La Ligue des Droits de L’Homme contre la Liberté surveillée

La Ligue des Droits de l’Homme s’oppose au plan de vidéo-surveillance de la municipalité de Niort. Elle invite les Niortais à participer à un apéro-débat le 29 juin à partir de 19h sur le parvis des halles du marché en parallèle du Conseil Municipal.

La Ligue des Droits de l’Homme a participé à la réunion publique organisée par le Maire de Niort le 22 juin à l’Hôtel de ville sur le thème :  » La Liberté pour chacun et la Sécurité pour tous… discutons-en ensemble » et destinée à présenter à la population le dispositif de vidéo-surveillance qui doit être installé à partir de la fin d’année 2015.

Pour sa part la LDH était venue avec une quarantaine de questions précises et concrètes, publiées sur notre site internet et qui pour l’essentiel ont été posées par différents participants à cette réunion publique.

Il est regrettable de constater que le Maire de Niort n’a pas répondu aux questions concrètes que peuvent légitimement se poser ses concitoyens qu’ils soient pour ou contre les caméras de vidéo-surveillance.

Pas de réponse précise du Maire de Niort sur des questions importantes comme les coûts de fonctionnement à moyen et long termes pour la collectivité niortaise, les modalités de fonctionnement précises du dispositif, ainsi qu’à la plupart des questions posées sauf de façon très générale voir confuse.

Ce projet est à l’ordre du jour du lundi 29 juin. De quoi les élus vont bien pouvoir débattre précisément et sur quoi vont-ils voter lors de ce prochain conseil municipal ?

Nous déplorons le manque de concertation des instances de démocratie locale ainsi qu’une communication opaque et partiale sur ce dispositif.

Il nous importe de rappeler que la concertation, les débats publics y compris contradictoires ainsi qu’une large information de la population en matière de sécurité est propre à renforcer le lien social et à diminuer le sentiment d’insécurité (« insécurité ressentie ») sans rien coûter aux finances municipales. Monsieur le Maire, vous avez la « conviction profonde que sur la sécurité et la tranquillité publique de notre ville de Niort nous pouvons nous rassembler ». Si c’est vraiment votre objectif, faites d’abord vivre le débat citoyen.

Nous nous interrogeons de l’absence de statistiques sur la délinquance locale, nécessaires pour évaluer le niveau réel d’insécurité dans le périmètre du projet, en particulier au vu des statistiques départementales qui enregistrent une baisse de la délinquance globale ces dernières années.

Comment prétendre que « toute politique publique doit être soumise à une évaluation » quand on ne sait pas quelle est la situation initiale ?

C’est bien une fois de plus une démarche idéologique qui est à l’œuvre et non pas une démarche scientifique.

Il est vrai qu’en la matière Monsieur le Maire a une préférence pour l’auto-évaluation comme l’a prouvé son insistance à mettre en avant un sondage des maires de France au sujet de la vidéo-surveillance.

On imagine aisément qu’après avoir investi 412 000€ minimum, le promoteur du dispositif aura quelques difficultés à reconnaître son erreur si le dispositif s’avère très faiblement efficace. Particulièrement, s’il est candidat à sa succession. Transformer une auto-évaluation individuelle en sondage à l’échelle nationale ne supprimera pas l’erreur méthodologique initiale.

Nous sommes extrêmement sceptiques de l’effet sur la délinquance que nous fait miroiter le Maire de Niort alors que cet effet est réfuté par toutes les études réalisées à l’étranger. L’installation de caméras de vidéo-surveillance, au mieux, ne fait que déplacer la délinquance dans d’autres lieux. Au regard du discours du Maire, l’impres­sion qui se dégage est que c’est plus une action sur le sentiment d’insécurité que l’insécuri­té elle-même qui est recherchée. Comme le sentiment d’insécurité n’incite pas à la consommation et que le plateau piétonnier du centre ville est considéré comme un espace uniquement commercial comme nous l’a déclaré récemment l’adjoint à l’environnement, il est clair que l’enjeu véritable n’est pas l’insécurité réelle ou supposée.

Nous rappelons qu’un récent rapport de la Cour des Comptes confirme notre analyse et dénonce, en outre, le coût exorbitant, en investissement comme en fonctionnement, de ces dispositifs et un coût disproportionné par rapport aux résultats. L’absence de réponses concrètes de la part du Maire sur les coûts réels de fonctionnement à moyen et long termes confirme que le projet n’a pas été sérieusement étudié et que les motivations en sont essentiellement idéologiques et électoralistes. Opportunément pour le Maire, qui rêve à voix haute de devenir Député-Maire (1), il trouve un écho favorable auprès des services du Ministère de l’Intérieur chargés de mettre en œuvre une politique de réduction des effectifs avec l’illusion de pouvoir remplacer l’homme par la machine.

Implicitement le Maire a déjà reconnu que le dispositif ne servira plus à essayer de prévenir la délinquance en direct puisque les personnels ne seront pas 24h/24h en surveillance devant les écrans. Mais le nombre d’heures précises de visualisation en direct reste malgré notre insistance impossible à savoir. Nous espérons que les élus lors du conseil municipal du lundi 29 juin auront plus de succès. Donc exit la prévention, car l’objectif est de donner avant tout aux consommateurs le sentiment qu’ils sont dans un « centre commercial vidéo-protégé » comme il en existe en périphérie. Evidemment l’exercice a rapidement ses limites en raison du cadre juridique : les entrées de magasins, les intérieurs de magasin, comme les habitations devront être floutés, comme la loi l’exige dans le respect de la liberté et de l’intimité de chacun.

Au final toutes ces images, fort logiquement floutées, vont coûter très cher à la collectivité alors qu’un des objectifs avoué à demi-mots est d’avoir surtout la preuve en images de quelques trafics illicites en centre ville et dont paradoxalement les protagonistes sont connus.

Nous dénonçons l’atteinte qui sera irrémédiablement portée aux libertés, notamment celle de circuler sans entrave ni surveillance et les atteintes au respect de la vie privée qui découleront de ce dispositif.

Pour toutes ces raisons, la Ligue des Droits de l’Homme s’oppose au plan de vidéo-surveillance de la municipalité de Niort. Elle demande aux conseillers municipaux de surseoir à toute délibération sur ce dispositif le temps de mettre en place un réel débat public permettant à chaque Niortais de bien saisir les enjeux financiers et juridiques en cause ainsi que les limites d’efficacité du dispositif.

Complémentairement nous appelons les Niortaises et les Niortais à interpeller leur Maire sur ce sujet et de façon plus générale à demander des éclaircissements concrets à leurs élus au conseil municipal de Niort.

Pour entamer ce débat, la LDH invitent les Niortais à participer à un apéro-débat le 29 juin à partir de 19h sur le parvis des halles du marché en parallèle du Conseil Municipal.

Mode opératoire de l’apéro-débat : auberge espagnol, chacun amène une boisson ou à manger à partager.

1/ « …Je parlais l’autre jour avec un collègue Maire d’une ville, Député-Maire d’ailleurs, il siège sur d’autres bancs sur lesquels je pourrai peut-être siéger. Il est Maire de Bourg en Bresse…» Dans la réponse aux questions de la LDH qui ne concernaient que la vidéo-surveillance et aucunement la carrière politique du Maire. Le 22 juin 2015 en réunion publique.