L’article 60 du projet de budget 2014 : toxique pour les collectivités locales
Un article très dense et remarquablement documenté.
Un article très dense et remarquablement documenté.
L’ESSENTIEL
22 heures. Les instructions ministérielles pourraient être «précisés» pour sanctuariser non seulement l’école mais aussi «le temps de la vie scolaire» si le rapport d’enquête sur les «conditions d’éloignement» d’une collégienne kosovare, Leonarda Dibrani, le «recommandait», a annoncé l’Elysée à l’AFP. «Si le rapport le recommandait, la circulaire de 2012 pourrait être précisée afin de sanctuariser l’école et le temps de la vie scolaire», a-t-on précisé de même source.
A l’Elysée, on juge par ailleurs «inacceptables certaines attaques» formulées contre le ministre de l’Intérieur Manuel Valls dans cette affaire et notamment les appels à sa démission.
20 heures. Le sénateur et président PS du conseil général du Doubs, Claude Jeannerot, a dénoncé jeudi les «anathèmes et condamnations prononcés» à l’encontre du préfet du Doubs, lors de la polémique suscitée par l’expulsion de la jeune Rom Leonarda Dibrani. «Rien ne justifie les anathèmes et les condamnations prononcés sans appel et le plus souvent sans connaissance précise des éléments du dossier à l’encontre du préfet» Stéphane Fratacci, a écrit Claude Jeannerot dans un communiqué. Le président du conseil général souligne que seule l’enquête administrative annoncée pourra «définir précisément les responsabilités de chacun».
16 heures. Les lycéens prévoient de se mobiliser de nouveau vendredi, à la veille des vacances de la Toussaint, avec des blocages d’établissement et un rassemblement place de la Bastille.
15 heures. Empêché par les CRS d’accéder aux abords immédiats du ministère de l’Intérieur, le cortège des lycéens se disperse.
14h20. Les manifestants du cortège parisien sont arrivés à leur lieu de destination, place Saint-Augustin, dans le quartier du ministère de l’Intérieur. Peu de temps auparavant, les policiers ont usé de bombes lacrymogènes envers les manifestants les plus agités.
13h50.«Il faut arrêter ces rafles !», écrit la sénatrice écologiste Esther Benbassa (photo AFP) dans un billet publié sur le site du Huffington Post. «Moi qui pensais que la France n’avait pas perdu la mémoire de sa sombre histoire, j’étais loin d’imaginer qu’en 2013, en tant que parlementaire, élue du peuple, je serais témoin d’une rafle. Car oui, il faut bien le dire, c’est une rafle», ajoute-t-elle. La gauche «risque de perdre son électorat traditionnel, qui défend des conceptions humanistes», prévient-elle. «Au moment où la cote du président affiche un faible 24%, il serait temps de réfléchir aux conséquences de tels actes».
13h50.Jean-Marc Ayrault (photo AFP) répète à Alfortville que le gouvernement prendra ses «responsabilités» selon les résultats de l’enquête administrative, attendus vendredi, sur l’expulsion de Léonarda. «Nous sommes dans un Etat de droit, il y a des règles et en même temps nous sommes dans une République, il y a des valeurs.»
«A chaque situation, il faut rappeler le droit et en même temps il faut pratiquer avec la plus grande humanité possible le respect des personnes», explique le Premier ministre.
13h20. Le Réseau éducation sans frontières réagit aux informations concernant des démêlés avec la justice du père de la famille Dibrani, Resat, soupçonné notamment d’avoir battu ses filles. «On n’a jamais prétendu que M. Dibrani était un homme modèle et si les violences étaient avérées, il serait encore plus scandaleux de faire ce « regroupement familial » au Kosovo», commente Fabrice Riceputi, membre de RESF. Mais cette procédure «ne change en rien que l’expulsion d’enfants et de leurs parents est quelque chose d’injuste et d’inacceptable».
13h10. Le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone (photo AFP), a appelé jeudi à «reconstruire une République des valeurs» en faisant allusion à l’affaire Léonarda et la victoire du FN à Brignoles. «Les évènements politiques de ces derniers jours me confortent dans l’idée que nous devons reconstruire une « République du quotidien » et une « République des valeurs »», déclare-t-il lors d’un colloque à l’Assemblée rendant hommage au résistant Pierre Brossolette.
13 heures. Selon le rectorat de Paris, ce sont au total une vingtaine d’établissements qui sont perturbés sur les quelque cent que compte la capitale, mais la mobilisation s’étend en Ile-de-France et en province.
A Mende, en Lozère, les manifestants étaient une centaine, selon la préfecture. Selon l’Union nationale lycéenne (UNL), le mouvement concerne deux lycées mobilisés sous le slogan : «Leonarda ne va pas en cours, nous non plus». A Avignon, des élèves membres de l’UNL prévoyaient de se rendre de lycée en lycée, distribuant des tracts relatant les parcours de Khatchik et Leonarda, et simulant des expulsions de lycéen à chaque passage.
12h30. Le cortège continue sa progression sur le boulevard Beaumarchais. En tête, deux lycéens du lycée Hélène-Boucher (XXe arrondissement) et Charlemagne (IVe arrondissement), animent le cortège à l’aide d’une grosse caisse. (L. F. R.)
12h10. Parmi les lycéens rassemblés en nombre dans le quartier parisien de Nation, beaucoup vivent leur première manifestation. La plupart ne sont pas spécialement engagés. Dans une ambiance plutôt bon enfant, très spontanée, quelques pancartes et des slogans qui fusent «Valls démission» et «Khatchik, il reste ici». Regroupés par établissement, les lycéens disent avoit été touchés par l’histoire de ces élèves étrangers, même si certains reconnaissent aussi être là «pour l’ambiance». Aux feux rouges, il tentent de rallier les automobilistes à leur cause et récoltent des klaxons de soutien. Le cortège commence à avancer sur le faubourg Saint Antoine. Arrivés à Bastille, certains des manifestants s’assoient, mais le cortège continue sa progression boulevard Beaumarchais. (L. F. R.)
Manifestation de lycéens à Paris, le 17 octobre. Photo Thomas Samson. AFP
Midi. Plusieurs sources proches du dossier et des voisins de la famille, cités par l’AFP, indiquent que le père de l’adolescente kosovare expulsée, Resat Dibrani, a eu des démêlés avec la justice, pour des violences sur ses filles et de petits larcins. Début 2013, une plainte pour violences sur ses enfants a été déposée contre Resat Dibrani. L’homme de 47 ans était soupçonné de battre ses filles Leonarda, 15 ans, et Maria, 17 ans, selon ces sources. Le parquet de Besançon avait estimé qu’il n’y avait pas assez de charges pour engager des poursuites contre le père de famille. Resat Dibrani et sa femme Gemilia ont également fait l’objet d’un rappel à la loi pour des faits de vols, à Levier, où résidait la famille.
11h20. Le député PS de Paris Jean-Marie Le Guen (photo AFP) déplore dans L’Opinion les divisions au sein de la majorité. «On voit bien que certains, au lieu de discuter des faits de façon objective, se sont emparé de l’affaire pour jouer le rôle de snipers de Manuel Valls. (…) Certains parlementaires socialistes, pour des raisons internes et parfois historiques, ont pris l’habitude de mettre en cause le ministre de l’Intérieur. Il y a au sein de la majorité une volonté de nuire qui pose un problème de solidarité, de fraternité même.»
10h50. Le député écologiste indépendant Noël Mamère (photo AFP) dénonce le silence de François Hollande envers Manuel Valls. «Le président de la République incarne un certain nombre de valeurs; c’est à lui de juger si son ministre de l’Intérieur est conforme aux engagements et valeurs de la gauche ou pas», déclara Mamère à l’AFP, dénonçant le franchissement d’une «ligne rouge» par le ministre de l’Intérieur.
9h50. Si Léonarda revient en France, Manuel Valls devra démissionner, estime l’ex-ministre UMP François Baroin (photo AFP). «La personne expulsée, avec la douleur que ça représente, reviendra dans des conditions tellement médiatisées que ce sera un échec global de la politique de reconduite aux frontières», avertit-il. Or «la force du droit doit s’imposer au droit de la force». Selon lui, ce retour, s’il devait s’opérer, «poussera automatiquement le ministre de l’Intérieur à la démission». Lui-même ne le demande «sûrement pas», «je le soutiens et je soutiens l’application des circulaires découlant des lois, dans la fermeté et l’humanité».
9h30. Au total, ce sont quatorze lycées de la capitale qui sont perturbés ce matin par le mouvement lycéen, précise le rectorat. Des manifestations sont également en cours devant les lycées Voltaire et Turgot.
8h50. Des lycéens bloquent ce matin plusieurs établissements à Paris pour protester contre les expulsions d’élèves étrangers, après la vague de réactions provoquée par celle de la collégienne Leonarda, remise à la police lors d’une sortie scolaire. Quatre lycées, Maurice-Ravel, Hélène-Boucher, Charlemagne et Sophie-Germain, sont bloqués et les entrées «filtrées» dans deux autres établissements, selon le rectorat. «Le mot d’ordre c’est de se mobiliser pour le retour des lycéens expulsés», déclare à l’AFP Steven Nassiri, porte-parole du syndicat lycéen FIDL, joint par téléphone alors qu’il manifestait jeudi matin devant le lycée Charlemagne à Paris. «C’est inadmissible que sous un gouvernement de gauche on doive montrer ses papiers pour entrer au lycée. Tout le monde a le droit à une éducation.»
8h40.Najat Vallaud-Belkacem (photo AFP) estime que les circonstances de l’expulsion de Léonarda sont «éminemment choquantes» si elles étaient avérées, exhortant à attendre les résultats de l’enquête administrative. «Si les choses se sont passées telles qu’elles sont décrites ici ou là, c’est-à-dire si on est allé arrêter un car scolaire et extirper une enfant au vu et au su de ses camarades, alors elles sont éminemment choquantes, mais aujourd’hui il n’est pas avéré qu’elles se soient passées comme ça», déclare sur RTL la porte-parole du gouvernement.
Après moult manifestations hostiles et le vote de la loi par le Parlement en avril, les adversaires du mariage pour tous avaient tenté une ultime manœuvre pour la contourner. Des élus membres du Collectif des maires pour l’enfance, avaient saisi le Conseil constitutionnel afin de faire reconnaître leur droit d’invoquer la «clause de conscience» pour ne pas célébrer de mariage gay.
Concrètement, ces élus – qui sont des officiers d’état civil et des officiers de police judiciaire, à ce titre chargés de faire respecter les lois de la république – demandaient à être dispensés de l’application d’un texte qui leur déplaît à titre personnel. Mais ils n’ont pas renoncé à leur idée première d’enterrer cette loi. «Mobilisons-nous pour obtenir l’abrogation de la loi « mariage pour tous » et l’organisation d’états généraux sur la famille, le mariage et la filiation !» proclame le site internet de leur comité.
Vendredi, les «sages» de la rue Montpensier leur ont infligé un camouflet. Quand les maires célèbrent un mariage, ils sont des représentants de l’Etat, ont-ils rappelé. «Eu égard aux fonctions» d’officier d’état civil qu’ils exercent à cette occasion, «le conseil a jugé que le législateur n’a pas porté atteinte à leur liberté de conscience».
COMMUNIQUE DE PRESSE
mercredi 9 octobre 2013
LIGUE DES DROITS DE L’HOMME AQUITAINE
La LDH Aquitaine a été profondément choquée par les déclarations du Ministre de l’Intérieur M. Manuel Valls. Elle condamne la stigmatisationdont est victime une fois de plusla population Rrom. Il est insupportable d’entendre des propos discriminatoires prononcés par un ministre de la République dont la charge est d’appliquer la loi et de faire respecter les conventions ou pactes internationaux signés par notre pays.
Au-delà des prises de position du Ministre, il est inquiétant de constater la tragique insuffisance des réactions de la grande majorité des responsables politiques français qui ne devraient pas ignorer que, ce faisant, ils favorisent la déliquescence du débat public etl’expression de positions franchement haineuses et racistes quand ce n’est pas le passage à des actes violents.
La campagne électorale pour les élections municipales ne saurait justifier cette attitude et l’instrumentalisation des Rroms à des fins électoralistes. La LDH Aquitainerappelle que les Rroms sont des citoyens européens disposant en conséquence de la liberté de circulation dans l’Union Européenne. Elle rappelle quetout discours discriminatoire estcondamné tant au niveau national par la loi (code pénal) qu’au niveau international (ONU) par le pacte international des droits civils et politiques qui proclame que « Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination ».
La LDH Aquitaine souligne l’urgence d’un discours républicain fort, porté par les plus hautes autorités de l’État, afin de rétablir le respect des valeurs de la République. Elle demande qu’il soit mis fin à la politique violente et absurde d’expulsions sans solution alternative, conformément aux engagements de F Hollande et à la circulaire du 28 août 2012 trop souvent inappliquée. Elle exige que soit respectée par les pouvoirs publicsl’obligation de scolarisation des enfants. Pour cela, des moyens existent : il est scandaleux que les millions d’euros du budget européen destinés à des projets d’insertion ne soient pas utilisés par des élus locaux plus soucieux de flatter leurs électeurs que de mettre en application des politiquespermettant l’intégration des Rroms.
Pour le Comité régional LDH AQUITAINE.
Jean-Marie Lelièvre
Délégué Régional LDH Aquitaine.
06 41 89 41 22
ldh-aquit-dr@orange.fr
De l’engagement naît le débat. Ce dont personne ne doute dans un Conseil municipal qui se trouve en être, par définition, le réceptacle. Sauf qu’une fois n’est pas coutume, ce n’est l’engagement des élus qui a alimenté l’échange de points de vue, mais celui de Stéphane Hessel, mort en février dernier à l’âge de 95 ans.
En cause : une délibération visant à faire baptiser l’espace fraîchement rénové devant le lycée Georges-Leygues au nom du natif de Berlin, qui n’était pas seulement l’auteur d’un livre au succès proportionnellement inverse à l’épaisseur mais aussi et surtout un ancien résistant, diplomate, ambassadeur, écrivain, etc. Pour les élus de la majorité, ce choix permet à la municipalité « de rendre hommage à une personnalité marquante d’un courant de pensée philosophique et politique majeur du XXe siècle ».
Indignez-vous, qu’il disait
Sauf que l’opposition tique quelque peu sur ce projet et a donc pris le parti de voter contre.
Non pas qu’elle renie l’action du militant de gauche comme corédacteur de la « Déclaration universelle des Droits de l’Homme », encore moins son courage lorsqu’il s’est agi de lutter contre l’Allemagne nazie. Non, ce qui la gêne, ce sont ses positions sur le conflit israélo-palestinien : « Quand on reprend ses écrits, on découvre qu’il a fait de la destruction d’Israël une obsession », avance Gérard Régnier. « Lui qui a dit que les dirigeants du Hamas sont modérés et que les roquettes sur Sderot sont des jeux d’enfants, j’avoue que ça me perturbe. Quand il a dit que l’occupation allemande était relativement inoffensive si on la compare avec l’occupation de la Palestine, ça me perturbe aussi. Je reconnais ce qu’il a pu faire mais il a, pour moi, une part d’ombre qui ne me va pas. »
Pour le maire Patrick Cassany, l’humanisme du concerné ne peut prêter à interprétation : « Quand on a sur son CV Buchenwald et Dora, quand on a l’engagement qui a été le sien, je crois que cela mérite aussi le salut et le respect d’une ville comme la nôtre », défend le maire.
Pour Stéphane Hessel, « l’indifférence était la pire des attitudes ». Probablement cela l’aurait-il peiné de voir une délibération le concernant être traitée avec autant d’intérêt qu’un texte portant sur l’acquisition d’un bout de parcelle pour en faire un trottoir. D’une certaine manière, il fallait au moins cet échange pour honorer sa mémoire.
Saami Loardi, un Agenais de 51 ans, a rejoint ce mardi Boaza Gasmi, le président du Comité national de liaison des harkis dans son quinzième jour de grève de la faim.
Ils sont donc deux désormais à camper dans le camion stationné place Armand Fallières à Agen. Mais bien plus, selon les quelque 200 signatures de soutien et les visites quotidiennes, à militer pour « que l’Etat reconnaisse que la communauté harki a été abandonnée » indique Mohand Saci, porte-parole.
Saami Loardi a lui aussi décidé de « mettre sa santé en péril pour être écouté et entendu au plus haut niveau de l’Etat ». « Je crois que c’est un combat juste et noble » juge-t-il.
Le mouvement pourrait attirer d’autres grévistes, si le collectif trouvait un lieu qui permettrait de mieux s’organiser, dans plus d’espace.
Il commence également à faire venir des candidats aux prochaines élections. Cette après-midi, la tête de liste UMP aux municipales de Villeneuve-sur-Lot, Renaud Leygue, s’est enquis de la situation.
Saami Loardi, 51 ans, a rejoint Boaza Gasmi, président du Comité national de liaison des harkis, dans son quinzième jour de grève de la faim. Depuis hier les deux hommes partagent le camion installé place Fallières. Et demandent que le président de la République François Hollande reconnaisse « que la communauté harki a été abandonnée, comme il s’y était engagé », explique Mohand Saci, le porte-parole.
Boaza Gasmi avait prévenu : le mouvement qu’il a entamé il y a deux semaines risquait de faire tache d’huile s’il n’obtenait pas une réponse du président de la République François Hollande. « Que ça s’étende » c’est désormais l’objectif affiché. Chaque jour des femmes et hommes se relaient autour de la petite table de camping dressée devant le camion. Ils pourraient être plus nombreux à entamer une grève de la faim, si le collectif trouvait un local plus spacieux dans lequel il pourrait s’organiser.
« Un combat juste et noble »
« Le 22 avril 1975, on criait ‘‘13 ans ça suffit’’ », se souvient Mohand Saci. « Nous sommes toujours en attente de cette reconnaissance », enchaîne Saami Loardi. « Je crois que c’est un combat juste et noble. Je suis prêt à mettre ma santé en péril pour que les doléances que nous portons depuis plus de 50 ans soient écoutées et entendues au plus haut niveau de l’État. » Au bout de deux semaines, le mouvement commence à attirer les candidats politiques. La tête de liste UMP aux municipales de Villeneuve-sur-Lot, Renaud Leygue, est passé, hier, sur le campement de fortune. Boaza Gasmi lui attend une réponse au fax envoyé à l’Élysée hier.
Selon l’Observatoire de la vie politique et parlementaire, le FN pourrait n’emporter que deux municipalités (Hénin-Beaumont et le 7e secteur de Marseille) lors des élections de mars prochain. Mais il sera l’arbitre de nombreuses triangulaires et entrera dans les conseils municipaux et les structures intercommunales. La gauche pourrait perdre entre 75 et 200 villes de plus de 3 500 habitants.
C’est un travail de titan. Pour anticiper les grandes tendances du scrutin municipal de mars 2014, le politologue Denys Pouillard, directeur de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire (OVPP), a scruté les résultats électoraux depuis 2004 dans les 3 000 villes françaises de plus de 3 500 habitants, mais aussi l’offre politique locale et les situations particulières (les villes qui « changent », celles qui « dorment »). L’étude qu’il vient de publier, basée par ailleurs sur une série d’entretiens avec des acteurs locaux, a retenu l’attention du premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui en a pris connaissance il y a quelques semaines.
Cliquer ici pour afficher l’étude (5 pages, format pdf)
Premier enseignement : la gauche pourrait perdre au profit de la droite entre 75 et 200 villes de plus de 3 500 habitants. C’est un reflux pour la gauche par rapport aux très bons scores de 2008, mais qui ne sera pas massif. « Traditionnellement, les élections locales sont perdues par ceux qui viennent de remporter les élections nationales. Ce ne sera pas le cas cette fois-ci », assure Pouillard.
D’autant que, et c’est le deuxième enseignement, même « dans la pire des situations, la gauche ne perdrait qu’un nombre très limité de villes de plus de 100 000 habitants ». Elle détient aujourd’hui 32 des 49 plus grandes villes. Ce scrutin ne devrait guère changer la donne.
La prudence s’impose toutefois, car l’étude ne prend pas en compte le cas très particulier de Paris, gagné en 2001 par la gauche. À six mois du vote, trop d’incertitudes demeurent sur un scrutin qui s’annonce très serré, estime l’Observatoire. Très symbolique, une victoire de l’UMP Nathalie Kosciusko-Morizet face à la socialiste Anne Hidalgo, dauphine de Bertrand Delanoë, ne manquerait pas d’avoir une portée nationale et obscurcirait le bon résultat de la gauche dans les grandes villes. Enfin, par définition, cette étude ne peut appréhender les dynamiques électorales qui vont se développer dans les six mois à venir.
Le Front national gagnerait une ou deux villes (Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais et le 7e secteur de Marseille), mais jouerait les arbitres dans beaucoup de triangulaires et raflerait de nombreux sièges de conseillers municipaux, poursuivant sa stratégie de « pénétration » du système politique. « Le FN sera en mesure d’augmenter sa représentation dans certaines grandes villes, de créer de nouveaux groupes d’opposition dans les villes moyennes, petites villes et chefs-lieux de canton et d’entrer aussi dans les communautés de communes. » C’est d’ailleurs dans ces petites villes que la gauche pourrait connaître ses revers les plus massifs. Ce qui pourrait ouvrir un cycle de défaites électorales (dès les européennes de juin 2014, puis aux sénatoriales de l’automne 2014, aux régionales et aux cantonales de 2015, etc.).
Au total, la gauche pourrait perdre tout de même de 75 à 202 villes de plus de 3 500 habitants au profit de la droite. Elle ne pourrait espérer en gagner que de 16 à 43 :
Pourquoi de si grands écarts ? Denys Pouillard distingue trois scénarios plus ou moins favorables pour l’actuel gouvernement. Principale variable : la situation économique début 2014. « Ou François Hollande réussit son pari économique, avec une inflexion de la courbe du chômage à la fin de l’année et la croissance qui repart, ou il n’y arrive pas, explique le politologue. En cas de succès, il apparaît crédible, restaure un peu de confiance, et l’incidence directe sera de faire revenir l’électorat de gauche, qui s’abstient depuis un moment, comme le montre la série de législatives partielles de 2012 et 2013. Dans le cas contraire, la situation est beaucoup plus compliquée pour elle. Voire catastrophique. »
Dans le scénario « optimal » (pour la gauche), François Hollande réussit son pari et ressuscite une « espérance identique à celle de mai 2012 ». Les pertes de la gauche sont limitées à environ 75 villes de plus de 3 500 habitants, et elle en gagne par ailleurs une petite quarantaine. Dans cette configuration, le FN « n’est plus l’élément perturbateur », même s’il « supplée dans certaines zones sensibles » la droite traditionnelle. Mais même dans ce cas idéal pour elle, la gauche perd des délégués sénatoriaux et du coup sa majorité au Sénat. Après une alternance historique en 2011, le Sénat devrait repasser à droite lors du renouvellement partiel de l’automne 2014.
Des sénateurs FN en 2014 ?
En revanche, dans le scénario « catastrophe », « la situation ne se relève pas » et les électeurs de gauche s’abstiennent au premier tour. Dans les « petites villes, villes moyennes » et les « chefs-lieux de canton gagnés depuis 2004 », l’effet politique risque d’être « dévastateur ». La gauche, et en premier lieu le PS, perdrait alors plus de 200 villes et n’en gagnerait qu’une quinzaine. Un scénario « annonciateur pour la gauche d’une très mauvaise posture pour les européennes dès juin 2014 et les cantonales et régionales de 2015 ». De la même façon que les municipales de 2001 ont enclenché un cycle de victoires électorales du PS, cette contre-performance pourrait annoncer une série de défaites aux scrutins suivants. Dans ce cas, le FN aurait assez de délégués locaux pour espérer grappiller un ou deux sièges de sénateurs dès le renouvellement de l’automne prochain. Du jamais vu.
Entre les deux, un scénario intermédiaire: François Hollande « gagne son pari social et économique », mais l’électorat des centres-ville, centriste mais qui vote plutôt à gauche depuis une dizaine d’années, la boude cette fois-ci à cause de l’affaire syrienne, de la loi sur le mariage pour tous ou encore de la reformation d’un pôle centriste autour de Jean-Louis Borloo et François Bayrou, scellée ce week-end. Dans ce cas, ce sont environ 150 villes de plus de 3 500 habitants qui pourraient être perdues par la gauche.
Cette étude électorale dresse une première liste de villes que la droite pourrait ravir à la gauche. Et celles, moins nombreuses, que la gauche pourrait ravir à l’actuelle opposition.
« Très menacées » parmi les villes de plus de 100 000 habitants aujourd’hui détenues par la gauche : Strasbourg (Roland Ries, PS, depuis 2008), Reims (Adeline Hazan, PS, depuis 2008), Angers (socialiste depuis 1977), Amiens (ancien fief de Gilles de Robien ravi à la droite en 2008), Ajaccio (Simon Renucci, apparenté PS, depuis 2001), Valence (Alain Maurice, PS, depuis 2008), Clamart (Philippe Kaltenbach, PS, depuis 2001), La Seyne-sur-Mer (Marc Vuillemot, PS, depuis 2008). « Des villes où la greffe n’a pas pris et où des contextes locaux favorisent la droite », explique Denys Pouillard. Belfort, fief chevènementiste depuis 1983, pourrait aussi basculer.
Également « menacées » : Saint-Étienne (radicale depuis 1994, puis socialiste depuis 2008) ainsi qu’une série de villes de plus de 50 000 habitants : Caen (Philippe Duron, PS, depuis 2008), Metz (Dominique Gros, PS, depuis 2008), Argenteuil (Philippe Doucet, PS, depuis 2008), Aulnay-sous-Bois (Gérard Ségura, PS, depuis 2008 : c’est la ville de l’usine PSA qui va fermer en 2014), ou Brive-la-Gaillarde (Philippe Nauche, PS, depuis 2008).
Pourraient également basculer : Salon-de-Provence, Aubagne, Anglet, Auxerre, Chambéry, Saint-Chamond, Pontault-Combault, Liévin, Maubeuge, Annemasse, Goussainville, Thionville, Hénin-Beaumont, Bastia, Carpentras, Viry-Châtillon et Colombes.
Certaines de ces défaites ne manqueraient pas d’être commentées. La perte d’Ajaccio et de Bastia marquerait la reconquête de la Corse par la droite ; celle d’Hénin-Beaumont et de Liévin (Pas-de-Calais) symboliserait le rejet de l’affairisme des caciques socialistes locaux, Gérard Dalongeville et Jean-Pierre Kucheida ; la perte de Brive, dans le fief corrézien de François Hollande, serait âprement commentée (même si Tulle, autre ville de Corrèze dont il a été maire, n’est pas menacée). Enfin, la victoire à Auxerre du très droitier Guillaume Larrivé, député et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, confirmerait l’émergence d’une nouvelle génération de droite incarnant une ligne dure.
La droite pourrait également perdre un certain nombre de villes. Sont « très menacées » ou « menacées » à droite : Aix-en-Provence (Maryse Joissains, UMP, depuis 2001), Béziers (ville détenue depuis 1995 par l’UMP, où se présente Robert Ménard avec le soutien du Front national), Avignon (Marie-Josée Roig, UMP, depuis 1995), Nîmes (Jean-Paul Fournier, UMP, depuis 2001), Perpignan (Jean-Marc Pujol, UMP depuis 2009), Bourges (Serge Lepeltier, UMP, depuis 1995).
Pourraient aussi basculer à gauche : Saint-Brieuc, Nancy, Talence, Mont-de-Marsan, Bayonne, Gap, Châtellerault, Savigny-sur-Orge, Longwy, Douai, Alès et éventuellement Corbeil-Essonnes, le fief du milliardaire et sénateur Serge Dassault, dont Mediapart a récemment révélé un enregistrement où il avoue avoir acheté la victoire électorale de son successeur à la mairie.
La note de Denys Pouillard ne s’attarde pas sur les bascules internes à la gauche. Mais le politologue fait remarquer que le Parti communiste pourrait « perdre certaines villes importantes » au détriment du PS (lire ici notre enquête sur la ville de Saint-Denis).
Triangulaires : « jeu mortel » pour la droite à l’est de la France
Enfin, l’étude confirme que le FN sera bien l’arbitre du scrutin municipal de 2014 avec un très grand nombre de triangulaires, y compris dans les petites communes. En 2012, Marine Le Pen était arrivée en tête au premier tour de la présidentielle dans « 49 villes de plus de 10 000 habitants » et dans « 1 023 communes de 1 000 à 3 500 habitants ». Au total, 6 000 communes sur 36 000 avaient placé Marine Le Pen en tête, la quasi-totalité dans de toutes petites communes.
La gauche pourrait être éliminée dès le premier tour dans de nombreuses localités surtout en cas de forte abstention de ses électeurs. « La gauche doit veiller à sa mobilisation : un affaiblissement encouragerait la progression de la droite, au risque d’une gauche prise en otage par simple élimination ou par relégation dans des triangulaires au sort incertain. » Mais la menace est aussi réelle pour la droite, qui risque d’être supplantée par un FN en conquête. « La multiplication de ce jeu à trois boules en 2014, par un placement du FN dans les villes ou secteurs concernés, pourrait devenir mortel pour la droite républicaine dans le Sud-Est et, en règle générale, à l’est de la verticale Le Havre-Montpellier. ».
Le FN ne gagnerait que peu de villes. Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), convoitée depuis des années par le frontiste Steeve Briois, et où Marine Le Pen a échoué de 118 voix aux législatives de juin 2012, pourrait tomber aux mains de l’extrême droite. De même que le 7e secteur de Marseille (quartiers nord de Marseille), fief de l’élue socialiste Sylvie Andrieux, « mise en congé » du PS depuis sa condamnation en mai à un an de prison ferme pour détournement de fonds publics.
Des gains supplémentaires ne sont pourtant pas exclus. Par exemple si, dans certaines villes, se cumulent une forte abstention des électeurs PS, une forte mobilisation des droites et une poussée de la gauche de la gauche, ce qui constituerait alors « un mélange explosif », selon Denys Pouillard.
Autre inconnue : le comportement des électeurs dans les villes de 1 000 à 3 500 habitants où s’applique pour la première fois le scrutin de liste à la proportionnelle, jusqu’ici réservé aux villes de plus de 3 500 habitants. « On risque d’avoir de sacrées surprises dans certains départements comme l’Aisne, la Marne, la Haute-Saône, la Moselle, le Haut-Rhin ou la Somme », avertit Denys Pouillard. À l’occasion de triangulaires, une « coalition des mécontents » pourrait alors se porter sur un candidat FN ou un candidat de la droite radicalisée (souverainistes, Manif pour tous, divers droite, etc.).
Quoi qu’il en soit, la poussée du FN sera manifeste, et le parti de Marine Le Pen devrait augmenter sensiblement le nombre de ses conseillers municipaux. «L’autre zone de pénétration FN ou droite décomplexée est constituée de quartiers péri-urbains ou de villes mi-rurales, mi-urbaines, sans projets mais où la rumeur, l’incertitude et (…) la briganderie entraînent des visions apocalyptiques de la société », détaille l’OVPP. Des élus FN entreront dans les conseils d’agglomérations, les différents établissements publics locaux, les futurs conseils des métropoles. « Une politique de pénétration utile pour la suite », observe Denys Pouillard.
La boîte noire :Les citations sont issues de l’étude de l’OVPP et d’un entretien complémentaire réalisé avec Denys Pouillard le 22 septembre.
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