support du 6ème café citoyen

la section a organisé le 22 juin dernier son 6ème café citoyen au harp’s bar de Thionville.

Le thème de la soirée était
« Développement économique : croissance ou décroissance »

Un texte d’introduction a été rédigé à cette occasion, nous vous proposons de le retrouver ci-après !
La section organisera son prochain café citoyen sur le thème de la démocratie au mois de septembre !

Bonnes vacances !


Section de Thionville-Fensch. Café citoyen du 22 juin 2011

Développement économique, croissance ou décroissance.

Nous vivons actuellement une crise économique grave qui se traduit par un développement du chômage, une précarisation des salariés, de la perte de pouvoir d’achat et un recul de la protection sociale. Cette crise a aussi des incidences négatives sur l’école, la justice, la santé, le travail social, la culture, l’accueil et les droits des étrangers…

Il semble juste pour les défenseurs des droits humains de militer pour un développement économique qui mettrait un coup d’arrêt à ce recul de la solidarité# et qui pourrait même la faire progresser.

Les keynésiens utiliseraient les outils classiques de la régulation économique : augmentation des bas salaires, valorisation des allocations, embauches dans la fonction publique et le monde associatif… Cela amènerait plus de consommation, donc de la croissance économique, donc de la création d’emploi, donc, par la suite, plus de ressources publiques et la possibilité de mieux financer la solidarité.

Les libéraux objectent que pour mener une telle politique il faut augmenter la pression fiscale ou alors il faut s’endetter pour financer les mesures. Que tout cela est au dessus des moyens du pays et que finalement il s’appauvrirait encore plus en suivant cette voie.

Ceci constitue le débat classique gauche/droite; keynésianisme versus libéralisme.

De fait cela fait quelques années que nous sommes dans un environnement économique libéral, le keynésianisme n’est plus à la mode.

Rappelons que le modèle keynésien est celui qui a prévalu en Europe entre 1945 et 1975 (les fameuses 30 glorieuses) et il est le fondement du compromis social-démocrate. Durant cette période il y a eu une amélioration sans précédent des conditions d’existence des gens : plein emploi, essor de la solidarité, augmentation du niveau d’éducation, développement démocratique, acquisition de droits nouveaux. Ce progrès continu était porté par un contexte économique favorable basé sur la reconstruction, une demande intérieure forte, sur des matières premières peu chères et abondantes, une énergie perçue comme illimitée et pratiquement gratuite et sur une forme d’impérialisme économique et politique à l’égard de ce que l’on nommait le tiers monde. Sortie du colonialisme et entrée dans le néo-colonialisme.

On peut regretter cette époque « bénie » pour ce qu’elle a apportée de plus positif mais on peut noter que la forte croissance qui l’a caractérisée à engendré:

  • l’agriculture intensive,
  • la pollution (dégradation de l‘environnement, pollution télévisuelle et publicitaire),
  • le saccage des ressources de la planète,
  • La montée de l’individualisme
  • L’hyperconsommation

Ce que d’aucuns nomment la déshumanisation et la gadgétisation du monde. Cela a créé aussi beaucoup de frustration car l’avoir est passé avant l’être.

(Ils avaient perçus tout cela les baba cools barbus des années 70 qui allaient manger du fromage de chèvre dans les Cévennes et dont tout le monde se moquait. Peut être avaient-ils le tort d’avoir raison trop tôt et de ressembler un peu trop à leurs caricatures?)

Alors faut-il pour sortir de la crise actuelle, promouvoir un développement basé sur la croissance, croissance libérale (déréglementation, ouverture des frontières, loi de l’offre et de la demande, loi de la jungle, loi du plus fort, tant mieux pour les plus forts!) ou croissance keynésienne (le capitalisme + le progrès social) ou chercher à défendre un autre type de développement économique basé sur la décroissance?

Une précision: La croissance c’est l’augmentation annuel du Produit Intérieur Brut (PIB). Or, en France le PIB a toujours augmenté depuis 1945. Certes maintenant croît-il moins vite que dans les années 70. Nous sommes passé d’un taux aux alentours de 10% par an à un taux oscillant entre 1 à 2,5% par an. C’est-à-dire que chaque année la France est plus riche que l’année précédente.

« Le PIB mesure tout sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue » Bob Kennedy.

La décroissance:

(Références: textes de Serge Latouche et André Gorz, articles de Télérama, Politis et le Monde Diplomatique, sites internet Wikipédia et Oekopédia.)

La décroissance est un slogan politique, un « mot-obus » selon Paul Aries. Il a pour but de faire réagir et de marquer l’abandon de l’objectif de croissance. Il ne signifie pas la croissance négative, ce qui serait antinomique. Il conviendrait plutôt d’utiliser le terme d’a-croissance, avec le a privatif comme dans athéisme.

Le mot décroissance est d’un usage récent mais les idées qu’il véhicule sont anciennes (socialisme utopique, mouvement anarchiste, malthusianisme) et ont été reprises dans les années 1960-1970 par des auteurs tels que André Gorz, Cornélius Castoriadis et surtout Ivan Illich, ce dernier utilise le terme de convivialité. En fait le terme de décroissance porte à confusion. Il ne s’agit pas de faire décroître le PIB dans une société restée inchangée, car cela se ferait au détriment des gens. Mais la construction d’une société conviviale suppose la gestion responsable de l’environnement, la sortie de la logique du profit et de la valeur et la démocratisation de l’économie. Il n’y a donc pas d’opposition entre socialisme et convivialité, entre écologie et socialisme.

La décroissance, la convivialité ou l’a-croissance est une création théorique qui a nourri l’écologie politique.

La question écologique dans l’économie a été développée dans les années 1970. En 1972 parait un rapport du Massachusetts Institute of Technology commandé par le Club de Rome# et qui s’intitulait en français «Halte à la croissance ». Ce document, en pleine période de croissance et de consommation soulignait les dangers économiques de la consommation de matières premières et de la progression démographique. Le MIT fera paraitre un autre rapport en 1974 qui s’intitulait en français « Sortir de l’ère du gaspillage: demain ».

Ces textes défendaient l’idée de croissance zéro.

Celui qui est considéré comme l’inventeur du concept de décroissance est un économiste roumain Nicolas georgescu Roegen qui a critiqué l’économie classique car celle-ci ne prend pas en compte le principe de la dégradation de l’énergie et de la matière (phénomène d’entropie) dans sa réflexion.

Le concept de décroissance rencontre un écho important car il apporte des réponses à la crise actuelle. Cette crise n’est pas seulement économique, elle est globale car elle est économique et financière, sociétale, politique, écologique et climatique. La crise est globale car elle est mondiale et parce qu’elle est structurelle et non conjoncturelle. Pour l’analyse marxiste le capitalisme a atteint la limite de son développement; la masse des capitaux accumulés n’est plus capable de se valoriser par l’accroissement de la production et l’extension des marchés. Il n’y a plus d’investissements productifs additionnels mais des investissements de productivité par lesquelles les entreprises tentent de restaurer leur niveau de profit qui se traduisent par des réductions d’effectifs, des externalisations et délocalisation… C’est selon André Gorz la limite interne du modèle. Le capitalisme a atteint également une limite externe: la terre.

Le concept de décroissance rencontre un écho important pour différentes raisons et problématiques:

Epuisement des ressources énergétiques: pic de production de pétrole atteint en 2005. Gaz: réserves pour 70 ans, uranium réserves pour 50 ans, charbon: réserves pour 200 ans.

Raréfaction de ressources minières: nickel, cobalt, cuivre..

Dégradation de l’environnement et du climat.

Inégalités entre le Nord et le Sud. Obésité chez nous, malnutrition dans le Sud. Cultures fourragères dans le Sud (au détriment de l’agriculture vivrière) pour nourrir le Bétail du Nord.

Problème de l’empreinte écologique: il faudrait 3 planètes si la population mondiale vivait comme les européens, 8 si la population mondiale vivait comme les étatsuniens….

L’Histoire nous enseigne que les sorties de crise passent souvent par la guerre. Une perspective pour y échapper est la mise en place d’une société de décroissance. Cependant tout le monde ne partage pas ce diagnostic et ce pessimisme. La science nous sauvera pense les scientistes (Claude Allègre). Le marché trouvera la solution, il produit sa propre régulation selon les libéraux. Pour d’autres il est possible de faire quelques aménagements à la marge du système: c’est le concept de développement durable.

La mise en place d’une société de décroissance passe par:

  • La relocalisation de l’économie,
  • Le développement des énergies renouvelables,
  • Le développement de l’économie sociale et solidaire,
  • Une politique culturelle et d’éducation populaire,
  • Le développement des services publiques,
  • L’encouragement à des modes de vie communautaire
  • Une meilleure répartition des richesses,
  • La destruction de la société de consommation en s’attaquant au crédit, à l’obsolescence et à la publicité

Et au niveau individuel l’adoption d’un mode de vie basé sur la simplicité volontaire.

Christophe Becker

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Nous étions onze a discuter de décroissance à partir de ce texte ce mercredi 22 juin dans un café thionvillois. Nous ne savons pas si la LDH s’est positionnée sur ce thème. La discussion a aussi porté sur le nucléaire en toute fin de soirée. Sur ces deux sujets nous aimerions savoir si la LDH a pris position. Le débat fut riche et l’ambiance sympathique, vous auriez du venir!

Le prochain café citoyen aura lieu mi-septembre et nous parlerons de démocratie

Christophe Becker