Edito : Violence des jeunes : les solutions démagogiques

Ces dernières semaines, au regard de faits-divers crapuleux ou criminels, le gouvernement s’est une fois de plus montré à la hauteur de la vox populi, à savoir pointer du doigt la violence de la jeunesse. Répondre aux sirènes de la décivilisation vaut mieux que comprendre les causes et remédier aux drames vécus par bon nombre de jeunes.

N’oublions pas que depuis la crise de la Covid, la souffrance psychosociale des jeunes s’est considérablement accrue. Rajoutons que l’éco anxiété n’est pas un symptôme uniquement des enfants vivant dans les beaux quartiers parisiens. Vivre dans un quartier relégué ou dans une zone périurbaine mal desservie en transports en commun et services publics, se voir relégué dans un collège ou lycée professionnel reproducteur des inégalités sociales comme le dirait Bourdieu ou être pris en charge par un système en faillite, celui de la protection de l’enfance très régulièrement montré du doigt par ses graves défaillances, ne peut que conduire au concours Lépine de la plus absurde solution pour encore mieux répondre à une fracture générationnelle ou désavouer celles et ceux qui quotidiennement consacrent leur énergie à éduquer nos jeunes.

Parmi les idées les plus bêtes, il y a celle de la suppression de l’excuse de minorité, et sur le podium, la première place mise en avant par le gouvernement est celle des 40 000 places en internat scolaire pour les sauvageons. Où a-t-il trouvé ces 40 000 places soi-disant disponibles, notre très cher jeune Premier Ministre ? On peut jouer avec les mots, avec les concepts, avec les peurs, et véhiculer l’idée d’une justice laxiste vis-à-vis des mineurs, mais qu’est devenue cette politique de la famille et de l’enfance depuis 2017 ?

La Protection Judiciaire de la Jeunesse, l’Aide Sociale à l’Enfance, la médecine scolaire, la pédiatrie, la pédopsychiatrie et l’Education Nationale sont des institutions qui croulent sous des difficultés systémiques, un manque de moyens et une définition de politiques publiques de plus en plus déconnectées des réalités de terrain.

Restaurer l’autorité va donc de pair avec une volonté d’une justice de plus en plus expéditive et de moins en moins éducative. Les différentes réformes de l’ordonnance de 1945 se sont traduites par une fermeture de places dans les foyers éducatifs et par la création de coûteuses mesures d’enfermement comme les centres éducatifs fermés à plus de 600 € par jour ou les établissements pénitenciers pour mineurs. Comme il se doit, on a diminué les crédits concernant la prévention spécialisée, fermé des services éducatifs, pressurisé encore plus les juges pour enfants qui croulent sous les dossiers. En Loire Atlantique, aujourd’hui, en mai 2024, 1 500 enfants dits en danger sont en attente de mesure d’Assistance Educative en Milieu Ouvert, 300 mineurs sont en attente de placement mais M. Gabriel Attal n’a pas d’autre chose que de nous proposer un énième plan pour sanctionner encore plus.

Parmi les autres mesures que l’on nous a beaucoup surinées après les révoltes urbaines de l’été 2023, il y a celles voulant responsabiliser les parents par des sanctions pénales et financières. Doit-on rappeler à nos gouvernants que ces dispositifs existent déjà et qu’ils ont très peu souvent montré leur efficience ?

Faudra-t-il d’autres condamnations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme concernant les défaillances de protection de l’enfance par l’Etat ou les collectivités territoriales ? Faut-il que les associations de parents d’enfants handicapés et la défenseure des droits fassent de nouvelles alertes concernant les carences criantes de prise en charge des enfants handicapés et voir l’Etat une fois de plus condamné par les tribunaux pour dire : de qui se moque-t-on ?

S’il est courant de dire que l’état d’une société se juge à la manière dont sa jeunesse et sa vieillesse sont traitées, point n’est besoin de vous dire que notre pays dégrade de plus en plus sa note et que les agences de notation mériteraient bien de dire symboliquement à l’Etat la dette qu’il doit à ses jeunes et ses vieux.

Mais il n’y a pas d’agence de notation internationale sur ces questions qui valent bien peu de choses par rapport à l’économie ou à la sphère financière.

Jean-Luc Boero, président de la section, le 13 mai 2024

Lettre ouverte sur la situation des 21 25 ans en 2024

La protection de l’enfance : Une politique publique sans assise financière et sans cohérence à la hauteur des besoins et des enjeux

Un malaise systémique ancien

Le mouvement des associations de protection de l’enfance du 44 et de l’association Repairs ! 44, association d’usagers de l’ASE, n’a malheureusement rien d’étonnant et on peut même s ’étonner sur le fait que la protection de l’enfance en Loire-Atlantique n’ait pas montré publiquement depuis longtemps bien plus de signes de malaise.

Un manque d’anticipation et une responsabilité multiple qui paralyse : l’exemple des familles d’accueil

La dégradation des conditions permettant de protéger les enfants en danger en France est une problématique qui prend ses sources dans des facteurs dont certains sont anciens. Par exemple, les accueils des enfants en famille d’accueil ne cessent de diminuer faute d’assistants.es familiaux.es. Et pourtant, ce mode d’accueil a fait ses preuves en matière de stabilité et de réponses aux besoins affectifs et éducatifs des enfants de l’ASE. Les départs en retraite nombreux depuis 20 ans n’ont pas été compensés par suffisamment d’embauches.  Les rapports et autres alertes sur la pyramide des âges et sur les difficultés d’exercice de ce métier sont connus dans le secteur de la protection de l’enfance, les ministères et les équipes dirigeantes des conseils départementaux, mais chacun s’est renvoyé la responsabilité et comme c’est une politique d’Etat sur le statut et départementale sur l’accompagnement, l’inertie a prédominé dans le règlement de la crise de ce métier.

Comme souvent dans un pays jacobin, les départementaux ont attendu les recettes de l’Etat et l’attentisme s’est conjugué avec de nouvelles problématiques comme l’arrivée des MNA (Mineurs Non Accompagnés) ou la crise COVID.  D’autre part, des réformes départementales ont pu déstabiliser ce secteur déjà en crise. Tout cela n’a pas facilité l’attractivité de ce métier malgré d’incontestables avancées salariales, de reconnaissance ou de formation. Et sur ce plan la Loire-Atlantique n’a pas à rougir des efforts fournis.

Penser la protection doit se faire dans son écosystème

La crise de la protection de l’enfance ne s’arrête pas aux portes des conseils départementaux. Elle s’emboîte dans celle de la pédopsychiatrie ou du médico-social qui sont de compétence d’Etat et vouloir traiter en silo les sources de la crise systémique de la protection de l’enfance rend bien souvent caduques les efforts. Les familles d’accueil sont souvent les premières à souffrir de l’absence de prise en charge spécialisée en médico-social ou en pédopsychiatrie d’enfants qui peuvent vivre chez elles 24h sur 24 faute de structures ou d’accompagnements ad hoc.

Des réorganisations à marche forcée : une perte de repères

En Loire-Atlantique, comme dans la majorité des départementaux, l’axe majeur des réorganisations dans le social, conduites ces dernières années, fut la territorialisation et la spécialisation. Avec des équipes spécialisées au territoire, l’accompagnement et le repérage des difficultés allaient éviter les maltraitances aux enfants et d’horribles affaires comme celle de la jeune Laetitia dont l’assistant familial fut condamné pour des abus sexuels sur des enfants confiés. Tout le monde avait espoir que cela ne se reproduirait plus. Si sur le papier il n’y a rien à critiquer à une telle spécialisation, la conduire au pas de charge comme ce fut fait laisse plein d’aspects sur le carreau. Les cultures en réseau, la connaissance fine des situations et les pratiques d’accompagnement s’en sont retrouvées bousculées. Les questions d’articulation et de responsabilité entre les métiers ont contribué à rendre parfois illisibles, pour les familles d’accueil, les missions des professionnels. Bref, bien des années après, les séquelles de cette réorganisation sont encore dans les mémoires et indubitablement n’ont pas rendu attractif un métier pourtant si essentiel !

Une perte de sens qui épuise

En Loire-Atlantique, on s’est progressivement habitué à l’usage d’acronymes : PNE pour les Placements Non Exécutés (l’enfant en danger que la justice a ordonné de retirer de sa famille, mais y restant, dans l’attente qu’une place se libère) et PME pour les Placement Mal Exécutés (l’enfant en danger est retiré de sa famille, mais confié à un lieu non agréé, non formé à la complexité de son accueil). Parfois, les placements à domicile se réalisent non par choix mais par défaut. Les places d’urgence manquent et les « bébés gris », bébés qui manquent de stimulation et qui peuvent souffrir du syndrome d’hospitalisme, restent à l’hôpital par défaut de lieu d’accueil.

Toujours en Loire-Atlantique, comme dans de très nombreux départements, les mesures de décisions judiciaires prises par les juges des enfants pour bénéficier d’une aide éducative à domicile trainent à se mettre en place. Les listes d’attente explosent et les délais d’intervention s’allongent. Les situations, qui auraient dû bénéficier d’un accompagnement, se dégradent dans l’attente de cette intervention éducative.  Là ou une présence régulière aurait parfois suffi, une séparation s’impose, la problématique familiale s’étant profondément altérée. Mais à son tour, le placement ne peut toujours se concrétiser du fait de la carence de places.

Cet état des lieux a de profondes répercutions sur les professionnels de l’ASE et dans leurs rapports avec les usagers. Celles et ceux qui en sont chargé.es en viennent à bricoler, tenant à bout de bras des problématiques délétères face auxquelles ils sont plongés dans l’impuissance. Confrontés à des conditions de travail de plus en plus stressantes, ils s’épuisent, quittent leur poste lorsqu’ils le peuvent. Le nombre de burn-out ne cesse d’augmenter. Ce n’est pas le profil des situations qu’ils ont à gérer qui les décourage et les taraude, mais l’impossibilité récurrente de leur apporter des réponses dignes et respectueuses. A son corps défendant, l’administration départementale confronte les professionnels à des accompagnements approximatifs et aléatoires, parfois à la brutalité des changements continus de placement et quelquefois aux dérives de lieux d’accueils peu sûrs à qui les professionnels n’ont d’autres choix que de confier les enfants.

Des ressources financières trop aléatoires

Et il faut noter l’hypocrisie de certaines décisions nationales comme celle sur l’interdiction des hébergements hôteliers pour les enfants de l’ASE.  Bonne décision sur le principe mais que fait l’Etat pour doter financièrement les départements afin qu’ils créent des places d’accueils dignes ? Il réduit les marges fiscales des départements, ne paie pas la totalité des dotations nécessaires et leurs recettes sont largement dépendantes des droits de mutation. L’action sociale départementale est tributaire des ventes immobilières : beau symbole dans une France qui dans le préambule de sa constitution nomme le social comme une base incontournable de notre démocratie !

Une priorité départementale malmenée par un manque de concertation

La protection de l’enfance est une priorité pour l’exécutif départemental de Loire-Atlantique et ce n’est pas la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) qui viendrait le contester. Le budget de celle-ci a beaucoup progressé depuis le début du mandat. Mais que de retards pris lors des mandats précédents et il serait faux de dire que les données n’étaient pas déjà connues d’une crise qui ne pouvait que devenir abyssale.

La LDH rappelle que les plus vulnérables ne peuvent être une variable d’ajustement des dépenses départementales. Si les départements ne peuvent à eux seuls transformer en profondeur cet écosystème en crise, comme l’ont écrit 24 départementaux demandant des états généraux de la protection de l’enfance en 2024 ; ils se doivent aussi d’assurer une concertation et un travail de fond avec leurs professionnels et les associations. Piloter du haut pour le bas ne peut que conduire à des ressentiments et une crainte de dégringolade.

Alors Mesdames et Messieurs les élu.es, nous vous demandons d’entendre la parole des syndicats, des professionnels et des associations d’usagers et de rechercher avec eux les voix d’une issue qui ne compromette ni vos idéaux ni l’espoir nécessaire dans des métiers si engageants face à ceux qui ont le plus besoin de la solidarité : les enfants de la protection de l’enfance !

La LDH s’opposera à toute décision qui viendrait mettre à mal les avancées acquises ces dernières années. Le soutien entre 21 et 25 ans doit se poursuivre via des contrat jeunes majeurs qui leur garantissent un accompagnement de qualité. Il ne doit pas y avoir d’obligation de formation courte ou de contrat d’alternance, ce serait une discrimination inacceptable. Les jeunes de l’ASE sont des jeunes comme les autres et l’égalité d’accès à la formation ou l’emploi doit être faîte selon leur choix et leur capacité.

Saint-Nazaire, le 26 février 2024

Copie à la presse, associations, syndicats, partis politiques et conseillers départementaux

Communiqué de Presse : Protection de l’enfance

Le 5 juillet 1974, la majorité est abaissée de 21 ans à 18 ans. Les jeunes confiés à l’Aide sociale à l’Enfance (ASE) sont menacés de ne plus être pris en charge au-delà de l’échéance de leur nouvel accès officiel à l’âge adulte.

Le 2 décembre 1975, un décret vient compenser ce biais, en créant le Contrat jeune majeur qui assure la continuité du financement et de l’accompagnement de ce public qui peut donc continuer à être soutenu entre 18 et 21 ans.

En quarante ans, 18 départements ont fait de ce dispositif une variable d’ajustement budgétaire, en décidant de le supprimer.

Le 30 mars  2020, le Conseil Départemental de Loire Atlantique vote le prolongement de l’échéance du Contrat jeune majeur de 21 à 25 ans. Cette politique volontariste est largement saluée en ce qu’elle répond à un vrai besoin. Celui d’inscrire les jeunes de l’ASE dans la continuité de l’action menée auprès d’eux lors de leur minorité et de leur passage à l’âge adulte.

Cette nouvelle procédure répond à la réalité sociologique de la jeunesse française. D’après une étude Eurostat de 2018, les jeunes français de notre pays quittent le foyer parental en moyenne à 23,7 ans. Il est demandé à ceux qui n’ont pas eu la chance de vivre dans leur famille de montrer une capacité d’autonomie, de responsabilité et de maturité qu’aucun de leurs pairs n’a à assumer à leur âge.

Le 2 février 2024 : les associations assurant par délégation de service public, la mission d’accompagnement de ce contrat jeune majeur reçoivent du Conseil Départemental de Loire Atlantique la consigne de ne plus signer de contrat au-delà de 21 ans. Cette régression ne peut que porter atteinte à un public particulièrement vulnérable.

Si bien des enfants confiés à l’ASE réussissent avec succès leur parcours adulte, le poids des traumatismes vécus dans leur enfance pèse lourdement sur la vie de beaucoup d’autres. Plus que tout autre jeune, l’accompagnement dont ils ont bénéficié jusque-là leur est nécessaire. Les 40 % de SDF de moins de 25 ans qui ont connu l’ASE en témoignent ! Sans autre soutien ni relai de solidarité, c’est la rue qui les attend.

Les associations mettant en œuvre la politique de protection de l’enfance vivent depuis quelques années une dérive budgétaire leur imposant d’avoir à faire toujours plus avec moins de dotations attribuées par le Conseil Départemental. Un peu partout en France, les moyens se réduisent, démultipliant les risques encourus par celles et ceux qui sont de moins en moins protégés et de plus en plus mis en danger.

Si le suicide de Lily, 15 ans, le 25 janvier dernier, est terrifiant, alors qu’elle était placée dans un hôtelprès de Clermont-Ferrand par les services de la protection de l’enfance, combien vont suivre ?

Des économies sont nécessaires, explique le Conseil Départemental de Loire Atlantique ? Qu’il commence par renoncer à l’avenir à financer les cabinets de conseil qu’il n’a cessé d’employer par le passé pour définir sa politique ! Qu’il mette un terme à l’inflation de l’encadrement hiérarchique pléthorique qui n’a cessé de se démultiplier depuis vingt ans ! Qu’il réduise les dimensions d’une techno structure toujours plus envahissante et encombrante. Mais, que les plus vulnérables soient les derniers concernés par les calculs de modération et de sobriété contraints par l’effondrement des transactions immobilières et conséquemment la forte baisse des droits de mutation.

La section LDH de St Nazaire Estuaire Presqu’île se joint à la protestation du secteur associatif de la protection de l’enfance et demande aux élus départementaux de maintenir la prolongation du contrat jeune majeur jusqu’à 25 ans.

Saint-Nazaire, le 14 février 2024

Edito : N’oublions pas la vie quotidienne de nos concitoyens dans les combats à venir

Le fil de l’actualité est bien souvent anxiogène : crise de l’énergie, inflation, violences urbaines, méga incendies, dérèglement climatique, crise de l’hôpital, crise politique et démocratique. Et pourtant, c’est l’essence même de la LDH que de donner des gages d’espoir, de fabriquer du commun, de contenir les thèses populistes et la haine ambiante qui se diffusent au sein de l’hémicycle parlementaire et dans les médias.

C’est aussi par notre capacité à rassembler au-delà nos partenaires habituels que nous contiendrons la régression démocratique actuelle.

Mais n’oublions pas les questions de vie quotidienne de nos concitoyens. Un collectif transpartisan de chercheurs vient de publier un rapport de 160 pages sur l’état des services publics. Ces derniers sont un rempart contre la fragmentation sociale, les inégalités économiques, le libéralisme dérégulé et les inégalités territoriales.

La marchandisation des services publics a conduit, comme nous le savons, à un effondrement de notre hôpital public. Le new public management a aggravé la dégradation des services publics et entretenu l’obésité des bureaucraties des directions générales et des directions ministérielles.

Les réalités de terrain sont niées au profit des tableurs Excel. Les conditions de travail dans les différents services publics se sont largement dégradées. Pourtant, les dépenses publiques sont de 58 % du PIB en 2022 contre moins de 50 % au début des années 80. Le nombre des agents publics est passé de 4,8 millions à 5,4 millions en 20 ans. Les besoins de nos concitoyens ne sont plus les mêmes que dans les années 60. Par exemple, dans le domaine éducatif, les enfants en situation de handicap y sont inclus depuis 2005. L’éducation nationale n’arrive pas à faire face à l’accompagnement de ces enfants handicapés et à la professionnalisation nécessaire de leurs accompagnants. Malgré des textes et circulaires, des inégalités profondes au sein des établissements de l’éducation nationale persistent du fait d’une non-mixité sociale.

Si la lutte contre les trafics de drogue ou l’immigration irrégulière bénéficie de moyens en hausse, les tribunaux sont bien à la peine concernant les litiges familiaux et malgré des nouveaux textes législatifs de lutte contre les violences familiales, le nombre de féminicides ne diminue pas.

Il faut noter que les gouvernants successifs et encore plus depuis 2017 utilisent de plus en plus les forces de police pour le maintien de l’ordre au détriment de la police du quotidien ou de la police judiciaire.

Notons aussi qu’un service public aussi essentiel que la protection de l’enfance est en crise depuis de nombreuses années. L’augmentation des suivis est certes liée à un meilleur repérage des situations mais le manque de moyen et un pilotage complexe conduisent à une embolisation des dispositifs.

La bureaucratie a sclérosé l’innovation, la réactivité et l’adaptabilité. Le langage technocratique, la profusion des textes réglementaires, la segmentation des publics visés, la production prolifique de protocoles et de règles administratives retardent le traitement des problématiques des usagers.

Dans les hôpitaux, une des réformes essentielles n’est toujours pas mise en œuvre, celle de l’inversion du pouvoir décisionnel entre le corps médical et les gestionnaires.

Nos concitoyens, dans certaines régions, sont en peine pour trouver des services publics et doivent se débrouiller seuls face aux questions de vieillissement ou de déserts médicaux. Tout cela se traduit par une augmentation du vote extrémiste et principalement du vote RN.

Pour préserver les droits fondamentaux tels que le logement pour tous, l’égalité dans l’enseignement, la lutte contre les discriminations, la LDH doit renforcer sa présence auprès des usagers esseulés et des agents des services publics.

La LDH doit pouvoir être une force de rassemblement pour mener des actions locales sur la question de la dégradation des services publics et de la réponse aux droits fondamentaux.

Sur St Nazaire, nous sommes particulièrement sensibles aux questions portant sur le logement, l’hébergement d’urgence, la justice du quotidien et la lutte contre les discriminations. Dernièrement, nous avons fait connaître notre préoccupation face au manque de moyens du tribunal judiciaire de St Nazaire.

Nous n’hésiterons pas à alerter et soutenir les initiatives face aux dégradations des services publics qui conduisent à créer des inégalités gravissimes propices à un vote populiste aux prochaines élections présidentielles.

Lutter contre l’extrême droite, c’est certes lutter contre l’idéologie raciste et xénophobe, mais c’est aussi mener un combat pour améliorer le quotidien de nos concitoyens et principalement de ceux qui ont encore plus besoin que les autres de services publics de qualité.

Jean-Luc Boero, président de la section,

Le 16 septembre 2023

CP : Non à la fermeture même provisoire du SHAdo

La section LDH est particulièrement inquiète à l’annonce de la fermeture du SHAdo, structure de soin et d’hospitalisation en pédopsychiatrie sur l’ouest du département.

Par-delà le message envoyé sur l’approche de la santé pour les mineurs, il y a des risques graves non seulement pour ces enfants mais aussi pour l’ensemble de la chaîne médicale et pour la sécurité publique dans un département déjà sous-équipé en structures de soins psychiatriques pour les enfants. Et n’oublions pas les familles et les services de protection de l’enfance qui devront faire avec cette fermeture du SHAdo.

Certes, le recrutement de personnels médicaux et particulièrement de médecins psychiatres est devenu un vrai challenge, mais la fermeture d’une structure va au-delà. C’est un savoir-faire, une cohésion d‘équipe, des pratiques collectives qui s’amoindrissent. Bref, c’est une très mauvaise réponse à un vrai problème car cela ne fait que renforcer le manque d’attractivité du secteur de la psychiatrie.

Fermer le SHAdo aura également des impacts forts sur les autres services psychiatriques qui devront accueillir des mineurs, parfois âgés de moins de 15 ans, avec les nécessités spécifiques dues à ces âges et aux profils des autres patients. Ces enfants sont trop souvent hospitalisés en chambre d’isolement. La défenseure des droits a alerté sur ce type de pratiques contraires aux droits humains et qui accroit les tensions éthiques des soignants qui n’ont pas d’autre choix.

Un risque de moindre qualité de soin et d’accompagnement par défaut d’une prise en charge adaptée peut entraîner une administration plus conséquente de psychotropes, d’anxiolytiques, sources potentielles de possibles addictions chez des jeunes. La consommation d’antidépresseurs pour les adolescents ne cesse d’augmenter. Toutes les autorités médicales tirent la sonnette d’alarme !

Les services de pédiatrie seront aussi fortement touchés par la prise en charge de jeunes qui relèvent d’une prise en charge en pédopsychiatrie avec des risques pour la sécurité de tous les jeunes patients.

Par cette fermeture dite provisoire d’un jeune service d’hospitalisation, ouvert en janvier 2021, c’est  le public le plus fragilisé par l’existence qui va en pâtir. Les enfants accueillis dans les services de protection de l’enfance ont des besoins en hospitalisation psychiatrique plus importants que le reste des jeunes.

Enfin, tous les rapports, les études le démontrent : depuis la crise COVID, les besoins en soins psychiatriques des enfants et adolescents ne font que de croitre.

Nous ne pouvons accepter ce choix. La direction de l’hôpital de St Nazaire et à l’ARS doivent pouvoir trouver d’autres alternatives avec les soignants et les organisations syndicales. Des moyens financiers exceptionnels sont nécessaires pour redonner de l’attractivité à la psychiatrie publique !

La section LDH soutient les familles, les soignants  et appelle à signer la pétition.

https://www.change.org/p/non-%C3%A0-la-fermeture-du-service-d-hospitalison-ado-de-saint-nazaire-shado

La section de Saint-Nazaire Estuaire Presqu’île, le 27 avril 2023

Lettre commune MHS

Pas d’expulsion sans relogement et ouverture de négociations pour pérenniser des expériences innovantes et solidaires d’hébergement !

Le jugement d’expulsion des Maisons d’Hébergement Solidaire (MHS) du 107-109 boulevard Jean de Neyman deviendra très rapidement une réalité.
Le relogement des 18 personnes, dont 5 enfants, encore hébergées est une absolue nécessité. Ce relogement doit prendre en compte les besoins et la réalité familiale, sociale, professionnelle et de santé des hebergé.e.s .
Nous ne pourrons nous satisfaire d’un éventuel relogement uniquement de quelques personnes !

Entre février 2021 et août 2022, ces MHS ont permis l’accueil et la mise à l’abri de 123 personnes, hommes, femmes, enfants avec parfois des animaux. Les bénévoles de l’association « Les ami.e.s du collectif urgence sociale » avec l’appui d’associations et d’acteurs du domaine social ont mis en place un accompagnement social multidimensionnel qui a permis à
certain.e.s de trouver un logement, un emploi, une formation, d’ouvrir des droits et de réaliser des démarches de soin.

Les missions d’hébergement d’urgence et de mise à l’abri de la responsabilité de l’Etat sont gravement défaillantes. L’accompagnement social relevant des collectivités territoriales (Ville et Département) est aussi insuffisant.
Cette situation démontre que le projet des MHS est bien fondé et indispensable.
Les pouvoirs publics doivent accepter d’ouvrir des négociations pour légaliser la mise à disposition aux associations de bâtiments d’habitation sans usage et dont ils sont propriétaires pour créer des tiers-lieux d’hébergement.

Nous demandons aux pouvoirs publics :

  • De proposer à l’ensemble des 18 personnes hébergées actuellement aux MHS des solutions pérennes d’hébergement à Saint-Nazaire, là où ils et elles ont des attaches et une vie sociale, avant qu’une expulsion ait lieu.
  • De rencontrer sans délai les organisations signataires de cet appel pour aboutir rapidement à une existence légale de tiers-lieux qui pallient les insuffisances et les manquements des pouvoirs publics.

Le Jeudi 8 Septembre 2022, à Saint-Nazaire

Signataires :
Les ami.e.s du Collectif Urgence Sociale, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Association Solidarités
Créations (ASC), le Secours Catholique, le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples
(MRAP), l’Union Contre l’immigration jetable (UCIJ), le Collectif de Soutien aux Personnes Sans Papiers
(CSPSP), Réveillons la solidarité (RLS), le Droit Au Logement Nantes/Saint-Nazaire (DAL), Amnesty
International, Planning Familial 44, Union Syndicale Solidaires, Femmes Solidaires Saint-Nazaire, Comité
départemental Femmes Solidaires, CGT, FSU, ATTAC, Parti Communiste Français, Europe Écologie Les
Verts (EELV), La France Insoumise / Union Populaire (LFI), Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Lutte
Ouvrière, (LO) Fédération des Conseils de Parents d’Élèves (FCPE), Les Ami.e.s de May, Groupes des
élu.e.s de l’opposition Ensemble, Solidaires et Écologistes, Guerrières de l’Ouest, Collectif des brévinois
attentifs et solidaires, Choisir la Cause des Femmes, Émancipation Tendance Intersyndicale.

Lettre ouverte MHS

Saint-Nazaire, le 7 septembre 2022

Lettre ouverte sur le sans –abrisme à St Nazaire

Le lundi 29 août, un huissier se présentait au 107-109 boulevard Jean de Neyman à Saint Nazaire pour signifier le jugement d’expulsion pris le 8 juin, aboutissement du conflit qui oppose depuis 18 mois la municipalité aux Maisons d’Hébergement solidaires (MHS). Les associations, le collectif Urgence sociale – Plus jamais sans toi(t), les citoyens qui n’ont cessé  de soutenir cette action innovante ne peuvent accepter que l’illégalité soit uniquement du côté des plus faibles. Combien y-a-t-il de marchands de sommeil sur Saint Nazaire ? Devrions-nous oublier le dramatique incendie rue de Pornichet en novembre dernier qui a fait deux morts ? Pourquoi le droit constitutionnel à un toit n’est-il pas respecté en France ?

L’hébergement d’urgence est saturé. Dans la loi de finance 2022, il a été décidé la suppression progressive de 10 000 places d’hébergement d’urgence. Les associations gérant des Centres d’hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) sont mises sous tension par un cadre budgétaire fermé. L’accompagnement social  ne pourra qu’en souffrir.

La production de logements très sociaux est insuffisante et les dispositions budgétaires pour soutenir le logement social sont en réduction. Il en va de l’avenir de la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui impacte fortement les bailleurs sociaux et obère leurs capacités de production et d’investissement. Bref la politique nationale du logement est défaillante. Et ce n’est pas l’augmentation du coût des matières premières et du peu de foncier disponible qui va permettre d’investir.

 Certes sur Saint Nazaire, nous avons une politique de construction de logements sociaux volontariste et soutenue par la municipalité. Mais les nuages sont présents et il ne faudrait pas les minimiser !

Et puis tous les acteurs de l’accompagnement social savent bien que la mise en logement ne peut pas se faire sans, pour certaines personnes, un accompagnement préalable dans un dispositif d’hébergement.

Face à un tel tableau, nous sommes  admiratifs du travail réalisé par les bénévoles des MHS qui ont remis en état les pièces à vivre des maisons réquisitionnées du boulevard Jean de Neyman. Entre février 2021 et le 08 aout 2022 ,123 personnes auront bénéficié de 550 nuitées en hébergement d’urgence (une nuit renouvelable) et de 6500 nuitées en hébergement stabilisé (un mois renouvelable) ; 80% des personnes hébergées ont été orientées par des institutions dont le 115 ! Et parfois les services sociaux municipaux ou départementaux.

 Dans cette expérimentation, l’accueil est inconditionnel. C’est un principe qui est très difficile à faire vivre et ils l’ont réussi. Cette réussite provient de leur forte implication, d’une cogestion avec les bénéficiaires, d’une sincérité des relations interhumaines et d’un travail en réseau conséquent : allant du secours catholiques en passant par l’ASC ou Oppelia. Le soutien du mouvement associatif nazairien a été réel tout au long des 18 derniers mois. La mobilisation citoyenne a été très forte dès le début de l’ouverture des MHS. Et se poursuit encore aujourd’hui.

La richesse et la diversité des actions conduites par les MHS est aussi à saluer : stand avec vente tous les dimanches sur le marché de St Nazaire et ce pour mobiliser et obtenir des fonds solidaires, soutien scolaire, jardinage, soirées musicales, participation active aux assises locales de solidarités avec les migrants, et très fort accompagnement social  individuel, etc…

Le fonctionnement aussi est remarquable avec des usages et règles discutés et approuvés par les membres du collectif et les bénéficiaires, ce qui a  permis de rendre bien vivant la notion de co construction des règles du vivre ensemble et leur intégration par les bénéficiaires. C’est probablement un des aspects qui a permis la réussite de ce lieu autogéré uniquement par des bénévoles et des usagers.

Les MHS ont démontré leur utilité sociale, elles n’ont  rien coûté aux contribuables. Les maisons occupées  étaient inhabitées depuis dix ans pour une maison et quatre ans pour l’autre et il n’y a pas de projet immobilier immédiat dans cette partie de la ville. Leur réquisition fut bien faîte sur un principe d’utilisation non-dommageable pour des particuliers ou la collectivité.

Bref, réduire le collectif Urgence sociale – Plus jamais sans toi(t), à un ramassis de dangereux squatteurs est une vue de l’esprit qui ne correspond en rien à la réalité !

Aujourd’hui, en France, 1600 enfants dorment dans la rue  soit 80 % d’enfants sans abri en plus depuis six mois. (Chiffre fondation Abbé Pierre). A Toulouse, une centaine de Mineurs Non Accompagnés (MNA) auparavant hébergés par le CCAS ont été remis à la rue ; à Lille trois évacuations de bidonvilles ont jeté dans l’errance des centaines de familles.  Toujours selon la fondation Abbé Pierre, les expulsions locatives, dès cet été, ont retrouvé leur niveau d’avant Covid.

Saint Nazaire est une ville  fière de sa politique sociale qui s’est toujours souciée des plus vulnérables. Il ne faudrait pas que pour un blocage dont nous pouvons par ailleurs comprendre certaines composantes, nous en soyons à une telle impasse.

Des villes comme Marseille ou Rennes ont signé  des baux précaires avec des associations gérant des lieux d’accueil pour personnes sans-domicile. Les questions autour des règles de sécurité d’un établissement recevant du public (ERP) doivent pouvoir trouver des solutions faciles grâce à l’hébergement diffus voir des mises aux normes pas forcement couteuses.

Comme nous l’avons écrit le 1er septembre à l’élue en charge des solidarités, il est largement temps d’ouvrir des négociations avec le collectif Urgence sociale – Plus jamais sans toi(t), les associations et les personnes hébergées. Et sur ce point, nous rappelons que le collectif a toujours souhaité avoir un dialogue constructif avec la mairie. Une demande de bail précaire lui a été adressée qui aurait pu courir jusqu’à un autre usage de ces maisons. La mairie demanda une identité juridique, ce fut fait. Pour montrer l’intérêt et l’utilité d’une telle initiative solidaire et citoyenne, un rapport d’activité fut envoyé. La mairie trouva que les éléments de construction technique du projet étaient insuffisants. Nous en prenons acte mais n’y-a- t-il pas des services supports à la mairie qui auraient pu aider à la formalisation administrative de l’expérimentation en cours ?

Autre point soulevé par la mairie : celui des champs de compétence. L’hébergement d’urgence est de la compétence de l’Etat.

 La municipalité n’est pas seule à rappeler à l’Etat ses obligations !  La LDH fait partie du collectif des  associations unies qui regroupe 39 associations agissant dans le champ de l’hébergement d’urgence et du logement très social. Nous interpellons très régulièrement les gouvernements !

 Et au-delà, le sans-abrisme concerne la vie dans la cité et touche tous les services publics : le CCAS dépendant de la commune pour la domiciliation et des aides financières ; les aides enfance/famille relevant du Conseil départemental ; les institutions et services de santé, tout comme la justice, etc. dépendant de l’État … Bref c’est un sujet aux compétences intriquées. Le Code de L’action sociale et des familles(CASF) n’empêche aucunement les communes qui ont un large champ de compétence en matière sociale d’élargir leurs actions au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Nous savons que la mairie a demandé au sous-préfet qu’il n’y ait pas d’expulsion sans relogement, soit.  Cela concerne 18 personnes dont 5 enfants. Mais dans l’avenir qu’en sera-t-il du sans-abrisme dans notre cité ?

Toutes les parties prenantes concernées par le sans-abrisme, dans un contexte tendu en matière de logement et d’hébergement d’urgence, doivent pouvoir trouver des points de convergence pour que l’action des MHS se poursuive en quelque lieu que ce soit.

Pour la section de Saint-Nazaire,

Jean-Luc Boero, Président

BILLET • Pour une politique de protection de l’enfance qui sorte des incantations !

Par Jean-Luc Boero, Cadre ASE et président de la section Ligue des Droits de l’Homme de St Nazaire.


Le 20 avril dernier, lors du débat qui l’opposait à Marine Le Pen à quatre jours de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a déclaré que la protection de l’enfance sera au cœur des cinq années à venir. Le journal « Le Monde » en date du 12 mai s’est fait l’écho du manque de moyens. Le nombre de mesures non-exercées est parfois de plusieurs centaines dans certains départements, que ce soient des mesures de placements ou des mesures en milieu ouvert. Les juges des enfants et les professionnels en charge d’évaluer et de préconiser des mesures d’assistance éducative ou d’aide éducative administrative sont effarés par l’augmentation des délais moyens de prise en charge. On dépasse souvent les six mois. Les enfants sont évidemment les premières victimes de notre incapacité à les protéger. Mais les familles sont aussi celles qui sont confrontées à un système où les décisions les plus lourdes, celles qui conduisent à écarter un enfant de son milieu familial, ne prennent pas sens alors que dans nombre de situations, les parents sont débordés, fatigués et éprouvés par les troubles du comportement des enfants. Les maltraitances perdurent, s’amplifient et alourdissent les troubles et pathologies. La crise est profonde, la défiance à l’égard d’un dispositif souvent décrié par ces dysfonctionnements hyper médiatisés, son opacité, ses règles de fonctionnement complexes, sa répartition entre acteurs institutionnels pas toujours coordonnés, sa gouvernance complexe et très éloignée des préoccupations des professionnels et des usagers, affronte aujourd’hui une autre crise : celle du recrutement. Les politiques sociales sont devenues très bureaucratiques, cloisonnées et se sont rigidifiées. Il faut faire avec un dispositif si peu porteur, qui ne permet pas d’accompagner dans la durée et au rythme des familles. La créativité, la souplesse et les initiatives sont de plus en plus réduites. Le fonctionnement en silo, les missions qui se cloisonnent et se spécialisent à tout va ne sont plus en phase avec les besoins du travail social. Le désenchantement est terrible et avec des salaires dérisoires, vous combinez une crise majeure de sens et d’attractivité. Cette réalité douloureuse ne cesse de s’accroitre malgré les efforts conduits par des départements volontaires mais souvent confrontés à des finances exsangues. Si la loi Taquet apporte quelques satisfactions de principe, il n’en reste pas moins vrai que du texte à la réalité, la situation continue de se dégrader. Et rien ne nous permet d’envisager la fin des accueils hôteliers ou en gîte rapidement. D’ailleurs dans certains départements, ce type d’accueil ne cesse de progresser. En Loire Atlantique, par exemple, nous avons perdu plusieurs centaines de places d’accueil chez les assistants familiaux ces 10 dernières années. Et nous augmentons sans cesse le nombre d’enfants accueillis en gîte. La fonction et les contraintes du métier d’assistant familial sont très éprouvantes. Comment réussir à vivre harmonieusement en famille face à un ou plusieurs enfants en très grandes difficultés avec, pour un nombre non négligeable d’entre eux, des troubles majeurs du comportement et souvent des troubles psychiques. Les accueils familiaux doivent se faire selon une triple dimension : sociale, thérapeutique et éducative. Les équipes d’accompagnement doivent être représentatives de ces trois axes. Il faut que les professionnels ne soient pas confrontés à un sous-effectif chronique, à une surcharge de travail et une incapacité chronique à pouvoir répondre aux multiples crises et épreuves que traversent les familles d’accueil. Il est important aussi de rappeler qu’il ne peut y avoir une politique d’accueil familial sans une politique articulée et complémentaire avec le secteur médico-social et le secteur thérapeutique. Il faut aussi permettre l’accueil de jour des enfants déscolarisés et la prise en compte du besoin de souffler des familles d’accueil. L’ensemble de ceux qui travaillent dans ce secteur doivent bénéficier de supervisions et d’analyse de la pratique. La création de places en nombre pour pouvoir accueillir dignement les enfants qui nous sont confiés par les familles dans le cadre de la protection administrative ou sur décision des juges des enfants doit donner lieu à une vraie impulsion nationale. Le gouvernement doit favoriser les investissements en la matière. Il doit injecter les moyens financiers auprès des départements qui manquent de places d’accueil. Il doit permettre des créations diversifiées et faciliter les implantations territoriales de maisons d’enfants et de lieux de vie et d’accueil. Il ne pourra y avoir prise en compte de la réalité rencontrée sans un panel diversifié de modes d’accueil. Les départements avec l’aide conséquente de l’Etat doivent œuvrer en ce sens et accroitre leur complémentarité qui s’est raréfiée ces dernières années en raison du manque de places. Un effort sensible doit aussi exister pour le maintien des fratries en cas de placement. Construisons massivement des villages d’enfants. Il est encore trop difficile de maintenir ensemble les enfants d’une même fratrie. Certes parfois la séparation est nécessaire en raison des souffrances massives et des places occupées dans les familles pathogènes. Un tel effort doit aussi se faire pour les mesures en milieu ouvert et pour la prévention éducative. Ce nouveau dessein de la protection de l’enfance doit aussi prendre en compte l’expertise des professionnels et le pouvoir d’agir des familles. Tout enfant doit trouver une solution, toute décision prise par un juge des enfants ou par une autorité administrative doit se mettre en place dès que possible, toute information préoccupante doit donner lieu à une évaluation dans un délai de trois mois maximum, tel que prévu par la loi. Toute mesure en milieu ouvert administrative ou judiciaire doit s’appliquer rapidement. Il ne s’agit pas de réduire la crise actuelle à un effet de la crise sanitaire. La dégradation est bien antérieure à cette pandémie, même si celle-ci est venue l’accroître. Dans bon nombre de départements, la crise existait bien avant mars 2020. Elle est apparue progressivement depuis que les politiques sociales ont été déterminées par l’orthodoxie budgétaire. Il n’y a plus d’adéquation entre les besoins et les moyens mis à disposition. Nous sommes confrontés à la même crise que la crise de l’hôpital public : activité à l’acte, primat de l’approche budgétaire, manque d’investissements, manque de personnel, fonctionnement en silo, mauvaise répartition territoriale, salaire dérisoire, gouvernance opaque et pouvoir exclusif aux technocrates, déconstruction des cultures-métiers et accroissement sensible des besoins, comme ce fut le cas avec les mineurs non-accompagnés. L’empilement de lois devenues de plus en plus inappliquées vient bien mettre en avant que réformer la protection de l’enfance ne devra pas se traduire dans les cinq années à venir par une nouvelle inflation de textes, de lois, de décrets, si ces obligations légales ne viennent pas donner du sens à un secteur sinistré et si les moyens financiers ne sont pas massifs et globaux. Faudra-t-il aller vers un texte qui rende opposable la protection de l’enfance ? C’est à se le demander. Ainsi, j’ai envie de dire à M. Macron, « chiche, nous vous attendons pour sortir de cette situation et enfin redonner espoir aux professionnels, aux enfants et aux familles. »

https://www.lien-social.com/%E2%96%BA-BILLET-o-Pour-une-politique-de-protection-de-l-enfance-qui-sorte-des-incantations

Jean-Luc Boero, le 10 juin 2022

Edito : Droits de l’Homme et scène internationale

Ces dernières semaines, l’actualité internationale nous a ramenés au conflit israélo-palestinien. La LDH s’est exprimée à plusieurs reprises et nous avons largement incité nos adhérents à venir aux manifestations en soutien au peuple palestinien pris en otage entre une politique du Hamas visant à faire des Gazaouis un peuple vivant sous une mainmise musulmane de plus en plus radicale et un gouvernement israélien où NETANYAHOU cherche des alliances chez des extrémistes religieux pour former une majorité gouvernementale. Sur fond d’une politique colonialiste d’un refus de deux Etats viables et d’un côté d’une logique de terreur et de l’autre d’une supériorité militaire écrasante, la frustration, la colère et l’humiliation vont probablement durer encore des années et des années tant que la communauté internationale n’aura pas reconnu les Palestiniens dans leurs droits essentiels, que ceux-ci soient des droits économiques, sociaux, culturels et bien évidemment leur droit à un Etat souverain. Nous pouvons constater qu’en France, produire une parole critique sur la colonisation sioniste et extrémiste revient pour certains à tenir une position antisémite. Une fois de plus, les défenseurs des droits de l’Homme doivent se méfier de toutes celles et ceux qui veulent instrumentaliser ce conflit pour parfaire une hégémonie religieuse sur fond de frustration sociale et territoriale, ou d’exploitation des ignobles délits et crimes antisémites.

En Loire Atlantique, à l’approche des élections départementales, les personnels de l’Aide Sociale à l’Enfance ont fait grève pour dénoncer le manque de moyens pour protéger les enfants et des conditions de travail de plus en plus dégradées qui conduisent à une perte de sens et à une rotation du personnel inquiétante. Notre section et celle de Nantes se sont associées dans la signature d’une lettre commune adressée aux différents partis hors RN, candidats à ces élections départementales. Nous demandons qu’un plan de création de places en maison d’enfants, en familles d’accueil, en lieux de vie, soit conduit ainsi que des moyens renforcés pour pouvoir exercer toutes les mesures d’aide éducative en milieu ouvert. Souhaitons que la protection de l’enfance soit l’enjeu d’un nouvel élan pour le prochain exécutif départemental.

Notre section défendra toujours les conditions d’un accueil digne et d’une intégration sociale et citoyenne des exilé.e.s avec ou sans papiers. C’est pour cela que nous demandons l’abrogation du règlement de Dublin et la défense d’un droit d’asile large et non discriminant. Nous voulons une harmonisation du droit d’asile par le haut. Nous voulons promouvoir le sauvetage et la mise à l’abri inconditionnel des exilé.e.s en danger. Nous souhaitons que le pacte mondial pour des migrations sûres soit mis en place et nous demandons la ratification de la convention internationale des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Nous voulons aussi assurer la protection, l’éducation des mineurs non accompagnés et des jeunes majeurs.

La lutte contre le racisme et la xénophobie et la dénonciation d’un enjeu migratoire largement diabolisé pour restreindre les droits des étrangers et des exilés restera au centre de notre combat. Pour autant, notre section ne confond pas droits des exilés avec droits et installation inconditionnelle et suppression de toute procédure visant à accueillir dignement. Une politique migratoire doit offrir des possibilités réelles de protection, de sauvegarde d’éducation, de formation et d’intégration. Aujourd’hui, faire des migrations un combat qui, au nom d’une inconditionnalité ne permettrait pas une lecture dépassionnée mais réelle de ce qu’engendrent les migrations en termes humain, socioculturel, économique, religieux et spatial, c’est nuire à l’intérêt des migrants et bien évidemment c’est jeter de l’huile sur le feu et donner encore plus de gages à celles et ceux, fort nombreux, qui veulent restreindre les politiques migratoires et qui bien souvent reprennent les thèses de l’extrême-droite.

Jean-Luc BOERO, Président de la section

Le 24 mai 2021

Communiqué de Presse : Enfance en danger : un satisfecit gouvernemental qui masque une situation bien plus complexe et inquiétante

Dans un communiqué de presse paru le 22 avril dernier, le secrétaire d’Etat à la protection de l’Enfance atteste de l’efficacité de la campagne de sensibilisation du gouvernement à destination du grand public puisque sur la semaine du 13 au 19 avril, il y a eu une augmentation de 89,35 % des appels au 119.

Cette satisfaction gouvernementale confirme que le confinement aggrave la situation des femmes et des enfants vivant sous la coupe de conjoint ou proche violent et ne pouvant plus bénéficier de respiration sociale tels que le travail, l’école, les loisirs.

Pour autant, malgré des instructions transmises aux forces de l’ordre dès le 26 mars pour une intervention rapide pour les faits de violences intrafamiliales, il n’en reste pas moins vrai qu’une partie de la chaîne de traitement des informations préoccupantes a manqué de moyens à la hauteur des enjeux.

Le Service National d’Accueil Téléphonique pour l’Enfance en Danger (SNATED) a bénéficié d’un renforcement de ses moyens mais la plupart des départements, pourtant en première ligne dans le traitement des informations préoccupantes, n’a pas bénéficié d’une telle politique. Evidemment, le gouvernement pourra toujours dire que la responsabilité incombe aux Conseils Départementaux. Il faut rappeler que les services sociaux départementaux fonctionnent majoritairement en distanciel durant cette pandémie.

Dans cette période qui pouvait laisser craindre une augmentation des violences intrafamiliales, les équipes d’évaluation ont souvent reçu des consignes vagues, n’ont eu ni formation à l’évaluation par téléphone ni eu une augmentation de leurs moyens.  

Des départements ont priorisé des tranches d’âge (par exemple les 0-3 ans) et demandé à leurs agents de s’enquérir de l’état de santé de la famille avant d’effectuer des visites à domicile. Face à l’impossibilité de faire un travail de fond, cela s’est souvent traduit par des évaluations brèves et souvent sans possibilité d’accompagner les familles vers un mieux-être.

Depuis 15 jours, les Cellules de Recueil d’Informations Préoccupantes (CRIP) de certains départements ont eu une baisse sensible du nombre d’informations. Cela était prévisible car une fois les situations les plus bruyantes détectées par les voisins ou celles pour lesquelles les mineurs pouvaient s’emparer du 119, la grande majorité des situations s’est retrouvée enfermée dans le silence du huis clos familial.

Nos cabinets ministériels, nos experts et nos politiques auraient pu envisager cette situation. Croire que sans services sociaux de proximité ouverts, sans école, sans centres de loisirs pouvant aussi repérer les situations et ne faire appel qu’à une campagne de sensibilisation au 119 protègerait les enfants est une navrante simplification de la réalité.

Ne tombons pas dans le leurre du gouvernement ni dans la croyance que le travail social à distance peut produire des réponses adaptées aux situations. Dans une situation de confinement, les plus fragiles d’entre nous sont bien souvent des invisibles et continueront à vivre l’invisibilité tant qu’aucun regard professionnel ne pourra détecter leur souffrance.

Saint-Nazaire, le 04 mai 2020