Comparutions immédiates en Seine-Saint-Denis: derrière la satisfaction des autorités, une justice expéditive, au rabais,reflet d’un fonctionnement de l’État tout sécuritaire et discriminatoire
COMMUNIQUÉ DE LAFÉDÉRATION 93 DE LA LDH
Le samedi 14 septembre, un défilé à Paris mettait un point final aux JOP de Paris. Des militantes
et militants de plusieurs sections LDH du 93 se sont relayés durant ces Jeux pour observer les
comparutions immédiates au tribunal de Bobigny, du 29 juillet au 13 août, alors qu’une
troisième chambre de comparutions immédiates avait été ouverte. La démultiplication des
gardes à vue et des déferrements observés cet été (105 audiences de comparutions
immédiates en juillet août, contre une soixantaine pour la même période en 2023) n’ont eu
que peu à voir avec les Jeux. Les renforts de magistrats, greffiers, interprètes au tribunal ont
permis aux magistrats en poste d’avancer sur leurs dossiers en attente depuis des mois. Un
point d’accord avec les déclarations des autorités : c’est bien avec cet effectif renforcé
temporairement que le tribunal devrait fonctionner pour travailler normalement.
Contrairement aux déclarations du procureur et du président du Tribunal de Bobigny se
réjouissant du bon déroulement et de l’efficience du dispositif, nous avons constaté :
- Des conditions matérielles choquantes : des salles sans micros ou défectueux empêchant
régulièrement d’entendre les échanges, les box de prévenus sans climatisation (contrairement
à la salle de comparution) placés sous une verrière atteignant parfois 38°C, où certains ont fait
des malaises ; - Des audiences chronométrées ne durant parfois que 20minutes, où le respect du principe
d’individualisation des peines est bafoué, où un interrogatoire de prévenu dure 5 à 6 minutes
interprétation comprise, laquelle est souvent interrompue par la Cour en raison des cadences ; - Des avocats, dont il faut souligner l’engagement professionnel, qui, bien que n’ayant souvent
que peu de temps pour préparer les dossiers qui s’enchainent, démontrent les incohérences
des procédures et les lacunes évidentes de plusieurs enquêtes de police, et déplorent au final
des condamnations répondant à la politique du chiffre et de « gestion des flux » ; - Des magistrats au comportement très variable du très humain et pédagogique à celui qui
marmonne, est inaudible, oublie systématiquement de rappeler le droit de faire appel et exige
des prévenus et témoins qu’ils parlent haut et fort.- Des prévenus, mais aussi des victimes hébétées face à la cadence des procédures, ne
distinguant aucun sens de la justice censée s’exercer. Des peines de prison requises pour des
délits sans violences, des prévenus ayant un besoin évident d’accompagnement médico-social
bien en amont souvent constaté dans les enquêtes sociales même si elles aussi, ne peuvent
qu’être bâclées. Les personnes déférées sont presque systématiquement des hommes jeunes,
racisés, en très grande précarité et pour nombre d’entre eux, il y a un mélange des genres
entre justice administrative (la question de la régularité de leur présence sur le territoire) et
justice pénale (ce pour quoi ils comparaissent ce jour-là).
Il y a eu beaucoup de communications du Tribunal de Bobigny cet été. Pour la LDH, assimiler
les gardes à vue à la délinquance et à l’efficacité de la justice est une entorse à la
présomption d’innocence mais aussi une vision exagérément répressive.
En dépit de la sévérité des peines qu’on peut constater, au fil des posts du procureur, le rapport entre gardes à vue et déferrements est de 10% voire moins, et cela ne conduit pas toujours à des condamnations… Cela montre qu’une part non négligeable des gardes à vue était infondée.
Analyser la délinquance à travers la garde à vue est un peu comme un moment de vérité :
soit une personne a commis une infraction justifiant une garde à vue, soit la police en
commet une avec une garde à vue illégale…
La LDH va poursuivre ces observations de comparutions immédiates publiques, rapporter et
dénoncer que cette justice rendue est une justice disproportionnée, discriminatoire.
Cette justice expéditive ne peut être la norme.
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