Jacques Toubon : le projet de loi antiterroriste est « une pilule empoisonnée »

ARGUMENTAIRE Etat d’urgence 6 2017

Le conseil des ministres a examiné, jeudi 22 juin, le projet de loi prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre ainsi que celui « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ».
Pour Jacques Toubon, Défenseur des droits, le gouvernement est dans « un piège » auquel il apporte une mauvaise réponse. Selon lui « l’état permanent » du droit proposé pour remplacer « l’état exceptionnel » comporte une « pilule empoisonnée » : le risque de dissoudre la cohésion nationale en stigmatisant une partie de la population au nom de sa religion.

Le gouvernement a approuvé, jeudi, la sixième prorogation de l’état d’urgence. Est-ce une erreur ?
La question n’est pas de savoir si la prorogation est une bonne chose ou pas, la politique en décide. A partir du moment où l’on proroge, il faut décider soit de ne jamais en sortir, soit d’y mettre fin. C’est le piège dans lequel se trouve le gouvernement. Il répond en remplaçant le texte « état exceptionnel » par un texte « état permanent » de la législation. C’est le projet de loi censé remplacer l’état d’urgence. Il laisse entendre qu’après l’état d’urgence, les mesures perdraient en efficacité ce qu’elles gagneraient en garantie des droits…

En réalité, ce nouvel « état permanent » du droit n’offre pas plus de garanties mais ne pourra plus être justifié par le caractère exceptionnel et temporaire. Ainsi la France va se retrouver fragilisée devant la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel. Et enfin il n’est pas démontré que le fait d’être sorti pendant l’état d’urgence des dispositifs antiterroristes judiciaires mis en place depuis 1986, ou de vouloir définitivement en sortir avec ce projet de loi est plus efficace ; en tout cas ce sera moins protecteur des libertés.

LE MONDE | 23.06.2017 Propos recueillis par Jean-Baptiste Jacquin