ÉTATS GÉNÉRAUX DES MIGRATIONS : socle commun pour une politique migratoire

EGM

Manifeste des Assemblées Locales réunies pour la
1ère session plénière des États Généraux des Migrations
Socle commun pour une politique migratoire
respectueuse des droits fondamentaux et de la dignité des personnes
26 mai 2018

Considérant :
– la situation humanitaire déplorable dans laquelle sont laissées nombre de personnes étrangères sur le territoire français ou à ses frontières, privées de la satisfaction de leurs besoins fondamentaux ;
– les difficultés rencontrées par les personnes étrangères pour faire reconnaître la légitimité de leurs parcours, leurs compétences et leurs droits ;
– les conséquences désastreuses de politiques principalement répressives, fondées sur une application « minimaliste » du droit d’asile, les conditions drastiques pour la délivrance de titres de séjour, la criminalisation de l’entrée irrégulière sur le territoire, la traque, la rétention et l’expulsion de personnes dont la seule faute est de ne pas disposer des bons papiers au bon moment ;
– les coûts humains et financiers exorbitants de ces politiques, que ne justifient ni la dangerosité fantasmée des personnes étrangères, ni les résultats attendus de la prétendue « fermeture des frontières », toujours démentie par les faits ;
– les entorses au droit international et aux conventions internationales ratifiées par la France, et les condamnations qui
ont été prononcées à son encontre par des juridictions européennes ou internationales ;
– la militarisation croissante des frontières, la création de régimes d’exception dans les zones frontalières ainsi que dans certains territoires ultra-marins, et leurs conséquences meurtrières ;
– l’absence de concertation avec les personnes étrangères et les acteurs de la société civile ainsi que l’absence d’évaluation des politiques mises en oeuvre depuis des décennies ;
– la mise en concurrence, à travers les discours et les décisions des pouvoirs publics, des personnes subissant toutes
formes de précarité, étrangères ou non ;
– la juste indignation, la mobilisation et la solidarité dont témoignent un nombre croissant de citoyen·ne·s partout sur le
territoire ;
Nous, citoyen·ne·s français·e·s et étranger·ère·s résidant en France, associations, collectifs et syndicats engagés à l’échelon local, national et international pour la défense des droits des personnes étrangères au sein des États Généraux des Migrations,
– sommes réuni-e-s au sein de 103 assemblées locales en France métropolitaine et d’outre-mer pour poser, dans la déclaration qui suit, les bases d’un renversement du discours dominant sur la question des migrations ;
– inscrivons la déclaration qui suit dans la continuité de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ainsi que de tous les engagements internationaux de la France en matière de respect des droits des personnes ;
– affirmons qu’il n’y a pas de « crise migratoire » mais une « crise des politiques migratoires » ;
– appelons toutes et tous à nous rejoindre pour promouvoir une politique migratoire fondée sur les droits fondamentaux et régie par les principes suivants :

1. Un accueil digne des nouveaux arrivants
1-1 Création de dispositifs de premier accueil, à dimension humaine, répartis sur l’ensemble du territoire, où pourraient
se rendre librement les personnes étrangères à leur arrivée sur le territoire ;
1-2 Principes de ces dispositifs :
– accueil inconditionnel ;
– prise en charge adaptée des personnes les plus vulnérables ;
– hébergement, a minima mise à l’abri ;
– information sur les possibilités offertes sur le territoire, sur les droits, sur les démarches à entreprendre, en tenant compte des projets de chacun·e ;
2. Un respect du droit d’asile effectif, qui ne soit plus prétexte à une logique de tri
2-1 Nécessité de rendre effectif le droit des personnes menacées de persécution à une protection internationale,
passant en particulier par :
2-2 – l’arrêt des renvois des personnes vers le pays d’entrée dans l’Union Européenne (suspension de l’application du règlement « Dublin ») ;
2-3 – la suppression des procédures accélérées ;
2-4 – l’abandon de la notion de pays d’origine sûrs ;
2-5 – l’élargissement des critères ouvrant droit au statut de réfugié pour prendre en compte les causes très variées d’exil forcé ;
2-6 – le rejet de toute mesure qui prive les réfugié·e·s potentiel·le·s d’un examen équitable de leur demande et de possibilités effectives de contester un refus de l’Ofpra, comme celles qui figurent dans le projet de loi actuellement en discussion ;
2-7 Le droit d’asile ne doit jamais être utilisé comme prétexte pour organiser une logique de tri, qui fait la distinction
entre les personnes étrangères qui auraient « vocation à » venir s’installer en France et les autres, qualifiées de
« migrants économiques » et considérées comme indésirables.
3. Vers une égalité des droits entre Français·e·s et étranger·ère·s présent·e·s sur le territoire
3-1 Respect effectif des droits fondamentaux, des textes internationaux ratifiés par la France (notamment concernant
la satisfaction des besoins fondamentaux, l’accès aux soins, à la scolarisation et à la formation professionnelle, les droits spécifiques dus aux personnes vulnérables…), via les mesures suivantes :
3-2 – Fin des contrôles au faciès ;
3-3 – Fin de toutes les formes d’enfermement et d’assignation à résidence pour entrée ou séjour irréguliers ;
3-4 – Respect du droit des mineur·e·s isolé·e·s aux dispositifs de la protection de l’enfance, sur la base de la présomption de minorité ;
3-5 – Droit à la régularisation pour les personnes résidant en France ;
3-6 – Autorisation de travail dès la signature d’un contrat de travail et/ou le constat d’une relation de travail
salarié ;
3-7 – Annulation des conditions spécifiques aux personnes de nationalité étrangère pour l’exercice d’un emploi ou la création d’une activité économique ;
3-8 – Accès à la formation (apprentissage de la langue, scolarisation des enfants, études, formation professionnelle) ;
3-9 – Élargissement de la reconnaissance de diplômes équivalents ;
3-10 – Suppression des conditions limitant le droit au regroupement familial ;
3-11 – Levée des barrières dans l’accès aux soins ;

4. Une reconnaissance des initiatives citoyennes dans l’accueil et le soutien aux personnes étrangères
4-1 – Suppression effective du « délit de solidarité » et de toute mesure d’intimidation à l’encontre des personnes qui
aident des étranger·ère·s de façon inconditionnelle et sans but lucratif.
4-2 – Reconnaissance des initiatives solidaires comme des actions d’intérêt général.
4-3 – Valorisation par les pouvoirs publics des manifestations de solidarité émanant de citoyen·ne·s ou de collectivités.
5. Modification des règles concernant l’accès au territoire français et politique internationale
5-1 Dans un souci de cohérence avec ce qui précède, il importe de réviser les règles d’accès au territoire français, fondées elles aussi sur une logique de tri, et de promouvoir ce changement au sein des instances européennes. En attendant la suppression des dispositifs discriminatoires de contrôles aux frontières :
5-2 – Abandon du règlement Dublin, droit des personnes étrangères au libre choix de leur pays de destination
5-3 – Libre circulation des personnes étrangères à l’intérieur de l’espace européen ;
5-4 – Fin des mesures d’exception dans les espaces frontaliers de la métropole ainsi que dans les Collectivités et  territoires d’Outre-mer ;
5-5 – Arrêt des politiques d’externalisation, de l’approche dite « hotspots » et de la multiplication de centres de tri sur les routes des migrant·e·s ;
5-6 – Fin des expulsions ;
6. Conditions de réalisation et de mise en oeuvre d’une telle politique alternative
6-1 – Fin de la logique de discrimination et de suspicion généralisée envers les personnes étrangères vulnérables, qui
conduit à des drames, des violences, des souffrances, des humiliations et du harcèlement ;
6-2 – Transfert des budgets engagés dans l’actuelle politique sécuritaire et répressive aux différents dispositifs d’accueil et d’accompagnement ;
6-3 – Changement de gouvernance : la politique migratoire ne doit plus être confiée au seul ministère de l’Intérieur.
Privilégier une approche interministérielle fondée sur le droit commun ;
6-4 – Formation des personnels administratifs, fonctionnaires et travailleurs sociaux à la compréhension des questions
migratoires, à l’interculturalité et à la logique de bienveillance ;
6-5 – Fin de l’impunité des agents de l’État en cas de violations des droits imprescriptibles des personnes étrangères :
systématisation des enquêtes de la hiérarchie et ordonnées par les tribunaux afin que soient sanctionnées les personnes responsables de ces manquements à leur mission ;
6-7 – Mise en place de cadres de concertation et de coopération entre la société civile et les autorités (sans que cela conduise à pallier les carences de l’État) ;
6-8 – Évaluation transparente et menée par des autorités indépendantes des politiques migratoires, avec un mécanisme qui engage les pouvoirs publics à tenir compte des recommandations.