Vendredi 23 août, un incendie ravage la Maison Blanche, copropriété dégradée du 14e arrondissement de Marseille. 24 familles sont évacuées, une soixantaine de personnes, traumatisées. Une journée entière, la situation stagne, les habitants sont piégés dans les mailles de l’administration marseillaise : pas d’eau, pas de nourriture, pas d’informations ni de droits. Devant l’incapacité de la mairie à assurer une prise en charge digne, les citoyens organisent depuis une semaine les repas et de nombreux hébergements en hôtel.
La situation de la Maison Blanche n’est pas nouvelle. Le 11 janvier 1981, une explosion de gaz avait fait 8 morts dans cette copropriété dégradée, dangereuse, connue des pouvoirs publics et notamment des services aujourd’hui sous la tutelle de l’adjoint au maire à la sécurité civile, M. Julien Ruas. Ces dernières années, de nombreux signalements avaient été envoyés à son administration pour dénoncer l’état d’insalubrité et d’indécence des logements, sans réponse. Au point que la semaine dernière, il y aurait pu y avoir à nouveau des morts dans un drame annoncé. Tout le monde garde à l’esprit le drame du 5 novembre 2018, où huit habitants de la rue d’Aubagne sont morts dans l’effondrement de leur immeuble.
À la veille de la rentrée scolaire, les familles évacuées de Maison Blanche viennent gonfler les rangs des 3 500 Marseillais délogés depuis novembre, et se retrouvent à leur tour à errer d’hôtel en hôtel, d’une démarche administrative à l’autre, dans une situation aussi chaotique que les premiers délogés de la rue d’Aubagne, comme si aucun cadre n’avait été mis en place ces derniers mois pour améliorer la prise en charge des délogés. La mairie de Marseille refuse depuis une semaine de signer un arrêté ouvrant des droits et permettant leur mise sous protection dans le cadre de la Charte de Relogement écrite par les collectifs, associations et représentants des personnes délogées, puis signée par la préfecture et la mairie le 5 juillet.
Pourtant, le soir de l’incendie, les habitants avaient obtenu garantie des services de l’adjoint Ruas qu’un arrêté serait pris sous 3 jours pour les protéger et faire appliquer la Charte. Mardi 27 août, 5 jours plus tard, l’adjoint Ruas interviewé par La Provence assure contrairement à ses services qu’il n’y a « aucun arrêté de prévu et que la charte ne s’applique pas dans le cas des incendies. ». C’est pourtant un droit que les collectifs ont acquis, le champ d’application de la Charte touchant à l’ensemble des évacuations et des situations d’urgence.
Alors que les services de l’adjoint Ruas imposent aux habitants de 6 étages sur les 12 de l’immeuble sinistré de réintégrer leurs logements, plusieurs associations dont Médecins du Monde alertent sur une situation sanitaire très préoccupante : risques de troubles respiratoires liés aux nombreuses poussières et microparticules suite à l’incendie, nombreuses fissures et infiltrations d’eau, risques d’effondrements, apparition de champignons, risque potentiel lié à la volatilité de l’amiante et du plomb identifié… De nombreux enfants et personnes âgées sont concernés.
Vendredi 30 août, coup de théâtre : une mise en demeure est envoyée par l’adjoint Ruas aux propriétaires leur « rappelant l’interdiction d’occuper le bâtiment » et leur imposant de reloger les locataires. Une semaine plus tard donc, et alors même que l’adjoint Ruas aurait pu lui-même assurer la protection des familles. Truffé d’incohérences, ce courrier évoque une interdiction d’occuper l’immeuble qui en fait… n’a jamais été posée, que l’élu a le pouvoir d’édicter et à laquelle il s’est même opposé par voie de presse. D’ailleurs, l’opérateur de relogement appliquant les directives de l’adjoint Ruas refuse désormais de payer les hôtels pour les familles des étages soi-disant réintégrables, leur imposant soit de retourner dans leurs logements insalubres, soit d’être prises en charge par la solidarité des collectifs qui assurent seuls l’hébergement de dix d’entre elles. À peine quelques heures plus tard, le courrier de mise en demeure signé par l’adjoint Ruas est annulé. L’incompétence règne décidément tranquillement dans cette mairie. Les familles ne savent toujours rien des suites de leur prise en charge.
Les habitants, collectifs et associations ne peuvent que s’indigner de ces décisions contradictoires et arbitraires. Une nouvelle fois, l’adjoint Ruas fait preuve d’une irresponsabilité totale devant ses administrés. Une nouvelle fois, l’adjoint Ruas tourne le dos aux citoyens, comme il le fait depuis de longs mois en refusant de participer aux négociations que nous avons engagées.
L’adjoint Ruas, qui incarne depuis des mois le visage de l’incurie municipale dans la gestion et la prévention des risques urbains, doit être immédiatement suspendu de sa délégation. Il n’est pas acceptable de laisser encore plus longtemps cette situation s’enliser. En signant notre charte de relogement, l’État s’est engagé à se porter garant de son application. Nous n’attendons ni charité ni visites de courtoisie. Nous interpellons aujourd’hui M. le ministre du Logement, Julien Denormandie, pour qu’il fasse appliquer cette garantie. Rien n’est fait et les habitants de Maison Blanche en paient à leur tour les frais. Le vase déborde, la colère gronde et la crise humanitaire qui dure depuis dix mois s’aggrave encore. Marseille est en péril, brûle et s’effondre. »
Premiers signataires : Collectif des habitants de Maison Blanche, Collectif du 5 novembre – Noailles en colère, Syndicat des Quartiers Populaires de Marseille, Ligue des Droits de l’Homme Marseille, Un Centre-Ville Pour Tous, Collectif Panier en colère, Marseille féministe, Association des usagers de la BMVR, CEM – collectif des écoles de Marseille, DAL Marseille, Groupe de veille Busserine, Collectif de veille et soutien psychologique, Osez le féminisme 13, CGT Educ’action 13, Association Réinventer la Gauche, Association des locataires d’Air-Bel « Il fait bon vivre dans ma cité », Association « L’évêque family projet » (Campagne l’évêque), Collectif des Bourrely, Collectif de la Cabucelle, Collectif Kallisté, Collectif Mémoire en Marche, Assemblée de la Plaine, Emmaüs.
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