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LDH Saintes – La Halte de jour – Des grilles qui constituent une atteinte à la dignité humaine

Publié le 29/11/2016 par Sudouest.fr :
Les messages déposés par les usagers de la halte de jour ont été retirés par les services techniques.
Les messages déposés par les usagers de la halte de jour ont été retirés par les services techniques. ©

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La Ligue des droits de l’Homme s’offusque du grillage érigé à côté de la halte de jour, qui accueille voyageurs et SDF. Le maire veut « protéger l’école »

Après plusieurs semaines à patienter dans l’espoir d’être écoutée par la mairie de Saintes, l’antenne saintaise de la Ligue des droits de l’homme a décidé de se dresser publiquement contre le grillage qui a été monté début septembre à proximité de la halte de jour. Pour Jocelyne Desmaret, ce grillage « représente une atteinte à la dignité de la personne ».

La grille en question, vissée au ras du trottoir, condamne l’accès sous le pont de l’avenue de la Marne, où les usagers de la halte de jour avaient pris l’habitude de s’installer. Mais surtout, et c’est l’argument du maire Jean-Philippe Machon, elle « protège l’école Nicolas-Mercier », dont l’arrière-cour herbée donne directement sous le fameux pont.

« Solution provisoire »

Et Jean-Philippe Machon de rapporter que des parents d’élèves s’étaient plaints de l’intrusion de chiens, avec leurs lots de déjections, dans l’arrière-cour. « Le grillage était continuellement cisaillé. » Le maire de Saintes ajoute que l’espace abrité par le pont était « occupé par des canapés, des matelas. Le service de nettoyage de la ville passait son temps à les enlever. Tout ceci nous a obligés à réagir. Le grillage, c’est une solution provisoire. »

La grille a donc été montée fin août, début septembre, lors du mois de fermeture de la halte de jour. Il y a en fait deux barrières : une qui longe la cour et une autre plus loin. « Ils nous ont fait un vide sanitaire », s’agace Patrick Falzone, le président de l’antenne saintaise de la Ligue des droits de l’homme.

En guise de réponse, les usagers de la halte de jour avaient scotché des textes et des slogans pour dire leur sentiment. Les feuilles ont été retirées par les services techniques et le panneau « affichage interdit », ajouté.

Patrick Falzone, Jacques Labrande et Jocelyne Desmaret, militants de la Ligue des droits de l’homme : ce grillage est une « atteinte à la dignité de la personne ».© PHOTO SEVERINE JOUBERT

Pour Grégory, 30 ans, « on nous enferme, on nous exclut. C’était notre petit coin à nous. On veut bien tout comprendre, mais il n’y a pas eu de discussion. C’est une injustice car on paie pour deux ou trois qui laissaient leur chien dans la cour. »

Le maire, lui, s’en tient aux réactions venant de l’école : « Les parents m’ont remercié d’avoir posé le grillage ».

Jocelyne Desmaret, Jacques Labrande, par ailleurs bénévole à la halte de jour, et Patrick Falzone « ne nient pas les problèmes mais ce n’est pas en rejetant les gens qu’on règle les choses. »

Dans cette affaire, ils ne supportent pas non plus la méthode. « Les responsables de Tremplin 17, l’association qui gère la halte, ont été convoqués en mairie, début juillet, pour s’entendre dire que des parents avaient porté plainte. Quand la halte a rouvert après le mois de fermeture annuelle, la grille avait été posée. »

La Ligue des droits de l’homme considère que des améliorations auraient pu être obtenues avec un minimum de dialogue. Elle a de son côté tenté de rencontrer les élus. En vain puisque fin octobre, bien que pensant être reçus par deux adjoints, les militants ont eu affaire au seul chef de cabinet.

« On regrette l’état de fait »

Pour Aline Carillo, directrice depuis peu de Tremplin 17, la priorité était bien « la mise en sécurité de l’espace scolaire ». Si elle n’a pas vu venir la pose du grillage le long de l’arrière-cour, elle ne conteste pas cette « solution technique ». Mais son analyse est bien plus sévère pour la pose de la deuxième grille, celle qui empêche l’accès sous le pont.

« On regrette un certain état de fait et une façon brutale de répondre à un problème. Pour l’espace sous le pont, on aurait pu travailler de façon plus étroite. La responsabilité est partagée entre la mairie et Tremplin 17 ; et on essaie de contenir au mieux les personnes accueillies. Nous avons une obligation de moyens, pas de résultats. Cette grille aurait pu être posée trois mètres plus loin, à l’intérieur, et on aurait trouvé un compromis », assure la directrice, qui déplore le manque de dialogue. Une situation sur laquelle l’État garde un œil : la sous-préfète de Saintes s’est déplacée sur place fin août.

« Pas de fermeture »

« Nous, ce que l’on veut, c’est que cette grille soit enlevée », exige Jocelyne Desmaret. Jean-Philippe Machon, lui, ne « comprend pas bien » cette demande. « Il y a une école à protéger, un espace public où je dois garantir la sécurité. D’ailleurs, on peut se poser la question de cette proximité entre la halte de jour et l’école Nicolas-Lemercier. La Ligue des droits de l’homme aurait eu à réagir si nous avions fermé la halte de jour pour des raisons de sécurité – et nous avions les arguments pour le faire. Or, nous n’envisageons pas de fermer. »

Voilà qui va alimenter les craintes de la Ligue des droits de l’homme quant à l’intention finale de Jean-Philippe Machon. « Est-ce qu’il veut fermer la halte pour la mettre loin de la ville ? », s’interrogent les militants. « Rien n’a été mis à l’étude, rétorque Jean-Philippe Machon. Mais on pourrait envisager un local à la fois plus confortable et qui ne soit pas à proximité d’une école », répète-t-il, tenant à ajouter que le quartier connaît « un grave problème d’insécurité, de logements insalubres, de bruit et que les habitants du quartier sont inquiets. Il faut absolument que le quartier redevienne paisible », insiste le maire qui, dans son programme, au chapitre de la sécurité, voulait « lutter contre l’errance par des actions de prévention et d’assistance d’urgence ».

(1) La halte de jour, construite à côté de la gare, accueille des voyageurs, des personnes sans domicile fixe ou des personnes qui ont besoin de laver leur linge, d’un suivi social. Elle enregistre 11 000 passages par an. Plus de la moitié des bénéficiaires sont saintais.