Dans un communiqué de presse paru le 22 avril dernier, le secrétaire d’Etat à la protection de l’Enfance atteste de l’efficacité de la campagne de sensibilisation du gouvernement à destination du grand public puisque sur la semaine du 13 au 19 avril, il y a eu une augmentation de 89,35 % des appels au 119.
Cette satisfaction gouvernementale confirme que le confinement aggrave la situation des femmes et des enfants vivant sous la coupe de conjoint ou proche violent et ne pouvant plus bénéficier de respiration sociale tels que le travail, l’école, les loisirs.
Pour autant, malgré des instructions transmises aux forces de l’ordre dès le 26 mars pour une intervention rapide pour les faits de violences intrafamiliales, il n’en reste pas moins vrai qu’une partie de la chaîne de traitement des informations préoccupantes a manqué de moyens à la hauteur des enjeux.
Le Service National d’Accueil Téléphonique pour l’Enfance en Danger (SNATED) a bénéficié d’un renforcement de ses moyens mais la plupart des départements, pourtant en première ligne dans le traitement des informations préoccupantes, n’a pas bénéficié d’une telle politique. Evidemment, le gouvernement pourra toujours dire que la responsabilité incombe aux Conseils Départementaux. Il faut rappeler que les services sociaux départementaux fonctionnent majoritairement en distanciel durant cette pandémie.
Dans cette période qui pouvait laisser craindre une augmentation des violences intrafamiliales, les équipes d’évaluation ont souvent reçu des consignes vagues, n’ont eu ni formation à l’évaluation par téléphone ni eu une augmentation de leurs moyens.
Des départements ont priorisé des tranches d’âge (par exemple les 0-3 ans) et demandé à leurs agents de s’enquérir de l’état de santé de la famille avant d’effectuer des visites à domicile. Face à l’impossibilité de faire un travail de fond, cela s’est souvent traduit par des évaluations brèves et souvent sans possibilité d’accompagner les familles vers un mieux-être.
Depuis 15 jours, les Cellules de Recueil d’Informations Préoccupantes (CRIP) de certains départements ont eu une baisse sensible du nombre d’informations. Cela était prévisible car une fois les situations les plus bruyantes détectées par les voisins ou celles pour lesquelles les mineurs pouvaient s’emparer du 119, la grande majorité des situations s’est retrouvée enfermée dans le silence du huis clos familial.
Nos cabinets ministériels, nos experts et nos politiques auraient pu envisager cette situation. Croire que sans services sociaux de proximité ouverts, sans école, sans centres de loisirs pouvant aussi repérer les situations et ne faire appel qu’à une campagne de sensibilisation au 119 protègerait les enfants est une navrante simplification de la réalité.
Ne tombons pas dans le leurre du gouvernement ni dans la croyance que le travail social à distance peut produire des réponses adaptées aux situations. Dans une situation de confinement, les plus fragiles d’entre nous sont bien souvent des invisibles et continueront à vivre l’invisibilité tant qu’aucun regard professionnel ne pourra détecter leur souffrance.
Saint-Nazaire, le 04 mai 2020
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