Catégorie : Presse

Roms: la vocation de Manuel Valls

Blog Mediapart

« Les Roms, ils n’ont pas vocation ! » Ce jugement tranchant, entendu au détour d’une rue parisienne, est d’autant plus éloquent qu’à première vue, il ne semble pas avoir de sens : on a vocation (ou pas) à quelque chose. D’ordinaire, la vocation, c’est d’être appelé quelque part par quelqu’un. Or les Roms « n’ont pas vocation » ; autrement dit, ils n’ont vocation à rien, et personne ne les appelle.

Bien entendu, ce n’est pas de notre faute, ni même de notre fait : c’est ainsi. Ces gens-là sont comme ça. C’est, sinon dans leur nature (nous ne sommes pas racistes !), du moins dans leur culture. Manuel Valls le déplorait déjà le 14 mars dans Le Figaro, l’insertion « ne peut concerner qu’une minorité car, hélas, les occupants des campements ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution. »

Si la traite est leur vocation, comment les Roms pourraient-ils vivre au pays des Droits de l’homme ? Ne les détournons pas de leur vocation ! La misère, c’est leur culture ; comprenons qu’ils y soient attachés, et ne les en détachons surtout pas. C’est d’ailleurs ce qui fait la différence entre « eux » et « nous » : pour notre part, nous n’aimerions pas vivre dans les ordures et les excréments, parmi les rats, au bord des routes ; ce n’est pas dans notre culture. Mais c’est la leur – la culture de la pauvreté. Ils y sont chez eux. Manuel Valls en tirait les conséquences le 24 septembre sur France Inter : « Ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres, et qui sont évidemment en confrontation. » C’est donc pour leur bien que nous les harcelons et les expulsons – mieux, par respect pour eux et pour leur culture.

 

De fait, qu’entend-on, presque chaque jour, comme une rumeur médiatico-politique qui enfle à l’approche des élections municipales ? Le ministre de l’intérieur ne cesse de marteler, depuis des mois, que les Roms ont vocation à retourner en Roumanie ou en Bulgarie. Il dit mieux : « Je partage les propos du premier ministre roumain quand ce dernier dit “Les Roms ont vocation à rester en Roumanie, ou à y retourner”. » C’est donc que le chef du gouvernement parle à Bucarest comme le ministre de l’intérieur à Paris, qui lui-même emprunte l’expression à l’ancien président de la République française, Nicolas Sarkozy, et à ses ministres successivement en charge de l’immigration et de l’identité nationale – Brice Hortefeux, Éric Besson, Claude Guéant. Et c’est le mot, venu d’en haut, qui descend désormais dans la rue.

Toutefois, à l’époque, on distinguait encore, parmi les immigrés, ceux qui avaient vocation à rester en France, et ceux qui avaient vocation à partir. Rappelons-nous aussi la distinction, qui choquait tant sous Nicolas Sarkozy, entre « immigration choisie » et « immigration subie », de travail et (pour l’essentiel) familiale. Sous Manuel Valls, les Roms basculent entièrement du côté de l’immigration subie – d’ailleurs, on les empêche de travailler, pour mieux le leur reprocher ensuite. Aujourd’hui, 25 septembre, sur BFM TV, Manuel Valls est clair : l’insertion est « illusoire » ; « c’est une minorité », cela concerne seulement « quelques familles ». Bref, « les Roms ont vocation à rester dans leur pays, et à s’y intégrer – là-bas. »

En parlant ainsi, Manuel Valls ne désigne pas seulement la vocation des « autres » (les Roms), mais aussi la « nôtre » (les Français) : « nous ne sommes pas là pour accueillir ces populations. » Mais pourquoi sommes-nous là – et qui est ce « nous », dès lors que c’est le ministre d’un gouvernement élu par la gauche qui s’exprime ? Quelle est la vocation de la gauche au pouvoir ? « Être de gauche, c’est refuser la misère. Être de gauche, c’est refuser les bidonvilles où s’entassent des familles. (…) Être de gauche, c’est refuser l’exploitation de la misère et de gamins (…) par des mafias. » La gauche française refuse donc la misère, les bidonvilles, l’exploitation – en France ; elle les renvoie « là-bas ».

 

Et l’Europe ? Car ne l’oublions pas, nous aurons au printemps 2014, après les élections municipales, les européennes. En 2010, dans le sillage du discours de Grenoble, Viviane Reding, commissaire européenne à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté avait fait scandale en se déclarant scandalisée par une directive française visant spécifiquement les Roms, soit un groupe qui n’est pas défini par la nationalité, mais (fût-ce implicitement) par la race : « J’ai été personnellement interpellée par des circonstances qui donnent l’impression que des personnes sont renvoyées d’un État membre juste parce qu’elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l’Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième Guerre mondiale. »

Ironie des choses : c’est elle qu’on accusait alors de « déraper » (le président français n’hésitait d’ailleurs pas à renvoyer cette commissaire européenne à sa nationalité luxembourgeoise…). On n’entend plus guère l’Union européenne sur ce sujet, qui concerne pourtant sa définition même. La même Viviane Reding le répète pourtant aujourd’hui sur France Info – même si c’est avec davantage de prudence : « Nous avons des règles européennes qui ont été signées par la France, des règles sur la libre circulation des citoyens européens. Et ce ne sont pas des Roms, mais des individus. C’est sur décision d’un juge qu’ils peuvent être évacués, s’ils ont fait quelque chose qui va contre les lois de l’État en question. »

 

En France, au moment même où la majorité gouvernementale veut effacer le mot race du droit, voire de la Constitution, le gouvernement mène donc une politique de la race à l’encontre des populations roms. La preuve ? Ces déclarations de Manuel Valls, le 24 septembre sur France Inter, qui se veut rassurant à propos de l’ouverture imminente de l’espace Schengen, au 1er janvier 2014, aux Roumains et aux Bulgares : « Ce qui est actuellement en discussion, et pas décidé, c’est seulement une ouverture partielle limitée aux seuls aéroports. C’est une mesure qui faciliterait la vie des hommes d’affaires, sans autres conséquences. » Le plus remarquable est que de tels propos passent inaperçus, ou presque. À l’approche des élections municipales, l’émulation avec l’UMP de Jean-François Copé et le FN de Marine Le Pen joue à plein. Le résultat, c’est la fin de l’Europe – ou plutôt, la fin d’une Europe construite après la Deuxième Guerre mondiale contre la « race », et la vérité assumée d’une Europe des marchés. Oui aux hommes d’affaires roumains, non aux Roms. Et c’est la gauche gouvernementale qui porte actuellement cette responsabilité historique. Telle est la vocation de Manuel Valls.

_________________________________

Texte publié sur lemonde.fr mercredi 25 septembre 2013.

Covoiturage pour aller à Bayonne, à Alternatiba le 6 octobre.

Des membres sont à la recherche de covoiturage pour aller à Alternatiba à Bayonne ?

Contacter Elise, qui habite à Agen au 06 76 42 65 29.

LDH CRA

 

ALTERNATIBA à Bayonne dimanche 6 octobre 2013

 

 

 

 

 

 

 

 

cliquer sur l’image pour l’agrandir

Invasion, délinquance, mendicité, saleté? Tout dire sur les Roms

Mediapart

26 septembre 2013 |

Ils arriveraient en masse pour profiter des aides sociales, vivraient sous la coupe de mafias, pilleraient les campagnes : les préjugés circulant à l’encontre des Roms sont légion. Ils traduisent le rejet dont fait l’objet cette population de citoyens européens démunis. Passage en revue des accusations qui leur sont adressées et des contre-vérités qu’elles recèlent.

Ils arriveraient en masse, cambrioleraient les pavillons de banlieue, vendraient leurs bébés, vivraient sous la coupe de réseaux mafieux et dépèceraient des animaux dans les campagnes : les griefs faits aux Roms, dont Manuel Valls martèle qu’ils ont « vocation » à retourner en Roumanie, sont multiples et variés. Appuyés sur des stéréotypes ancestraux, ils reconduisent l’imaginaire attaché aux « bohémiens » et autres « romanichels » d’antan, réputés voleurs de poule vivant dans la fange et se nourrissant d’épluchures. Confortés par des rumeurs locales et des généralisations ravageuses, ils traduisent le rejet dont fait l’objet cette population de citoyens européens démunis.

Nouvelle figure de l’infamie, ces personnes sont une cible d’autant plus facile à atteindre en vue des élections municipales qu’il n’y a pas grand-monde pour les défendre. Les différents sondages dessinent une opinion publique majoritairement hostile. Dans différentes villes, des tracts dénoncent la prolifération des rats dans le sillage des campements. Les rumeurs pullulent. Dans l’espace politico-médiatique, le syntagme figé du « riverain exaspéré » est utilisé à tout-va. Un récent dossier titré “Roms, l’overdose”, dans Valeurs actuelles, dénonce, en vrac, un « fléau », des « hordes », des « bidonvilles immondes », les « gangs roms », bref le « boulet tsigane ». Marianne n’est pas en reste avec son “Gros plan” : « Roms : tout dire ? », véhiculant, sous couvert de questionnement (« Pourquoi les Roms sont-ils aussi nombreux ? », « Sont-ils tous délinquants ? », etc.), des clichés du même genre.

Cette minorité qui a fui son pays en raison de discriminations fait peur. En la désignant comme différente, comme culturellement différente, le ministre de l’intérieur entretient l’inquiétude. Au lieu de considérer ces personnes comme des familles pauvres vivant dans des bidonvilles, les pouvoirs publics les renvoient à une altérité radicale qui va au-delà du sort réservé aux autres étrangers. Manuel Valls leur reproche de ne pas s’intégrer tout en les empêchant de tisser des liens en les expulsant ; les maires leur reprochent d’être sales tout en leur refusant l’accès au ramassage des ordures ; les élus leur reprochent de voler tout en limitant leur accès à l’emploi. Passage en vue des accusations adressées aux Roms et des contre-vérités qu’elles recèlent.

  • « Ils arrivent, sie kommen »

C’est l’un des angles d’attaque majeur. Quand Jean-Marie Le Pen clame « Ils arrivent. Sie kommen », il ne fait que reproduire une idée répandue selon laquelle leur présence serait massive et que davantage encore souhaiteraient venir. Ils sont en réalité moins de 20 000 en France (dont près d’un tiers d’enfants), une chiffre stable depuis une décennie, à rapporter aux 65 millions d’habitants peuplant l’Hexagone. Non pas 20 000 nouveaux venus chaque année, mais 20 000 vivant là pour certains depuis des années. Ils sont donc relativement peu nombreux, mais visibles, car leurs campements (400 au total) font revivre les bidonvilles des années 1960. Ils sont arrivés à partir du début des années 2000. L’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne a accéléré le mouvement, la libre-circulation favorisant les allers-retours avec le pays d’origine. Ils se sont d’abord installés sur les talus du périphérique parisien, rejoignant les sans-abri “français”. Puis des campements ont fait leur apparition un peu partout dans et près des grandes villes, comme Paris, Marseille, Lyon et Lille où beaucoup vivent des restes produits par ces métropoles. La concentration sur quelques départements, Seine-Saint-Denis, Essonne, Nord et Rhône, accroît leur visibilité.

En Espagne et en Italie, où ils travaillent dans l’agriculture et le bâtiment, les Roms migrants sont cinq fois plus nombreux (environ 100 000 par pays sans compter les communautés tsiganes présentes depuis des décennies). Ils sont aussi victimes de préjugés, mais sont mieux intégrés car ils vivent dans les logements vacants construits en masse dans les années 2000.

Paradoxalement, en France, les démantèlements entretiennent cette impression d’« invasion » car en « poussant », selon le terme administratif, les personnes d’un lieu à l’autre, les expulsions à répétition multiplient les points de contacts avec le voisinage. Plutôt que d’avoir quelques centaines de voisins mécontents, des milliers le sont. Près de 20 000 Roms ont en effet été délogés de leur terrain depuis l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, selon les données de la Ligue des droits de l’homme et du European Roma Rights Centre, ce qui signifie que chaque Rom a fait l’objet d’une expulsion (certains ont pu l’être plusieurs fois, d’autres pas du tout). Interrogé par Le Nouvel observateur à propos de l’évacuation du campement de la N7 à Ris-Orangis en Essonne, le directeur départemental de la sécurité publique de l’Essonne, Luc-Didier Mazoyer, chargé de l’opération, a parlé d’« effet plumeau » pour souligner qu’« on a beau épousseter, la poussière retombe toujours ».

Dans l’avenir, Manuel Valls en est persuadé, ils ne viendront plus, en raison, selon lui, de la baisse du montant de l’aide au retour qu’il a décidée. L’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen, chiffon rouge agité de toutes parts, ne changera rien : cette question concerne les frontières extérieures de l’Union européenne et non les circulations internes.

  • Haro sur les « campements sauvages »

Aucun dispositif public n’est prévu en France pour les accueillir. En l’absence de solution, les Roms occupent le plus souvent des terrains sans autorisation légale, ce que la plupart des médias désignent comme des « campements sauvages », expression métonymique à peine déguisée. Contrairement à une idée reçue, ils n’ont pas accès aux aires prévues pour accueillir les membres de la communauté des gens du voyage. Le plus souvent de nationalité roumaine et bulgare, ils sont exclus de ces espaces réservés aux tsiganes de nationalité française munis de carnet ou de livret de circulation.

Pour leur emplacement, les Roms privilégient plusieurs critères : proximité de zones urbaines, pour trouver de la ferraille et des fripes, qu’ils revendent sur les marchés aux puces (Montreuil, Belleville et Barbès pour l’Île-de-France), des gares du RER pour se déplacer facilement, des axes routiers comme la nationale 7 où se succèdent les casses automobiles et des centres touristiques pour la mendicité. La présence de friches désigne particulièrement certains départements comme l’Essonne ou la Seine-Saint-Denis.

« Non, les Roms n’aiment pas vivre dans les bidonvilles », comme le rappelle le guide réalisé par Romeurope pour lutter contre les préjugés. Ils sont contraints à la mobilité en raison des évacuations, mais ils aspirent à un logement « normal ». Les maires rétorquent qu’ils n’ont pas les moyens de les faire accéder au logement social, en raison des files d’attente déjà longues. Mais rares sont ceux qui déposent des demandes en ce sens. Des solutions alternatives existent pourtant, mises en place par certaines communes, comme la viabilisation de terrains, en échange d’un loyer, l’installation de logements transitoires dans des bâtiments en cours de rénovation, ou encore la réquisition de logements vides.

  • « Ils ne souhaitent pas s’intégrer »

Selon le ministre de l’intérieur, les Roms ne seraient qu’une minorité à souhaiter s’intégrer en France, notamment pour des « raisons culturelles ». Autrement dit, ils ne seraient pas « comme nous ». Ce même reproche a été fait à l’ensemble des immigrés venus par vagues successives, comme le souligne l’historien Gérard Noiriel dans son livre sur l’histoire des migrations Le Creuset français. Les Algériens vivant dans les taudis de Nanterre en ont fait l’expérience : eux aussi étaient considérés comme « pas intégrables ».

Concernant les Roms, ce stéréotype résulte en partie du fait que lors des évacuations de campements beaucoup refusent d’aller dans les hôtels sociaux qui leur sont proposés. Pourquoi? Car les chambres, parfois insalubres (des enfants y ont attrapé des puces), ne sont mises à disposition que quelques jours, ce qui ne fait que reporter leur problème de logement. Les personnes se retrouvent ensuite à la rue, à appeler le 115, chargé de l’hébergement d’urgence, qui ne répond pas. Selon le dernier baromètre de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), 85 % des demandes faites par des familles sont restées sans réponse en juillet 2013.

Plutôt que d’être transbahutées d’un hôtel à la rue à l’hôtel, certaines optent pour l’installation en campement. Là, elles peuvent cuisiner, faire la vaisselle et laver le linge sans provoquer la colère des hôteliers. Manuel Valls estime par ailleurs que la propension des Roms à faire des allers-retours avec leurs pays d’origine serait le signe de l’échec de leur intégration. Pourtant, ces personnes ne se considèrent pas comme nomades. À la différence des gens du voyage, dont certains vont de ville en ville, la totalité des Roms rencontrés à l’occasion de reportages expliquent avoir été chassés de Roumanie en raison des discriminations et désirer vivre « normalement » en France avec un toit et un emploi.

  • Vols à la tire : « Les Roms harcèlent les Parisiens »

Chapardeurs, voleurs, cambrioleurs, délinquants, voire criminels : le champ lexical pour désigner leurs activités illicites sont innombrables. Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, les Roms « harcèlent les Parisiens ». Pour Rachida Dati, ils « viennent arracher les sacs des enfants à la sortie des classes ».

À Villebon dans l’Essonne, l’un des résidents du village de l’usine Galland (lire notre reportage) explique que les membres de sa famille sont soit ferrailleurs s’ils disposent d’un véhicule, soit chiffonniers s’ils n’ont que leurs jambes pour se déplacer. Certains parents envoient leurs enfants dans les containers à habits, les encombrants sont récupérés, des vols de métaux sont signalés dans les décharges et sur les voies ferrées. Cette économie de la pauvreté découle notamment du fait que leur accès à l’emploi est limité. À la différence des autres ressortissants européens, les Roumains et les Bulgares ne peuvent pas exercer le métier de leur choix. Jusqu’au 31 décembre 2013 en tout cas, les inégalités devant prendre fin à cette date. Faire la manche n’est pas un choix délibéré, mais un moyen de survie pour assurer les besoins quotidiens de la famille, affirme Romeurope, qui rappelle que « mendier n’est pas un crime ».

Manuel Valls n’entre pas dans ces considérations. « C’est une évidence, nous le savons tous, la proximité de ces campements provoque de la mendicité et aussi des vols et donc de la délinquance. Nous pouvons l’observer sur Paris », insiste-t-il. Le lendemain de sa déclaration sur France Inter, le ministre organise une conférence de presse pour présenter son plan national de lutte contre les cambriolages et les vols à main armée. La tentation de l’instrumentalisation n’est pas loin. Et le risque est réel de focalisation sur un problème en particulier.

Comme les statistiques ethniques sont interdites en France, le ministère cible les Roumains. Selon les chiffres officiels, le nombre de ces ressortissants mis en cause pour vols est passé de 5 420 en 2008, à 11 400 en 2010 et 20 000 en 2011. « La part de leur implication est en augmentation très sensible au cours des dernières années », a souligné le ministre mercredi 25 septembre, place Beauvau. La hausse est nette, en effet. Mais qu’indique-t-elle ? Tout d’abord, les Roumains ne sont pas tous roms. Ensuite, toute personne mise en cause est un suspect dont la culpabilité n’est pas établie. Ensuite encore, une même personne peut être mise en cause de multiples fois. Enfin, ces chiffres ne concernent que les vols élucidés (c’est-à-dire pour lesquels une personne a été placée en garde à vue), soit moins de 15 % du total.

Moins qu’un état de faits, c’est l’activité policière qui est mesurée et son intérêt à un moment ou à un autre pour certains types de délits. À Paris, la préfecture de police a mis en place un dispositif spécifique pour lutter contre la « délinquance roumaine ». Il est donc difficile de distinguer ce qui relève d’une augmentation des atteintes aux biens et d’un effet d’une vigilance accrue à l’égard d’une certaine minorité. Créée dans le sillage du discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, cette cellule est constituée d’agents français et d’officiers de liaison roumains. Une part importante de son activité est liée à l’arrestation de mineurs (10 000 en 2011), certains étant interpellés à de nombreuses reprises. Les vols en question, même s’ils sont répréhensibles, ne sont pas parmi les plus graves : vols de téléphone portable, vols à la tire, vols au distributeur, fausses pétitions qualifiées d’« escroqueries à la charité ».

Ces actes sont surreprésentés dans les zones touristiques et visent principalement les étrangers en visite. Souvent mineurs, les pickpockets sont relâchés rapidement, l’objectif des policiers étant de démanteler les têtes de réseaux plutôt que les petites mains.

  • « Ils sont sous la coupe de mafias »

« Le vrai problème est là : nombre de Roms sont sous la coupe de mafias qui les ont endettés et les contraignent à voler », tonne Marianne dans son dossier. La réalité est plus complexe. Les organisations mafieuses existent, mais elles sont minoritaires. Les boss sont plutôt installés en Italie, en Espagne et en Roumanie, et les exécutants vivent généralement à l’hôtel, envoyés d’un pays à l’autre. Le procès du clan Hamidovic, originaire de Bosnie-Herzégovine, qui s’est tenu à Paris au printemps 2013, a révélé quelques-unes de leurs pratiques. L’ensemble des membres présumés du réseau ont été condamnés, à une exception près, pour avoir contraint des jeunes filles à voler dans le métro parisien. Poursuivi pour traite des êtres humains, le chef a écopé de sept ans d’emprisonnement. Les audiences ont mis au jour une organisation hiérarchisée, avec un système d’intermédiaires complexes et un patriarche menant un train de vie luxueux incompatible avec l’absence de revenus déclarés. Les gains détournés ont été estimés à 1,3 million d’euros par les enquêteurs. Les femmes de la famille étaient presque toutes mises à contribution, à la fois victimes et parties prenantes.

L’institution judiciaire a déployé une énergie considérable pour cette seule affaire, les investigations ayant duré plusieurs années. Lors du procès, il est apparu qu’une famille rivale avait pris le relais d’une partie du business. En février 2012, Gilles Beretti, commissaire divisionnaire alors chargé de la « délinquance itinérante », indiquait à Mediapart que seuls cinq à huit des dizaines de campements roms de la région parisienne étaient liés à des réseaux criminels. « Vous avez des campements avec beaucoup de mendiants qui ne sont pas liés à un réseau », affirmait-il (lire notre reportage).

Une autre affaire, de trafic de bébés, a récemment défrayé la chronique. Une information judiciaire a été ouverte le 1er août 2013, à propos de ventes supposées ayant eu lieu à Marseille et Ajaccio. Deux organisateurs présumés, identifiés comme roms, ont été interpellés. Le directeur interrégional adjoint de la PJ de Marseille, Christian Sivy, a pris soin de qualifier cette situation d’« exceptionnelle ».

  • « Des bandes écument les territoires ruraux »

« Culture de vergers pillés, réservoirs des tracteurs siphonnés, câbles d’irrigation arrachés, animaux dépecés », un récent communiqué de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) a semé la terreur dans les campagnes. Lors de sa conférence de presse, Manuel Valls a pris acte en dénonçant « ces bandes d’Europe de l’est qui écument des régions, des territoires ruraux et provoquent des traumatismes ». Pourtant le syndicat concurrent de la FNSEA, interrogé par Libération, relativise. « Je ne comprends pas trop l’intérêt de faire un tel communiqué maintenant et d’apeurer les gens, réagit Bernard Lannes, président de la Coordination rurale. De notre côté, on ne peut pas dire que 2013 ait été une année noire, ni parler de recrudescence. Il se passe ici et là des choses évidemment choquantes qu’il ne faut pas minimiser, mais j’aurais pu vous donner les mêmes exemples il y a quinze ans. »

La gendarmerie nationale indique avoir constaté des « problématiques locales » (notamment en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon) mais pas d’augmentation du nombre de faits à l’échelon national. « Quant aux “réseaux” auxquels la FNSEA fait référence, indique le quotidien, ils existent, mais la plupart des vols de fruits et légumes seraient le fait de locaux qui revendent la marchandise, difficile à tracer, dans les marchés du département voisin. Qu’importe, les rumeurs courent, et les gens du voyage tout comme les Roms sont à nouveau désignés comme “le fléau des campagnes”, un cliché qui remonte à Clemenceau. » Conséquence de la paranoïa ambiante : les achats de matériel de surveillance augmentent dans les exploitations agricoles.

  • « Une présence urticante et odorante »

Jean-Marie Le Pen n’est pas le seul à se repaître de l’image de saleté renvoyée aux Roms alors même que les pouvoirs publics refusent quasi systématiquement de mettre des bennes à disposition et de ramasser les ordures, malgré les obligations inscrites dans le code général des collectivités locales qui concernent l’ensemble des installations, y compris illégales. Avec les intempéries, les terrains deviennent boueux. En l’absence de collecte des déchets, les campements se salissent. Certains habitants s’organisent pour y remédier. D’une manière générale, les intérieurs des cabanons sont propres, coussins et couettes impeccablement pliés en bout des lits qui font office de canapé le jour. Le peu de place oblige les familles à maximiser les rangements. L’accès à l’eau est une autre difficulté. Rares sont les municipalités qui leur ouvrent des points d’eau, une fois encore malgré ce que prévoit la réglementation.

  • « Ils profitent des aides sociales »

En tant que ressortissants européens, les Roms ne sont autorisés à rester en France au-delà de trois mois que s’ils disposent de revenus de subsistance jugés insuffisants. Comme c’est rarement le cas, ils tombent dans l’irrégularité et risquent à tout moment d’être obligés de quitter le territoire. Par conséquent, ils ne perçoivent aucune aide sociale (ni chômage, ni revenu de solidarité active, ni allocations familiales). Ils ont droit en revanche à l’aide médicale d’État qui permet d’accéder aux soins de base. Mais, comme beaucoup de personnes démunies, ils manquent d’information sur les services auxquels ils sont autorisés à recourir.

  • « Ils ne veulent pas envoyer leurs enfants à l’école »

Pour certaines familles, la scolarisation constitue un sacrifice car les enfants sont amenés à compléter les revenus de leurs parents. Les envoyer à l’école suppose ainsi parfois un travail de conviction de la part des quelques bénévoles qui se relaient autour des campements pour assurer le ramassage scolaire. La situation se complique quand les maires, contrevenant à la loi, refusent les inscriptions, en prenant comme prétexte l’expulsion à venir du terrain. Les évacuations cassent les processus d’intégration scolaire. Dans un entretien à Mediapart, le préfet en charge de coordonner la politique publique à l’égard des Roms, Alain Régnier, souligne que la scolarisation en maternelle et en primaire a progressé, mais qu’elle reste marginale au collège, notamment pour les filles. Le délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) rappelle qu’il y a encore quelques années dans les campagnes françaises, les maîtres d’école devaient convaincre les parents de laisser leurs enfants aller à l’école plutôt que de travailler aux champs.

URL source: http://www.mediapart.fr/journal/france/260913/invasion-delinquance-mendicite-salete-tout-dire-sur-les-roms

Roms : la faute lourde de Manuel Valls

Le Monde

| 25.09.2013 à 10h46

• Mis à jour le 25.09.2013 à 14h56

Peu de temps après son installation au ministère de l’intérieur, Manuel Valls avait assuré vouloir traiter le problème des Roms « dans la sérénité ». Faisant référence au discours prononcé à Grenoble, en juillet 2010, par le président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, il ajoutait : « Ce n’est pas facile. Si le débat est remis sur la place publique de la manière dont cela a été fait il y a deux ans, on n’y arrivera pas. »

A l’évidence, il n’y arrive pas. Les propos qu’il a tenus le 24 septembre sont aux antipodes de la sérénité à laquelle il invitait. Il ne s’est pas contenté, en effet, d’assurer – ce qui est son rôle – qu’il ferait procéder, à chaque fois qu’une décision de justice le justifie, au démantèlement des campements illégaux où s’entassent quelque 15 000 Roms dans des conditions indignes, à la lisière de nos grandes villes. Il ne s’est pas contenté de juger, comme en mars, que « les Roms ont vocation à rester en Roumanie ou à y retourner ».

Il a relancé le débat exactement sur le terrain où l’avait placé la droite : l’impossibilité, sauf pour « quelques familles », d’intégrer ces populations dont les « modes de vie extrêmement différents des nôtres » et entrent « en confrontation » avec les populations voisines. Dès lors, sauf exception, « il n’y a pas d’autre solution » que de démanteler les campements et de renvoyer leurs occupants dans leur pays d’origine.

Ce faisant, le ministre de l’intérieur sait qu’il exprime, tout haut, l’irritation de bon nombre des élus locaux concernés et qu’il répond à leur sentiment d’impuissance. De même, il veut entendre l’exaspération devant l’augmentation de la petite délinquance dans la capitale ou quelques grandes villes, à laquelle les Roms contribuent pour une part non négligeable – en particulier les mineurs, souvent organisés par des réseaux mafieux.

Si ce n’est du cynisme, drapé dans un langage de « vérité », c’est une faute lourde. Politique autant que morale. Depuis des semaines, sans même que l’extrême droite ait besoin de s’y employer, la droite a délibérément choisi de faire de la « menace » que constitueraient les Roms un thème explosif des prochaines élections municipales et, au-delà, européennes. En apportant de l’eau à son moulin, M. Valls donne crédit à cette campagne qui joue, sans vergogne, sur la peur de l’étranger et fait des Roms des boucs émissaires parfaits.

Mais en désignant l’ensemble d’une population étrangère – et néanmoins européenne –, en stigmatisant une population ethniquement étiquetée, en la jugeant incapable de s’intégrer en France, le ministre de l’intérieur renonce à des principes élémentaires républicains : l’accueil, l’intégration, la solidarité.

Plusieurs voix, à gauche, l’ont immédiatement déploré. Celle de Martine Aubry, maire de Lille, qui a invoqué « l’humanité et l’efficacité, c’est-à-dire la République ». Celle du ministre Arnaud Montebourg, qui a jugé le propos de M. Valls « excessif » et estimé qu’il devait être « corrigé ». Il a raison.

Et c’est au président de la République de le faire, avec fermeté et, si possible, sérénité. C’est sa responsabilité et son devoir.

Pussy Riot. Lettre du camp 14 de Mordovie

Est-il nécessaire de rappeler que nous sommes en septembre 2013 et que des personnes osent stigmatiser chez nous des populations ou des ethnies sans retenue ?

Faites-lire, relayez cette lettre.

Nous sommes toutes et tous des Pussy Riot..

 

http://wp.me/p21cdX-1ly

Traitement de défaveur

POLITIS
Par Ingrid Merckx19 septembre 2013

Des tribunaux d’exception seront inaugurés à l’aéroport de Roissy pour juger les étrangers. Un projet qui pourrait créer un dangereux précédent.

Jugé à la descente de l’avion. Pourquoi pas directement à bord ? C’est la question qui se pose à la veille de l’ouverture de deux salles d’audience délocalisées au bord de l’aéroport Charles-de-Gaulle. La première doit être inaugurée le 30 septembre. Voisine du centre de rétention (CRA) du Mesnil-Amelot, sous les pistes de l’aéroport, elle accueillera les audiences du juge des libertés du tribunal de grande instance (TGI) de Meaux, chargé de décider du maintien ou de l’expulsion des personnes retenues. Une seconde salle doit suivre en décembre à côté de la zone d’attente pour personnes en instance de Roissy. Ce sera une annexe du TGI de Bobigny, responsable du maintien des personnes non autorisées sur le territoire. Soit deux tribunaux d’exception qui pourront valider l’éloignement des étrangers, loin des regards. « Un palais de justice, ça n’est pas seulement les ors de la République mais un lieu où trouver des interprètes, des associations de soutien, un accompagnement social, rappelle le magistrat Patrick Henriot, coprésident de l’Anafé, association d’aide aux étrangers, et membre du Syndicat de la magistrature. La délocalisation des audiences remet en cause l’indépendance de la justice : la personne jugée ne doit avoir aucun doute sur l’impartialité de la personne qui la juge. Or, dans un environnement policier, l’étranger qui débarque ne peut voir qu’un continuum entre police et justice. »

Les audiences délocalisées risquent également de limiter la publicité des débats. « Il importe que citoyens, associations et presse puissent assister aux audiences, poursuit Patrick Henriot. Mais aussi les familles, qui peuvent apporter les papiers manquants aux personnes placées en zone d’attente pour “risque migratoire” ainsi qu’un soutien moral. » En outre, l’ouverture de ces salles entérine un traitement à part. « Des sous-services dans les préfectures, la “retenue”, sorte de garde à vue pour les étrangers, des charters spéciaux pour les expulser et maintenant des audiences dans les CRA et les aéroports ? », s’indigne Clémence Richard, de la Cimade. Pour Patrick Henriot, cette affaire crée un précédent : « On pourrait aussi bien décider de juger les délinquants directement en garde à vue… » Les audiences délocalisées ont été instaurées par la loi Sarkozy de 2003. Trois salles ont déjà vu le jour dans les CRA de Coquelles (Pas-de-Calais), Toulouse et Marseille. Les salles de Roissy et du Mesnil-Amelot représentent un saut qualitatif et symbolique. « La Cour de cassation a validé les audiences délocalisées à condition que la justice soit rendue “à proximité” du CRA et non “dans l’enceinte” », souligne Clémence Richard. Toute l’argutie porte sur la “proximité” : au Mesnil-Amelot, la justice a bien sa porte particulière, mais dans un site policier. »

En 2011, 8 541 étrangers ont été placés en zone d’attente, dont près de 80 % à Roissy. Le Mesnil-Amelot est le plus gros CRA de France, avec 240 places. Conduire les étrangers devant un juge nécessite un trajet sous escorte. C’est l’économie de ces allers et retours qui viendrait justifier l’ouverture de ces nouvelles salles pour le ministère de l’Intérieur. « Certes, on évite les désagréments du trajet, estime la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Mais il convient de mettre en balance ces avantages avec les atteintes qui seraient portées aux principes fondamentaux. » « Je ne suis pas à l’origine de cette ouverture, répond Christiane Taubira aux associations à propos de l’annexe du TGI à Roissy (18 juillet). Le ministère de la Justice s’était engagé en 2010 à utiliser ces locaux, faute de quoi il devrait rembourser l’intégralité des travaux, avoisinant les 2,7 millions d’euros. » « On peut voir là une manière de se défausser sur son prédécesseur et sur l’Intérieur, commente Patrick Henriot. On peut aussi considérer qu’en se saisissant de l’argument financier, la garde des Sceaux laisse au Premier ministre la possibilité d’un arbitrage budgétaire. » Si la mobilisation grandit, « l’espoir est permis », lance le syndicaliste. Une pétition réclamant la fermeture des deux nouvelles salles a recueilli 4 000 signatures. Des magistrats et défenseurs des droits de l’homme font front dans une tribune intitulée « Défendre et juger sur le tarmac » (Libération, 5 juin). Le Conseil national des barreaux réclame l’abandon du projet. Et le 12 septembre, devant sept associations, François Hollande a insisté sur le fait que la question des étrangers devait « être traitée selon les règles du droit commun, en particulier en ce qui concerne l’accès à la justice, au logement, à la santé, à l’école… ».

Roms: la haine déferle et Valls souffle sur les braises

MEDIAPART

http://wp.me/p21cdX-1lm

Manuel Valls nourrit la bête immonde

|  Par Philippe Marlière

Blog : http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-marliere/240913/manuel-valls-nourrit-la-bete-immonde

Manuel Valls est un personnage politique dont les idées sont insignifiantes à gauche. En effet, ce qu’il dit ou promeut est incompatible avec les valeurs d’égalité, de solidarité, de fraternité et de tolérance que porte la gauche.

J’ai récemment ébauché une analyse de son sarkozysme décomplexé[1] et j’ai décrit son conformisme politique qui s’inscrit dans l’air du temps « austéritaire » des droites réactionnaires[2].

Le ministre de l’Intérieur a beau porter les couleurs du Parti socialiste, tout dans ses propos et son action le marque à droite : une droite dure, celle des Sarkozy et Guéant avec qui il partage la même appétence pour les politiques économiques néolibérales (Valls confesse être un admirateur de Tony Blair) et pour les rodomontades répressives.

Si j’étais un militant de ce parti, je me garderais de confier à Manuel Valls la direction d’une section locale du PS, tant je redouterais que son action ne la déshonore. Peine perdue : Manuel Valls n’est pas à la tête d’une section socialiste, mais il dirige le ministère de l’Intérieur de la république française. C’est à ce poste extrêmement sensible, au sein d’un gouvernement de gauche, qu’il prolonge les politiques sécuritaires de MM. Sarkozy et Guéant.

Ce qui motive ce nouveau billet, ce sont les propos que Manuel Valls a tenus sur les Roms ce matin sur France Inter. À cette occasion, un pas supplémentaire a été franchi dans l’horreur et l’indignité. Renchérissant l’UMP et le FN qui font de la « question Roms » un thème majeur de la campagne municipale, le ministre de l’Intérieur a affirmé que l’intégration de ces populations est « illusoire » et que le « démantèlement des campements » et la « reconduite à la frontière » sont les seules solutions valables à ses yeux.

Manuel Valls avait pourtant mis en place des « villages d’insertion » en août 2012. Un an plus tard, Valls le conformiste choisit de chasser le Rom avec la meute et considère dorénavant qu’il s’agit d’une mesure « marginale », qui ne concerne que « quelques familles ».

Valls préconise la reconduite aux frontières des Roms, insistant sur le fait que ces populations « ont vocation à revenir en Bulgarie ou en Roumanie ». Il faudra rappeler au ministre de l’Intérieur qu’en janvier 2014, la Bulgarie et la Roumanie entreront dans l’espace de Schengen. L’expulsion manu militari de ressortissants d’États membres d’une zone de libre circulation des personnes n’est pas laissée à la discrétion d’un ministre parti à la chasse aux voix.

Mais il y a pire : Valls a affirmé, lors de cet entretien, qu’il existait une corrélation entre délinquance et présence de Roms, indiquant qu’il s’agissait là d’une « évidence ». Selon lui, le lien entre la « proximité des campements et les vols » ne faisait aucun doute. Il s’agit de l’évidence du préjugé raciste, de l’amalgame et de la pensée beauf, assurément, puisqu’aucune statistique nationale n’a jamais établi une telle corrélation. Manuel Valls a d’ailleurs reconnu qu’il n’en savait rien. Et pour cause : la police française ne peut pas relever les origines ethniques des délinquants. Les chiffres incriminant la population Rom n’existent donc pas.

Pratiquant un différentialisme culturel très en vogue dans le Front national depuis les années 80, Valls a conclu que « ces populations » ont « des modes de vie extrêmement différents des nôtres » ; les deux étant « en confrontation ». Manuel Valls a le « courage » de suivre l’extrême droite et la droite sarkozyste à la trace, voire de leur ouvrir le chemin. Quand Valls assène : « Les politiques de sécurité ne sont ni de droite, ni de gauche », il faut entendre : « Les politiques de sécurité en vogue sont de droite ; je suis donc de droite ».

En stigmatisant  de la sorte la population Roms, il se déporte sur la droite de Marine Le Pen qui est marginalement plus prudente que lui sur le plan oratoire. Anne Hidalgo a qualifié d’« indignes » des propos similaires sur les Roms de Nathalie Kosciusko-Morizet. Hidalgo a ajouté que « Paris a des valeurs, on ne stigmatise pas une population ». Son camarade Valls n’a pas ce type de scrupules. Comment va-t-elle réagir aux propos de son collègue ? Va-t-elle réagir ?

A la suite de cette énième sortie terrifiante de la part du ministre, trois questions méritent d’être posées et débattues :

1)      Faut-il rappeler à Manuel Valls, d’origine étrangère comme des millions de ses concitoyens, que la France est un pays d’immigration et un melting pot culturel et ethnique ? L’intégration n’est pas « illusoire », mais un fait, quand on s’en donne les moyens politiques.

2)      Des « indices » permettent de conclure à l’existence d’un discours vallsien qui est ethniquement différentialiste et culturellement intolérant. Ce type de discours est-il compatible avec les valeurs universalistes de la République française ?

3)      En Grèce les nazis d’Aube dorée, après avoir tenu dans un premier temps un discours d’exclusion raciste, sont aujourd’hui passés à l’acte. Depuis plusieurs mois, ils ratonnent et tuent des immigrés et des militants antifascistes en toute impunité. Dans le climat de crise généralisée en Europe, est-il responsable de la part d’un ministre de l’Intérieur de jeter en pâture une population fortement stigmatisée et rejetée ? Faudra-t-il attendre les premières ratonnades anti-Roms en France pour apporter une réponse à cette question ?


[1] http://www.politis.fr/Philippe-Marliere-Manuel-Valls-est,23443.html

[2] http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-marliere/230813/manuel-valls-le-conformiste

Twitter : @PhMarliere

Villeneuve sur Lot : Conférence « Transparence et éthique de la vie publique » avec Myriam Savy le 27-09-2013 à 20h15

Cliquer sur l’image pour agrandir