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Non, les Roms ne sont pas nomades… et autres clichés

http://www.liberation.fr/societe/2012/08/22/non-les-roms-ne-sont-pas-nomades-et-autres-cliches_840988

revue de quelques idées reçues qui ont la vie dure.

Par CORDÉLIA BONAL

Pour deux tiers des Français, les Roms sont «un groupe à part», si l’on en croit un sondage mené cette année par la Commission nationale consultative des droits de l’homme. A part comment ? Revue de quelques clichés qui collent à la peau des Roms.

Cliché numéro 1 : ils sont nomades par nature

«Il n’y a pas de Roms ou de Tsiganes nomades. Du tout.» Martin Olivera, anthropologue membre de l’Observatoire européen Urba-rom et formateur en Seine-Saint-Denis auprès de l’association Rues et Cités, est clair : «Il n’y a qu’une petite minorité de groupes qui ont une tradition de mobilité saisonnière, sur de petites distances et toujours à partir d’un point d’attache, lié à leur travail : ferronerie, musique… Mais l’immense majorité d’entre eux est sédentaire.» D’où vient alors ce cliché du bohémien de grands chemins ? Il n’a pas toujours existé. «Ce n’est que récemment que l’étiquette « nomade » a été accolée aux Roms», rappelle le sociologue rom Nicolae Gheorghe dans une tribune publiée en 2010. «Dans les années 1930, l’Union soviétique a commencé à interdire aux artisans roms et à leurs familles de se déplacer à travers le pays pour chercher du travail. Les autorités soviétiques recouraient au qualificatif de « nomades » pour justifier la répression de ces Roms itinérants. Dans les années 1950, cette étiquette était reprise dans toute l’Europe centrale et orientale.»

Le Rom éternel errant est une pure construction politique, abonde Martin Olivera : «Cette image a été formée par les élites du XIXe siècle, au moment où s’est fabriquée l’identité nationale. Une identité liée à l’idée d’autochtonie, de filiation nationale. Par opposition, les Roms, appelés Tsiganes à l’époque, ont été désignés comme les étrangers, ceux « qui ne sont pas comme nous », qui seront toujours « d’ailleurs ». Peu importait qu’ils soient implantés en France depuis le XVe siècle.» Par la suite, l’instauration de lois et du «régime des nomades» en 1912 pour contrôler ces populations n’ont fait que figer ce stéréotype du nomadisme, poursuit le chercheur.

Quant à l’idée de peuple, bien des Roms se définissent d’abord par leur appartenance à leur pays ou localité d’origine plutôt qu’à une minorité supranationale mal établie. «Un Rom de Transylvanie ne va pas se sentir particulièrement proche d’un gitan de Perpignan», résume Martin Olivera.

Cliché numéro 2 : ils déferlent sur l’Europe

Il résiste mal aux chiffres. Certes, on dénombre entre 10 et 12 millions de Roms en Europe, dont six millions au sein de l’Union européenne. Ces chiffres, retenus par le Conseil européen, regroupent des communautés hétérogènes : «les Roms, les Sintés (Manouches), les Kalés (Gitans) et les groupes de population apparentés en Europe, dont les Voyageurs et les branches orientales (Doms, Loms).» Beaucoup sont Roumains (entre 500 000 et 2,5 millions de Roms) et Bulgares (environ 700 000).

En France, ensuite : on estime cette population rom, gens du voyage compris, à 500 000 personnes, essentiellement Français et installés. Les Roms «migrants», ceux dont il est question dans le débat public, seraient 15 000, dont une moitié d’enfants, selon diverses estimations, dont celle du collectif Romeurope. Présents pour la moitié en région parisienne, les autres principalement autour de Lille, Lyon et Marseille, ils sont pour la plupart Roumains et Bulgares. Or, ce chiffre est stable depuis plusieurs années malgré les politiques d’expulsions. Autrement dit, ce sont les mêmes groupes qui vont et viennent, via le système, critiqué, des aides au retour. Ce qui invalide l’idée, chère au Front national, d’un réservoir inépuisable de millions de Roms prêts à débarquer.

D’autant que «tous les Roms de Roumanie ne sont pas pauvres et marginaux», rappelle – si besoin est – Martin Olivera. Car les Roms migrants sont d’abord des migrants économiques comme tant d’autres, comme l’ont été les Portugais et Italiens par le passé. Le chercheur en veut pour preuve que le taux d’émigration est le même chez les Roms et chez les Roumains (environ 10%). Enfin, les Roms ne sont pas des populations sans attache. «Ce sont des gens qui ont des lieux d’origine, on n’a pas affaire à un peuple qui aurait vocation à se déverser vers l’ouest comme si l’Europe était en pente.»

Cliché numéro 3 : ils s’entassent dans des bidonvilles

Les Roms n’ont ni pour idéal de vie ni pour tradition de s’entasser à 40 dans des squats. Ni de camper dans des recoins urbains. Pas davantage en Roumanie ou Bulgarie qu’en France. C’est une résultante de la précarité dans laquelle il sont plongés, recadrent de concert les associations. «Bien des Roms vivent le plus normalement du monde en appartement, dans des maisons, mais ceux-là sont « invisibles » aux yeux de la société. Il y a donc un effet de loupe sur les autres, qui sont en bidonville parce qu’ils n’ont pas d’autre lieu où aller», souligne Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des droits de l’homme et cofondateur de Romeurope. «Leur idéal de vie ce n’est pas de constituer des immeubles des Roms ! Ils aspirent à se disperser, à s’installer et à sortir de la stigmatisation.»

Le regroupement ? Un réflexe d’entraide et de sécurité. «Il y a chez les Roms une culture familiale forte, mais pas plus que chez les migrants chinois ou africains, sans que pour ces derniers on ne parle de clanisme», note Malik Salemkour.

Cliché numéro 4 : tous des voleurs de poules

Ou de tuyaux de cuivre. On se souvient des «problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms» érigés priorité nationale par Nicolas Sarkozy en juillet 2010. Ou des impressionnantes statistiques du ministère de l’Intérieur d’où il ressortait une subite explosion de la «délinquance impliquant des ressortissants roumains», comprendre Roms. 

Là encore, conséquence de la précarité et de la stigmatisation, répondent les associations. Les ressortissants roumains et bulgares, citoyens européens depuis 2007, font l’objet jusqu’au 31 décembre 2013 de «mesures transitoires» qui, de fait, les excluent du marché du travail. S’ajoute à cela la faible qualification globale de ces familles, même s’il y a toujours des exceptions. D’où le développement, chez les Roms migrants des bidonvilles, d’une économie parallèle où coexistent mendicité, travail au noir, mais aussi, aucun observateur ne le nie, revente de ferraille, vols et trafics. «Là-dessus, on a construit des statistiques par une politique de profilage ethnique», dénonce Malik Salemkour. «Evidemment, quand on crée un délit de mendicité et qu’on arrête une famille qui a l’air de ressembler à des Roms, on fait du chiffre.»

Cliché numéro 5 : ils ne veulent pas parler français

Dans les bidonvilles, la plupart des enfants, quand ils sont scolarisés comme le prévoit la loi française pour les moins de 16 ans, apprennent assez vite le français. Les choses se compliquent avec les expulsions, qui entraînent une rupture de la scolarisation. Même difficulté chez les parents, qui sont généralement accompagnés dans leur apprentissage du français par des associations, comme pour beaucoup de primo-arrivants. Les Roms migrants parlent souvent deux langues : le romanès et la langue de leur pays d’origine. Reste que l’illetrisme est, chez eux, une réalité. Ainsi, en Roumanie, 30 % des Roms adultes sont analphabètes et n’ont jamais été scolarisés en raison de leur situation de pauvreté, selon une étude de l’Unesco. En France, leur apprentissage de la langue est facilité par la proximité du roumain, langue latine, avec le français.

Communique de la LDH Bayonne concernant les gens du voyage

 

LA LIGUE DES DROITS DE L HOMME BAYONNE ET LES GENS DU VOYAGE

 

La LDH manifeste vivement son indignation quant au choix du terrain qui a été affecté à l’Association « La vie du voyage », le mardi 30 juillet -sur le site de l’ancienne usine SAFAM6

Mousserolles Port de Mouguerre.

Après visite, ce terrain nous est apparu insalubre et dangereux en particulier pour les enfants

(proximité immédiate de la voie ferrée, boite électrique ouverte et posée au ras du sol, accès au terrain par un chemin étroit qui sert d’entrée et de sortie aux véhicules, entassement de plus de 100 caravanes derrière des grilles….)

Qu’en est-il de l’application de la loi par les municipalités concernées quant à l’aménagement des aires d’accueil ?

Nous sommes indignés par la façon dont sont traités ces femmes, ces hommes et leurs enfants

 

Fait à Bayonne, le 31 juillet 2013

LDH Bayonne

MVC Polo Beyris

Avenue de l’Ursuya

64100 – BAYONNE

Suspecté d’avoir volé un scooter, il est tué par un gendarme

La LDH AQUITAINE souhaite rappeler l’article 122-5 du Code Pénal :

Article 122-5

N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.

 

N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction.

Jean-Marie Lelièvre

Délégué Régional

 

Société
31 juillet 2013 à 19:41

Poursuivi par des gendarmes de Biscarrosse, il aurait tenté de s’opposer à son interpellation en les menaçant d’un tournevis. L’un des militaires a tiré.

Par AFP

Un homme pris en chasse mercredi vers midi par deux gendarmes, alors qu’il circulait sur un scooter déclaré volé et sur lequel l’un des deux militaires avait tiré alors qu’ils tentaient de l’interpeller à Biscarrosse (Landes), est décédé à l’hôpital, a annoncé le parquet. «La personne est décédée à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux», a déclaré à l’AFP le procureur de la République de Mont-de-Marsan, Jean-Philippe Récappé, quelques heures après que l’homme a été héliporté vers cet hôpital, victime d’un tir par balle au niveau de l’aine.

L’homme, qui doit encore être identifié, conduisait un scooter déclaré volé à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) et semblait circuler de pavillon en pavillon, d’où son signalement aux deux gendarmes qui se sont lancés à sa poursuite, également à bord d’un scooter, après signalement de la plaque d’immatriculation. Selon les premiers éléments de l’enquête, l’homme aurait jeté son scooter à terre et aurait menacé l’un des deux militaires, encore installé à l’arrière du scooter utilisé pour le poursuivre, avec un tournevis. Il aurait tenté de lui porter un coup, ce qui aurait amené le collègue du gendarme visé à tirer une première fois, sans atteindre l’agresseur présumé. Ce tir ne l’aurait pas dissuadé et il aurait une deuxième fois tenté d’agresser le gendarme. C’est alors qu’un deuxième tir est parti, qui l’a touché à l’aine.

L’homme a ensuite été héliporté jusqu’au CHU Pellegrin à Bordeaux, où il est décédé dans l’après-midi. Selon le procureur, une autopsie doit désormais être pratiquée. L’auteur du tir, appartenant à la compagnie de Parenthis-en-Born (Landes), a lui été placé en garde à vue. L’enquête est confiée à la section de recherches de la gendarmerie de Pau. L’Inspection générale des services est également saisie.

L’incident intervient deux jours après une autre interpellation mouvementée, dimanche soir, également dans les Landes. Un gendarme de 27 ans avait alors blessé par balle un forcené, à Vieux-Boucau. Le gendarme avait été appelé pour un conflit familial entre cet homme de 42 ans et la famille de son ex-compagne chez qui il se trouvait.

Lors de l’intervention des militaires, le forcené aurait proféré des menaces avant de foncer sur les gendarmes, un couteau à la main, avait indiqué le parquet. Le gendarme avait alors tiré sur le «forcené», le blessant au bas-ventre. Brièvement placé en garde à vue, le militaire a été laissé libre lundi soir, alors que l’enquête, qui n’est pas terminée, semble pencher pour la légitime défense.

Saint-Jean-de-Luz : les gens du voyage bloquent la ville, la police intervient

Pour protester contre leur expulsion, les gens du voyage ont décidé de manifester. 150 policiers étaient mobilisés.

Les gens du voyage ont manifesté contre leur expulsion, paralysant la ville

Les gens du voyage ont manifesté contre leur expulsion, paralysant la ville (Mollo Nicolas)

Les téléphones portables sonnent, en face de la halte routière, vers midi. « Vous êtes où ? On est à la gare ! » Un petit groupe de gens du voyage se reforme. Quelques minutes plus tôt, ils avaient pris la fuite quand les CRS s’étaient invités à leur manifestation improvisée devant le marché des Halles. « Ils mettent les cousins », plaisante Mario, en entendant un air de musique gitane diffusé dans un commerce. Hier en fin de matinée, un jeu de chat et de la souris s’est engagé entre les forces de l’ordre et la communauté de gens du voyage. Ces derniers s’étaient installés illégalement sur le terrain de sport de Chantaco, jeudi dernier.

Les CRS ont en effet été dépêchés sur les lieux à la suite d’une mise en demeure de la préfecture, celle-ci prévoyant l’expulsion des 250 caravanes parquées à la sortie de la ville. Les gens du voyage trouvent la décision injuste. « On n’est pas des bandits, on n’est pas des voleurs, on est des commerçants », s’emporte Jean. « Des communes comme ça ne veulent pas de nous ! »

« On n’est pas des ouailles », peste Mario. « Ils n’ont pas fait ce qu’il fallait pour nous accueillir, il fallait bien qu’on se mette quelque part. » « On est pacifiques, précise Franck. On ne cherche pas l’affrontement, on essaie juste de se faire entendre. » Pour se faire entendre, les gens du voyage ont mené diverses actions qui ont fini par paralyser la ville pendant quelques heures.

L’intervention des forces de l’ordre a démarré à 7 heures du matin à Chantaco. Les gens du voyage ont alors obstrué l’entrée du stade en y plaçant des fourgons blancs. Le bras de fer commençait. Vers 8 h 30, ils ont tenté de bloquer l’autoroute à l’entrée de Saint-Jean-de-Luz. Puis, en fin de matinée, ils ont occupé le rond-point des Pyrénées, entraînant des bouchons sur la D810 jusqu’à Guéthary.

Sur le pont reliant Saint-Jean-de-Luz à Ciboure se trouvaient, vers 11 heures, dix cars de CRS et une dizaine de motos. Un peu plus loin, un petit groupe de gens du voyage manifestait à l’entrée du port de Larraldenia. En début d’après-midi, la route de Chantaco a été barrée par les gendarmes, entravant la circulation entre Saint-Jean-de-Luz et Saint-Pée-sur-Nivelle.

Au total, quelque 150 hommes ont été déployés par les forces de l’ordre. Ce qui n’a pas empêché la situation de devenir ubuesque à la mi-journée, avec des routes bloquées et des CRS un peu partout.

Les gens du voyage ont consenti à évacuer le terrain, vers 15 heures, après qu’une caravane a été emmenée par la fourrière et que deux des leurs ont été interpellés. L’un, vers 11 h 30 à la gare, pour avoir tenté d’entraver les voies de chemin de fer ; l’autre, aux abords du camp, vers 14 h 30. Les deux hommes ont été relâchés vers 16 heures.

Un policier a subi de multiples fractures du poignet en chutant alors qu’il tentait de stopper certains d’entre eux qui courraient sur les rails. « Deux interpellations, un blessé grave, et des entraves à la circulation : ce type de bilan n’est jamais très satisfaisant », regrette le commissaire Thibault Roux. Avant d’ajouter : « Il était temps que ça s’arrête. »

Il est alors 16 heures et les caravanes sont en train d’évacuer le terrain. Les gens du voyage ont finalement été redirigés vers l’ex-terrain de la Safam à Bayonne, précédemment occupé par des forains pendant les fêtes.

Pays basque : 300 caravanes expulsées, Saint-Jean-de-Luz paralysée

SUD-OUEST

Par M. S., F. L. et A. D.

La préfecture a signé un arrêté de mise en demeure d’évacuation des gens du voyage sur le site de Chantaco, à Saint-Jean-de-Luz. L’expulsion est compliquée et la circulation ralentie ce mardi matin

A l'entrée du stade, les gens du voyage discutent avec des CRS.|| Florian Laporte
(Florian Laporte)
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A l’entrée du stade, les gens du voyage discutent avec des CRS.
 

Ce mardi matin, l’évacuation des 250 caravanes a commencé à Saint-Jean-de-Luz. Mais déjà, depuis 9 heures, la route de Chantaco est bloquée à la circulation.

Toutes les entrées et sorties de la ville sont difficiles d’accès voire totalement bloquées.

La circulation est au ralenti même à Ciboure où une manifestation de gens du voyage a lieu ce mardi à 10h45, au niveau du rond-point du port de Larraldenia. Les manifestants filtrent la circulation. Les automobilistes s’impatientent.

10 camions de CRS et une dizaine de motos sont postés sur le pont Charles de Gaulle. L’ambiance reste assez calme malgré tout.

Suite à l’arrivée jeudi soir, de 250 à 300 caravanes (selon la police), une centaine de familles (selon un représentant de la communauté) ont pénétré sans autorisation sur les terrains de rugby et de football, situés le long de la Nivelle, à Saint-Jean-de-Luz. La préfecture a signé dans la foulée un arrêté de mise en demeure d’évacuation.

Plusieurs recours ont été déposés au tribunal administratif pour éviter l’expulsion. Selon la mairie de Saint-Jean-de-Luz, ces démarches n’ont pas abouti.

Le business des aires d’accueil de gens du voyage

Libération

http://www.liberation.fr/societe/2013/07/26/le-business-des-aires-d-accueil-de-gens-du-voyage_920807

26 juillet 2013 à 16:27
Une aire d'accueil à Agde, en 2010. 

Une aire d’accueil à Agde, en 2010. (Photo Anne-Christine Poujoulat. AFP)

    enquête Au cœur de polémiques de la part des élus de droite ces dernières semaines, ces espaces sont en partie gérés par des prestataires privés qui brassent des millions d’euros d’argent public.

    Par GUILLAUME GENDRON

    Corvée pour de nombreux maires, comme l’a encore démontré l’escalade polémique des élus de droite ces dernières semaines, l’accueil des gens du voyage est aussi un business. Si la majorité des aires allouées aux gens du voyage sont administrées directement par les municipalités et quelques associations, le fonctionnement de 40% d’entre elles a été délégué à des sociétés privées. Depuis la publication de la loi Besson en 2000, qui oblige les communes de plus de 5 000 habitants à se doter de ces équipements, une poignée d’entrepreneurs se sont engouffrés dans la brèche et ont créé des PME qui brassent aujourd’hui des dizaines de millions d’euros d’argent public. Le coût de gestion d’une aire est très variable, mais peut facilement dépasser une centaine de milliers d’euros par an pour les plus grosses d’entre elles.

    La Cour des comptes leur a consacré un large chapitre de son rapport sur les gens du voyage fin 2012. Et conclut qu’il est «nécessaire que l’Etat s’implique dans ce secteur d’activité encore inorganisé et en fort développement, qui n’est pas exempt de risques pour les finances publiques et la qualité du service rendu aux usagers.»

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    «Ah bon, c’est géré ces aires d’accueil ?»

    Fondée en 2003 par l’entrepreneur lyonnais à fibre sociale Alain Sitbon, la société SG2A L’Hacienda emploie 250 personnes et réalise un chiffre d’affaires annuel de 10 millions d’euros. Précurseur en la matière et longtemps leader du créneau, L’Hacienda est en charge de 200 aires réparties dans toute la France, et a été récemment rachetée par le groupe Saur, numéro 3 de l’eau en France, qui administre par ailleurs aussi bien des campings que des crématoriums pour le compte de collectivités.

    Richard Arnould, le directeur de L’Hacienda, nous fait visiter une de ses aires, à Sannois (Val-d’Oise). En route, il revient sur les idées reçues autour de son activité : «Souvent les gens me disent « ah bon, c’est géré ces aires d’accueil ? » Je passe mon temps à expliquer mon job à ceux qui ne comprennent pas comment on peut faire du business avec les gens du voyage…»

    L’aire de Sannois est située aux abords directs de la ville. Une exception. « La plupart du temps, c’est caché au fin fond de la zone industrielle, derrière la déchetterie. Là, on voit que la municipalité a fait un effort. C’est un peu la version « premium » de ce qu’on gère», remarque Richard Arnould. Effectivement, l’aire fait figure de modèle – bien entretenue, agréable, ombragée, proche des commerces et des services publics. Les familles qui vivent ici sont installées depuis septembre, et leurs enfants scolarisés dans l’école du quartier. Au milieu des vieilles caravanes et des Twingo qui ont bien une quinzaine d’années, deux ados se rafraîchissent dans une petite piscine gonflable, pendant qu’une dame âgée nettoie méticuleusement son emplacement. «On est bien ici, dit Marie Thérèse. Avant on vivait dans la boue des terrains vagues, sans eau ni électricité et en plus on se faisait engueuler.»

    Les agents d’accueil, cerbères à tout faire

    Contrairement aux idées reçues, l’utilisation d’une aire d’accueil n’est pas gratuite. Les familles louent les emplacements à la journée (à Sannois c’est 3 euros par jour) et payent l’eau et l’électricité, à des tarifs souvent bien supérieurs à la normale. Comme le remarque la Cour des comptes, les niveaux de tarification «sont disparates, parfois difficiles à expliquer et à l’origine d’inégalités de traitement entre usagers». Ils vont de la gratuité dans certains départements (comme les Côtes-d’Armor) jusqu’à une dizaine d’euros par jour, accompagnés de cautions volontairement prohibitives dans certains cas.

    C’est à «l’agent d’accueil» de recouvrer les paiements et de faire respecter le réglement intérieur. Bien souvent un sacerdoce, qui demande un certain tact. «Les agents stricts, anciens militaires ou policiers, ça ne marche pas, explique Gaetan Cavaignac, responsable territorial à L’Hacienda. Il faut être dans le dialogue permanent parce que si on est dans le rapport de force, on perd. Ils sont bien plus forts que nous dans ce registre-là. Agent d’accueil, c’est un feeling, faut pas devenir « complice » et se faire manipuler pour autant, mais on est pas gardiens de la paix non plus.»

    Les agents d’accueil sont à la fois régisseur du Trésor public, électricien, écrivain public, assurant la maintenance et l’entretien de l’aire tout en jouant les médiateurs et les gardiens. Le turn-over est important – «sur certaines aires, il y a des agents qui ne tiennent pas trois heures» – et le recrutement difficile, vu la diversité des compétences à réunir. D’autant plus qu’aucune formation n’existe pour ce nouveau métier, non reconnu par la fonction publique et pas encore identifié par Pôle Emploi. Anne-Charlotte, l’agent en charge de l’aire de Sannois, a trouvé son poste sur LeBonCoin.fr, après un BEP hôtellerie. Elle gagne 1 800 euros et a été formée par L’Hacienda en quelques mois. De nombreux d’agents d’accueil sont cooptés. Pour les magistrats de la Cour des comptes, il s’agit d’un «métier spécifique à mieux organiser et professionnaliser».

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    Direction une seconde aire, à Plaisir (Yvelines). Changement de décor. Au bord d’une route passante, l’emplacement se présente comme un grand parking bétonné, écrasé par le soleil, avec quelques bordures de végétations jaunies. Les tentes de jardin clouées dans le bitume offrent les seuls points d’ombre. «Une petite aire d’accueil, entre 12 et 24 places, c’est de l’ordre d’un million d’euros à construire. Certains maires choisissent donc la formule « strict minimum ». Mais c’est loin d’être la pire. Il y a des aires qu’on a presque de honte de gérer tellement elles sont peu adaptées. Nous, on fait avec ce que la municipalité nous donne.»

    «Prestataires peu scrupuleux»

    Si L’Hacienda et son principal concurrent Vago font plutôt figure de bons élèves, certains gestionnaires sont accusés par les associations de rogner au maximum sur l’entretien pour se dégager une confortable marge à partir de la manne publique versée par les collectivités. «J’ai conscience que certains prestataires peu scrupuleux dévoient la réglementation», a déclaré Cécile Duflot lors du colloque sur les gens du voyage organisé par les parlementaires socialistes à l’Assemblée le 17 juillet.

    La société Gens du Voyage, basée à Marseille, est montrée du doigt par la Cour des comptes. «Le chiffre d’affaires de la GDV, constitué à plus de 80 % de fonds publics, a sensiblement augmenté au cours des dernières années. En 2009, près d’un tiers de ce chiffre d’affaires (3,25 millions d’euros) est revenu sous forme de rémunération ou de distribution de dividendes à la gérante de la société et n’a pas été réinvesti dans l’activité.»

    Quelques mois avant la publication du rapport, un article paru dans Charlie Hebdo s’était penché sur «le juteux business des aires d’accueil», accusant GDV, par ailleurs critiquée par les associations pour la gestion «sécuritaire» de la vingtaine d’aires sous sa responsabilité, de s’en mettre «plein les poches, légalement mais dans des proportions insoupçonnées».

    Romain Klumpp, en charge de la communication de l’entreprise, réfute les allégations : «L’article précise bien que tout est fait « légalement ». Il n’y a rien à ajouter. Si on fait des bénéfices, c’est qu’on fait bien les choses. Nous, on a jamais demandé de rallonges aux collectivités. Sur nos terrains, il n’y a ni impayés, ni dégradations, ni dépassement du temps de séjour. Contrairement à ailleurs. Nous, on sait parler aux gitans et se faire respecter, et c’est réciproque.» Un ancien employé affirme pourtant le contraire. «Pour ce qui est de l’entretien de l’aire, chaque euro, chaque poste économisé, c’est de l’argent qui va directement dans la poche du prestataire. On attend des jours pour leur remettre l’électricité quand il y a une panne, et on leur fait payer des sommes délirantes pour de soi-disant dégradations, comme 200 euros pour un étendoir à linge !»

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    Entretien minimum et liste d’indésirables

    L’entretien minimum des aires a un autre avantage : dissuader les voyageurs de s’y arrêter, d’autant plus quand les tarifs sont élevés. «GDV bosse généralement avec les élus qui ne veulent pas de gens du voyage sur leur commune, notamment dans le Sud, assène l’ancien agent de GDV. L’aire est un alibi pour pouvoir mieux les virer. On interdit l’accès des aires à des familles entières sur la base de listes nominatives, pour des soi-disant troubles ou dettes. Généralement, rien n’est avéré, que ce soit pour les vols ou dégradations. Il n’y a pas de dépôt de plainte, c’est juste l’avis du gardien. Il y aussi une liste noire des familles, basée sur leur simple réputation» ajoute-t-il. Libération a pu attester effectivement de l’existence de listings de dettes nominatifs mais pas de «liste noire». «Nous avons effectivement quatre familles interdites de séjour, répond Romain Klumpp. Ces personnes avaient agressé une de nos conseillères sociales. Pour le reste, nous nous basons sur les réglements intérieurs rédigés par les municipalités».

    Ces réglements intérieurs sont au centre des revendications des «voyageurs», dont l’Association nationale des gens du voyage catholique (ANGVC). Pour son délégué général, Marc Béziat, «ils sont rédigés en bonne intelligence avec les prestataires. On y remarque des dispositions qui ont un esprit d’ingérence très fort sur la vie des familles. On va prendre les cartes grises des caravanes par exemple, ce qu’aucun policier ou gendarme ne ferait. On parque les gens tout en les poussant à partir. Dans certains cas, c’est plus un lieu de gardiennage qu’un lieu d’habitat.» A titre d’exemple, GDV se targue d’avoir des agents d’accueil en poste vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 7 jours sur 7.

    Si l’activité des gestionnaires privés n’est pas remise en cause par les autorités, ces derniers apportant un savoir-faire souvent bienvenu aux municipalités, la ministre du Logement a fait part de sa volonté d’assainir le secteur. A l’heure actuelle, selon Cécile Duflot, «la gestion des aires d’accueil ne garantit ni la conformité des aménagements aux normes techniques, ni l’utilisation efficiente des fonds publics». L’harmonisation des durées de séjour, de la tarification et des réglements intérieurs est une priorité pour empêcher certaines aires de se devenir de simples «alibis» inoccupés. Qui sont souvent à l’origine des installations illicites qui enragent tant les élus.

    Le couple gay d’Arcangues enfin marié

    Sud-Ouest

    22 juillet 2013 à 19:09
    Jean-Michel Martin (g) et Guy Martineau-Sepel, le 15 juin 2013 à Arcangues.

    Jean-Michel Martin (g) et Guy Martineau-Sepel, le 15 juin 2013 à Arcangues. (Photo Gaizca Iroz. AFP)

    Le maire et ses adjoints s’étaient dans un premier temps opposés à cette union, avançant des convictions personnelles.

    Par AFP

    Guy Martineau-Espel et Jean-Michel Martin, le couple d’hommes confronté pendant près d’un mois au refus du maire de leur village de les unir, ont finalement pu se marier lundi, lors d’une brève cérémonie célébrée à la mairie d’Arcangues (Pyrénées-Atlantiques) en présence d’une trentaine de personnes, a constaté l’AFP. «Je vous déclare mariés», a dit un peu après 17h30 l’adjoint au maire chargé de la culture, Didier Maisterrena, déclenchant les applaudissements d’une assistance jusque-là figée dans un silence très ému. Les époux se sont embrassés et Guy Martineau-Espel a versé de chaudes larmes. «On va simplement faire la fête chez nous», a dit en sortant Jean-Michel Martin. «Tout ça pour ça, on y est arrivés», a-t-il ajouté avant de repartir avec son mari, de deux ans sont cadet, dans une décapotable noire.

    Guy Martineau-Espel et Jean-Michel Martin, 53 et 55 ans, vivent ensemble depuis 17 ans. Ils avaient signalé dès la fin mai au maire divers droite, Jean-Michel Colo, leur souhait de se marier à Arcangues, commune basque de 3 000 habitants, où ils vivaient depuis dix ans. Mais celui-ci, soutenu par une partie de son conseil municipal, refusait de célébrer ce mariage, arguant dans un courrier adressé au préfet qu’il refuserait, tant qu’il serait à la tête de sa commune, de marier des couples du même sexe.

    Ce projet de mariage était le premier en France à avoir déclenché la résistance de tout un exécutif municipal, alors que la loi avait déjà été promulguée. Le 27 juin, un des adjoints avait fini «par se porter volontaire pour célébrer le mariage Taubira», selon un communiqué du maire.

    Face à ce refus le couple, qui souhaitait pourtant un mariage discret, avait finalement porté plainte pour discrimination auprès du procureur de la République à Bayonne, une plainte visant le maire et ses adjoints, qu’ils ont également assignés en référé.

    La DGSE a le « droit » d’espionner ton Wi-Fi, ton GSM et ton GPS aussi…

    http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2013/07/11/la-dgse-a-le-droit-despionner-ton-wi-fi-ton-gsm-et-ton-gps-aussi/

     

    La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, les services spéciaux français) ne serait pas, en l’état, en mesure de collecter « systématiquement les signaux électromagnétiques émis par les ordinateurs ou les téléphones en France« .

    Une chose est de stocker « tous les mots de passe » qu’elle a pu intercepter sur les « réseaux grand public« , comme je l’avais écrit en 2010 (voir Frenchelon: la DGSE est en « 1ère division »), une autre est de pouvoir espionner « la totalité de nos communications« , en France, comme l’écrivait Le Monde, la semaine passée, avec ses « Révélations sur le Big Brother français« .

     

     

    Désespérant François Hollande !

     

    Mediapart

    16 juillet 2013 |

    « Ils persévèrent, ils exagèrent, ils ne sont pas de notre monde. » Il y a quelque chose de désespérant dans l’équipée actuelle de François Hollande et de son gouvernement, qui fait penser au vers célèbre de Paul Eluard, extrait du poème La Victoire de Guernica. Non pas qu’ils déçoivent : cela fait si longtemps – dès le premier jour, en fait, de leur accession au pouvoir – qu’ils mettent en œuvre des réformes allant radicalement à rebours des espoirs que les électeurs de gauche ont manifestés lors de la dernière élection présidentielle que même les plus naïfs savent maintenant sur ce point à quoi s’en tenir.

    Mais pour une raison encore plus profonde : parce que le chef de l’État ne semble pas même se rendre compte de la catastrophe vers laquelle il conduit le pays ; parce que le conservatisme qui marque la politique économique se marie à beaucoup de maladresse ou d’incompétence. Cela suscite donc plus que de l’indignation ; presque de la sidération. La prestation télévisée de François Hollande, le 14 juillet, est une bonne illustration du trouble qu’inspire sa politique et des mille et une questions qu’elle soulève. Mais comment peuvent-ils conduire une politique à ce point contraire aux intérêts de ceux qui ont voté pour eux ? Et comment de surcroît peuvent-ils s’y prendre aussi mal ?

    Des déceptions, il y en a eu tellement, depuis la dernière alternance, qu’on ne se risque plus guère à les compter. Mis à part le mariage pour tous, il n’y a même eu que cela. Des déceptions, des reniements, des valses-hésitations, des retournements de veste à n’en plus finir… De la politique d’austérité budgétaire et salariale jusqu’à l’oubli de la révolution fiscale, en passant par la trahison des ouvriers de Florange, les 20 milliards d’euros de cadeaux offerts sans contrepartie aux entreprises sous forme de crédit d’impôt ou encore la réforme du marché du travail avec à la clef la mise à bas du droit du licenciement et, dernier exemple en date, la sinistre pantalonnade sur la taxation des transactions financières, le gouvernement socialiste a poursuivi exactement la même politique économique et sociale que celle mise en œuvre par Nicolas Sarkozy. Avec la crise, on espérait un nouveau Roosevelt ; on a eu un petit Raymond Barre…

    Pour un gouvernement de gauche, semblable basculement n’est, certes, pas sans précédent. Déjà, par le passé, de 1988 à 1993, Pierre Bérégovoy avait affiché des orientations aussi droitières – de son temps, on ne disait pas encore sociales-libérales. Et au fil de son action, de 1997 à 2002, Lionel Jospin avait versé progressivement dans les mêmes ornières. Mais dans un cas comme dans l’autre, les socialistes ont toujours cherché à dialoguer avec leur camp. Comme pour s’excuser de la politique de « désindexation compétitive » – traduisons : de franche austérité salariale – qu’il conduisait, poussant les salaires vers le bas et le chômage vers le haut, Pierre Bérégovoy essayait perpétuellement de convaincre l’opinion que « l’inflation était un impôt sur les pauvres ». Et Lionel Jospin, tout en conduisant des privatisations à marche forcée, a toujours pris soin de dialoguer avec le « peuple de gauche » pour essayer de le convaincre qu’il n’avait en fait jamais rompu avec un réformisme de transformation sociale.

    Mais François Hollande, lui, avec qui dialogue-t-il ? Sans forcer le trait, on serait enclin à répondre, car c’est la stricte vérité : avec personne d’autre que les insipides Claire Chazal et Laurent Delahousse, deux des journalistes les plus complaisants en activité sur TF1 et France 2 – preuve accablante qu’il n’y a pas la moindre différence entre le service public et le secteur privé, tendance béton. Ou plutôt, enfermé dans sa bulle, il se parle à lui-même, sans jamais s’adresser véritablement au pays qui le regarde et moins encore au peuple de gauche auquel il doit son élection.

    Car c’est le plus frappant de cette intervention télévisée : de la situation réelle du pays, François Hollande n’a quasiment pas parlé. Comme s’il ne la connaissait pas. Comme si cette réalité, enfermé maintenant qu’il est dans le Palais de l’Élysée, était trop éloignée de lui. Des quelque 10 millions de pauvres que connaît la France, des 5,3 millions de demandeurs d’emplois, il n’a donc quasiment pas été question. Non plus que de la chute historique du pouvoir d’achat, qui frappe des millions de foyers modestes.

    Plutôt que de regarder en face la crise sociale qui ronge le pays et qui continue de se propager, François Hollande a donc préféré être dans le déni et annoncer la bonne nouvelle qu’il est l’un des rares à percevoir : « La reprise, elle est là. » Foin du nombre de demandeurs d’emplois qui bat chaque mois de nouveaux records et atteint des niveaux historiques, foin de l’économie qui est pour l’instant officiellement toujours en récession, le chef de l’État a pris une posture et un ton proprement incompréhensibles.

    Du bon usage du carton ondulé

    Terrible césure ! On sent que l’un de ces inspecteurs des finances qui peuplent les couloirs de Bercy, à moins que ce ne soit un ancien associé gérant de la banque Rothschild reconverti en conseiller de l’Élysée, a savamment glissé avant l’émission à l’oreille du chef de l’État qu’un obscur indicateur, celui de la production industrielle, avait connu quelques frémissements ces derniers jours, et que le chef de l’État a tout bonnement répété ce qu’on lui avait dit, sans mesurer le décalage entre son optimisme forcé et la réalité des souffrances sociales du pays. Et encore, par chance, ces mêmes conseillers de l’ombre, qui ont aussi l’oreille de la finance et du CAC 40, n’ont pas eu l’idée saugrenue de rappeler à leur patron que le carton ondulé, celui-là même dont on fait les emballages, était un formidable indicateur avancé comme en conviennent tous les conjoncturistes, et qu’il était précisément sur une pente ascendante. Car sans doute y aurait-on eu droit. Ce 14 juillet, François Hollande n’avait sans doute pas le cœur de parler au peuple. Mais parler carton ondulé, pourquoi pas : c’était bien dans son tempérament du moment…

    Le décalage ! Sans doute n’y a-t-il effectivement pas de meilleure formule pour résumer ce qu’a dit le chef de l’État et ce qu’éprouve une bonne part de ses électeurs. Tout à son raisonnement, François Hollande a donc poursuivi son propos en suggérant qu’il allait mettre en chantier de nouvelles hausses d’impôt. Mais a-t-il lui-même bien mesuré la portée de ce qu’il disait ?

    Non pas que le 14 juillet soit un mauvais jour pour parler impôt, tout au contraire. Car en ce jour anniversaire de la prise de la Bastille, le chef de l’État aurait pu évidemment trouver là une magnifique occasion de renouer avec les accents de sa campagne, et d’inviter à une nouvelle révolution – la fameuse « révolution fiscale » dont il a tant parlé avant l’élection présidentielle. Il aurait pu inviter à renverser nos Bastilles d’aujourd’hui, et engager une nouvelle Nuit du 4-Août, pour abolir nos privilèges actuels.

    Et pourtant, non ! Rien de tout cela… Sur un air bonhomme, jouant en apparence sur le registre du simple bon sens, François Hollande s’est juste borné à suggérer que le gouvernement pourrait continuer en 2014 à relever les impôts. Il l’a dit sans vraiment le dire, sur le ton de la fausse évidence : « Dans l’idéal, le moins possible », a-t-il juste admis, signifiant par là que la fiscalité allait être relevée, même s’il n’y consentirait qu’à contrecœur.

    Ah ! Le brave homme… « Dans l’idéal, le moins possible » : la formule dit bien ce qu’elle veut dire. Elle suggère que François Hollande a le cœur qui se serre à l’idée de relever les impôts de tous les Français et que, par « idéal », il préférerait ne pas en venir à pareille extrémité mais que du fait de la crise des finances publiques, il y sera malheureusement contraint.

    Dans cette posture, il y a pourtant beaucoup d’hypocrisie. Car si les socialistes ont plaidé durant de longues années en faveur d’une « révolution fiscale », c’était précisément pour alléger le fardeau fiscal des plus pauvres et alourdir un peu celui des plus riches. Telle était l’ambition en particulier de la réforme visant à fusionner l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée (CSG), de sorte que l’impôt sur le revenu cesse d’être dégressif pour les contribuables les plus fortunés. Telle était aussi l’ambition du projet de rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), sous sa mouture initiale, c’est-à-dire avant que Nicolas Sarkozy ne le vide largement de sa substance.

    Or, on sait ce qu’il est advenu de ce projet de « révolution fiscale » : il n’a jamais vu le jour. Promise, la nouvelle Nuit du 4-Août n’est jamais survenue (on retrouvera ici toutes nos enquêtes sur le sujet). Et même la célèbre taxe à 75 % a été totalement émasculée puisque ce ne sont plus les cadres dirigeants des grands groupes du CAC 40 qui la payent, mais les groupes eux-mêmes, qui s’en moquent totalement. Quant à la promesse sur l’ISF, elle n’a jamais été honorée même si ce reniement est passé inaperçu : à preuve, le seuil de déclenchement de l’ISF est resté au niveau où Nicolas Sarkozy l’avait relevé soit 1,3 million d’euros de patrimoine taxable. Et même certaines des « niches fiscales » les plus scandaleuses, celles qui profitent par exemple aux grandes fortunes dans les DOM-TOM, n’ont pas été remises en cause, contrairement aux engagements socialistes.

    Une terre d’accueil accommodante pour les ultra-riches

    Et le résultat de tout cela n’a naturellement rien de mystérieux : puisque les socialistes ont eux-mêmes renoncé à reconstruire un impôt citoyen progressif, les inégalités sont restées ce qu’elles étaient. Ou plus précisément, elles ont continué de se creuser. Avec, en bas de l’échelle des revenus, des pauvres qui deviennent toujours plus pauvres – toutes les études de l’Insee en attestent ; et en haut de l’échelle, des riches qui deviennent toujours plus riches –, ce dont témoigne aussi l’Insee qui pointe depuis plusieurs années un creusement des inégalités « par le haut ».

    Le dernier classement des grandes fortunes françaises, établi par le magazine Challenges, est à cet égard très révélateur. Malgré la crise, la France, avec à sa tête un exécutif socialiste, est plus que jamais une terre d’accueil accommodante pour les ultra-riches. Pas un paradis fiscal, mais presque ! Que l’on observe en effet ces chiffres vertigineux (on peut les consulter ici): la fortune totale des 500 Français les plus riches a progressé de presque 25 % en un an, pour atteindre 330 milliards d’euros. Le magazine note qu’en « une décennie, ce chiffre a plus que quadruplé, alors que le produit intérieur brut (PIB), lui, n’a fait que doubler ». Et pour les dix plus grosses fortunes, les évolutions sont encore plus stupéfiantes, comme le raconte Challenges : « Ce Top-10 a une autre particularité : ses membres s’y enrichissent à un rythme beaucoup plus soutenu que les autres. En 1996, nos dix super-riches pesaient 20 milliards d’euros et 25 % de la valeur totale des « 500 ». Aujourd’hui, après s’être encore enrichi de près de 30 milliards en douze mois, le Top-10 pèse 135 milliards, soit 40 % du total ! »

    C’est donc à cette aune-là que l’on peut mesurer la grave responsabilité prise par François Hollande de ne pas engager de « révolution fiscale » ni de véritable rétablissement de l’ISF. Et c’est à cette aune-là qu’il faut aussi décrypter le propos présidentiel sur les inévitables hausses fiscales à venir. Car, en vérité, le propos est moins bonhomme qu’il n’y paraît. Faute d’une fiscalité redevenue progressive, ce sont en effet d’abord les revenus modestes ou moyens qui seront davantage taxés, certes « dans l’idéal, le moins possible », mais taxés tout de même, au mépris des règles de l’équité fiscale.

    On ignore pour l’instant le montant exact des hausses d’impôt auxquelles le gouvernement travaille. Se voulant rassurant, ce dernier se plaît surtout à souligner que, pour 2013, il a fait le choix de ne pas compenser les pertes de recettes fiscales générées par la récession – de l’ordre de 13 milliards d’euros selon la Cour des comptes – par des mesures d’austérité complémentaires. Mais pour 2014, le gouvernement a clairement fait comprendre qu’il poursuivrait et même sans doute amplifierait sa politique budgétaire et fiscale d’austérité. Concrètement, les économies budgétaires devraient atteindre 14 milliards d’euros au cours de chacune des deux années 2014 et 2015. Quant aux prélèvements fiscaux et sociaux qui ont progressé de 22 milliards d’euros en 2012 et de 33 milliards d’euros en 2013 (notamment du fait de la mesure fiscale très inégalitaire de gel du barème d’imposition), ils devraient encore être majorés pour la seule année 2014 de 6 milliards d’euros. Et si l’on ajoute à ce chiffre les mesures de compensation que Bercy envisage pour prendre le relais de dispositions fiscales qui arrivent à échéance, le total des recettes nouvelles qui pourraient voir le jour en 2014, pour le budget de l’État ou celui de la Sécurité sociale, pourrait atteindre de nouveau la somme considérable de 12 milliards d’euros.

    « Dans l’idéal », ce devait être « le moins possible », mais en pratique, ce sera tout de même une somme gigantesque. Et qui plus est, une somme qui sera donc, en l’absence de véritable réforme fiscale, à la charge des contribuables les moins avantagés. Pour une part, on est d’ailleurs fixé : alors que François Hollande avait dénoncé le projet de Nicolas Sarkozy de recourir à la TVA pour financer son « choc de compétitivité » en faveur des entreprises, il a engagé la même réforme, sous des modalités à peine modifiées. Le gouvernement socialiste a dès à présent planifié une hausse de l’impôt le plus injuste du système fiscal français, pour un montant de 6,6 milliards de francs, sous la forme notamment d’un relèvement de 19,6 % à 20 % du taux supérieur et de 7 % à 10 % du taux intermédiaire, tandis que le taux réduit baisserait de 5,5 % à 5 %.

    Au nombre des hausses de prélèvements, on sait aussi que le quotient familial sera abaissé de 2 000 à 1 500 euros pour un gain de 1 milliard d’euros, ou encore que les cotisations aux régimes complémentaires de retraite seront aussi majorées. Mais au-delà, que se passera-t-il ? Dans le cadre de la réforme des retraites qui verra le jour à l’automne, le gouvernement envisagera-t-il aussi une majoration des cotisations de retraite, pour les régimes de base, en sus de l’augmentation de la durée d’activité qui ne fait maintenant plus aucun doute ?

    Quoi qu’il en soit, le gouvernement semble prisonnier d’une terrible logique, depuis qu’il a renoncé à reconstruire une fiscalité plus juste. Une logique que résume l’adage fiscal bien connu : « Pourquoi taxer les riches ? Taxons les pauvres ; ils sont beaucoup plus nombreux. »

    Et à l’évidence, il ne s’agit pas d’une embardée. Car toute la politique économique semble ne faire aucun cas de la situation sociale difficile dans laquelle se trouve une bonne partie du pays, et de l’effondrement du pouvoir d’achat que connaissent nombre de ménages. Car en plus des hausses d’impôts qui viennent, la puissance publique ne cesse de donner son feu vert à des hausses spectaculaires des tarifs des services publics, qu’il s’agisse de la SNCF, d’EDF ou de GDF, et prépare même maintenant les esprits à une baisse tout aussi spectaculaire du taux de rendement du placement préféré des Français, le livret A.

    Et tout cela est annoncé d’un air badin, presque enjoué. Comme si tout cela était dans l’ordre normal des choses. Comme si nul, dans les sommets du pouvoir, n’était en mesure de sentir la colère sociale qui couve. De quoi donner effectivement raison à Paul Eluard : « Ils persévèrent ; ils exagèrent… »

    CGT, FO, FSU, Solidaires appellent à une journée de grèves et manifestations le 10 septembre pour nos retraites : « pas un trimestre de plus, pas un euro de moins »

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