Egalité femme-homme : je suis un homme témoin de harcèlement sexuel

Pour la journée de la femme, la Ligue des droits de l’homme de Niort- Deux-Sèvres a recueilli les témoignages d’hommes et de femmes sur l’égalité professionnelle. Un homme témoigne de pratiques de harcèlement.

A votre avis, l’égalité femme-homme existe-t-elle réellement dans le monde du travail ?

Sur le plan formel, elle existe, dans le droit du travail, les conventions collectives, le statut du fonctionnaire. Mais en réalité c’est plus sournois, il y a une différence entre égalité formelle et égalité réelle.

Comment expliquez-vous cela ?

Le premier problème, c’est l’accès des femmes aux postes qualifiés. Il y a une distorsion entre hommes et femmes sur les postes qualifiés et surtout les postes à responsabilité, et il n’existe aucune obligation spécifique pour les employeurs. En outre, les employeurs sont souvent des hommes, les préjugés sont bien ancrés, et ils ne sont pas forcément inconscients. J’ai déjà entendu des patrons s’exprimer sur la « nature féminine » qui ferait que la femme est moins disponible, à cause de la grossesse et de l’éducation des enfants. La grille des salaires ne résout pas le problème.

L’égalité, ce n’est pas être identique, c’est jouir des mêmes droits

Les questions de conciliation entre vie professionnelle et familiale ont une incidence d’abord pendant la carrière, et ensuite au moment de la retraite. Parler de l’égalité, ce n’est pas juste dire que les salaires vont être égaux, ou qu’hommes et femmes vont être identiques, ils ne le sont pas. Mais c’est faire en sorte qu’hommes ou femmes, indépendamment d’une interruption de carrière éventuelle, aient au final les mêmes droits – en l’occurrence à la retraite.

C’est encore pire dans les professions libérales, les artisans, les agriculteurs : souvent les épouses travaillent pour l’entreprise familiale sans que leur travail ne soit reconnu ; cela pose un gros problème à la retraite en cas de veuvage, or l’espérance de vie non plus n’est pas égale.

Enfin il y a les problèmes de violences conjugales, mais c’est un autre sujet.

Vous avez évoqué des cas de patrons qui ne cachaient pas leurs préjugés, vous pouvez nous raconter ?

J’ai connu le cas d’une entreprise de plateau téléphonique. Les employés étaient bien souvent des femmes, le responsable du service était très macho. Dès qu’une femme tombait enceinte, il tenait des propos très durs, que je n’ose même pas vous répéter. Aujourd’hui c’est ce qu’on appellerait du harcèlement moral. Ça a duré des années où les femmes souffraient de ça, la hiérarchie était au courant, mais rien ne se passait. Et dans un cas comme celui-là je ne crois pas du tout qu’il faille agir individuellement. Finalement, un jour, les employés ont cessé collectivement de répondre au téléphone. Ça a obligé l’entreprise à écouter les problèmes, dont notamment les problèmes des femmes, et le responsable a été relevé de ses fonctions. Mais il a fallu des années et que ça aille jusqu’au conflit social.

En quelle année cela s’est-il produit ?

C’était dans les années 1990, je ne suis pas sûr que la loi sur le harcèlement moral ait été très développée à cette époque.

Les limites de la loi sur le harcèlement

Avez-vous des suggestions à faire pour améliorer la situation en France ?

Le problème c’est qu’il y a une loi sur le harcèlement moral ; mais il faut des preuves, même aux prud’hommes, alors que théoriquement la charge de la preuve est inversée. Or les collègues ont peur, donc c’est très dur d’avoir des témoignages. La loi doit évoluer, avec d’autres moyens, pour qu’elle puisse être appliquée et que la lutte contre le harcèlement moral devienne effective. Je ne crois pas que ce soit simplement une question d’évolution des mentalités.

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