont pu recueillir très rapidement des témoignages sur le désastre humanitaire de la Ghouta.

Selon ces témoignages, une dizaine de roquettes chargées d’agents toxiques se sont abattues sur les localités de Zamalka et Ein Tarma, dans la Ghouta-est, et sur la localité de Mouadamiyé dans la Ghouta-ouest. Mais c’est la totalité de la Ghouta qui s’est trouvé plongée dans l’horreur de cette nuit chimique : dès les premiers bombardements, les victimes ont été dirigées sur l’ensemble des centres médicaux de la banlieue, contribuant ainsi à la contamination de toute la zone. Une zone déjà largement sinistrée : fief de l’insurrection, la Ghouta est assiégée et bombardée sans relâche depuis des semaines par les troupes du régime syrien et les soins ont été délivrés dans des hôpitaux de fortune.

Ni les médecins, ni les équipes paramédicales et les volontaires, ni les militants qui sont allés recueillir les informations n’ont été épargnés.  « Faute de masques suffisants et de tenues de protection, la plupart des soignants ont été contaminés en procédant à l’évacuation et en apportant assistance », rapporte l’ONG. Dans le point médical de Khawlaani, les médecins ont dû utiliser comme traitement de l’atropine pour animal, fournie par un vétérinaire, leur stock d’atropine étant épuisé depuis deux mois. Ailleurs, comme à Hamourieh, il n’y avait tout simplement plus aucun antidote à administrer.

Victimes à l'hôpital de Kafr Batna.Victimes à l’hôpital de Kafr Batna.© Violation documentation center

L’ONG confirme aussi la nature civile des cibles : à Zamalka, un missile est tombé sur la rue Tawfik à côté de la mosquée, une zone très peuplée. Si la Ghouta-est et la Ghouta-ouest sont les bastions de l’insurrection et la base opérationnelle de l’armée syrienne libre (ASL), les cibles atteintes par les missiles étaient loin des zones de combats et des positions militaires de l’ASL. « Ils n’ont pas visé l’Armée syrienne libre mais des positions civiles, assure al-Attar, le chef du conseil unifié de Damas et sa région (commandement militaire de l’ASL), joint par Skype samedi. Deux kilomètres séparaient nos positions des places civiles visées. »

En frappant la population, le régime cherchait-il à la punir de son soutien à l’ASL ? Ou bien ce bombardement répondait-il à des objectifs militaires pour déloger l’ASL ? Les deux à la fois. « Le régime a recouru à l’arme chimique pour infliger des pertes à l’ASL, estime l’opposant Imad Eddin Rachid, en lien avec le commandement de l’ASL de Damas, mais en procédant de nuit, comme il l’a fait, sur des civils, il s’agissait surtout de la détourner du combat en l’obligeant à quitter son poste pour faire face à la crise humanitaire et venir au secours des populations civiles»,

Selon le rapport établi par la Coalition qui a reconstitué la chronologie de la nuit de mardi à mercredi, les attaques ont été menées par la Brigade 155 du régime, sous la responsabilité du général Tahir Hamid Khalil, directeur de l’agence balistique des missiles de l’armée. Elles ont été étalées sur toute la nuit dans une volonté évidente « d’étouffer » la Ghouta et de ne laisser aucun répit aux habitants et aux secours.

Les premiers missiles sont ainsi tombés à 2h31 à l’est de Zamalka puis, dix minutes plus tard, à Ayn Tarma. Près de deux heures plus tard, 18 missiles visent à nouveau la Ghouta-est et c’est seulement à 5h41 que Moadamiyeh, dans la Ghouta-ouest, est frappée à son tour. Les centres médicaux de Daraya, qui jouxtent cette localité, reçoivent en effet les victimes à partir de 6 heures du matin, toujours selon le rapport de la Coalition. Les tirs de missiles portant des armes chimiques ont été accompagnés de bombardements conventionnels, missiles et tirs de mortiers, afin d’entraver les secours.

Une attaque chimique préparée de longue date

« Par cette stratégie de diversion, le régime cherchait à reprendre la Ghouta, poursuit Imad Eddin Rachid. Mais l’ASL n’est pas tombée dans le panneau et ce sont les services établis par l’administration civile des zones touchées qui ont pris en charge la catastrophe humanitaire. » Toutes les structures médicales de la Ghouta mises en place par les insurgés ont été mobilisées après l’attaque. Un tel scénario était envisagé depuis des semaines. L’attaque est intervenue alors que le réseau de médecins de la diaspora et, en particulier, l’UOSSM, était en train de préparer les médecins en leur procurant formation, protocole de traitement unifié, médicaments… « L’attaque de mercredi nous a pris de court », dit Ammar al-Chakr de l’UOSSM.

Néanmoins, cette organisation de la société civile a permis aux combattants de l’ASL de continuer à défendre leur position. Ainsi à Moadamiya, plus de 100 combattants loyalistes et des chabihas recrutés par le régime ont été tués par l’ASL alors qu’ils tentaient de réinvestir la localité touchée. Le lendemain de l’attaque, les combats continuaient sur la rue Bagdad, au centre de Damas. Et vendredi 23 août, la place des Abassides, haut lieu sécuritaire, essuyait des tirs des rebelles.

« Cette attaque n’est que le reflet de l’affaiblissement du régime : ses troupes sont fatiguées et de plus en plus inorganisées, reprend le chef du Conseil unifié de Damas et sa région. Après être entré à Qaboun (au nord de la Ghouta-est), le régime cherchait à montrer à ses partisans qu’il était en train de reprendre la main au moment où l’ASL avançait à nouveau à Qaboun. En réalité, depuis un an et demi, les lignes sont les mêmes : les forces d’Assad avancent puis sont contraintes de se retirer. Les pertes dans leurs rangs augmentent.»

Ne pouvant déployer ses forces terrestres pour reprendre le contrôle des territoires qu’il a perdus, le régime use de son artillerie et de son aviation pour écraser les foyers de la rébellion. A plusieurs reprises, entre douze et quinze fois, selon l’opposition, des missiles chargés d’agents neurotoxiques ont été utilisés pour réinvestir des positions de l’ASL. L’attaque chimique de mercredi s’inscrit donc dans cette logique militaire et souligne toutes ses limites : la Ghouta assiégée et pilonnée demeure une forteresse de l’insurrection.

« Cette attaque à l’arme chimique était prévisible, analyse un fin connaisseur du dossier, elle marque l’échec de la stratégie d’encerclement de la Ghouta orientale pour éradiquer la résistance dans ces zones. La résistance ne faiblit pas et elle est parvenue à reconstruire ses réseaux d’approvisionnements. »

De fait, l’insurrection occupe toujours les mêmes positions à Damas contrairement à ce que voudrait faire croire la médiatisation qui souligne les victoires militaires du régime et les revers de l’opposition. La réalité de cette résistance a été en effet occultée par la bataille de Homs et par la montée en puissance, dans le nord du pays, de l’Armée islamique d’Irak et du Levant, des jihadistes affiliés à al-Qaida, impliquée dans des affrontements contre les kurdes et des enlèvements d’activistes et de journalistes.

Or, non seulement l’ASL ne faiblit pas, mais elle semblait sur le point d’étendre ses positions dans la capitale. Selon nos informations, les combattants rebelles étaient engagés dans une contre-offensive qui leur aurait permis de continuer à défendre la Ghouta-est et de progresser dans le centre de Damas, à partir de la place des Abassides et de la rue Bagdad, vers ses quartiers nord, coupant ainsi la ville en deux.

« L’attaque de mercredi est intervenue à un moment où les combattants avançaient sur Faiyat, afin de rejoindre le quartier de Rouqneddine (nord-ouest), précise Imad Eddin Rachid. S’ils y étaient parvenus, cela leur aurait permis de constituer un nouvel axe, partant de la place des Abassides, jusqu’au nord-ouest à Rouknnedine, et de faire le lien avec leurs forces qui se trouvent déjà sur l’axe nord-est à Berzé, Qaboun et Jobar, à la limite de la Ghouta-est. Les rebelles auraient ainsi constitué une poche à l’intérieur de Damas et encerclé les forces de Assad, à l’intérieur et par la banlieue. »

Les éléments de l’armée loyaliste qui défendent la banlieue est à partir du périphérique sud ou du boulevard Hafez al-Assad se seraient ainsi retrouvés coincés entre la banlieue est et les quartiers intérieurs tenus par les rebelles. Les quartiers nord comptent aussi des centres sécuritaires qui auraient été à la portée de main des opérations des rebelles. « Prendre le contrôle des quartiers nord de la ville, c’était aussi avancer sur l’axe nord, la route internationale d’Alep, coupant Damas de tout le nord, d’Homs et Alep », ajoute un membre du mouvement révolutionnaire.

Les rebelles n’ont guère les moyens de prendre la place des Abbassides. Cette forteresse sécuritaire fait fonction de verrou au centre: les immeubles ont été investis par les services de renseignement, son stade a été transformé en camp militaire, sans oublier les deux centres sécuritaires, établis à quelques centaines de mètres, dans la rue Bagdad.

Forcer la négociation d’une transition politique

La nuit de l’attaque, les insurgés étaient parvenus à se positionner à 50 mètres des forces loyalistes, les encerclant sur les deux tiers de la place. Le régime ne semble guère pouvoir compter à Damas sur le soutien de ses supplétifs libanais, les hommes du Hezbollah. Présents aux abords de la place des Abassides mais surtout déployés au sud de la banlieue est, à Qazzaz, Dwela, Jaramanah et surtout Saydda Zeinab –le sanctuaire chiite de Damas–, les combattants de la formation chiite ont enregistré des pertes importantes dans la nuit de mercredi. Les combattants de l’ASL se seraient même emparés de l’hôpital Khomeïni de Saydda Zeinab, dimanche 25 août. La formation chiite ne peut non plus se permettre de quitter le front de Qousseir et de Homs, repris difficilement aux rebelles, en juin et qui constitue un axe vital pour le régime et le Hezbollah.

La progression de l’insurrection à Damas est à mettre au compte d’une meilleure organisation. La contre-offensive de la rébellion, enrayée par l’attaque chimique, aurait été préparée depuis quarante jours. Elle a mobilisé l’ensemble des brigades de la capitale. Les combats dans le périmètre de Sayda Zeinab ont été menés par des brigades de Jobar et des réfugiés du Golan, tandis que la progression sur l’axe nord était le fait de commandos de l’ASL. A la différence du Nord, la coordination à Damas est plus avancée et ce sont des factions islamo-nationalistes qui sont à la pointe du combat à l’instar de la Brigade Liwa al-Islam. Le Front al-Nusra n’y est ainsi que marginal.

« Il y a une nette amélioration des capacités opérationnelles de l’ASL depuis six mois grâce à l’implication d’officiers dissidents qui ont pris la direction des opérations des brigades, affirme Imad Eddin Rachid. L’ASL peut aussi compter sur une équipe d’ingénieurs pour préparer les opérations, et dispose d’un service de renseignements car l’armée d’Assad est de plus en plus infiltrée. » L’ASL dispose en effet de complicités au sein de l’armée auprès d’officiers sunnites dissidents restées en poste quand elle ne monnaye pas des informations auprès d’officiers corrompus. C’est à partir de ses informateurs, que la coalition a pu établir la chronologie de l’attaque. Selon ces sources, le convoi de missiles destinés à l’attaque de mercredi a été acheminé sur le site militaire d’Al-Qutayfah, au nord-est de Damas, le 10 août, soit dix jours avant leur lancement.

Le 8 août, le président Assad aurait réchappé à une tentative d’attentat alors qu’il se rendait à la mosquée Ibn al-Malek pour la prière de l’Aïd, la fête de Ramadan : l’un des convois a été la cible d’une attaque menée par la brigade Liwa Tahrir al-Azmé, qui agit sous le commandement de Liwa al-Islam, la principale force de combat de l’ASL de la capitale.

C’est pour rassurer ses troupes, que le président s’est rendu quelques jours plus tard aux abords de la banlieue de Daraya, sans y pénétrer. Contrairement à ses déclarations triomphalistes, le régime ne parvient pas à reprendre cette localité de la banlieue ouest de Damas, qui est pourtant encerclée et bombardée depuis un an et en dépit de sa proximité des zones militaires –les services de renseignement de l’armée de l’air, l’aéroport militaire. Les militants de Daraya démontent la propagande sur la visite du Président Assad dans cette banlieue, toujours contrôlée par l’insurrection:

 

Dans ces conditions, la Ghouta de Damas, qui a une longue histoire de résistance – elle fut notamment la base de l’insurrection nationaliste contre l’occupation française du temps du mandat – constitue un défi de taille pour le régime d’Assad. Elle est une porte d’entrée pour une offensive générale sur la capitale qui serait appuyée, par le front sud, dans la province de Déraa, à la frontière avec la Jordanie.

Les militaires syriens formés en Jordanie sous supervision saoudienne et américaine ne jouent aucun rôle dans les combats et les dernières opérations de la capitale. « Il s’agit d’annonces sans fondement destinées à la presse », tranche al-Attar du Conseil révolutionnaire unifié, qui à l’instar d’autres sources remet en cause l’engagement de ces forces sur le terrain. Pour ces combattants comme pour ceux de Damas, ce travail militaire reste tributaire des sources d’approvisionnement en armes. Or, il n’est pas sûr que le massacre de la Ghouta pousse les Occidentaux et les pays du Golfe à armer plus les mouvements d’insurrection. Les pays amis de la Syrie restent en effet attachés à une solution politique.

Les éventuelles frappes militaires que prépareraient plusieurs pays occidentaux viseraient ainsi à forcer la négociation d’une transition politique. « Les frappes sont envisagées non pas pour renverser le régime de Bachar al-Assad mais pour aller à Genève II, et à la solution politique concoctée par les puissances», confie un opposant de la coalition syrienne.

L’alarme d’Edgar Morin

Mediapart

25 août 2013 |

Il y a un an tout juste, paraissait aux Editions de l’Aube un petit livre de dialogue entre François Hollande et Edgar Morin, fruit d’une conversation entre le politique et le philosophe avant l’élection du premier à la présidence de la République. Le préfaçant une fois élu, François Hollande en résumait ainsi l’enjeu : rien moins que « le pouvoir du politique ». « On ne peut rétablir confiance et espérance que si l’on indique une voie nouvelle, lui lançait Edgar Morin : pas seulement la promesse de sortir de la crise, mais aussi de changer de logique dominante ».

lire la suite :

http://wp.me/p21cdX-1jA

Manuel Valls, le conformiste…

http://wp.me/p21cdX-1jx

http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-marliere

Réactions indignées devant la Une de Valeurs actuelles sur les Roms

L’hebdomadaire de droite a choisir de titrer sa prochaine édition ainsi : « Roms l’overdose » avec une caravane barrée de rouge

La Une provocatrice de Valeurs actuelles, à paraître jeudi

La Une provocatrice de Valeurs actuelles, à paraître jeudi

La Une de l’hebdomadaire Valeurs actuelles fait parler d’elle avant même d’être publiée.

L’édition à paraître jeudi est titrée « Roms l’overdose », avec une caravane barrée de rouge. En sous-titre : « Assistanat, délinquance… ce qu’on n’a pas le droit de dire ».

 

Elle a immédiatement suscité des réactions indignées sur les réseaux sociaux, les internautes fustigeant le parti pris par l’hebdomadaire.

 

Le Parti socialiste a dénoncé mercredi dans un communiqué la une « indigne » et « anti-républicaine ».

Pour le PS, elle « incite à la violence xénophobe contre une catégorie de la population. Les valeurs nauséabondes qui y sont véhiculées n’ont rien d’actuelles, elles sont anti-républicaines ».

Le porte-parole du Parti socialiste David Assouline a rebaptisé sur twitter le magazine « Valeurs poubelles ».

« Cette une est la manifestation d’une campagne politique intolérante et intolérable. Nous mettons en garde contre la banalisation de ce type de campagnes et d’idées contre lesquelles le PS a décidé de lancer l’offensive. Halte à l’overdose xénophobe ! », ajoute le PS, qui promet de lancer une offensive contre l’extrême droite lors de ses universités d’été à La Rochelle ce week-end.

Contactée par L’Express, la rédaction de Valeurs Actuelles se justifie : « la couverture reflète le sondage réalisé par l’institut Harris-Interactive. Le directeur de cet institut, Jean-Daniel Levy, a lui-même été extrêmement surpris du rejet par les Français de cette communauté, tant à gauche qu’à droite. Nous n’avons fait que retranscrire en couverture les résultats éloquents de cette enquête ».

Les personnes interrogées devaient notamment répondre à la question suivante : êtes-vous préoccupé par la présence des Roms ? 70% se disent « très préoccupés » ou « plutôt préoccupés ». Comme pour tous les sondages, les résultats sont à prendre avec des pincettes : des réalités très différentes peuvent se cacher derrière les chiffres…

Pour les musulmans

 

Mediapart

18 août 2013

Dieu ou l’armée. L’étau dans lequel est pris le peuple égyptien, soudain renvoyé à l’affrontement entre pouvoir militaire et islamisme politique qui l’a si longtemps privé de sa liberté, menace aussi notre propre débat public.

Inaugurées en Tunisie, les révolutions arabes avaient ouvert l’espoir d’une nouvelle ère politique méditerranéenne qui, potentiellement, pouvait nous libérer, en France, même des passions négatives sur lesquelles la politique de la peur de l’après-11-Septembre fondait sa réussite, enrégimentant nos sociétés dans une guerre sans fin contre un terrorisme identifié à l’islam.

Depuis le tournant tunisien de décembre 2010-janvier 2011, onde de choc géopolitique sans frontières, la réalité du soulèvement démocratique des peuples avait ébranlé cette idéologie au nom de laquelle nos gouvernants (et même nos opinions) cautionnaient, voire soutenaient sans états d’âme, des pouvoirs dictatoriaux, liberticides et corrompus, au prétexte qu’ils faisaient barrage à l’islamisme.

La voici désormais ravivée, sur fond d’inculture, de méconnaissance et d’ignorance, par l’échec au pouvoir des formations issues de l’islam politique, alors qu’elles étaient sorties gagnantes des premières élections libres en Tunisie et en Égypte, échec résultant de leur incapacité à dialoguer avec leurs sociétés et à en accepter le pluralisme, sans compter leur impuissance et leur incompétence face aux urgences sociales qui les avaient légitimées.

Ce n’est en rien l’excuser que de rappeler que le coup de force sanglant des militaires égyptiens fut précédé du coup de force politique de Mohamed Morsi quand, en décembre 2012, le président issu des Frères musulmans a précipité l’avortement de la révolution en s’arrogeant les pleins pouvoirs. Il suffit d’ajouter la sanglante impasse syrienne, l’instabilité meurtrière irakienne, l’inquiétant désordre libyen et l’extension guerrière nord-malienne pour noircir encore plus le tableau où tente de se dessiner, dans une transition chaotique et douloureuse, à l’issue improbable et à la durée incertaine, l’invention par ces peuples d’un avenir dont ils seraient enfin les maîtres.

Les idéologues du choc des civilisations, qui essentialisent les identités, les cultures et les religions, n’ont que faire des incertitudes et des précautions d’une pensée complexe de cette crise multiforme, où il faudrait aussi tenir compte du sursaut démocratique turc lors des manifestations d’Istanbul, de la soudaine révolte marocaine contre le pouvoir royal, voire – au-delà du monde arabe et dans l’islam chiite – de la victoire d’un candidat modéré et pragmatique à l’élection présidentielle iranienne. Car toutes ces sociétés bougent en profondeur, convergeant bien plus qu’elles ne divergent des nôtres – démographiquement, familialement, culturellement – comme l’avaient fort bien démontré Emmanuel Todd et Youssef Courbage dans Le Rendez-Vous des civilisations.

Sans que l’on puisse en faire un pronostic définitif pour l’avenir, l’une des données de la crise égyptienne, sous sa confusion indécidable, n’est-elle pas l’expression directe d’une société définitivement sortie de sa résignation, au point qu’elle s’est massivement retournée contre l’exercice du pouvoir par les Frères musulmans après le leur avoir sans conteste confié ? Prompts à décréter que l’islam est incompatible avec la démocratie, en faisant le pari de la défaite de peuples qu’il faudrait plutôt soutenir dans leurs revendications d’idéaux universels de liberté et d’égalité, nos idéologues de la guerre des mondes n’ont hélas que faire de ces nuances et de ces contradictions.

En envisageant, après la répression sanglante de leurs manifestations, l’interdiction politique des Frères musulmans, décision qui criminaliserait leur mouvement et plongerait leurs militants dans la clandestinité, le pouvoir militaire égyptien assume le choix d’alimenter caricatures et simplismes. Cette fuite en avant contient le risque d’une répétition du dramatique scénario algérien où l’interruption en 1992 du processus électoral, suivie de l’interdiction du Front islamique du salut (FIS), ouvrit une décennie de guerre civile dont l’Algérie n’est toujours pas complètement remise. Un scénario dont on a pu constater, en France, combien l’impunité accordée à la répression militaire là-bas s’accompagnait ici d’une diabolisation croissante de l’islam.

Aussi y a-t-il fort à parier que les tenants d’une politique de la peur, celle-là même qui a accompagné les désastres de l’après-2001, vont s’empresser de revenir à leurs obsessions, fermant avec un plaisir non dissimulé la porte d’espoir ouverte depuis 2011. Ce faisant, c’est notre avenir qu’ils risquent de compromettre. D’abord parce que ce dernier se construit dans la relation avec les autres nations méditerranéennes pour d’évidentes raisons géopolitiques où se mêlent histoire, géographie, économie, démographie et culture. Ensuite parce qu’en France, de longue date sous le poids d’un passé colonial jamais vraiment soldé et, plus récemment, sous l’effet d’une banalisation de l’islamophobie depuis les attentats new-yorkais de 2001, la question musulmane détient la clé de notre rapport au monde et aux autres, selon qu’on la dénoue ou qu’on l’exacerbe, qu’on l’apaise par la raison ou qu’on l’agite par la passion.

Selon, en somme, que l’on considère (et qu’on accepte et qu’on respecte) nos compatriotes musulmans – d’origine, de culture ou de religion, ces trois modalités disant une pluralité de cheminements ou d’appartenances – dans leur diversité justement, ou qu’on les essentialise en bloc, figeant tout ce qui ressort, peu ou prou, de l’islam dans une menace indistincte qui légitimerait leur exclusion ou leur effacement, un double impératif à se faire discrets et à se faire oublier… Paradoxalement, cette réduction des musulmans de France à un islam lui-même réduit au terrorisme et à l’intégrisme est un cadeau offert aux radicalisations religieuses, dans un jeu de miroirs où l’essentialisation xénophobe justifie l’essentialisation identitaire.

Des généralisations douteuses et irresponsables, selon Edward Said

Dans un essai lumineux sur L’Islam dans les médias, illustration concrète de sa réflexion sur l’orientalisme comme construction d’un Orient imaginaire par l’Occident, Edward W. Said avait tôt souligné cette exception de la question musulmane comme le nouveau point aveugle de notre rapport à l’Autre, au différent, au dissonant et au dissemblable. « Si les généralisations douteuses sur les cultures étrangères ne sont plus tolérées en Occident, l’Islam constitue l’exception, écrivait-il dans la préface à la réédition en 1997 de ce livre d’abord paru en 1981 : le discours sur la mentalité, la personnalité, la religion et la culture musulmanes semblerait tout à fait déplacé dans un débat politiquement correct sur les Africains, les juifs, les Asiatiques ou d’autres peuples orientaux. »

Palestinien devenu Américain, politiquement libéral au sens anglo-saxon de radicalité démocratique, Edward Said (1935-2003) était peu suspect de sympathie pour les forces conservatrices et réactionnaires du monde musulman, soulignant dans le même texte le « climat passionnel » qu’elles installent et « cette image peu engageante de l’Islam » qu’elles véhiculent. Mais ce qui le frappait, depuis New York où il vivait et livrait cette alarme quatre ans avant le 11-Septembre, c’est l’instrumentalisation dans nos contrées de « l’étiquette “islam” » comme « une forme d’offensive » sur le mode « fondamentalisme égale islam égale ce-contre-quoi-nous-devons-lutter-aujourd’hui, tout comme nous avons lutté contre le communisme pendant la guerre froide ».

S’opposant à ces « généralisations inacceptables, irresponsables »« les circonstances concrètes sont gommées », il rétorquait que « “l’Islam” ne définit qu’une infime partie du monde musulman, qui compte un milliard de personnes, comprend des douzaines de pays, de sociétés, de traditions, de langues et contient quantité de réalités différentes ». Jugeant « absurde d’imputer tout cela à “l’islam” » et de croire « que l’islam régit les sociétés islamiques dans le moindre détail, que dar al-islam a une identité fixe et unique, que la religion et l’État ne font qu’un dans les pays musulmans et ainsi de suite », il s’inquiétait des conséquences de cet  aveuglement occidental. Et celle, notamment, de produire, dans une sorte de prophétie auto-réalisatrice, « un “Islam” résolument prêt à jouer le rôle que lui a instinctivement assigné l’Occident, soumis à l’orthodoxie dominante et en proie au désespoir ».

La sombre prédiction de Said s’est hélas réalisée, radicalisant, s’il en était encore besoin, les représentations occidentales dominantes des musulmans. Et ce qui se joue dans la crise égyptienne, selon son issue, c’est la confirmation ou le démenti de cette caricature où se nourrissent, en Orient comme en Occident, les crispations identitaires et xénophobes. Si notre impuissance est grande pour peser sur son cours en Égypte même, notre responsabilité est en revanche immense sur son effet en France, pays d’Europe où vit la plus importante communauté musulmane dans la diverse acception de cet adjectif – l’origine, la culture, la religion – et dont l’islam est le premier des cultes minoritaires face au catholicisme, devant le judaïsme et le protestantisme.

C’est ici qu’il convient d’alerter par avance dans l’espoir fragile de conjurer les amalgames et les stigmatisations. Car comment ne pas constater combien l’alternance électorale de 2012 n’a pas su construire un barrage solide contre la lame de fond sur laquelle la présidence Sarkozy s’est aventurée en eaux extrêmes, piétinant l’engagement constitutionnel d’une République respectueuse de « toutes les croyances » et s’engageant à « assurer l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » ? Depuis le non-débat sur l’identité nationale de 2010, une partie de l’ex-droite républicaine assume, dans la foulée de l’extrême droite, l’injonction faite à nos compatriotes musulmans à devenir invisibles, en effaçant tout signe extérieur de leur croyance, pourtant minoritaire – qu’il s’agisse d’un tissu (le foulard), d’un aliment (le halal) ou d’un lieu (la mosquée).

Or, loin d’installer fermement une pédagogie contraire, le nouveau pouvoir socialiste a laissé son ministre de l’intérieur, administrativement en charge des cultes, donner le la d’un discours qui nourrit les mêmes dérives. Les officiels messages de solidarité face aux violences de plus en plus libérées dont font l’objet les musulmans de France y pèsent moins que les douteuses résonances et les flagrantes renonciations. Manuel Valls ne se contente pas de critiquer le droit de vote des étrangers (pourtant promesse électorale de François Hollande), d’enterrer le récépissé des contrôles d’identité (où se joue la discrimination ordinaire) et d’assumer sa faveur pour l’interdiction du foulard (en critiquant une décision de la Cour de cassation et en appuyant un rapport mort-né du HCI).

Il ajoute à ces positions, que ne démentirait pas un ministre de droite, l’exploitation hexagonale des tensions internationales où se construit une représentation diabolique de l’islam. Récusant, par un mensonge sur son origine prétendument iranienne (lire ce qu’il en est vraiment sous la plume de Carine Fouteau), le terme « islamophobie », façon de minimiser la discrimination qu’il désigne, le ministre de l’intérieur a ainsi récemment déclaré : « L’islamophobie est le cheval de Troie des salafistes. » Cet appel explicite à une indifférence doublée de méfiance – ceux qui se plaignent sont des terroristes en puissance – n’est pas loin d’une invitation à la guerre intestine, soit une guerre contre une partie de nous-mêmes puisque le même Manuel Valls n’a pas hésité, dès 2012, à qualifier de « véritables ennemis de l’intérieur » les jeunes Français égarés dans l’islamisme radical.

La résonance de l’alarme lancée par Emile Zola

Ces généralisations ne sont pas seulement stupides, elles sont surtout dangereuses. Confondre une communauté – d’origine, de culture ou de croyance – avec les actes d’individus qui s’en réclament ou s’en prévalent, c’est faire le lit de l’injustice. Et laisser s’installer ces discours par notre silence, c’est habituer nos consciences à l’exclusion, en y installant la légitimité de la discrimination et la respectabilité de l’amalgame. Au XXe siècle, la tragédie européenne nous a appris la fatalité de cet engrenage, dans l’acceptation passive de la construction d’une question juive. Ne serait-ce que parce que nous avons la responsabilité de cet héritage, nous refusons de toute notre âme cette insidieuse et insistante construction contemporaine d’une question musulmane.

Car aurions-nous oublié le meilleur de nous-mêmes ? Ce sursaut des consciences françaises qui est resté comme l’alarme prophétique dont l’écho, s’il a dans l’instant sauvé un homme et une nation, n’a pas su, hélas, empêcher la catastrophe du génocide ? Cette défense, à travers la cause d’un individu, Alfred Dreyfus, du peuple, le peuple juif, auquel on l’identifiait, au carrefour d’une origine, d’une culture et d’une religion ? Ce refus non seulement de l’injustice d’État dont le capitaine était victime, mais de l’antisémitisme ordinaire et quotidien, par lequel se construisait et s’installait une haine de l’Autre inconsciente d’elle-même, dans l’essentialisation aveugle d’une communauté, assignée à des caricatures, préjugés et fatalités ?

Ce fut hier une histoire de presse, comme, aujourd’hui, la question de l’islamophobie engage en priorité la responsabilité des médias, tant y sont diffusées, banalisées sous la forme d’évidences, les représentations qui construisent la stigmatisation d’une population, d’hommes, de femmes et d’enfants, au prétexte de leur identité religieuse. Si notre profession a gardé en mémoire le fameux J’accuse, par lequel, dans L’Aurore du 13 janvier 1898, Émile Zola prend la défense du capitaine Dreyfus, alors enfermé au bagne de Cayenne, en Guyane, sous une accusation mensongère et falsifiée d’espionnage, elle ne se souvient plus de ce qui l’a précédé – et qui, en fait, marque le véritable basculement de l’écrivain, jusqu’alors indifférent à la cause.

Il s’agit d’un article paru un an et demi plus tôt, le 16 mai 1896, dans Le Figaro, quotidien peu suspect de radicalité et d’audace, dont Zola est devenu l’une des signatures en 1880. Depuis le succès de L’Assommoir (1876), l’écrivain est une personnalité respectable et respectée, chevalier (1888), puis officier (1893) de la Légion d’honneur, président de la Société des Gens de Lettres, candidat à l’Académie française, bref un homme menacé par « tous les périls de l’argent et de la gloire », comme l’écrira l’historien Henri Guillemin (Zola, légende et vérité, Utovie, 2012). Le voici donc qui va renoncer à ce capital illusoire, lui préférant l’éternité des principes en se mettant à dos tous les bien-pensants du moment. Et l’acte décisif de cette rupture sera cet article de 1896, où le nom de Dreyfus n’est pas une seule fois mentionné mais dont le propos amènera les premiers dreyfusards, notamment Bernard Lazare, à contacter Zola pour le rallier à leur cause.

Il s’intitule, tout simplement Pour les juifs, et il suffit de remplacer, dans ses premières lignes, le mot « juifs » par celui de « musulmans » pour entendre la résonance avec notre époque : c’est un cri de colère contre un sale climat. « Depuis quelques années, écrit d’emblée Zola, je suis la campagne qu’on essaie de faire en France contre les juifs, avec une surprise et un dégoût croissants. Cela m’a l’air d’une monstruosité, j’entends une chose en dehors de tout bon sens, de toute vérité et de toute justice, une chose sotte et aveugle qui nous ramènerait à des siècles en arrière, une chose enfin qui aboutirait à la pire des abominations, une persécution religieuse, ensanglantant toutes les patries. Et je veux le dire. »

Zola s’adresse explicitement aux siens, comme sans doute nous le faisons ici même tant la question musulmane divise nos propres lecteurs. Il évoque, d’ailleurs, ces « amis à moi » qui « disent qu’ils ne peuvent pas les souffrir », comme d’autres, aujourd’hui, ne supportent pas l’affirmation d’une foi ou d’une identité musulmanes. Et il s’efforce de démonter leurs préjugés, et le principal d’entre eux, celui qui, sur fond de vieil antijudaïsme chrétien – « nos dix-huit cents ans d’imbécile persécution », écrit-il – fut la matrice de l’antisémitisme moderne : le reproche fait aux juifs d’être un peuple à part dont le ressort serait « l’amour de l’argent ». Auquel s’ajouta ensuite, dans sa théorisation nazie, l’assimilation du judaïsme au bolchévisme, de l’être juif à la menace communiste, sans patrie ni frontière.

Décrivant son mécanisme, il synthétise remarquablement l’argumentaire par lequel se rend acceptable un racisme dont les cibles peuvent toujours varier selon les époques, les contextes et les circonstances. « Les juifs, résume-t-il, sont accusés d’être une nation dans la nation, de mener à l’écart une vie de caste religieuse et d’être ainsi, par-dessus les frontières, une sorte de secte internationale, sans patrie réelle, capable un jour, si elle triomphait, de mettre la main sur le monde. » Où l’on retrouve nos fantasmes d’aujourd’hui sur « l’ennemi intérieur » qu’installerait à demeure un islam menaçant, potentiellement sinon naturellement terroriste, indistinctement identifié à nos compatriotes musulmans, par leur origine, leur culture ou leur croyance.

« Qu’il y ait, entre les mains de quelques juifs, un accaparement douloureux de la richesse, c’est un fait certain, rétorque pour finir Zola. Mais le même accaparement existe chez des catholiques et chez des protestants. Exploiter les révoltes populaires en les mettant au service d’une passion religieuse, jeter surtout le juif en pâture aux revendications des déshérités, sous le prétexte d’y jeter l’homme d’argent, il y a là un socialisme hypocrite et menteur, qu’il faut dénoncer, qu’il faut flétrir. » En somme, l’écrivain refusait ce premier pas du rejet de l’Autre qui consiste à le figer hors de toute histoire, de toute contradiction et de tout pluralisme, en somme à lui dénier sa liberté.

Ce que font les hommes ensemble plutôt que ce qu’ils croient séparément

Telle est donc l’alarme que l’on voudrait, de nouveau, faire entendre, en défense des musulmans, dans la diversité humaine de ce que ce mot recouvre. En défense de toutes celles et de tous ceux qu’ici même, la vulgate dominante assimile et assigne à une religion, elle-même identifiée à un intégrisme obscurantiste, tout comme, hier, les juifs furent essentialisés, caricaturés et calomniés, dans un brouet idéologique d’ignorance et de défiance qui fit le lit des persécutions. L’enjeu n’est pas seulement de solidarité avec l’autre mais de lucidité sur nous-mêmes.

Car, dans cette crispation où s’efface la frontière entre droite et gauche, ce qui est mis en péril, c’est l’avenir de la France comme société pluraliste, acceptant sa propre diversité et assumant ses défis sociaux. De ce point de vue, l’obsessionnelle question du foulard, relancée à l’université par des apprentis sorciers au cœur de l’été, est un voile jeté sur nos sensibilités, générosités et curiosités. Brandir la visibilité de ce morceau de tissu comme la question décisive pour notre espace public, c’est nous inviter à ne plus voir le reste, tout ce que cette focalisation occulte et masque, et au premier chef la question sociale, celle des quartiers populaires comme l’a récemment fort bien démontré ici-même Stéphane Alliès.

De cet aveuglement témoigne le contresens habituellement commis par ceux qui, à gauche, confondent religion et intégrisme, transformant du coup une laïcité tolérante et pluraliste en laïcisme guerrier et univoque. Il s’agit de cette citation-cliché de Karl Marx sur la religion comme opium du peuple. Or si l’on prend la peine de la lire dans son contexte, on comprend que le message de Marx était tout autre : non pas une invitation à faire la guerre à ceux qui revendiquent leurs croyances, mais un appel à entendre les souffrances dont la religion est le réceptacle, fût-il illusoire.

Voici donc le passage de L’Introduction à la critique de la Philosophie du droit de Hegel où surgit chez Marx cette comparaison de la religion à l’opium, entendu comme paradis artificiel et bonheur illusoire : « La détresse religieuse est pour une part l’expression de la détresse réelle, et pour une autre part la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. »

Bref, ce ne sont pas propos de condamnation, mais phrases de compréhension qui, pour autant, ne signifient aucune complaisance avec les idéologies religieuses. Mais, refusant de réduire les croyants à une identité figée et pariant sur leur libre arbitre face à l’expérience concrète, Marx juge plus important ce que les hommes font ensemble que ce qu’ils croient séparément. Ils les acceptent comme ils sont, et surtout si, dans l’exclusion sociale qu’ils vivent, ils n’ont d’autres échappées que ce soupir religieux. Aussi, commentant longuement cette citation afin de décortiquer cette « haine de la religion » qui s’est emparée aujourd’hui d’une bonne partie de la gauche, Pierre Tevanian souligne combien, hier, ses référents intellectuels critiquaient au contraire les extrémistes de l’irréligion.

Être musulman, l’exprimer ou le revendiquer, n’est pas plus incompatible en soi avec des idéaux de progrès et d’émancipation que ne l’était l’affirmation par les ouvriers ou les étudiants de la JOC et de la JEC de leur identité chrétienne, alors même qu’ils rejoignaient les combats syndicaux du prolétariat ou de la jeunesse. Sauf, encore une fois, à renouer avec les préjugés coloniaux qui essentialisaient d’autres cultures pour les dominer et les opprimer, les rejeter ou les soumettre, rien ne justifie que l’on décrète l’incompatibilité entre la République, ses idéaux et ses principes, et la revendication d’être reconnu, respecté et admis comme musulman.

Tout au contraire même puisque c’est dans la reconnaissance des minorités que se joue la vitalité d’une démocratie acceptant la diversité des siens, la pluralité de leurs conditions, la richesse de leurs différences. Et construisant, par le respect de ces dissemblances, une ressemblance supérieure, celle que proclament les principes dynamiques, jamais épuisés, de liberté, d’égalité et de fraternité. Sous la question musulmane se joue, en vérité, la question française : notre capacité à inventer une France qui, au lieu de se crisper sur une identité fantasmée et mortifère, s’élance vers le monde en faisant de sa relation au divers le meilleur des Sésame.

Pour les musulmans donc parce qu’en les défendant, c’est nous tous que nous sauvons.

Ce reniement dont Manuel Valls est le nom

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20 septembre 2012 | Par Edwy Plenel – Mediapart.fr

La Ligue des droits de l’homme s’indigne

Après l’agression contre la salle de prière de Saint-Trélody, la Ligue des droits de l’homme réagit.

Lous Rieux, président de la section de Saint-Vivien, de la LDH.

Lous Rieux, président de la section de Saint-Vivien, de la LDH. (photo m. L.)

« Les dégradations commises sur la salle de prière sont des actes inacceptables », s’indigne Lous Rieux, le président de la section de Saint-Vivien de la Ligue des droits de l’homme (LDH).

Dans la nuit de mardi à mercredi dernier, le lieu de culte musulman de Lesparre a été l’objet d’une tentative d’incendie. Une croix gammée a également été taguée sur la façade du bâtiment. D’après les premiers éléments de l’enquête, de l’essence aurait été déversée sur le sol, devant la porte d’entrée et un morceau de papier enflammé aurait été introduit dans la fente de la boîte aux lettres, située sur cette même porte.

 

L’incendie a été évité in extremis, grâce à l’intervention des deux fidèles et de l’imam, toujours présents dans la salle de prière au moment des faits, vers 1 heure du matin.

La Ligue des droits de l’homme considère que « cette agression est par essence anti-française car elle rejette la notion de liberté de conscience et de liberté de culte, fondement de notre république laïque ». La LDH annonce également vouloir prendre contact avec la communauté musulmane « pour lui signifier notre solidarité et prévoir un rassemblement de protestations et de mobilisation ».

Au Maroc, « quelque chose d’inédit est en train de se produire »

Mediapart

08 août 2013 |
Par Ilhem Rachidi

Rabat, Casablanca, correspondance

Les manifestations continuent au Maroc malgré l’arrestation en Espagne du pédophile espagnol, dont la grâce par le roi du Maroc a provoqué un scandale politique sans précédent. L’objectif de ces manifestations : réclamer des excuses du roi mais surtout revendiquer une justice indépendante et le droit de manifester.

La semaine dernière, des rassemblements avaient déjà eu lieu à travers le pays contre la grâce de Daniel Galvan, condamné à 30 ans de prison pour avoir violé onze enfants de quatre à quinze ans. Jamais une décision royale n’a été ainsi contestée. Fait exceptionnel, la rue marocaine a remis en cause cette décision et provoqué l’annulation de cette grâce. C’est la première fois que le roi Mohammed VI se justifie ainsi devant l’opinion publique.

« Ils ont été acculés à faire marche arrière », se réjouit l’économiste et militant Fouad Abdelmoumni. « C’est un mouvement douloureux pour le Palais, il n’a jamais fait ça. »

À Rabat, ils étaient plusieurs centaines à manifester mercredi 7 août 2013 devant le parlement, bougies à la main, afin de rendre hommage aux victimes de Daniel Galvan. La veille, à Casablanca, environ 2 000 personnes, dont beaucoup d’enfants, se sont rassemblées sur la place Mohammed-V.

A Casablanca, le 6 août 2013, manifestation contre la libération du pédophile Daniel Galvan
A Casablanca, le 6 août 2013, manifestation contre la libération du pédophile Daniel Galvan© Reuters

Said Maghrouh, un homme d’une trentaine d’années qui travaille dans un centre d’appels à Casablanca, participait à sa première manifestation. « C’est ma façon de dire que tout cela est une honte. Je suis là pour faire pression pour que Daniel soit jugé pour ce qu’il a fait », expliquait-il.

Un passant d’une soixantaine d’années décide de rester sur la place. Il ne décolère pas. « Comment le roi pouvait-il ne pas être au courant ?! Je proteste contre le tourisme sexuel, contre le gouvernement marocain. Les criminels sont ceux qui ont relâché Daniel ! »

« Nous réclamons l’indépendance de la justice ! » « Nous voulons que les responsables soient jugés ! » « Dignité et justice ! » « Le Pouvoir au peuple ! », scandaient les manifestants. Certains réclamaient aussi le départ du conseiller et proche du roi Fouad Ali El Himma.

Le 31 juillet, à l’occasion de la fête annuelle du trône, le roi Mohammed VI graciait le pédophile, qui faisait partie d’une liste de 48 Espagnols graciés. Il n’aura passé que 18 mois en prison. La mobilisation a rapidement pris sur les réseaux sociaux et, en quelques heures, une page Facebook appelant à manifester a réuni plusieurs milliers de participants.

Dès le vendredi suivant, des manifestations avaient lieu à travers le pays. Elles ont été réprimées à Tétouan, Tanger et Rabat, où plusieurs dizaines de personnes ont été blessées. D’autres rassemblements ont eu lieu à Kénitra, où vivait le pédophile, à Nador, Larache, Agadir, entre autres. Les Marocains de l’étranger aussi se sont mobilisés. À Paris, ils étaient 150 à se rassembler samedi devant l’ambassade du Maroc. Un sit-in a eu lieu à Boston, aux États-Unis.

Samedi 3 août, après trois jours de silence, le Palais royal affirmait dans un communiqué – une première – que le roi n’avait pas connaissance du cas Daniel Galvan et promettait une enquête sur les circonstances de cette grâce. Le lendemain, un second communiqué annonçait l’annulation de la grâce.

Aussitôt après cette réponse du Palais, les commentaires pleuvaient sur les réseaux sociaux, vecteurs de la colère des Marocains. Comment le roi pouvait-il ne pas être au courant ? Quelle est la responsabilité du cabinet royal dans cette affaire ?

Sous le hashtag « Mafrasich » (je n’étais pas au courant) les twittos marocains exprimaient leur scepticisme. @Hatimuuus « Mon budget et celui de ma famille est supérieur à celui de l’éducation et la santé ? »

ou encore @donilapute « J’aurais aimé avoir le Roi comme Papa, comme ça il signe les bulletins scolaires sans voir les notes. »

« Quelque chose d’inédit »

Lundi matin, les autorités marocaines émettaient un mandat d’arrêt international. Quelques heures plus tard, Daniel Galvan était arrêté dans la région de Murcie (sud-est de l’Espagne) et placé en détention préventive. Une première tête est rapidement tombée. Lundi après-midi, au terme d’une enquête particulièrement rapide, Hafid Benhachem, le délégué général à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion, proche de la retraite, était limogé. Cet homme de l’ère Basri, ancien directeur de la sûreté nationale, est, pour de nombreux observateurs, le parfait bouc émissaire de ce que l’on appelle désormais le Danielgate.

Le communiqué du Palais royal, troisième du genre en trois jours pour une institution qui ne communique jamais, stipulait que « l’enquête a conclu que ladite administration, lorsqu’elle a été sollicitée par le cabinet royal, a transmis par inadvertance des informations erronées de la situation pénale de l’intéressé, qui faisait partie d’une liste de 48 détenus de nationalité espagnole ».

Une liste de 18 prisonniers à libérer avait été établie tandis qu’une deuxième liste concernait les 30 prisonniers qui devaient être extradés en Espagne. Les deux listes auraient été fusionnées et, au lieu de transférer Daniel Galvan dans une prison espagnole, les autorités l’ont libéré, ainsi que 29 autres prisonniers qui circulent dorénavant en toute liberté sur le territoire espagnol.

Joint par téléphone quelques heures après l’annonce de son renvoi, Hafid Benhachem acceptait de porter le chapeau de ce Danielgate. « J’assume mes responsabilités. C’est moi le directeur. L’administration a commis une erreur en transmettant une mauvaise information, par inadvertance, j’insiste. » C’est la conséquence de l’erreur d’un « subalterne », a-t-il ajouté. Hafid Benhachem reconnaît-il avoir une responsabilité dans les erreurs sur la liste des prisonniers graciés ? « Je suis responsable des prisons », a-t-il répondu.

Mardi 6 août, le roi recevait en audience les familles des victimes du pédophile. Depuis le déclenchement de l’affaire, le Palais s’est évertué à gérer cette crise particulière. Malgré l’absence de responsabilité établie et reconnue dans l’entourage du roi, pointé du doigt dès le début de cette affaire, la réaction du monarque a satisfait une partie des contestataires. Le roi s’était exprimé pour leur répondre, un événement en soi.

Sur la toile, ils étaient nombreux à crier victoire. Cependant, pour de nombreux Marocains, ce scandale est aussi l’occasion de dénoncer l’opacité du système de prise de décisions et de revendiquer à nouveau une réelle indépendance de la justice.

Dans la manifestation du 7 août à Rabat
Dans la manifestation du 7 août à Rabat

« Je continue de manifester pour l’indépendance de la justice et l’affaire n’est pas terminée. Je continue de croire à la pression de la rue pour que les choses changent enfin au sommet de l’État. Si certains sont satisfaits d’un simple communiqué, moi je fais partie de celles et ceux qui croient aux actes », déclare Lahcen Kabouri, un manifestant régulier.

Cette dénonciation de la grâce a fédéré des Marocains issus de milieux sociaux divers, pour nombre d’entre eux familiers du web – présence de beaucoup de twittos aux manifestations –, des militants, des intellectuels, des gens issus du milieu artistique.

Elle a aussi réveillé la contestation initiée il y a deux ans par le Mouvement 20-février, né le 20 février 2011 dans la foulée des mouvements de protestations tunisiens et égyptiens. Certains militants n’avaient pas pris part à une manifestation depuis plusieurs semaines. Lors du premier rassemblement à Rabat vendredi dernier, ils étaient nombreux à s’être déplacés de Kénitra (où vivait le pédophile), de Salé, Casablanca, Meknès, Fès. Certains n’avaient jamais manifesté.

« Quelque chose d’inédit est en train de se produire », affirmait un militant du Mouvement 20-février juste avant la manifestation réprimée à Rabat, « nous sommes plusieurs milliers à dénoncer cette grâce royale ».

Le silence des politiques

« Avant même que la manif ne commence, il y avait des courses-poursuites, des coups de matraque, des intimidations, raconte Tahani. Mais à chaque fois que les forces de l’ordre nous séparaient, on se regroupait pour scander encore plus fort nos slogans. C’était une journée historique celle où les Marocains et les Marocaines dignes se sont réveillés pour défendre l’honneur et la dignité de nos enfants. C’était un vrai moment de bonheur, malgré les coups, la répression, nous étions heureux de voir qu’il y a toujours de l’espoir. »

Dans la manifestation du 7 août à Rabat
Dans la manifestation du 7 août à Rabat

Reprenant le slogan phare des protestations de ces deux dernières années, les manifestants criaient « Vive le peuple » alors que les forces de police les matraquaient. Ils s’adressaient directement au roi, qui leur a « mis la honte » et les a « vendus à l’Espagne ».

Pendant ce temps, la classe politique s’illustrait par son silence.

Les partis PPS (coalition gouvernementale) et PAM (opposition) ont demandé l’ouverture d’une enquête. Mais le chef de gouvernement Abdelilah Benkirane ne s’est pas exprimé et les rares intervenants n’ont fait qu’alimenter la colère des Marocains. Le porte-parole du gouvernement a déclaré qu’il ne disposait d’aucune information. Le ministre de la justice a quant à lui justifié la grâce en parlant d’une faveur accordée à l’Espagne pour des « raisons d’intérêt national » : « Il s’agit d’une décision royale dictée sans doute par des intérêts nationaux, même si le bénéficiaire est impliqué dans des crimes. »

La présidente de l’Association Touche pas à mon enfant, Najat Anouar, s’est attiré les foudres des Marocains sur la toile après avoir refusé de remettre en question cette grâce qui constitue, d’après elle, « un droit exclusif du roi ». Le site de son association était d’ailleurs piraté quelques heures après. Fatima Khayari s’est quant à elle retirée de l’association par la suite : « Quel fut mon dégoût, oui mon dégoût je dis bien, quand je vous ai vue justifier l’injustifiable, défendre l’indéfendable, choisir le camp de ceux qui pensent que l’honneur de nos enfants ne vaut même pas une excuse royale. »

Les médias officiels n’ont commencé à couvrir les événements qu’après la diffusion du premier communiqué du Palais, sans avoir auparavant couvert les manifestations.

Aucun dirigeant de parti politique ne s’est exprimé, excepté Nabila Mounib, secrétaire générale du PSU (Parti socialiste unifié). Pour elle, ce Danielgate s’inscrit dans les protestations que connaît le Maroc depuis deux ans. « C’est une véritable demande populaire qui s’installe », explique-t-elle. « Ça va continuer, ça se dessine clairement dans la tête des gens. La question fondamentale, c’est l’établissement d’un État de droit et la séparation des pouvoirs. »

Ce n’est pas la première fois que des manifestations concernent directement le roi. L’an dernier déjà, des sit-in avaient dénoncé la cérémonie d’allégeance et appelé à une réduction du budget du Palais royal. Les deux rassemblements avaient été réprimés. Mais contrairement au Danielgate, ils n’avaient pas mobilisé la rue marocaine.

D’après Hassan Akrouid, membre du Mouvement 20-février et de l’ONG Attac Maroc, ces dernières protestions sont « particulières ». « Ce sujet a à voir avec la dignité des Marocains. Les citoyens marocains ont refusé cette grâce royale et discutent maintenant de ces sujets ensemble. Cela va participer à étendre d’autres mouvements de protestation », affirme-t-il.

ROMS, UNIQUE OBJET DE MON RESSENTIMENT par MAITRE EOLAS

Le Gouvernement a donc décidé, pour des motifs d’opportunité politique assez évidents sur lesquels je ne m’étendrai pas, ayant assez de choses à dire par ailleurs, de mettre en œuvre une politique d’expulsion, au sens premier du terme : « pousser dehors », les Roms étrangers vivant en France.

Ils sont fous, ces Roms, hein ?

Avant d’aller plus loin, qu’est-ce qu’un Rom ? Rom vient du mot Rrom, en langue romani (l’orthographe a été amputé d’une lettre en français, la double consonne initiale n’existant pas dans cette langue), qui signifie « homme » au sens d’être humain (féminin : Roma ; pluriel : Romané). Il s’agit d’un peuple parti, semble-t-il (la transmission de la culture étant orale chez les Roms, il n’existe pas de source historique fiable, mais tant la langue romani parlée par les Roms que la génétique confirme l’origine géographique indienne), du Nord de l’Inde (Région du Sindh, dans l’actuel Pakistan, et du Penjab pakistanais et indien) aux alentours de l’an 1000 après Jésus-Christ, sans doute pour fuir la société brahmanique de l’Inde qui les rejetait comme intouchables (c’est donc une vieille tradition pour eux que d’être regardés de travers par leur voisin).

Ils sont arrivés en Europe via la Turquie au XIVe siècle, suivant les invasions des Tatars et de Tamerlan, et s’installèrent dans l’Empire byzantin (qui les appelle Ατσίγγανος , Atsinganos, « non touchés », du nom d’une secte pré-islamique disparue, dont les zélotes refusaient le contact physique ; quand les Roms arrivèrent, les byzantins, qu’on a connu plus rigoureux dans leur réflexion, les prirent pour des membres de cette secte), ce qui donnera tsigane, Zigeuner en allemand et Zingaro en italien. Ceci explique que leur foyer historique se situe dans les actuelles Turquie, Roumanie, Bulgarie, pays qui restent les trois principales populations de Roms, et dans les Balkans (ex-Yougoslavie).

Outre des professions liées au spectacle ambulant, les Roms se sont spécialisés dans des professions comme ferronniers et chaudronniers, Γύφτοs, Gyftos, ce qui donnera Gypsies en anglais, Gitano en espagnol, et Gitan et Égyptien en Français (dans Notre Dame de Paris, la Recluse appelle Esmeralda « Égyptienne » ; et Scapin appelle Zerbinette « crue d’Égypte »).

Le roi de Bohême (actuelle république Tchèque) leur accordera au XVe siècle un passeport facilitant leur circulation en Europe, d’où leur nom de Bohémiens. De même, le Pape leur accordera sa protection (Benoît XVI est donc une fois de plus un grand conservateur) Leur arrivée en France est attestée à Paris en 1427 par le Journal d’un Bourgeois de Paris (qui leur fit très bon accueil) — C’est d’ailleurs à cette époque que se situe l’action du roman d’Hugo Notre Dame de Paris.

Pour en finir avec les différents noms qu’on leur donne, Romanichel vient du romani Romani Çel, « groupe d’hommes », Manouche semble venir du sanskrit manusha, « homme », soit le mot Rrom en romani, et Sinti semble venir du mot Sind, la rivière qui a donné son nom à la province du Sindh dont sont originaires les Roms. Sinti et Manouche désignent la même population rom établie dans les pays germanophones et presque intégralement exterminés lors de la Seconde guerre mondiale C’est pourquoi le mot Tsigane, évoquant l’allemand Zigeuner, d’où le Z tatoué sur les prisonniers roms, est considéré comme blessant aujourd’hui .

Il convient ici de rappeler que les Roms ont été, aux côtés des Juifs, les cibles prioritaires de la politique d’extermination nazie. Le nombre de victimes du génocide, que les Roms appellent Samudaripen (« meurtre collectif total »), se situe aux alentours de 500 000, avec pour les Sinti allemands entre 90 et 95% de morts.

Ces mots peuvent être utilisés indifféremment pour désigner les Roms, encore que les siècles d’installation dans des pays différents ont fait apparaître des différences culturelles profondes. Même la langue romani n’est plus un dénominateur commun, puisque les Roms d’Espagne et du sud de la France, les Gitans, parlent le kalo, un sabir mâtiné d’espagnol, depuis qu’une loi espagnole punissait de la mutilation de la langue le fait de parler romani (les espagnols ont un atavisme profond avec les langues, mais c’est un autre sujet).

En 1971 s’est tenu à Londres le Congrès de l’Union Rom Internationale (IRU) qui a adopté le terme de « Rom » pour désigner toutes les populations du peuple rom, d’où l’usage de ce terme dans ce billet (ce que les gitans refusent, eux se disent kalé). Le mot rom ne vient donc absolument pas de Roumanie, ni de Rome, bien que ce peuple se soit installé en Roumanie et auparavant dans l’Empire romain d’Orient.

Je ne puis conclure ce paragraphe sans vous inviter à lire les commentaires de cet article, où je ne doute pas que des lecteurs plus érudits que moi apporteront de précieuses précisions ou, le cas échéant, rectifications.

Tous les chemins mènent aux Roms

Les Gens du voyage sont-ils des Roms ? En un mot, non. Le nomadisme n’est pas une tradition chez les Roms, mais une nécessité historique. Aujourd’hui, entre 2 et 4% des Roms sont du voyage, c’est-à-dire ont fait le choix d’une vie nomade. Et beaucoup de gens du voyage ne sont pas roms, comme les Yéniches, que l’on prend souvent pour des Roms. Les forains sont aussi nomades, mais du fait de leur profession, et pour la plupart ne sont pas Roms. Et si demain, il vous prenait la fantaisie de vivre une vie nomade, vous deviendriez aussitôt Gens du Voyage, sans pour autant devenir Rom (sauf aux yeux des lecteurs du Figaro). Un abus de langage est apparu du fait que la Constitution française interdit toute distinction sur une base ethnique. Le terme de Gens du Voyage, neutre de ce point de vue, est souvent employé au lieu et place du mot Rom. Or ce ne sont pas des synonymes.

Ce qui d’emblée montre que le problème des occupations illégales de terrains, publics ou privés, par des Roms ne vient pas uniquement du fait que la loi Besson (pas Éric, non, celui qui est resté de gauche, Louis) du 5 juillet 2000, qui oblige les communes de plus de 5000 habitants à prévoir des aires d’accueil, est allègrement ignorée par la majorité des maires.

Quand un Rom viole la loi, c’est mal. Quand l’État viole la loi, c’est la France. Laissez tomber, c’est de l’identité nationale, vous ne pouvez pas comprendre.

La majorité des Roms en France sont Français, et leur famille l’est même depuis plusieurs siècles. Les Roms ont de tout temps adopté le style de vie des pays où ils se sont installés, jusqu’à la religion (ils sont catholiques en France, protestants en Allemagne, musulmans en Turquie et dans les Balkans), et il ne viendrait pas à l’idée d’un Rom de donner à ses enfants un prénom qui ne soit pas du pays où il nait (lire les prénoms des enfants d’une famille rom permet parfois de retracer leur pérégrination ; exemple : Dragan, Mikos, Giuseppe, Jean-Pierre). Cela ne les empêche pas de garder vivace la tradition rom, à commencer par la langue romani, et l’importance primordiale de la famille élargie (la solidarité n’est pas un vain mot chez les Roms). Il est d’ailleurs parfaitement possible qu’un de vos collègues de travail soit Rom et que vous ne l’ayez jamais soupçonné.

Naturellement, ces Roms ne sont pas personnellement menacés par la politique actuelle, même s’il est probable qu’ils la vivent assez mal.

Les Roms étrangers sont donc quant à eux des migrants qui veulent une maison qui ne bouge pas, et habitent des habitations de fortune, triste résurgence des bidonvilles. Ils viennent de pays qui ont toujours refusé l’intégration des Roms, en faisant des parias dans leur propre pays. Même si l’intégration à l’UE de ces pays a conduit à un changement total de politique, les états d’esprit, eux n’ont pas changé, et le rejet répond hélas souvent au rejet. Certains Roms se sont sédentarisés et tant bien que mal intégrés, comme les Kalderashs (du roumain Căldăraşi, chaudronniers, habiles travailleurs du métal, en particulier du cuivre) ; d’autres, comme les nomades, forment une société fermée et hostile aux gadjé — aux non-Roms. La plupart des Roms de Roumanie qui viennent en France sont des kalderashs, et non des nomades, fuyant la misère et le rejet dont ils font l’objet dans leur pays. Donc, pas des gens du voyage.

Les roms des Balkans (ils sont nombreux en Serbie et au Kosovo) fuient eux aussi la misère, même si certains demandent l’asile (très peu l’obtiennent) prétendant faire l’objet de persécutions. Il faut reconnaître que lors de la guerre du Kosovo en 1999, des Roms ont été recrutés par les troupes serbes pour se livrer à des opérations militaires de nature à intéresser le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), et se sont acquittés de cette tâche avec un zèle qui n’a pas laissé de très bons souvenirs auprès des populations kosovares (j’entends par là : albanais du Kosovo).

Des Roms, des stats et de la bière nom de Dieu

Une question se pose, et je ne tiens pas à l’éluder : celle des Roms et de la délinquance. Le lien est certain, les chiffres ne mentent pas. Partout en Europe, les Roms sont bien plus victimes de la délinquance que les autres populations. Destructions de biens, agressions racistes, sur lesquelles les autorités ferment bien volontiers les yeux, d’autant plus que les Roms, on se demande pourquoi, ont développé à leur encontre une certaine méfiance, quand ce ne sont pas des pogroms. Sans compter les crimes contre l’humanité subis par ce peuple, que ce soit le génocide nazi ou la réduction en esclavage en Valachie et en Moldavie —oui, des esclaves en Europe— jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle.

Ce n’est pas une boutade, c’est une réalité : la délinquance, les Roms en sont d’abord victimes. On a déjà vu que même en France, État de droit imparfait mais État de droit, l’État ne respecte pas la loi Besson. Vous verrez dans la suite de ce billet qu’au moment où je vous parle, il fait encore pire à leur encontre puisque la politique d’expulsion mise en œuvre est illégale. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les juges administratifs. L’Union européenne l’a remarqué. Le Conseil de l’Europe l’a remarqué. L’ONU l’a remarqué. Le Pape l’a remarqué. L’UMP n’a rien remarqué.

Mais n’esquivons pas la question de la délinquance de Roms. De Roms, pas DES Roms. Elle existe, c’est indéniable, ne serait-ce du fait qu’aucun groupe humain n’est épargné. Est-elle plus élevée que dans les autres groupes sociaux ? C’est probable.

Évacuons rapidement une question sur laquelle je reviendrai dans le prochain billet : l’occupation sans droit ni titres de terrains publics ou privés. Il ne s’agit pas de délinquance, puisqu’au pire (occupation d’un terrain public), ces faits sont punis d’une contravention de grande voirie.

Les causes premières de la délinquance, au-delà du mécanisme intime et personnel du passage à l’acte, qui fonde la personnalisation de la peine, sont la pauvreté (liée au chômage ou à la précarité de l’emploi ; un CDD est aussi rare dans une audience correctionnelle que la vérité dans la bouche d’Éric Besson), l’exclusion (qu’entraîne mécaniquement le fait d’être sans-papier, notamment), le faible niveau d’instruction (qui empêche d’accéder aux professions rémunératrices), outre le fait que la délinquance concerne surtout des populations jeunes (le premier enfant a un effet remarquable sur la récidive).

Vous avez remarqué ? Je ne viens pas de vous dresser un portrait du jeune versaillais. Plutôt celui du jeune Rom des terrains vagues. Ou du jeune des cités, soit dit en passant pour la prochaine fois ou on tapera sur eux. À vous de voir avec votre conscience si vous voulez y ajouter une composante génétique.

Parce qu’aucune statistique n’existe sur la délinquance des Roms. Aucune. Tout simplement parce que ce serait interdit : Rom est une origine ethnique, or la loi prohibe la constitution de fichier sur des bases ethniques ou raciales — suite à un précédent quelque peu fâcheux.

Donc quand le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, que l’on a connu plus méticuleux en matière d’arithmétique ethnique, prétend présenter des statistiques de la délinquance des Roms pour justifier la politique du Gouvernement, il ment. Je sais, ça devient une tradition de ce Gouvernement, mais que voulez-vous, je n’arrive pas à m’y faire. Quelqu’un, je ne sais plus qui, m’a mis dans la tête l’idée saugrenue de République exemplaire, du coup, je fais un blocage.

Le ministre de l’intérieur a cru devoir présenter publiquement (sur RTL) le 25 août des statistiques fondées sur « une étude des services de police », non sur l’origine ethnique, interdite, mais sur la nationalité du délinquant, roumaine en l’occurrence.

Mes lecteurs ayant suivi jusqu’ici ont déjà compris l’inanité de l’affirmation. Rom ne veut pas dire Roumain, et le ministre joue ici sur la ressemblance des termes, et l’inculture de son auditoire. Mes lecteurs sachant faire la différence entre un mot sanskrit et un mot latin, je ne m’attarderai pas sur ce stratagème grossier, qui ne trompera que qui veut être trompé.

De plus, les services de police, même si on leur fait perdre un temps précieux depuis des années à collectionner des statistiques inutiles hormis à la communication gouvernementale, ne sont pas un service de statistique. La méthode de récolement des données n’a rien de scientifique et n’a jamais eu la prétention de l’être. Elle repose sur les délits constatés ou dénoncés, ayant donné lieu à élucidation. Donc préalablement à enquête. Or la distribution des effectifs et des moyens (limités, et de plus en plus du fait de ce même Gouvernement) dépend pour l’essentiel des directives données par ce même Gouvernement.

Je m’explique. Le Gouvernement estime que l’opinion publique, qu’il confond hélas trop volontiers avec le peuple souverain, est particulièrement remontée contre les vols à la tire (les pickpockets) ou à l’arraché (qui en est une variante un peu plus bourrin) dans les transports en commun. Le ministre de l’intérieur va demander aux forces de police de mettre la pression contre cette délinquance. Le commissaire de police va recevoir cette instruction et va redistribuer ses effectifs, qui préalablement luttaient contre les violences faites aux personnes, sur les voleurs du métro. Mécaniquement, le nombre d’interpellation pour des faits de violence va baisser. Les policiers interviendront toujours lors d’une bagarre, mais n’arrêteront personne pour des faits de violences légères, puisque leur mission est de surveiller les voleurs à la tire. Un délit constaté de moins = baisse de la statistique correspondante, sans que la réalité n’ait changé en quoi que ce soit. En revanche, plus de voleurs à la tire seront arrêtés (car la police reste malgré tout plutôt efficace dans son boulot). Augmentation de la statistique, sans lien avec l’évolution de la réalité. Voilà la méthodologie qui préside à la confection de ces statistiques.

C’est pourquoi le ministre peut proclamer des chiffres aussi aberrants, et sans hélas faire tiquer qui que ce soit, qu’une augmentation de 138% en un an de la délinquance roumaine. Personne ne fait le lien avec une autre donnée, qui indique que 13,65% des auteurs de ces vols seraient Roumains (sous-entendu : Roms). C’est-à-dire que 13,65% des délinquants sont responsables d’une augmentation de 138% des délits. Qui a dit que les Roms étaient des feignants ?

D’autant plus que pour fréquenter un peu les prétoires parisiens, je suis assez bien placé pour savoir qu’il existe aussi une délinquance roumaine non-rom, assez active ces derniers mois, dite de l’escroquerie aux « Yes-card ». Une Yes-card est une fausse carte de crédit qui, quel que soit le code que vous tapez, renvoie toujours une réponse positive au lecteur, faisant croire que la banque a accepté la transaction. Des Roumains achètent ainsi des vêtements de marque et des parfums, et vont les revendre à Bucarest. C’est une atteinte aux biens, commise par des Roumains, mais pas par des Roms. Sauf dans les statistiques de M. Hortefeux.

Brisons là, ce billet mérite je pense d’être soumis à vos commentaires. Le deuxième volet sera centré sur le droit des étrangers et portera sur les mesures actuelles d’expulsion, pour lesquelles le Gouvernement use selon les cas de deux méthodes : soit violer la loi, soit se payer votre tête.

Et fort cher, si ça peut vous consoler.

* Texte paru en 08/2010