LA SOLIDARITE A L’EPREUVE DU COVID 19 DANS 27 MAIRIES DU GRAND CHAROLAIS (5/3-5/4 2020).
Identifié en France le 24 janvier, le COVID 19 a donné lieu à une première série de mesures nationales le 29 février (interdiction des manifestations de plus de 5000 personnes) prises avant que le décret du 14 mars n’impose le confinement et que le Parlement ne décrète le 23 mars, l’état d’urgence sanitaire. Dès lors le combat contre la pandémie est engagé par les services publics, l’Etat, les Conseils régionaux et départementaux, les mairies. Avec plus de 20000 morts le 21 avril dont les trois-quarts sont âgés de plus de 75 ans, l’endémie mobilise plus particulièrement les hôpitaux et les Ehpad. Mais dans les communes, l’application du confinement place au premier plan le rôle des élus et en particulier celui des maires. Parmi les pouvoirs de police et de sécurité civile, leur revient en effet statutairement celui de la santé publique. En milieu rural, lorsque l’habitat est dispersé, le confinement a bouleversé les habitudes, isolé davantage les populations, rendu le ravitaillement plus compliqué. La question de l’aide aux personnes âgées et aux familles avec enfants déscolarisés y est donc plus cruciale qu’ailleurs. Ainsi se pose la question des mesures prises à leur égard pour les informer et les aider, dans une démarche solidaire, à respecter les “gestes barrière” et l’isolement.
Pour répondre à cette question, la section de Paray de la Ligue des Droits de l’Homme a mené une enquête dans le cadre de 27 communes de la Communauté de Communes Grand Charolais, celles dotées de sites internet tenus à jour ou contactées par téléphone.
Pour faire le bilan de la solidarité effective, nous avons retenu quatre critères évalués au début de la pandémie sur une durée d’un mois, entre le 5 mars et le 5 avril: la réactivité des maires à l’endémie; le type de communication privilégiée avec la population; l’efficacité des mesures prises en faveur des personnes âgées et des familles; l’innovation dans le discours et les pratiques.
– EN CE QUI CONCERNE LA REACTIVITE DES MAIRES, la grande majorité (22/27) a attendu la publication du décret du 14 mars pour afficher les premières informations entre le 16 et le 21 mars: fermeture de la mairie, des services municipaux et publics; communication du numéro de téléphone de la mairie avec horaires; publication de la dérogation pour les déplacements; mesures d’aide aux personnes âgées, aux familles (gardes d’enfants) et aux entreprises. Par contre, une minorité (5) a anticipé les mesures gouvernementales: Saint-Bonnet-de-Joux le 29 février et Lugny-les-Charolles le 7 mars avec des informations complètes sur le coronavirus; Molinet le 12 mars avec les gestes barrière, le Covid et la fermeture de l’école; Digoin, le 13 mars, avec l’annonce de la fermeture des services municipaux et un protocole d’aide aux personnes âgées; Saint Yan le 13 mars avec l’annonce de la fermeture des services municipaux (site modifié par la suite). Seule Paray intervient de manière décalée : si le panneau municipal du centre-ville diffuse bien dès le 17 mars une incitation au confinement relayée dans le même temps par le JSL, il faut attendre le 30 mars, pour voir afficher, sur le site internet de la mairie, l’opération “Sérénité Seniors”.
-QUANT A LA COMMUNICATION AVEC LEURS CONCITOYENS, nous constatons d’importants efforts pour atteindre tous les citoyens: si le site internet officiel de la mairie est privilégié par 14 d’entre eux, Facebook est utilisé par les maires de Digoin, Changy, La Motte Saint Jean, Le Rousset-Marizy et Saint-Bonnet-de-Joux, l’affichage sur écran au centre-ville et le JSL par Paray et treize videos d’informations municipales à Digoin. Le choix de Facebook accélère, partage et permet de mesurer la diffusion de l’information : A Digoin, par exemple, 82 partages sont constatés le 13 mars, 100, le 19 mars; à Saint-Bonnet de Joux, 10 partages le 17 mars; à Changy, 104 vues et 16 partages le 17 mars… Mais compte tenu du caractère encore sélectif de l’informatique, certains maires mettent en oeuvre d’autres moyens pour atteindre toute la population: envoi de lettres à Palinges (2 ) et Lugny-les-Charolles, publication et distribution du bulletin communal, Reflets de Digoin, le 27 mars, appels téléphoniques à toutes les personnes âgées à Beaubery, Colombier-en-Brionnais, Changy (2/ semaine), Suin, Le Rousset-Marizy, Poisson, Digoin (1500 personnes) nécessitant parfois le recours à des bénévoles pour organiser les appels. Les mairies des 9 communes contactées par téléphone nous ont communiqué le nombre de 307 personnes contactées.
-SI L’ON CONSIDERE L’EFFICACITE DES MESURES PRISES, on constate que la prise en charge des séniors s’impose presque partout comme une priorité et une urgence. Spécifiée dans le décret du 14 mars, elle donne lieu à une communication de la règlementation du confinement, des gestes barrière et de l’aide aux courses ainsi qu’à une transmission de l’autorisation de déplacement, la communication du numéro de téléphone du maire et celle du médecin de garde. Le nombre de personnes est défini par connaissances et téléphone prenant en compte les besoins de tous les seniors. Le maire de Palinges leur envoie une lettre présentant les gestes de barrière sous forme de croquis. A Digoin, le 13 mars est annoncé un protocole d’aide à l’approvisionnement. A cet égard, compte tenu de la raréfaction des commerces ruraux, nous constatons la variété des solutions trouvées ainsi que l’implication particulièrement zélée de plusieurs élus comme le montrent le message du 20 mars du maire de Saint-Bonnet -de Joux et le bilan effectué le 29 mars, par celui de Lugny-les-Charolles :
« Pour répondre à l’urgence de la situation liée au COVID-19 la municipalité de Saint Bonnet de Joux propose aux personnes âgées, isolées (non suivies par l’amdr et l ‘assad) la possibilité de se faire livrer leurs courses alimentaires à domicile. Les commerçants locaux participants sont la Boulangerie Rollet et Super U. Ce service municipal vous propose de passer commande en appelant la mairie au 0385247387 aux heures d’ouverture, de 9h à 12h et de14h à 17h, les lundi mercredi et vendredi. La livraison à domicile se fera les mardi jeudi et samedi de chaque semaine tant que le confinement sera effectif. Nous avons déjà répertorié certaines personnes sur la commune mais si vous n’avez pas été contacté n’hésitez pas appeler la mairie ou en MP. La livraison sera assurée par des élus et des bénévoles de Saint Bonnet comme Manon Burlet. »
“Après avoir vérifié que certaines parmi elles sont suivies soit par leur famille soit par leur voisinage, pour les autres un suivi particulier est en place soit par un membre de la municipalité, Conseil Municipal, ou commission d’action sociale. Elles peuvent être aidées via le dépôt de pain 3 fois par semaine, la mise en place du portage de repas intercommunal, l’impression des attestations dérogatoires de déplacement, et par des visites de courtoisie et/ou l’envoi de message SMS ou tout autre besoin….Pour information, après 12 jours de confinement, entre 8 et 10 personnes sont assistées au quotidien via la Municipalité et autant sont assistées par la famille ou le voisinage soit au total entre 15 et 20 personnes isolées soit pour une population de 350 habitants, entre 5 et 6% de personnes suivies. »
Mais Facebook incitant à la solidarité, les particuliers s’en mêlent, et le 17 mars, l’un d’eux, à Changy publie la proposition suivante partagée 16 fois :
« Si des personnes de Changy non véhiculées sont confinées chez elles et qu’elles présentent des besoins de ravitaillement de produits de premières nécessités et ou médicaments …Je me rends à Charolles pour raisons professionnelles tous les jours, je me propose de vous les livrer devant votre porte avec grand plaisir ! Jérôme DURET 0658432675 »
Autre solution proposée, les livraisons à domicile de producteurs locaux: à Poisson, le maire communique les coordonnées d’un boulanger, d’un maraîcher, d’un producteur de volailles et d’une poissonnerie pour prendre commande et livrer ; à Vendenesse-les-Charolles, c’est l’association le Pré d’Union Charolais formée de 7 éleveurs désirant constituer un circuit court de produits de qualité, qui propose la vente de viande, fromages, légumes, pain et journaux dans son magasin ainsi que des livraisons à domicile 6 jours sur 7. Enfin, à Saint-Bonnet-de-Joux, la mairie annonce les producteurs locaux présents au marché et fait la promotion du circuit court:
“En soutien à nos producteurs, transformateurs et commerçants locaux la municipalité a choisi de communiquer pour que notre économie locale puisse surmonter cette période de crise. Vous pouvez passer commande auprès d’eux et récupérer vos commandes sur le marché ou être livrés à domicile (selon les commerçants). J’espère que l’élan de solidarité né de cette crise ne sera pas un feu de paille et que les consommateurs maintiendront leur soutien aux commerçants de proximité. »
Globalement, toutes les personnes âgées nécessitant d’être aidées dans le Grand charolais sont donc repérées, suivies et aidées à leur convenance. A Paray, en l’absence de recensement des besoins des seniors de plus de 70 ans, et le caractère tardif de l’intervention de l’ASSAD, le 30 mars sur le site de la mairie et le 3 avril sur le JSL, seulement une cinquantaine de personnes seraient aidées, c’est-à-dire une très petite minorité par rapport aux 1500 personnes âgées de plus de 75 ans (au recensement de 2016). Cette absence de considération des mesures prévues par le décret du 14 mars pose la question de l’indifférence du maire de Paray pour informer et aider des seniors qui pourtant lui procurent des revenus fiscaux conséquents. En tout état de cause, pour eux, la solution, c’est la débrouille : paiement au prix fort d’associations pour faire leurs courses, recours forcé aux voisins ou à la famille, prises de risques dans les grandes surfaces : subissant la file d’attente, la limite de l’entrée à une seule personne et des caddies non nettoyés, elles se contraignent à prendre des sacs et à entrer seules après avoir fait la queue. Dès lors beaucoup de Parodiens assistent à des scènes pitoyables de très vieilles personnes à la démarche et aux gestes peu sûrs alors que les règles de confinement limitent les réflexes d’aide des caissiers et des clients. Il en résulte que cette situation a suscité des initiatives individuelles telle celle de Clémence Dumas affichée sur le JSL le 4 avril. Mais de tels faits signent plutôt, à Paray, l’incurie de l’Etat à travers le refus du maire d’organiser un recensement sérieux des seniors comme le lui ont demandé par lettre, les quatre nouveaux conseillers municipaux de l’opposition.
EN CE QUI CONCERNE LES FAMILLES, plusieurs maires (Vitry, Saint Yan, Palinges, Champlecy) proposent une aide pour les démarches administratives en ligne et la mise en place du télétravail pour le personnel municipal (Saint-Bonnet-de-Joux). La gestion des ordures ménagères par le grand Charolais et le maintien ou pas des marchés ont donné lieu à des communications fréquentes. Charolles, Digoin, Saint Bonnet de Joux et Palinges ont obtenu des dérogations pour rétablir le leur tandis que Paray tergiverse, fermant le marché le 17 mars (JSL), le rouvrant le 20 (JSL) pour le fermer à nouveau ensuite.
Sur le plan de la santé, les gestes barrières et les règles du confinement ont été bien diffusés dès le début de la crise. Digoin a fourni de nombreuses informations sur ce sujet: Ouverture de la nouvelle Maison des Solidarités où les médecins reçoivent les malades du Covid (23 mars); mise en place d’une téléconsultation (24 mars) ; fabrication de masques par l’entreprise Le Laboureur (23 mars). Enfin le 31 mars, le maire annonce les mesures de protection prises par le centre Leclerc afin de sécuriser les clients. A Changy, la mairie diffuse aux particuliers par internet les informations concernant le Covid (5 avril) :
“Depuis quelques jours, les informations liées notamment à l’épidémie COVID-19, sont transmises directement sur les boites mails des habitants de CHANGY, qui ont transmis leurs coordonnées. Si vous ne recevez rien, envoyez un mail à: commune-de-changy@orange.fr vous serez ajoutés à la liste de diffusion. Bon dimanche, bon courage, et surtout prenez soin de vous ».
Un appel à la collecte des masques est lancé par la députée sur le site de Saint-Bonnet de- Joux le 20 mars tandis que le maire propose un numéro de téléphone pour le soutien psychologique dès le 24 mars :
« En cette période extrêmement difficile nous avons aussi mis en place un soutien psychologique par téléphone. La procédure est toujours la même : appel à la mairie au 03 85 24 73 87, vous laissez vos noms et numéros de téléphone et une psychologue vous rappellera rapidement. N’hésitez pas à porter à notre connaissance des personnes que vous jugez fragiles qui ont de mal à supporter le confinement. Courage à tous » ;
A Paray, le 23 mars, l’Espace socio-culturel informe les adultes de l’existence d’une cellule de soutien psychologique de Sevrey et à Digoin, le 30 mars, le maire communique un numéro de téléphone dans le même sens.
LA GARDE DES ENFANTS des soignants est organisée par Le Grand Charolais à l’école de Bellevue où sont regroupés ceux de Charolles et de Paray. Une crèche reste ouverte à Colombier-en-Brionnais. Les programmes scolaires de France 4 sont affichés à Saint-Bonnet-de-Joux (19 mars). Une trentaine de jeux de société sont proposés par la bibliothèque de la même commune le 21 mars :
« Que ce confinement soit pour vous l’occasion de vous retrouver en famille autour d’un bon jeu de société. A plus tard… Courage et surtout « RESTEZ CHEZ VOUS »
Des animations sont organisées à Paray où l’Espace Socio-culturel propose tous les jours en ligne à partir du 23 mars des activités diverses : recettes, jeux, fabrication d’objets, films. A Digoin, les enfants sont incités par le maire à faire des dessins aux soignants, tandis que l’Espace Jeunesse de Digoin lance le 27 mars dix défis en quinze jours avec jonglage, dessin, danse, mime, déguisement, videos explicatives à l’appui.
LES PRATIQUES INNOVANTES : La gravité de la situation sanitaire de la France et l’incertitude sur ses conséquences locales ont créé un stress, parfois une anxiété dont certains élus sont conscients et auxquelles ils ont répondu non seulement par une information sérieuse et la mise en oeuvre rapide d’une aide effective mais aussi par des prises de paroles d’un nouveau type qui se caractérisent par:
-L’abandon du langage administratif neutre et informatif pour prendre le ton à la fois protecteur et incitatif du “bon père de famille” tel le maire de Changy le 17 mars:
« En cette période de confinement obligatoire, restez à votre domicile, pas de visite de voisinage ni de famille, uniquement des contacts téléphoniques ou par mail. Prenez des nouvelles régulièrement de vos voisins ou voisines, seuls ou âgés, par téléphone ou par mail. Ne sortez de chez vous que s’il y a une réelle nécessité. Soyez prudent, il en va de la santé de toutes et tous. Courage à toutes et à tous dans cette période inédite qui s’annonce. ».
-La répétition de paroles d’encouragement pour suivre les mesures de confinement comme à Changy et Saint-Bonnet-de-Joux.
-Des paroles de remerciement à l’égard des soignants comme à Digoin et à Vitry-en-Charolais :
« La municipalité remercie très chaleureusement le personnel soignant, (hôpitaux EHPAD) qui sauvent des vies et tous les personnels mobilisés qui prennent soin de nous, de nos malades, de nos personnes agées et qui nous permettent de continuer à vivre dans cette période difficile. »
-Le renforcement du lien social par la disponibilité du maire qui communique son numéro de téléphone personnel, est présent sur le site de la mairie, prend des décisions rapidement.
Nous avons montré que presque tous les maires du Grand Charolais pris en considération dans cette enquête ont manifesté cette empathie à l’égard, en particulier, des personnes âgées qu’ils ont informées et aidées avec la préoccupation de ne laisser personne au bord de la route. A cet égard, le cas du maire de Digoin qui préside le Grand Charolais est exemplaire: à travers treize videos, il diffuse des informations précises sur l’évolution de la contagion, les services médicaux, municipaux et publics disponibles, l’adaptation des commerces à la pandémie, il rappelle les consignes à suivre, remercie les fonctionnaires, les personnels du Grand Charolais, les caissières… il prend des initiatives pour réunir le personnel médical, ouvrir la Maison des Solidarités, demander la réouverture du bureau de Poste, il organise le recensement des personnes âgées, achète des masques à une entreprise locale, prend en compte les difficultés du confinement pour les familles pour leur ccnseiller de renforcer leurs relations, se faire aider psychologiquement en cas de besoin. Bref, il coche toutes les cases …pour établir un lien social très actif fondé sur la proximité, la grande variété du champ d’informations investi, et une empathie non dissimulée.
POUR CONCLURE, tout en reconnaissant ses limites, nous voulons exprimer la satisfaction qu’a ressentie la Section de Paray de la Ligue des Droits de l’Homme en réalisant cette enquête. Elle est en mesure d’attester l’engagement sérieux et parfois exceptionnel des maires du Grand Charolais pour mettre en place l’état d’urgence sanitaire à travers le renforcement du lien social. Ainsi cette situation dramatique a-t-elle permis de faire émerger ou de renforcer la fraternité qui est au coeur de notre pacte républicain. Nous les félicitons d’avoir investi leur fonction et d’avoir parfois dépassé ses limites au service de tous, et, à notre tour, nous voulons les remercier et leur souhaiter bon courage pour la suite.
Section de la Ligue des Droits de l’Homme de Paray-le-Monial
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