Le conflit des gardiens de prisons, un conflit idéologique !

De nouveau, un conflit oppose l’Etat aux gardiens de prison. Il porterait sur les conditions de travail et la sécurité des personnels, ainsi que sur les salaires.

Mais ces revendications cachent un problème bien plus vaste de caractère idéologique.

Depuis des décennies, d’autres problèmes de fond persistent dans le système carcéral. Insalubrité, surpopulation.. . et les gouvernements successifs n’ont pas réussi ou pas eu la volonté de régler le problème récurrent des prisons.

Alors que notre pays a été condamné plusieurs fois par la CEDH, on constate la persistance d’une violation grave des droits fondamentaux. La promiscuité et les conditions sanitaires déplorables entraînent violence, suicides, maladies, dégradation de la santé mentale des détenus, grèves de la faim et mal être des gardiens dans la plupart des établissements.

Selon l’avis du Comité européen de prévention de la torture qui dépend du Conseil de l’Europe « soumettre des détenus à un tel ensemble de conditions de détention équivaut à un traitement inhumain et dégradant ».

Quelques exemples sont donnés dans les différents rapports initiés par les contrôleurs généraux des lieux de privation de liberté successifs :

– A la prison de Nice, cinq femmes cohabitent dans une cellule de 11 m2,

– A la prison des Baumettes, les détenus sont deux, voire trois – avec un matelas ajouté au sol – par cellule de 9m2,

– « Les courants d’air, l’humidité, les moisissures sur les murs et le ruissellement en période de pluie sont à l’origine de maladies broncho-pulmonaires, voire même de tuberculose », rapporte Confluences.

– L’été, la température peut dépasser 40 degrés et les moustiques pullulent.

Entre 2010 et 2014, le Conseil de l’Europe a évalué un taux de 13,6 suicides pour 10 000 détenus dans l’hexagone, tandis que la moyenne européenne est autour de huit.

La promiscuité et l’insalubrité enveniment les tensions et attisent la violence et toutes ces situations sont communes à la majorité des prisons françaises.

Sur son site internet, dans un texte introductif à la surpopulation carcérale, l’OIP1 (Observatoire International de Prisons) souligne la cause majeure de l’indigence du milieu carcéral :

« … il s’agit de garantir à chaque personne incarcérée le droit de disposer d’un espace où elle se trouve protégée d’autrui et peut préserver son intimité, le principe de l’encellulement individuel est bafoué depuis sa proclamation en 1875. Consacré à nouveau dans la loi pénitentiaire de 2009, son application est sans cesse reportée. Car la surpopulation carcérale est un mal chronique des prisons françaises. En 1990, le taux d’occupation des établissements pénitentiaires était de 124%. Il tourne aujourd’hui autour de 117% avec, début 2017, 68 432 prisonniers pour 58 681 places. La surpopulation se concentre dans les maisons d’arrêts, qui accueillent les personnes en attente de jugement et celles condamnées à des courtes peines de prison. Dans ces établissements, qui abritent plus des deux tiers de la population carcérale, le taux d’occupation moyen est de 140%, contraignant deux à trois personnes – parfois plus – à partager une même cellule et 1 500 personnes à dormir chaque nuit sur des matelas posés au sol. Les plans de construction de nouvelles prisons qui se sont succédé depuis les années 1900 n’y ont rien changé. Car « on ne traite alors que les conséquences de la surpopulation, et non par les mécanismes ou les facteurs qui en sont à l’origine », explique la criminologue belge Sonja Snacken, experte auprès du Conseil de l’Europe. L’inflation carcérale que connait la France depuis plusieurs décennies est avant tout le fruit de politiques pénales qui ont misé sur l’incarcération et une répression croissante des déviances sociales. »

C’est effectivement bien d’un problème idéologique et politique qu’il s’agit.

La société française est une société moralisatrice qui pense qu’on ne va tout de même pas faire des efforts pour des repris de justice. L’Etat doit sanctionner et ils n’ont que ce qu’ils méritent !

La société française et ses représentants politiques oublient simplement que sur 100 « taulards », environ 1/3 ne sont pas encore jugés, donc présumés innocents, et un autre tiers n’a pas sa place en prison mais dans le secteur psychiatrique qui lui aussi et pour des raisons similaires est sinistré.

La société française et ses représentants politiques oublient aussi que le « respect de la dignité » est le premier des droits de l’homme. Au 21ème siècle, dans un pays qui se pense celui des droits de l’homme, il est honteux de traiter ainsi des êtres humains. Qu’il soit voleur ou criminel, un repris de justice est avant tout un homme et doit être respecté et traité comme un être humain. Il en va aussi de la dignité des surveillants dont la considération par l’Etat n’est pas exemplaire.

Et qu’on ne vienne pas nous dire que c’est une affaire de budget ; des moyens financiers, l’Etat est tout à fait capable d’en trouver pour financer des programmes absurdes et inutiles.

1https://oip.org/decrypter/thematiques/surpopulation-carcerale/