Catégorie : Presse

PETIT LEXIQUE DES TSIGANES ROMS, GENS DU VOYAGE

Le Monde.fr

| 17.10.2012 à 13h26

Par Angela Bolis

« Toutes les communautés tsiganes ont à affronter le même problème : comment construire et maintenir une autonomie dans une situation d’immersion et, pour la majorité d’entre elles, de dispersion ? Les réponses sont multiples. » Ce postulat, écrit par l’anthropologue Patrick Williams dans Etudes tsiganes en 1994, laisse entrevoir l’unité et la diversité de ce peuple, qui représente la première minorité ethnique d’Europe, forte de 10 à 12 millions de personnes.

De la même manière, si ces communautés peuvent être regroupées sous le terme Tsigane, ou plus récemment Rom, les noms qui servent à les désigner sont multiples. Au point qu’il est parfois difficile de s’y retrouver. Et que, en l’absence de consensus, la question continue à se poser dans la communauté scientifique comme chez les Tsiganes eux-mêmes.

Ainsi, il y a les dénominations internes (Rom par exemple), et les dénominations externes, que les non-Tsiganes utilisent pour désigner les Tsiganes, comme Romanichel, ou encore Bohémien. Ce dernier terme renvoit par exemple aux lettres de protection qui leur étaient accordées par les rois de Hongrie, de Pologne et de Bohême (région située aujourd’hui en République tchèque) à partir du XVe siècle.

Il y a aussi les dénominations qui distinguent les différentes branches de ce peuple hétérogène. Il en est ainsi des Gitans – Gypsi en anglais, Gitanos en espagnol (qui se prénomment eux-mêmes Kalé) – qui vivent en Espagne et dans le sud de la France, et représentent environ 10 % des Tsiganes selon le collectif Romeurope. Les Sinté, ou Manouches en français, se sont plutôt établis dans les régions germanophones, le Bénélux et certains pays nordiques, et représentent environ 4 % des Tsiganes, selon la même association. Les Roms d’Europe orientale et centrale, enfin, se distinguent en diverses communautés selon leur activité, par exemple les Roms kalderasch, chaudronniers, ou les Roms lovaras, marchands de chevaux.

Tsiganes. Ce terme académique générique recouvre toutes les différentes branches de ce peuple. Selon l’Atlas des Tsiganes, Les Dessous de la question rom, de Samuel Délepine, le mot tsigane est issu du grec médiéval athingani, qui signifie intouchable. En Europe de l’Est, ce terme exogène (utilisé par les non-Tsiganes) a « aux yeux de beaucoup de Roms, une connotation péjorative », explique le Conseil de l’Europe. En Europe occidentale, à l’inverse, ainsi qu’en Hongrie et en Russie, il « est mieux toléré et parfois plus approprié », estime l’institution européenne. Selon l’Atlas des Tsiganes, il peut même y être connoté positivement, comme lorsqu’il est associé à la musique ou à la fête tsigane.

Roms. Signifie homme en romanès. Il s’agit là encore d’un terme générique, mais, cette fois, endogène, c’est-à-dire employé par les Roms eux-même. Il a été choisi en 1971 par des associations d’Europe de l’Est, comme l’Union romani internationale, pour remplacer celui de Tsigane, considéré comme péjoratif. Toutefois, il est le plus souvent employé pour désigner une branche du peuple tsigane qui s’est implantée en Europe orientale et centrale – en Roumanie en grande majorité, mais aussi en Bulgarie et en ex-Yougoslavie – et dont une partie a émigré en Europe occidentale plus récemment : depuis la deuxième partie du XIXe siècle, puis depuis la chute des régimes communistes. Selon Romeurope, ils représentent 85 % des Tsiganes européens, et sont « environ 10 millions », selon le Conseil de l’Europe.

Gens du voyage. Il s’agit d’une catégorie administrative, issue de la loi du 3 janvier 1969. Se substituant alors au terme « nomade », elle concerne les personnes vivant plus de six mois par an en résidence mobile terrestre. Selon la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes, « la quasi totalité des gens du voyage sont de citoyenneté française. Leur nombre est estimé autour de 400 000 personnes. Ce n’est pas tant la mobilité des personnes qui prime, que le mode de vie caractérisé par l’habitat en caravane. » Il s’agit donc d’un terme qui ne désigne pas forcément les Tsiganes – les catégories ethniques n’existant de toute façon pas dans le droit français. En France, les gens du voyage sont soumis à un régime particulier, dénoncé « comme source de stigmatisation et de discrimination », comme le relève une proposition de loi enregistrée au Sénat le 12 juin 2012.

En effet, ils doivent attendre trois ans avant de pouvoir s’inscrire sur les listes électorales au lieu de six mois. Ils détiennent aussi un titre de circulation qu’ils doivent présenter régulièrement aux autorités, sous peine d’une amende, voire d’une peine d’emprisonnement. Pour l’anthropologue Patrick Williams, « c’est un héritage du carnet nomade, qui s’apparente à de l’apartheid : ce sont des citoyens de seconde zone qui ont, au lieu de l’adresse sur leur carte d’identité, le numéro du titre de circulation. Ils sont donc, par exemple, repérés en tant que Tsiganes à n’importe quel contrôle de police. » Dans le « Décalogue du Palais Bourbon« , en 2009, l’Union romani internationale estimait que « nous ne nous reconnaissons pas nous même sous cette appellation d’un point de vue humain, culturel et identitaire ».

Carmen : une sacrée version !!!

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Une expérience culturelle et précisément musicale exceptionnelle..

 

Réactions indignées devant la Une de Valeurs actuelles sur les Roms

L’hebdomadaire de droite a choisir de titrer sa prochaine édition ainsi : « Roms l’overdose » avec une caravane barrée de rouge

La Une provocatrice de Valeurs actuelles, à paraître jeudi

La Une provocatrice de Valeurs actuelles, à paraître jeudi

La Une de l’hebdomadaire Valeurs actuelles fait parler d’elle avant même d’être publiée.

L’édition à paraître jeudi est titrée « Roms l’overdose », avec une caravane barrée de rouge. En sous-titre : « Assistanat, délinquance… ce qu’on n’a pas le droit de dire ».

 

Elle a immédiatement suscité des réactions indignées sur les réseaux sociaux, les internautes fustigeant le parti pris par l’hebdomadaire.

 

Le Parti socialiste a dénoncé mercredi dans un communiqué la une « indigne » et « anti-républicaine ».

Pour le PS, elle « incite à la violence xénophobe contre une catégorie de la population. Les valeurs nauséabondes qui y sont véhiculées n’ont rien d’actuelles, elles sont anti-républicaines ».

Le porte-parole du Parti socialiste David Assouline a rebaptisé sur twitter le magazine « Valeurs poubelles ».

« Cette une est la manifestation d’une campagne politique intolérante et intolérable. Nous mettons en garde contre la banalisation de ce type de campagnes et d’idées contre lesquelles le PS a décidé de lancer l’offensive. Halte à l’overdose xénophobe ! », ajoute le PS, qui promet de lancer une offensive contre l’extrême droite lors de ses universités d’été à La Rochelle ce week-end.

Contactée par L’Express, la rédaction de Valeurs Actuelles se justifie : « la couverture reflète le sondage réalisé par l’institut Harris-Interactive. Le directeur de cet institut, Jean-Daniel Levy, a lui-même été extrêmement surpris du rejet par les Français de cette communauté, tant à gauche qu’à droite. Nous n’avons fait que retranscrire en couverture les résultats éloquents de cette enquête ».

Les personnes interrogées devaient notamment répondre à la question suivante : êtes-vous préoccupé par la présence des Roms ? 70% se disent « très préoccupés » ou « plutôt préoccupés ». Comme pour tous les sondages, les résultats sont à prendre avec des pincettes : des réalités très différentes peuvent se cacher derrière les chiffres…

Pour les musulmans

 

Mediapart

18 août 2013

Dieu ou l’armée. L’étau dans lequel est pris le peuple égyptien, soudain renvoyé à l’affrontement entre pouvoir militaire et islamisme politique qui l’a si longtemps privé de sa liberté, menace aussi notre propre débat public.

Inaugurées en Tunisie, les révolutions arabes avaient ouvert l’espoir d’une nouvelle ère politique méditerranéenne qui, potentiellement, pouvait nous libérer, en France, même des passions négatives sur lesquelles la politique de la peur de l’après-11-Septembre fondait sa réussite, enrégimentant nos sociétés dans une guerre sans fin contre un terrorisme identifié à l’islam.

Depuis le tournant tunisien de décembre 2010-janvier 2011, onde de choc géopolitique sans frontières, la réalité du soulèvement démocratique des peuples avait ébranlé cette idéologie au nom de laquelle nos gouvernants (et même nos opinions) cautionnaient, voire soutenaient sans états d’âme, des pouvoirs dictatoriaux, liberticides et corrompus, au prétexte qu’ils faisaient barrage à l’islamisme.

La voici désormais ravivée, sur fond d’inculture, de méconnaissance et d’ignorance, par l’échec au pouvoir des formations issues de l’islam politique, alors qu’elles étaient sorties gagnantes des premières élections libres en Tunisie et en Égypte, échec résultant de leur incapacité à dialoguer avec leurs sociétés et à en accepter le pluralisme, sans compter leur impuissance et leur incompétence face aux urgences sociales qui les avaient légitimées.

Ce n’est en rien l’excuser que de rappeler que le coup de force sanglant des militaires égyptiens fut précédé du coup de force politique de Mohamed Morsi quand, en décembre 2012, le président issu des Frères musulmans a précipité l’avortement de la révolution en s’arrogeant les pleins pouvoirs. Il suffit d’ajouter la sanglante impasse syrienne, l’instabilité meurtrière irakienne, l’inquiétant désordre libyen et l’extension guerrière nord-malienne pour noircir encore plus le tableau où tente de se dessiner, dans une transition chaotique et douloureuse, à l’issue improbable et à la durée incertaine, l’invention par ces peuples d’un avenir dont ils seraient enfin les maîtres.

Les idéologues du choc des civilisations, qui essentialisent les identités, les cultures et les religions, n’ont que faire des incertitudes et des précautions d’une pensée complexe de cette crise multiforme, où il faudrait aussi tenir compte du sursaut démocratique turc lors des manifestations d’Istanbul, de la soudaine révolte marocaine contre le pouvoir royal, voire – au-delà du monde arabe et dans l’islam chiite – de la victoire d’un candidat modéré et pragmatique à l’élection présidentielle iranienne. Car toutes ces sociétés bougent en profondeur, convergeant bien plus qu’elles ne divergent des nôtres – démographiquement, familialement, culturellement – comme l’avaient fort bien démontré Emmanuel Todd et Youssef Courbage dans Le Rendez-Vous des civilisations.

Sans que l’on puisse en faire un pronostic définitif pour l’avenir, l’une des données de la crise égyptienne, sous sa confusion indécidable, n’est-elle pas l’expression directe d’une société définitivement sortie de sa résignation, au point qu’elle s’est massivement retournée contre l’exercice du pouvoir par les Frères musulmans après le leur avoir sans conteste confié ? Prompts à décréter que l’islam est incompatible avec la démocratie, en faisant le pari de la défaite de peuples qu’il faudrait plutôt soutenir dans leurs revendications d’idéaux universels de liberté et d’égalité, nos idéologues de la guerre des mondes n’ont hélas que faire de ces nuances et de ces contradictions.

En envisageant, après la répression sanglante de leurs manifestations, l’interdiction politique des Frères musulmans, décision qui criminaliserait leur mouvement et plongerait leurs militants dans la clandestinité, le pouvoir militaire égyptien assume le choix d’alimenter caricatures et simplismes. Cette fuite en avant contient le risque d’une répétition du dramatique scénario algérien où l’interruption en 1992 du processus électoral, suivie de l’interdiction du Front islamique du salut (FIS), ouvrit une décennie de guerre civile dont l’Algérie n’est toujours pas complètement remise. Un scénario dont on a pu constater, en France, combien l’impunité accordée à la répression militaire là-bas s’accompagnait ici d’une diabolisation croissante de l’islam.

Aussi y a-t-il fort à parier que les tenants d’une politique de la peur, celle-là même qui a accompagné les désastres de l’après-2001, vont s’empresser de revenir à leurs obsessions, fermant avec un plaisir non dissimulé la porte d’espoir ouverte depuis 2011. Ce faisant, c’est notre avenir qu’ils risquent de compromettre. D’abord parce que ce dernier se construit dans la relation avec les autres nations méditerranéennes pour d’évidentes raisons géopolitiques où se mêlent histoire, géographie, économie, démographie et culture. Ensuite parce qu’en France, de longue date sous le poids d’un passé colonial jamais vraiment soldé et, plus récemment, sous l’effet d’une banalisation de l’islamophobie depuis les attentats new-yorkais de 2001, la question musulmane détient la clé de notre rapport au monde et aux autres, selon qu’on la dénoue ou qu’on l’exacerbe, qu’on l’apaise par la raison ou qu’on l’agite par la passion.

Selon, en somme, que l’on considère (et qu’on accepte et qu’on respecte) nos compatriotes musulmans – d’origine, de culture ou de religion, ces trois modalités disant une pluralité de cheminements ou d’appartenances – dans leur diversité justement, ou qu’on les essentialise en bloc, figeant tout ce qui ressort, peu ou prou, de l’islam dans une menace indistincte qui légitimerait leur exclusion ou leur effacement, un double impératif à se faire discrets et à se faire oublier… Paradoxalement, cette réduction des musulmans de France à un islam lui-même réduit au terrorisme et à l’intégrisme est un cadeau offert aux radicalisations religieuses, dans un jeu de miroirs où l’essentialisation xénophobe justifie l’essentialisation identitaire.

Des généralisations douteuses et irresponsables, selon Edward Said

Dans un essai lumineux sur L’Islam dans les médias, illustration concrète de sa réflexion sur l’orientalisme comme construction d’un Orient imaginaire par l’Occident, Edward W. Said avait tôt souligné cette exception de la question musulmane comme le nouveau point aveugle de notre rapport à l’Autre, au différent, au dissonant et au dissemblable. « Si les généralisations douteuses sur les cultures étrangères ne sont plus tolérées en Occident, l’Islam constitue l’exception, écrivait-il dans la préface à la réédition en 1997 de ce livre d’abord paru en 1981 : le discours sur la mentalité, la personnalité, la religion et la culture musulmanes semblerait tout à fait déplacé dans un débat politiquement correct sur les Africains, les juifs, les Asiatiques ou d’autres peuples orientaux. »

Palestinien devenu Américain, politiquement libéral au sens anglo-saxon de radicalité démocratique, Edward Said (1935-2003) était peu suspect de sympathie pour les forces conservatrices et réactionnaires du monde musulman, soulignant dans le même texte le « climat passionnel » qu’elles installent et « cette image peu engageante de l’Islam » qu’elles véhiculent. Mais ce qui le frappait, depuis New York où il vivait et livrait cette alarme quatre ans avant le 11-Septembre, c’est l’instrumentalisation dans nos contrées de « l’étiquette “islam” » comme « une forme d’offensive » sur le mode « fondamentalisme égale islam égale ce-contre-quoi-nous-devons-lutter-aujourd’hui, tout comme nous avons lutté contre le communisme pendant la guerre froide ».

S’opposant à ces « généralisations inacceptables, irresponsables »« les circonstances concrètes sont gommées », il rétorquait que « “l’Islam” ne définit qu’une infime partie du monde musulman, qui compte un milliard de personnes, comprend des douzaines de pays, de sociétés, de traditions, de langues et contient quantité de réalités différentes ». Jugeant « absurde d’imputer tout cela à “l’islam” » et de croire « que l’islam régit les sociétés islamiques dans le moindre détail, que dar al-islam a une identité fixe et unique, que la religion et l’État ne font qu’un dans les pays musulmans et ainsi de suite », il s’inquiétait des conséquences de cet  aveuglement occidental. Et celle, notamment, de produire, dans une sorte de prophétie auto-réalisatrice, « un “Islam” résolument prêt à jouer le rôle que lui a instinctivement assigné l’Occident, soumis à l’orthodoxie dominante et en proie au désespoir ».

La sombre prédiction de Said s’est hélas réalisée, radicalisant, s’il en était encore besoin, les représentations occidentales dominantes des musulmans. Et ce qui se joue dans la crise égyptienne, selon son issue, c’est la confirmation ou le démenti de cette caricature où se nourrissent, en Orient comme en Occident, les crispations identitaires et xénophobes. Si notre impuissance est grande pour peser sur son cours en Égypte même, notre responsabilité est en revanche immense sur son effet en France, pays d’Europe où vit la plus importante communauté musulmane dans la diverse acception de cet adjectif – l’origine, la culture, la religion – et dont l’islam est le premier des cultes minoritaires face au catholicisme, devant le judaïsme et le protestantisme.

C’est ici qu’il convient d’alerter par avance dans l’espoir fragile de conjurer les amalgames et les stigmatisations. Car comment ne pas constater combien l’alternance électorale de 2012 n’a pas su construire un barrage solide contre la lame de fond sur laquelle la présidence Sarkozy s’est aventurée en eaux extrêmes, piétinant l’engagement constitutionnel d’une République respectueuse de « toutes les croyances » et s’engageant à « assurer l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » ? Depuis le non-débat sur l’identité nationale de 2010, une partie de l’ex-droite républicaine assume, dans la foulée de l’extrême droite, l’injonction faite à nos compatriotes musulmans à devenir invisibles, en effaçant tout signe extérieur de leur croyance, pourtant minoritaire – qu’il s’agisse d’un tissu (le foulard), d’un aliment (le halal) ou d’un lieu (la mosquée).

Or, loin d’installer fermement une pédagogie contraire, le nouveau pouvoir socialiste a laissé son ministre de l’intérieur, administrativement en charge des cultes, donner le la d’un discours qui nourrit les mêmes dérives. Les officiels messages de solidarité face aux violences de plus en plus libérées dont font l’objet les musulmans de France y pèsent moins que les douteuses résonances et les flagrantes renonciations. Manuel Valls ne se contente pas de critiquer le droit de vote des étrangers (pourtant promesse électorale de François Hollande), d’enterrer le récépissé des contrôles d’identité (où se joue la discrimination ordinaire) et d’assumer sa faveur pour l’interdiction du foulard (en critiquant une décision de la Cour de cassation et en appuyant un rapport mort-né du HCI).

Il ajoute à ces positions, que ne démentirait pas un ministre de droite, l’exploitation hexagonale des tensions internationales où se construit une représentation diabolique de l’islam. Récusant, par un mensonge sur son origine prétendument iranienne (lire ce qu’il en est vraiment sous la plume de Carine Fouteau), le terme « islamophobie », façon de minimiser la discrimination qu’il désigne, le ministre de l’intérieur a ainsi récemment déclaré : « L’islamophobie est le cheval de Troie des salafistes. » Cet appel explicite à une indifférence doublée de méfiance – ceux qui se plaignent sont des terroristes en puissance – n’est pas loin d’une invitation à la guerre intestine, soit une guerre contre une partie de nous-mêmes puisque le même Manuel Valls n’a pas hésité, dès 2012, à qualifier de « véritables ennemis de l’intérieur » les jeunes Français égarés dans l’islamisme radical.

La résonance de l’alarme lancée par Emile Zola

Ces généralisations ne sont pas seulement stupides, elles sont surtout dangereuses. Confondre une communauté – d’origine, de culture ou de croyance – avec les actes d’individus qui s’en réclament ou s’en prévalent, c’est faire le lit de l’injustice. Et laisser s’installer ces discours par notre silence, c’est habituer nos consciences à l’exclusion, en y installant la légitimité de la discrimination et la respectabilité de l’amalgame. Au XXe siècle, la tragédie européenne nous a appris la fatalité de cet engrenage, dans l’acceptation passive de la construction d’une question juive. Ne serait-ce que parce que nous avons la responsabilité de cet héritage, nous refusons de toute notre âme cette insidieuse et insistante construction contemporaine d’une question musulmane.

Car aurions-nous oublié le meilleur de nous-mêmes ? Ce sursaut des consciences françaises qui est resté comme l’alarme prophétique dont l’écho, s’il a dans l’instant sauvé un homme et une nation, n’a pas su, hélas, empêcher la catastrophe du génocide ? Cette défense, à travers la cause d’un individu, Alfred Dreyfus, du peuple, le peuple juif, auquel on l’identifiait, au carrefour d’une origine, d’une culture et d’une religion ? Ce refus non seulement de l’injustice d’État dont le capitaine était victime, mais de l’antisémitisme ordinaire et quotidien, par lequel se construisait et s’installait une haine de l’Autre inconsciente d’elle-même, dans l’essentialisation aveugle d’une communauté, assignée à des caricatures, préjugés et fatalités ?

Ce fut hier une histoire de presse, comme, aujourd’hui, la question de l’islamophobie engage en priorité la responsabilité des médias, tant y sont diffusées, banalisées sous la forme d’évidences, les représentations qui construisent la stigmatisation d’une population, d’hommes, de femmes et d’enfants, au prétexte de leur identité religieuse. Si notre profession a gardé en mémoire le fameux J’accuse, par lequel, dans L’Aurore du 13 janvier 1898, Émile Zola prend la défense du capitaine Dreyfus, alors enfermé au bagne de Cayenne, en Guyane, sous une accusation mensongère et falsifiée d’espionnage, elle ne se souvient plus de ce qui l’a précédé – et qui, en fait, marque le véritable basculement de l’écrivain, jusqu’alors indifférent à la cause.

Il s’agit d’un article paru un an et demi plus tôt, le 16 mai 1896, dans Le Figaro, quotidien peu suspect de radicalité et d’audace, dont Zola est devenu l’une des signatures en 1880. Depuis le succès de L’Assommoir (1876), l’écrivain est une personnalité respectable et respectée, chevalier (1888), puis officier (1893) de la Légion d’honneur, président de la Société des Gens de Lettres, candidat à l’Académie française, bref un homme menacé par « tous les périls de l’argent et de la gloire », comme l’écrira l’historien Henri Guillemin (Zola, légende et vérité, Utovie, 2012). Le voici donc qui va renoncer à ce capital illusoire, lui préférant l’éternité des principes en se mettant à dos tous les bien-pensants du moment. Et l’acte décisif de cette rupture sera cet article de 1896, où le nom de Dreyfus n’est pas une seule fois mentionné mais dont le propos amènera les premiers dreyfusards, notamment Bernard Lazare, à contacter Zola pour le rallier à leur cause.

Il s’intitule, tout simplement Pour les juifs, et il suffit de remplacer, dans ses premières lignes, le mot « juifs » par celui de « musulmans » pour entendre la résonance avec notre époque : c’est un cri de colère contre un sale climat. « Depuis quelques années, écrit d’emblée Zola, je suis la campagne qu’on essaie de faire en France contre les juifs, avec une surprise et un dégoût croissants. Cela m’a l’air d’une monstruosité, j’entends une chose en dehors de tout bon sens, de toute vérité et de toute justice, une chose sotte et aveugle qui nous ramènerait à des siècles en arrière, une chose enfin qui aboutirait à la pire des abominations, une persécution religieuse, ensanglantant toutes les patries. Et je veux le dire. »

Zola s’adresse explicitement aux siens, comme sans doute nous le faisons ici même tant la question musulmane divise nos propres lecteurs. Il évoque, d’ailleurs, ces « amis à moi » qui « disent qu’ils ne peuvent pas les souffrir », comme d’autres, aujourd’hui, ne supportent pas l’affirmation d’une foi ou d’une identité musulmanes. Et il s’efforce de démonter leurs préjugés, et le principal d’entre eux, celui qui, sur fond de vieil antijudaïsme chrétien – « nos dix-huit cents ans d’imbécile persécution », écrit-il – fut la matrice de l’antisémitisme moderne : le reproche fait aux juifs d’être un peuple à part dont le ressort serait « l’amour de l’argent ». Auquel s’ajouta ensuite, dans sa théorisation nazie, l’assimilation du judaïsme au bolchévisme, de l’être juif à la menace communiste, sans patrie ni frontière.

Décrivant son mécanisme, il synthétise remarquablement l’argumentaire par lequel se rend acceptable un racisme dont les cibles peuvent toujours varier selon les époques, les contextes et les circonstances. « Les juifs, résume-t-il, sont accusés d’être une nation dans la nation, de mener à l’écart une vie de caste religieuse et d’être ainsi, par-dessus les frontières, une sorte de secte internationale, sans patrie réelle, capable un jour, si elle triomphait, de mettre la main sur le monde. » Où l’on retrouve nos fantasmes d’aujourd’hui sur « l’ennemi intérieur » qu’installerait à demeure un islam menaçant, potentiellement sinon naturellement terroriste, indistinctement identifié à nos compatriotes musulmans, par leur origine, leur culture ou leur croyance.

« Qu’il y ait, entre les mains de quelques juifs, un accaparement douloureux de la richesse, c’est un fait certain, rétorque pour finir Zola. Mais le même accaparement existe chez des catholiques et chez des protestants. Exploiter les révoltes populaires en les mettant au service d’une passion religieuse, jeter surtout le juif en pâture aux revendications des déshérités, sous le prétexte d’y jeter l’homme d’argent, il y a là un socialisme hypocrite et menteur, qu’il faut dénoncer, qu’il faut flétrir. » En somme, l’écrivain refusait ce premier pas du rejet de l’Autre qui consiste à le figer hors de toute histoire, de toute contradiction et de tout pluralisme, en somme à lui dénier sa liberté.

Ce que font les hommes ensemble plutôt que ce qu’ils croient séparément

Telle est donc l’alarme que l’on voudrait, de nouveau, faire entendre, en défense des musulmans, dans la diversité humaine de ce que ce mot recouvre. En défense de toutes celles et de tous ceux qu’ici même, la vulgate dominante assimile et assigne à une religion, elle-même identifiée à un intégrisme obscurantiste, tout comme, hier, les juifs furent essentialisés, caricaturés et calomniés, dans un brouet idéologique d’ignorance et de défiance qui fit le lit des persécutions. L’enjeu n’est pas seulement de solidarité avec l’autre mais de lucidité sur nous-mêmes.

Car, dans cette crispation où s’efface la frontière entre droite et gauche, ce qui est mis en péril, c’est l’avenir de la France comme société pluraliste, acceptant sa propre diversité et assumant ses défis sociaux. De ce point de vue, l’obsessionnelle question du foulard, relancée à l’université par des apprentis sorciers au cœur de l’été, est un voile jeté sur nos sensibilités, générosités et curiosités. Brandir la visibilité de ce morceau de tissu comme la question décisive pour notre espace public, c’est nous inviter à ne plus voir le reste, tout ce que cette focalisation occulte et masque, et au premier chef la question sociale, celle des quartiers populaires comme l’a récemment fort bien démontré ici-même Stéphane Alliès.

De cet aveuglement témoigne le contresens habituellement commis par ceux qui, à gauche, confondent religion et intégrisme, transformant du coup une laïcité tolérante et pluraliste en laïcisme guerrier et univoque. Il s’agit de cette citation-cliché de Karl Marx sur la religion comme opium du peuple. Or si l’on prend la peine de la lire dans son contexte, on comprend que le message de Marx était tout autre : non pas une invitation à faire la guerre à ceux qui revendiquent leurs croyances, mais un appel à entendre les souffrances dont la religion est le réceptacle, fût-il illusoire.

Voici donc le passage de L’Introduction à la critique de la Philosophie du droit de Hegel où surgit chez Marx cette comparaison de la religion à l’opium, entendu comme paradis artificiel et bonheur illusoire : « La détresse religieuse est pour une part l’expression de la détresse réelle, et pour une autre part la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. »

Bref, ce ne sont pas propos de condamnation, mais phrases de compréhension qui, pour autant, ne signifient aucune complaisance avec les idéologies religieuses. Mais, refusant de réduire les croyants à une identité figée et pariant sur leur libre arbitre face à l’expérience concrète, Marx juge plus important ce que les hommes font ensemble que ce qu’ils croient séparément. Ils les acceptent comme ils sont, et surtout si, dans l’exclusion sociale qu’ils vivent, ils n’ont d’autres échappées que ce soupir religieux. Aussi, commentant longuement cette citation afin de décortiquer cette « haine de la religion » qui s’est emparée aujourd’hui d’une bonne partie de la gauche, Pierre Tevanian souligne combien, hier, ses référents intellectuels critiquaient au contraire les extrémistes de l’irréligion.

Être musulman, l’exprimer ou le revendiquer, n’est pas plus incompatible en soi avec des idéaux de progrès et d’émancipation que ne l’était l’affirmation par les ouvriers ou les étudiants de la JOC et de la JEC de leur identité chrétienne, alors même qu’ils rejoignaient les combats syndicaux du prolétariat ou de la jeunesse. Sauf, encore une fois, à renouer avec les préjugés coloniaux qui essentialisaient d’autres cultures pour les dominer et les opprimer, les rejeter ou les soumettre, rien ne justifie que l’on décrète l’incompatibilité entre la République, ses idéaux et ses principes, et la revendication d’être reconnu, respecté et admis comme musulman.

Tout au contraire même puisque c’est dans la reconnaissance des minorités que se joue la vitalité d’une démocratie acceptant la diversité des siens, la pluralité de leurs conditions, la richesse de leurs différences. Et construisant, par le respect de ces dissemblances, une ressemblance supérieure, celle que proclament les principes dynamiques, jamais épuisés, de liberté, d’égalité et de fraternité. Sous la question musulmane se joue, en vérité, la question française : notre capacité à inventer une France qui, au lieu de se crisper sur une identité fantasmée et mortifère, s’élance vers le monde en faisant de sa relation au divers le meilleur des Sésame.

Pour les musulmans donc parce qu’en les défendant, c’est nous tous que nous sauvons.

Gens du voyage à Mimizan..

Landes : les gens du voyage sont partis

Ils étaient à Mimizan-Plage depuis le 6 août. À Saint-Avit, ils ne sont restés que trois jours.

La communauté Vie et Lumière avait installé illégalement ses 150 caravanes à l’entrée de Mimizan-Plage, le lundi 6 août. Elle en est repartie ce lundi après-midi, dans le calme.

La communauté Vie et Lumière avait installé illégalement ses 150 caravanes à l’entrée de Mimizan-Plage, le lundi 6 août. Elle en est repartie ce lundi après-midi, dans le calme. (Archives Anaïs Brosseau)

Dans le Pays de Born, la communauté Vie et Lumière, d’obédience protestante, avait installé illégalement ses 150 caravanes à l’entrée de Mimizan-Plage, le lundi 6 août. Elle en est repartie hier après-midi, dans le calme.

En ce qui concerne la communauté des gens du voyage, arrivée mercredi à Saint-Avit et installée sur un terrain privé, près de l’ancienne discothèque le Mail Coach, elle est repartie, vendredi. Le propriétaire du terrain n’avait pas porté plainte cette fois.

 

« Il y a une quinzaine de jours, le même cas s’était présenté et le propriétaire avait porté plainte, rappelle Bernard Moncoucy, directeur de cabinet de l’Agglomération de Mont-de-Marsan. Malgré notre proposition de se rendre sur l’aire de petit passage prévue pour ces convois d’une dizaine de caravanes, ils n’ont pas souhaiter y aller. Pour que les choses se passent pour le mieux, nous leur avons proposé de mettre un container sur ce terrain privé, afin de leur permettre de nettoyer l’emplacement à leur départ. »

Accord convenu, le convoi a rendu un terrain nettoyé. «Tout s’est bien passé, mais il est quand même dommage d’avoir dépensé autant d’argent en aires de grand passage et petit passage sur l’agglomération (1,3 million d’euros, NDLR) pour qu’elles ne soient pas utilisées. »

La lettre de la section de St Vivien

ÉDITORIAL

La justice et l’idée que l’on s’en fait

Pour certaines sociétés, le voleur doit avoir la main coupée ; certainement parce que le législateur pense qu’il supprime ainsi l’instrument du délit. La conséquence est que l’on devrait couper la tête du voleur qui se sert de son intellect pour commettre quelques malversations.

Il n’y a pas si longtemps on ne considérait pas comme délictueux les penchants de certains pour de jeunes filles ou de jeunes garçons.

On peut ainsi remonter dans les temps et trouver des sentences qui aujourd’hui feraient dresser les cheveux sur la tête.

Cela nous amène donc à nous demander ce que veut dire l’expression

«la justice», surtout lorsqu’il s’agit d’un engagement pris au plus haut niveau.

Plusieurs exemples peuvent illustrer le foisonnement de domaines où le mot a du sens.

Le droit est dit par le législateur; celui ci réagit par rapport à l’évolution de nos sociétés, le droit est actuel mais avec toujours un temps de retard plus ou moins long.

Le législateur est un élu du peuple, sauf à dire qu’il n’est pas le mieux placé pour faire et défaire les lois, il est impossible à un agent représentant de l’autorité de l’État de refuser de se soumettre sans se démettre. Ou bien tout individu peut dire, la loi, je ne la reconnais pas, ce qui complique sérieusement la vie sociale, remet en cause l’équilibre même de nos institutions.

Mais la justice comme programme politique semble être un engagement peu mesurable: est-ce que mon salaire est juste? La hiérarchie des revenus est-elle équitable? Est-ce qu’il est juste que je n’ai pas droit à un logement social? Est-ce qu’il est juste que mes contributions sociales soient au niveau où elles sont? Est-il juste que compte-tenu des connaissances et des moyens que les sciences mettent à la disposition de nos sociétés, les soins soient liés fortement aux revenus des individus ? Est-il juste que je sois sans travail ou que ce que je souhaite faire de ma vie ne soit pas à portée? Est-ce qu’il est juste que je ne trouve pas les moyens pour me loger?….Parle-t-on de justice ou d’équité?

Je pense que le politique veut, en employant ce terme, «la justice», prendre l’engagement de diriger l’État pour que ses citoyens se sentent dans une société juste. Ce qui englobe les précédentes questions mais aussi certainement d’autres, et, que pour mesurer du respect de l’engagement pris, il nous faudra des résultats palpables que les irresponsables de la «religion de la comptabilité » devront apprécier autrement qu’en terme de bilans financiers. Tiens, aussi, quand reviendra-t-on sur les lois Perben et autres? L. Rieux

CAFE-DEBAT DU 7 JUIN

C’est devant une petite assistance que nous avons tenu ce café-débat que nous avions pourtant annoncé par mail à nos adhérents, aux maires, aux correspondants des journaux distribués sur le nord-médoc et par une tournée d’affichage conséquente.

Un seul maire s’est déplacé et nous étions 10 personnes pour participer à ce débat.

Le président de notre fédération intervenant de cette soirée nous a d’abord rappelé combien ce pays doit à l’immigration depuis plusieurs siècles et que en 1789 l’Assemblée Nationale avait accordé le droit de vote aux étrangers, ce que le premier consul s’est empressé de défaire, l’esprit nationaliste stupide va de pair avec les pouvoirs autoritaires.

Il a également rappelé que dans la balance économique(coûts et gains) le solde est en faveur de l’immigration.

Enfin il a évoqué les nouveaux problèmes posés par l’esclavage moderne des salariés détachés, gérés par des sociétés de services européennes et qui pratiquent le « dumping social ». Sur les résistances à l’adoption de cette disposition par le congrès, qui doit ratifier cette modification de la constitution (trois cinquième des élus à l’assemblée nationale ajoutés aux sénateurs sont nécessaires), elles tiennent plus de la peur des autres que de réels inconvénients.

Il y a en Aquitaine, 180 000 personnes concernées auxquelles il faut retrancher celles qui ont acquis la nationalité Française.

Enfin il y a l’aspect symbolique de cette mesure de justice : comment donner aux familles concernées le sentiment de faire partie de la nation si leurs ascendants ne sont pas reconnus au moins parce qu’ ils paient leur part de cotisations sociales et des impôts, et, au delà, le respect de leur personne.

Des questions ont été posées dans l’assistance sur l’arrivée de capitaux étrangers protecteurs d’ intégrisme religieux et qui pourraient un jour constituer une possibilité d’intrusion de communautarismes dans nos municipalités.

Nous n’ignorons pas ces menaces ; raison pour laquelle il est particulièrement important que soit défendu fermement ce qui est le socle de notre république :

Liberté – Égalité – Fraternité.

La laïcité en particulier

La lutte pour que justice soit faite va continuer même si pour 2014 les choses semblent compromises, le collectif pour que ce droit soit reconnu va mobiliser pour que cette promesse de 30 ans soit tenue .

Vous trouverez ci-dessous la lettre adressée aux maires.

COURRIER ADRESSÉ AUX MAIRES

Madame, Monsieur le Maire,

Le suffrage universel a été une longue conquête dans l’histoire de la République.

Si, en 1793, lors de la Révolution, la première République en adopta le principe, il fut réellement mis en œuvre par la IIe République, après la Révolution de 1848. Mais le suffrage resta limité aux hommes jusqu’en 1944, lorsque fut enfin instauré, à la Libération, le droit de vote pour les femmes. Trente ans plus tard, en 1974, l’âge du droit de vote fut abaissé de 21 à 18 ans.

En 1998, les étranger(e)s citoyen(ne)s des pays de l’Union européenne résidant en France ont été admis(es) au vote et à l’éligibilité pour les élections municipales et au Parlement européen.

En mai 2000, l’Assemblée nationale vote une proposition de loi accordant le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales pour les étranger(e)s extra-communautaires, qui résident légalement sur le territoire depuis cinq ans au moins. Le Sénat, à son tour, le 8 décembre 2011, adopte cette même proposition.

Il reste à mettre en œuvre la révision constitutionnelle nécessaire.

De nombreux(ses) responsables politiques de gauche, et aussi du centre et de droite, se sont exprimé(e)s en faveur de ce droit.

En 2012, lors des élections présidentielles et législatives, la nouvelle majorité a inscrit cette réforme dans son programme. Conformément à ses engagements dans sa déclaration de

politique générale, le Premier ministre, en juillet puis en septembre, a promis qu’il y aurait un projet de loi en 2013.

Près de deux millions et demi d’étranger(e)s extra-communautaires vivent et travaillent dans des communes où elles/ils participent à la vie locale et paient des impôts. Nombre d’entre elles/eux sont responsables d’associations, délégué(e)s de parents d’élèves, délégué(e)s syndicaux(cales)…

La vie locale est un lieu essentiel de la vie démocratique et il n’existe aucune raison pour que toutes celles et tous ceux qui résident sur ces territoires n’y participent pas de façon égale. Il est temps de franchir une nouvelle étape pour l’élargissement du suffrage universel, la démocratie, la cohésion sociale et pour l’égalité des droits.

Les promesses électorales faites depuis plus de trente ans, approuvées par les électeurs(trices) à au moins quatre reprises, depuis 1981, doivent maintenant être tenues.

C’est pourquoi la section de la Ligue des Droits de l’homme de saint Vivien pointe et Cœur – Médoc propose un débat citoyen sur ce thème le 7 Juin à 19 h au Café des Baïnes à Lesparre.

Ce débat sera animé par Jean Claude Guicheney de la fédération LDH Gironde.

Nous espérons que vous serez présent(e) pour débattre avec nous sur ce thème.

Pour la section, le président Louis Rieux

La pensée contre le mal, Hannah Arendt

 

Après s’être intéressée à de nombreuses femmes militantes, Margarethe von Trotta a récemment réalisé un film sur Hannah Arendt. Ce film porte sur un épisode douloureux de la vie de la philosophe: elle a souhaité être présente lors du procès d’Eichmann en 1961 pour tenter de comprendre ce qui avait fait agir monstrueusement cet homme.

A sa surprise, celui ci se révèle être non pas le mal incarné, non pas un être satanique mais un homme médiocre et banal,

    «un petit fonctionnaire»(1) qui voulait obéir sans se poser de questions. «Le langage administratif est mon seul langage» dit il car il n’est pas capable de prononcer une seule phrase qui ne soit pas un cliché. «Et son incapacité à parler était étroitement liée à son incapacité à penser»(1). En tant que reporter pour le magazine le Newyorker, Hannah Arendt rend compte de ce constat : cet homme ne pensait pas et de là vient son a-moralité, son incapacité à distinguer le bien du mal. Et elle parle donc de la « banalité du mal »(1)comme d’un fait.

Cette expression va alimenter un débat qui dure encore et qui lui fera perdre nombre de ses amis. Ce fait de la banalité du mal a alors été interprété comme la banalisation du criminel et de son crime alors qu’il était plutôt question des effets de l’inconscience.

Cependant, ce sera aussi le titre d’un livre sur le tortionnaire cambodgien Douch en 2012. Il est toujours difficile d’accepter que ces monstres soient simplement des êtres humains  sans envergure.

Pour Hannah Arendt, un des moyens d’échapper au mal est l’activité de penser.

Encore faut il savoir penser ! Est ce que les cours de morale laïque proposés par le ministre de l’Éducation seront des moments d’apprentissage d’une pensée autonome, dégagée des stéréotypes et des conventions? Ou est ce que ce sera des lieux d’endoctrinement et de normalisation? La réponse est entre les mains des éducateurs.

(1)IN Eichmann à Jérusalem p 1065 Édition Quarto Gallimard

Sylvie Petitjean

 

300 000 emplois vacants ?

 

Le gouvernement veut lutter contre le chômage, accompagner l’activité des entreprises et pense avoir trouvé une solution à ces problèmes en mettant face à face les 300 000 emplois vacants et les 3,2 millions de chômeurs. En effet, cela paraît simple et rationnel. Or depuis plus de 20 ans, ce phénomène est dénoncé mais le ratio ne diminue pas. Pourquoi? A cela, plusieurs réponses.

La première réponse est la moins évidente : ces emplois n’existent pas ! En effet, ce sont le plus souvent des prévisions d’emploi récoltées par les fédérations d’entreprises auprès de leurs adhérents. Ces emplois ne sont pas des offres d’emploi écrites, consultables , mais des envies, des espoirs à moyen terme. Le demandeur d’emploi qui souhaiterait en consulter la liste ne le pourra pas et Pôle Emploi n’en a pas trace.

Par contre, Pôle Emploi et les fédérations d’entreprises sont en capacité de dire dans quels secteurs ou dans quels métiers ils ont des difficultés à trouver des candidats.

En effet, certains métiers sont connus pour leur difficulté, ou leur pénibilité et les demandeurs d’emploi ne s’yprécipitent pas. Par exemple, dans les abattoirs, le taux de maladies musculo- squelettiques dû aux conditions de travail est tel que sur un bassin d’emploi donné, les chômeurs essaient toujours de trouver un autre moyen de subsistance.

De même, dans l’hotellerie-restauration où le turn over est important car les horaires rendent impossible la vie de famille.

Une autre cause de non rapprochement entre l’offre et la demande peut être géographique: faire tous les jours 60 ou 70 km pour aller travailler n’est pas si facile et souvent très cher et certains postes sur le Médoc par exemple ne trouvent pas preneurs pour cette raison.

Enfin, il existe aussi des métiers pour lesquels il n’y a pas assez de gens formés. C’est le cas des métiers para médicaux par exemple ( kiné, infirmières…) ou de certains métiers de l’industrie : soudeurs, ou même ingénieurs. Pour ces métiers là, oui, la formation est une bonne réponse. Pour les autres causes, il faut continuer à améliorer les conditions de travail, et de transport en commun. Et rendre les offres d’emploi accessibles à tous, ce qui n’est pas le cas puisque de nombreux employeurs n’utilisent pas Pôle Emploi.

Enfin, il faut cesser de croire et de dire que les chômeurs sont des gens qui ne souhaitent pas travailler. La réalité du marché du travail est beaucoup plus complexe qu’on ne veut nous le dire.

 

Sylvie Petitjean

PIQUE NIQUE le 1er Septembre

Ce sera au phare de Richard à partir de 12 heures. Apéro et vins offerts par la section.

ASSEMBLEE DE MILITANTS le 21 Septembre

Ce sera à 15 heures salle de réunion de Saint-Vivien : Préparation des activités jusqu’à la fin de l’année: la lutte contre les idées du FN sera sans doute le « plat ». Préparation de l’AG . Pot de l’amitié de mise !!

FISCALITE ET SOLIDARITE

Depuis que l’affaire Cahuzac fait, à juste titre, l’objet d’un grand scandale, on remet sur le « Tapie » les évasions fiscales, d’ autres détournements ou abus qui, depuis fort longtemps, empoisonnent l’atmosphère de ce pays. C’est un sport national que de chercher à échapper aux contributions que tout un chacun doit acquitter. On cherche à ne pas payer ses impôts, à transformer les contributions sociales en « charges », démontrant ainsi que l’on considère ces obligations comme injustes, sans utilité réelle, moralement sans fondements.

Pourtant s’il y a un héritage significatif de notre révolution de 1789 c’est bien que l’accès de tous à l’éducation et aux soins soit déclaré comme un droit. Les droits sont respectés parce que la force publique en assure les ressources, en garantit l’application ; il lui incombe donc de collecter les contributions nécessaires parmi les citoyens.

En effet dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen il est clairement précisé dans l’article 13 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre les citoyens en raison de leurs facultés ».

Évidemment depuis, les domaines d’intervention de l’État se sont agrandis, les notions de solidarité se sont imposées progressivement. En 1895 la première proposition de la progressivité de l’impôt est déposée : les plus riches doivent payer plus dans une république fraternelle. Cette proposition est rejetée dans un premier temps, puis elle est acceptée en 1914 à la veille de la déclaration de guerre.

A la fin de la deuxième guerre mondiale, les grandes bourgeoisies discréditées se voient imposer la progression de l’impôt et la mise à disposition de l’État d’une part importante des richesses produites nationalement. Ce système est associé aux contributions des employeurs à la sécurité sociale (salaire différé) ; ces contributions font partie des droits des salariés. L’ensemble constitue alors un système cohérent plaçant au centre de la vie d’un État le bien des citoyens et de leur famille.

Depuis les classes possédantes n’ont eu de cesse de discréditer les droits sociaux, de chercher à délégitimer cette notion et celle d’ État social.

En diminuant le financement des services publics elles en baissent l’efficacité et favorisent le discrédit de ceux-ci vis à vis de nos concitoyens.

Ce sont bien les classes possédantes qui utilisent les niches fiscales, soutiennent « le bouclier fiscal », pratiquent l’évasion fiscale vers les paradis du même nom, souhaitent la diminution des services hospitaliers, organisent la privatisation d’une partie des services publics afin de détourner à leur profit tout ce qui relève de la solidarité nationale.

Il est urgent que l’on mobilise autour de l’idée que l’impôt progressif, que les contributions patronales ne sont pas des charges, mais sont des nécessités non seulement de solidarité mais aussi d’équilibre de nos sociétés.

La question n’est pas seulement nationale car le règlement du problème posé par les paradis fiscaux ne peut se faire que par un accord a minima européen. Il faut que les gouvernements imprégnés de libéralisme comprennent, aussi, que les intérêts de tous sont menacés par le non respect de la dignité de ceux qui voient leurs droits remis en question par la mise en danger de la solidarité nationale.

L. Rieux

Inspiré par Hommes et Libertés de Mars 2013

Ce reniement dont Manuel Valls est le nom

http://wp.me/p21cdX-1iW

20 septembre 2012 | Par Edwy Plenel – Mediapart.fr

La Ligue des droits de l’homme s’indigne

Après l’agression contre la salle de prière de Saint-Trélody, la Ligue des droits de l’homme réagit.

Lous Rieux, président de la section de Saint-Vivien, de la LDH.

Lous Rieux, président de la section de Saint-Vivien, de la LDH. (photo m. L.)

« Les dégradations commises sur la salle de prière sont des actes inacceptables », s’indigne Lous Rieux, le président de la section de Saint-Vivien de la Ligue des droits de l’homme (LDH).

Dans la nuit de mardi à mercredi dernier, le lieu de culte musulman de Lesparre a été l’objet d’une tentative d’incendie. Une croix gammée a également été taguée sur la façade du bâtiment. D’après les premiers éléments de l’enquête, de l’essence aurait été déversée sur le sol, devant la porte d’entrée et un morceau de papier enflammé aurait été introduit dans la fente de la boîte aux lettres, située sur cette même porte.

 

L’incendie a été évité in extremis, grâce à l’intervention des deux fidèles et de l’imam, toujours présents dans la salle de prière au moment des faits, vers 1 heure du matin.

La Ligue des droits de l’homme considère que « cette agression est par essence anti-française car elle rejette la notion de liberté de conscience et de liberté de culte, fondement de notre république laïque ». La LDH annonce également vouloir prendre contact avec la communauté musulmane « pour lui signifier notre solidarité et prévoir un rassemblement de protestations et de mobilisation ».

Grande-Bretagne : les contrats “zéro heure” rendent le travail toujours plus flexible

 

Mediapart

08 août 2013 |

Depuis le début de la crise financière, en dépit de son économie stagnante, la Grande-Bretagne se targue d’avoir maintenu un taux de chômage relativement bas (8 %) au regard de ses homologues européens. Mais, comme le montrent une série de révélations dans la presse britannique depuis une dizaine de jours, ce succès est en partie imputable à l’utilisation croissante de contrats de travail dits « zéro heure » (« zero-hours contracts »). Dans un pays qui possède déjà un marché du travail extrêmement flexible (lire ce billet de l’économiste Jacques Freyssinet), les contrats « zéro heure » représentent une nouvelle étape dans la dérégulation des rapports entre employeurs et employés, au détriment de ces derniers.

Les contrats « zéro heure » existent depuis longtemps en Grande-Bretagne. Leur mouture actuelle découle des lois sur l’emploi et les salaires de 1996 et 1998. Ils stipulent qu’un salarié est lié par un contrat à son employeur, mais que ce dernier ne lui fournit aucun horaire fixe ni aucune garantie quant au nombre d’heures travaillées. Dans le meilleur des cas, les entreprises fournissent à leurs employés une prévision de planning avec une ou deux semaines d’anticipation. Pour autant, ils ne sont pas à l’abri d’une modification de dernière minute ou d’être renvoyés chez eux – sans salaire – s’il n’y a pas assez de travail ce jour-là.

L’idée originelle de ces contrats était de permettre à des entreprises qui ont parfois des pics d’activité ou une demande ponctuelle d’y répondre sans avoir à embaucher des salariés permanents. D’ailleurs, l’exemple fourni sur le site officiel du gouvernement britannique est éclairant : il s’agit du recours à des traducteurs-interprètes. Mais, aujourd’hui, ces contrats sont utilisés par de nombreuses grandes entreprises – généralement des commerces – pour avoir sous la main une main-d’œuvre disponible et docile. Les chaînes de magasins de sport Sports Direct, de cinémas Cineworld, de pharmacies Boots, de restauration rapide McDonald’s, Burger King ou Subway, sont parmi les plus gros employeurs de contrats « zéro heure ».

Sports Direct, qui promet la livraison 24h sur 24, emploie 90% de son personnel avec des contrats "zéro heure"Sports Direct, qui promet la livraison 24h sur 24, emploie 90% de son personnel avec des contrats « zéro heure »

Nombre de ces entreprises fonctionnent « on call » : l’employé fournit ses plages de disponibilité lors de la signature de son contrat. Il est alors sous astreinte permanente, susceptible d’être réquisitionné pour quelques heures de travail. Difficile dans ces conditions de compléter ses revenus avec un second job. Certaines entreprises interdisent d’ailleurs à leurs employés d’avoir une seconde activité, ou imposent des restrictions dissuasives. La chaîne Boots se réserve même la possibilité d’envoyer ses salariés « on call » dans n’importe quel magasin du pays. Quant aux employés de Subway, leurs contrats de travail stipulent un renoncement à la limitation légale du temps de travail (48 heures par semaine).

Les « zero hour contracts » « créent une situation de stress et de précarité pour les familles, vous n’avez pas de congés payés, pas de repos professionnel, vous devez souvent vous tenir prêt pour travailler et attendre », explique une responsable du syndicat majoritaire Unison, citée par la Deutsche Welle. « L’armée de réserve de la main-d’œuvre », résume le Guardian. Les sociétés qui utilisent ces contrats justifient cette flexibilité en disant qu’elles font appel à des étudiants ou à des semi-retraités qui ont besoin de ces arrangements et qui ne s’en plaignent pas. Mais il est clair qu’il y a aussi de nombreux salariés qui subissent ces contrats : ils sont dans l’impossibilité d’organiser leur vie de famille ou d’avoir un rythme de vie régulier. De plus, les employés qui travaillent sous ce régime hésitent à prendre des congés ou à se déclarer malades, car l’employeur est en position de force pour distribuer les heures comme bon lui semble – ou les restreindre par mesure de rétorsion…

La vraie nouveauté de ces contrats est l’usage massif qui en est fait depuis quelques années. Le bureau national des statistiques – qui dépend du gouvernement – a d’abord évalué à 250 000 le nombre de travailleurs concernés en 2012, avec une hausse de 25 % en un an, avant de déclarer que ce chiffre était probablement sous-estimé. De son côté, le Chartered Institute of Personnel Development a avancé le chiffre d’un million de personnes à l’échelle nationale, soit 3 % de la population active.

Le recours massif à ces contrats précaires fleure le XIXe siècle

D’après le Guardian, qui recense les mauvais payeurs depuis une dizaine de jours, pratiquement toutes les grandes chaînes de restauration rapide ont recours à ce type de contrats pour leurs employés non-cadres. Mais des institutions font aussi leur affaire de la précarité de leurs employés. Buckingham Palace emploie ainsi 350 personnes pour des postes saisonniers, les musées Tate proposent ce statut à l’ensemble de ses temps partiel et même… le gouvernement, qui embauche ainsi 144 personnes.

Et, depuis que le gouvernement de David Cameron a décidé de couper dans les budgets des collectivités locales, ces dernières ont désormais de plus en plus recours à des prestataires privés qui utilisent ces contrats « zéro heure ». Les services municipaux d’assistance aux personnes âgées ou les services d’accueil au public sont fréquemment remplis par des employés soumis à ces contrats. Le recours à ce système aboutit à des entreprises (ou des services publics) à deux niveaux. À Sports Direct, par exemple, 90 % des 23 000 employés ont des contrats « zéro heure » payés au salaire minimum, alors que les 10 % restants sont des salariés à plein temps pouvant gagner des primes allant jusqu’à 120 000 euros annuels. Une employée a d’ailleurs porté plainte. Selon le Guardian, le cas pourrait faire jurisprudence.

« Si on ne nous libère pas de toutes ces lois sur le droit du travail, on ne parviendra jamais à une croissance durable »« Si on ne nous libère pas de toutes ces lois sur le droit du travail, on ne parviendra jamais à une croissance durable »© Matin Rowson dans The Guradian

Face aux révélations sur l’ampleur du recours aux contrats zéro heure, la classe politique s’est faite relativement discrète. Les syndicats sont bien entendu montés au créneau pour dénoncer cette pratique, mais le parti travailliste est demeuré en retrait. Seul le shadow minister en charge de l’éducation, Andy Burnham, s’est prononcé pour une interdiction de ces contrats, alors que le leader de son parti, Ed Milliband, s’est contenté d’annoncer que, s’il parvient au pouvoir, il encouragera les entreprises qui paient leurs employés au-delà du salaire minimum. Les députés de base du parti travailliste ont, de leur côté, organisé un débat sur le sujet au Parlement. Débat auquel aucun député conservateur n’a pris part. Comme l’a fait remarquer l’hebdomadaire de droite The Spectator, « si les députés Tories sont favorables à ces contrats, pourquoi ne le disent-ils pas ? ».

Quant aux Liberal-democrats, le parti centriste qui gouverne aux côtés des conservateurs dans la coalition de David Cameron, leur leader Nick Clegg a condamné le recours à ces contrats qui, selon lui, « sont une source d’insécurité pour les salariés ». Et c’est justement un ministre lib-dem, le Business secretary Vince Cable, qui est désormais en charge de mener une vaste enquête sur l’utilisation de ce régime.

Face aux sociétés qui ont justifié ces pratiques, le British Retail Consortium, l’organisation qui regroupe des commerces un peu plus haut de gamme, a dénoncé le recours massif à ces contrats. Un certain nombre de patrons se sont exprimés en estimant que, dans une société de service, la stabilité et la satisfaction des salariés étaient des éléments de croissance sur le long terme.

Comme l’a résumé Larry Elliot, l’éditorialiste du Guardian, le recours massif à ces contrats précaires fleure le XIXe siècle : « De la pure exploitation – le genre de conditions de travail qui ont donné naissance aux syndicats (…) C’est comme si la Grande-Bretagne avait remonté le temps, retournant à un âge où l’employeur avait le fouet en main et où les droits dont jouissaient les travailleurs sous le système féodal avaient été supprimés. »

Accueil des mineurs isolés étrangers : « saturation » ou « égoïsme » ?

Nouvel Obs

http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20130808.OBS2696/accueil-des-mineurs-etrangers-isoles-saturation-ou-egoisme.html

Le président du conseil général de Mayenne a mis fin à leur prise en charge. « Illégal », s’élèvent Valls et Taubira. « Barbare », pour France terre d’asile.

 

A Taverny, dans un centre d'accueil et d'orientation pour mineurs étrangers isolés. (Photo d'illustration). (MEHDI FEDOUACH / AFP)

A Taverny, dans un centre d’accueil et d’orientation pour mineurs étrangers isolés. (Photo d’illustration). (MEHDI FEDOUACH / AFP)

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Il affirme avoir voulu « tirer la sonnette d’alarme ». Sa décision a fait l’effet d’un pavé dans la marre. Par un arrêté du 24 juillet, le président (UDI) du conseil général de la Mayenne, Jean Arthuis, annonçait que les mineurs étrangers isolés, ces jeunes arrivés sans attaches sur le territoire français et que le département a l’obligation de prendre en charge, ne seraient plus accueillis. Les répliques ne se sont pas fait attendre. Le préfet de la Mayenne a aussitôt épinglé « cet acte illégal », le Défenseur des droits s’est saisi de l’affaire. Quand Christiane Taubira et Manuel Valls sont montés au créneau, rappelant que « L’Etat ne saurait accepter de distinguer les mineurs accueillis en fonction de leur nationalité ».

« Egoïsme »

La question est épineuse et ne date pas d’hier. 8.000 jeunes étrangers isolés sont répartis à travers la France. « Leur géographie d’arrivée fluctue en fonction de la nature et de l’intensité des conflits », explique Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile. Ces derniers mois, les mineurs arrivent surtout d’Afghanistan, du Pakistan, du Mali, de Guinée ou de République démocratique du Congo. Beaucoup de garçons, dont la majorité ont entre 16 et 18 ans : nombre de filles tombent dans les filets de réseaux de trafics d’êtres humains – esclavage domestique ou prostitution – avant d’avoir pu parvenir jusqu’aux services sociaux.

Les départements déplorent régulièrement leur manque de moyens pour prendre ces jeunes en charge. Voilà deux ans, Claude Bartolone, alors président PS du conseil général de Seine-Saint-Denis, où le plus grand nombre de jeunes sont accueillis, lançait un appel à l’aide au ministre de la justice Michel Mercier : le 93 n’était plus en capacité d’accueillir dignement davantage. Mais le contexte a peu à voir : la Mayenne « n’accueille pas plus de 50 mineurs là où à titre de comparaison, la Seine-Saint-Denis et Paris en accueillent à eux seuls près de 2.500 », tacle aujourd’hui Stéphane Troussel, le nouveau président du conseil général de Seine-Saint-Denis, taxant son homologue Jean Arthuis « d’égoïsme ».

« On ne sait plus où les mettre »

« Nous sommes à saturation », justifie l’intéressé. Le sénateur et ex-ministre centriste renvoie la balle à l’Etat, et met en cause le manque de contrôle aux frontières face à des « filières d’immigration clandestines ». Et de s’étonner que les jeunes livrent pour la plupart des récits similaires : un voyage en avion accompagné d’un adulte qui les abandonne une fois les contrôles franchis. Ce jeudi, l’ex-ministre UMP Brice Hortefeux ne s’est pas privé d’enfoncer le clou et de tacler « un gouvernement aujourd’hui incapable de maîtriser les flux irréguliers ».

Selon Jean Arthuis, la Mayenne accueille aujourd’hui 57 mineurs étrangers – un chiffre qu’il dit être en constante augmentation – pour 19 places disponibles. « Les autres sont pris en charge par des associations de protection de l’enfance, certains ont fini à l’hôtel. Ca prend des proportions incroyables, on ne sait plus où les mettre », s’alarme un fonctionnaire du Conseil général. Pour lui, qui se demande si toutes ces personnes sont vraiment des mineurs, la circulaire Taubira a provoqué « un appel d’air ». Le document, daté du mois de mai, vise à davantage d’équité entre les départements en répartissant la charge des enfants, qui pèse surtout sur la région parisienne.

« Le chemin de la barbarie »

Du côté de France terre d’asile, l’argument de la saturation a du mal à passer. « Qu’ils ne viennent pas nous dire que la Mayenne est débordée », s’agace son directeur général Pierre Henry. Qui va jusqu’à dénoncer « une volonté, qui fait le jeu du FN, de déclencher la polémique autour de la question de l’immigration ». Pour l’association, qui rappelle que sur l’ensemble des mineurs pris en charge, seuls 3 % sont étrangers, leur nombre est stable depuis 10 ans. Et nul besoin de verser dans la guerre des chiffres : en plus d’être « discriminatoire », la mesure fait payer aux plus faibles le prix de querelles politiciennes. « S’attaquer aux enfants, c’est avancer sur le chemin de la barbarie », regrette France terre d’asile. « Ce sujet, grave, mérite mieux qu’une polémique », rétorque Arthuis. Un dialogue de sourd…

Sa décision polémique, le sénateur l’assume. Et se targue du soutien de l’Assemblée des départements de France qui, au lendemain de la publication de l’arrêté, a réclamé la création d’un fonds national d’intervention pour soutenir les Conseils généraux dans leur mission de prise en charge des mineurs étrangers isolés. Les langues vont se délier, espère-t-il, et d’autres présidents de conseil généraux vont faire entendre leur voix. Un rendez-vous a été fixé à la chancellerie le 22 août. « Je reviendrais sur ma décision si le gouvernement prends les mesures nécessaires », lance-t-il tel un ultimatum. Depuis la publication de l’arrêté, deux jeunes Congolaises sont arrivées en Mayenne, où elles se sont vu refuser l’accueil.

Audrey Salor – Le Nouvel Observateur