Catégorie : Logement

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Le retour de l’ordre moral

Par Ingrid Merckx30 janvier 2014

Les manifestants réunis à Paris ce 26 janvier sont absolument contre : les gays, l’avortement, l’euthanasie, les étrangers, les juifs, l’art qu’ils jugent « dégénéré » et, surtout, les socialistes au pouvoir.

Hollande « l’anti-France ». On entendrait presque « l’antéchrist » dans cette fronde « anti-gouvernement-Hollande » lancée par ce que le pays fédère aujourd’hui de plus conservateur et réactionnaire, voire fascisant, sous la bannière « Jour de colère ». Les manifestants réunis à Paris ce 26 janvier sont absolument contre : les gays, l’avortement, l’euthanasie, les étrangers, les juifs, l’art qu’ils jugent « dégénéré » et, surtout, les socialistes au pouvoir. Lesquels en deviendraient presque héroïques d’oser défendre encore l’égalité des droits avec le mariage pour tous – décidément le catalyseur – et l’extension du droit à l’avortement avec la loi sur l’égalité femmes-hommes en discussion à l’Assemblée. Bientôt le congé parental partagé avec les pères ? L’euthanasie ? Ce qui réveille les partisans de l’ordre moral aujourd’hui, c’est la hantise de ce qu’ils nomment un changement de civilisation, dont la famille serait la première victime. Fini le « bon père de famille », « l’enfant à naître », « un père + une mère »  ! Derrière la défense d’un modèle canonique et hétérosexuel s’exprime la nostalgie d’un ordre patriarcal tel que l’a rêvé l’Action française. D’où un slogan ressorti des greniers moisis : « Travail, famille, patrie ». Mais pas seulement par des anciens : ce sont des jeunes catholiques qui ont adressé une « supplique au pape » pour lui faire part de leur « malaise ». Ce sont des jeunes mères « féminines », et surtout pas féministes, qui militent ici pour un retour à la « nature profonde de la femme ». Mais ce sont aussi 85 % de citoyens qui sentiraient la France décliner. De quoi faire les choux gras du FN ou d’organes comme Valeurs actuelles. Au-delà du cri du petit Blanc effrayé par le changement, c’est tout un climat qui transpire, jusque sur les bancs de la gauche gouvernementale, qui ne se montre pas toujours téméraire – comme en témoigne l’abandon de la PMA ou de la gestation pour autrui. Il faudrait pourtant passer à la contre-offensive. Mais une société ne se soigne pas sans politique sociale.

Roms: le plan du gouvernement pour en finir avec les bidonvilles

 Mediapart.fr

31 janvier 2014 | Par Carine Fouteau

 Le gouvernement finalise un plan national d’hébergement des personnes vivant en bidonville. Cécile Duflot a prévu d’en évoquer les grandes lignes ce vendredi. Mediapart en dévoile les détails.

En finir avec les bidonvilles, de la même manière que la France des années 1960-70 s’est donné les moyens de résorber – partiellement tout du moins – l’habitat indigne. Tel est l’objectif ambitieux que se fixe le gouvernement de Jean-Marc Ayrault à travers la mise en place d’un plan national qui vise, sans le dire, principalement ces Européens démunis, issus le plus souvent de la minorité rom, installés dans des cabanons de fortune le long du périphérique, à proximité des axes routiers ou sur des friches industrielles.

À Villebon-sur-Yvette, dans un campement installé dans une usine désaffectée, en septembre 2013. (CF)
À Villebon-sur-Yvette, dans un campement installé dans une usine désaffectée, en septembre 2013. (CF)

À l’occasion de la présentation du rapport annuel sur l’état du mal-logement organisé par la fondation Abbé-Pierre, ce vendredi 31 janvier, au Palais des expositions de la Porte de Versailles, la ministre de l’égalité des territoires et du logement a prévu d’évoquer cette initiative d’envergure. Ce n’est pas un hasard : la journée de débats s’ouvre par une commémoration de l’appel lancé il y a soixante ans par l’abbé Pierre, qui a été l’un des premiers, à l’hiver 1954, à faire entendre la voix des familles vivant dans les bidonvilles. Selon nos informations, l’ensemble des préfets devraient « prochainement » être destinataires d’une lettre les informant de la mise à disposition de nouveaux outils pour les aider à trouver des solutions de logement aux sans-abri vivant dans des campements et menacés d’expulsion. Le premier ministre a donné son aval à l’envoi de ces instructions qui devraient être cosignées par la ministre du logement et le ministre de l’intérieur, en charge des questions d’immigration et d’intégration.

Un rôle majeur de coordination, d’ingénierie et de mise à disposition de chambres et studios est confié au bailleur « très social » Adoma, qui n’est autre que l’ex-Sonacotra, structure toujours majoritairement détenue par l’État, à laquelle les pouvoirs publics avaient fait confiance il y a quarante ans pour leur politique de relogement. À l’époque, la population résidant dans les taudis était estimée à 100 000 personnes, parmi lesquelles beaucoup d’Algériens et de Portugais, à Nanterre, Noisy-le-Grand ou Champigny-sur-Marne. Aujourd’hui, le nombre de migrants concernés est nettement inférieur. Selon les estimations du préfet Alain Régnier, délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées (Dihal), qui rassemble les données fournies par l’ensemble des préfectures, ils seraient environ 17 000, dont 25 % d’enfants, répartis dans 400 campements informels. L’objectif, indique-t-on au ministère du logement, est de faire entrer ces personnes dans le droit commun. Aucun dispositif particulier n’est prévu pour elles. Autrement dit, l’approche consiste à traiter cette question comme un problème de bidonvilles, plutôt qu’un problème de Roms.

Malgré un premier été du quinquennat socialiste marqué par la multiplication des expulsions encouragées par le ministre de l’intérieur, sept ministres du gouvernement, dont Manuel Valls, avaient signé, selon la volonté du premier ministre, une circulaire du 26 août 2012 visant à anticiper les évacuations afin que soient proposées des solutions de relogement. Un an après, le constat a été fait que des efforts sont réalisés ici et là mais qu’ils restent insuffisants pour changer la donne.

Récemment, la Ligue des droits de l’homme (LDH), le European Roma Rights Centre (ERRC) et Romeurope ont observé que les démantèlements de campements illégaux ont atteint un record en 2013, 21 537 personnes ayant été délogées (certaines l’ayant été plusieurs fois). À l’automne, les propos du ministre de l’intérieur martelant que les Roms ne souhaitent pas s’intégrer en France pour des raisons culturelles et qu’ils ont « vocation » à retourner en Roumanie et Bulgarie ont suscité la polémique. Cécile Duflot, lors des journées parlementaires d’Europe Écologie-Les Verts, a accusé son collègue d’être allé « au-delà de ce qui met en danger le pacte républicain ». Elle en a appelé à « la responsabilité du président de la République », comparant ces déclarations au discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy de l’été 2010. À son tour, Manuel Valls a jugé « insupportables » ces critiques, contraignant François Hollande à rappeler à l’ordre ses ministres lors de la réunion hebdomadaire à l’Élysée.

Conçue au ministère du logement alors que la tension était à son comble, la mission confiée à Adoma, élaborée dans un cadre interministériel sous l’égide de Matignon, a obtenu le soutien de Manuel Valls, ce qui était indispensable pour qu’elle ne reste pas lettre morte. Mine de rien, Cécile Duflot impose toutefois sa vision du dossier. « Nous voulions sortir d’une approche ethnicisée. Vivre dans un taudis n’est pas le résultat d’un mode de vie, c’est la conséquence d’une extrême pauvreté. Pour nous, la question est celle de l’habitat. Le problème, ce ne sont pas les personnes qui y vivent, mais les bidonvilles eux-mêmes », indique-t-on dans son entourage, où l’on rappelle le caractère inconditionnel de l’accueil par l’État en hébergement d’urgence.

Ce projet s’inscrit dans le cadre de la circulaire du 26 août 2012. Sans empêcher les expulsions, il renforce les mesures de prévention et d’accompagnement social en donnant aux préfets des moyens d’intervention supplémentaires. Depuis un an et demi, les représentants de l’État ont mis en œuvre de manière très inégale les préconisations officielles. Des « diagnostics » sociaux ont été réalisés (des fonds avaient été dégagés à cet effet), mais souvent trop tardivement et trop succinctement pour permettre aux intéressés de trouver une solution durable. Dans de nombreux cas, lorsque les expulsions interviennent, quelques nuits d’hôtels sont proposées aux familles. Il n’est pas rare que celles-ci les refusent pour différentes raisons : l’éloignement des écoles et des lieux de travail, la dispersion des familles, la saleté, l’impossibilité de faire la cuisine et de laver le linge.

Sachant qu’au bout d’une poignée de jours les occupants sont renvoyés vers le 115, saturé, beaucoup préfèrent retrouver un emplacement dans un campement. À chaque fois, le temps perdu pour les pouvoirs publics est énorme, il faut tout reprendre de zéro, de l’école à la médecine de ville, en passant par la protection maternelle et infantile (PMI). « Nous ne nions pas les difficultés, Manuel Valls a su faire entendre la parole des maires et des riverains, mais nous tenons à montrer que les expulsions en soi ne règlent rien. Elles sont parfois indispensables, mais il faut ne pas perdre de vue que le circuit démantèlement, errance, réinstallation, expulsion, est un cercle vicieux qui met à bas tout le travail social », affirme-t-on au ministère.

La mission d’Adoma, qui doit encore faire l’objet d’une convention avec l’État validée en conseil d’administration, est détaillée dans une annexe à la lettre que recevront les préfets. Elle comporte deux volets : d’une part « une intervention globale d’ingénierie sociale », selon ce document ministériel, qui vise à coordonner l’action des acteurs concernés sur le département (services de l’État, collectivités, associations) afin d’actualiser les diagnostics sociaux et mobiliser les ressources de logement existantes. Sont listées les possibilités : centres d’hébergement ; logements familiaux dans le diffus, dans le parc des bailleurs sociaux ; logements relevant du patrimoine de l’État, des collectivités locales, des hôpitaux publics, des comités d’entreprise, de La Poste, de la SNCF, de RFF, etc. ; logements modulaires préfabriqués sur des terrains publics disponibles ; ou encore places en hôtels « pour faire face à des situations de crise et d’urgence ». L’ensemble du territoire est mis à contribution, afin que les zones moins touchées par la crise du logement viennent en aide aux régions les plus concernées (Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes et PACA).

Un peu à la manière d’une Mission de maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (Mous), Adoma est aussi chargé de « s’assurer de l’accès effectif (de ces personnes) au droit commun », notamment en matière de couverture santé, de prévention et soins, d’aides sociales, d’aide alimentaire et vestimentaire et de scolarisation des enfants.

D’autre part, l’opérateur s’engage à « mettre à disposition ses capacités vacantes existantes en mobilisant l’ensemble de son parc » d’une capacité totale de près de 70 000 logements. Alors qu’un vaste plan de rénovation des foyers de travailleurs migrants est en cours depuis plusieurs années, le document précise que la nouvelle mission ne doit pas se faire au détriment des précédentes, en particulier la prise en charge des immigrés âgés et des demandeurs d’asile. Prendre appui sur les partenariats existants et impliquer les collectivités territoriales : telles sont, en terme de méthode, quelques-unes des règles établies. « La mission s’attachera à prendre en compte la situation spécifique de chacune des familles, leur souhait de s’intégrer, leur situation au regard du droit au séjour et ne devra pas faire obstacle à l’éloignement des familles ou des personnes lorsque celui-ci sera requis », note le document.

Le gouvernement espère une relative discrétion en matière de communication. « Il a été question de reporter la mise en œuvre de ce projet après les élections municipales, mais on ne peut pas tout décaler. Suffisamment de temps a été perdu, il y a urgence, nous devons avancer », indique-t-on au ministère du logement. « On va tout faire pour ne pas alimenter la pompe à haine », ajoute-t-on.

D’où un certain flou sur les contours budgétaires. Programmé pour trois ans, avec une montée en charge progressive, ce plan devra relever plusieurs défis : faire face aux critiques qui ne manqueront pas de lui être adressées, à tort ou à raison, de favoriser un « appel d’air » des populations pauvres venues de l’Est de l’Europe ; obtenir la mobilisation des préfets sans lesquels rien ne bougera ; et prendre en compte les expérimentations locales, afin de profiter des savoir-faire des acteurs engagés, parfois de longue date, sur le terrain.

Vers une privatisation du n°1 du logement social

 Mediapart.fr

31 janvier 2014 | Par Laurent Mauduit

 Alors que la Fondation Abbé-Pierre indique dans son bilan annuel que 10 millions de Français subissent la crise du logement, voilà un rapport de la Cour des comptes qui va faire scandale : il révèle que la Caisse des dépôts réfléchit à une privatisation partielle de sa filiale, la Société nationale immobilière, le principal bailleur social en France. Les magistrats épinglent aussi des dérives affairistes.

Déjà mis en cause en de nombreuses occasions – de la promotion express de Thomas Le Drian, le fils du ministre de la défense, jusqu’aux « notes blanches » écrites à destination de l’Élysée sous la précédent quinquennat proposant d’appliquer au logement social les pratiques spéculatives des promoteurs immobiliers –, André Yché, le patron de la Société nationale immobilière (SNI), va être au cœur de nouvelles controverses. La SNI est l’une des principales filiales de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et le principal bailleur social en France.

Dans un rapport, qui devait rester confidentiel mais que Mediapart comme Le Monde ont pu consulter, la Cour des comptes critique vivement l’affairisme dans lequel la société a versé et suggère, de surcroît, qu’elle chemine vers une privatisation partielle. Ce rapport constitue une véritable bombe car il laisse entendre que la société abandonne progressivement ses missions d’intérêt général et copie les mœurs du secteur privé, jusqu’aux plus détestables, et sera même peut-être un jour croqué par lui.

Ce projet de privatisation partielle de l’un des acteurs majeurs du logement social en France apparaît d’autant plus sulfureux que dans son dernier rapport, intitulé « L’État du mal-logement en France » et publié ce vendredi à l’occasion de la commémoration du 60e anniversaire de l’Appel de l’Abbé Pierre lancé le 1er février 1954, la Fondation Abbé Pierre estime que 10 millions de personnes sont touchées, de près ou de loin, par la crise du logement en France.

On peut télécharger ici ce dernier rapport de la Fondation

Pour comprendre la gravité des alertes lancées par les magistrats financiers, il faut d’abord avoir à l’esprit le rôle majeur que joue la SNI dans le secteur du logement social, en même temps que les premières dérives dans lesquelles elle a été prise sous la houlette de son président, André Yché.

Cette importance, la Cour des comptes la souligne en de nombreux passages de son rapport. Elle rappelle que la CDC détient plus de 99 % de la société de tête du groupe SNI, et que celui-ci détenait très exactement 269 122 logements au 31 décembre 2011 et en gérait 274 499. Au total, la SNI loge près d’un million de personnes et a perçu 1,28 milliard d’euros de loyers en 2011. Le groupe « constitue donc un enjeu majeur pour la politique publique du logement comme pour la CDC », constate le rapport.

Or, sous l’impulsion de son président, le groupe SNI a déjà fait l’objet de vives polémiques que Mediapart a révélées dans plusieurs enquêtes (lire Le logement social dans le piège des mondanités et de l’affairisme et Le logement social entre privatisation et affairisme). Son président a fait scandale en préconisant un abandon des missions d’intérêt général dans le domaine du logement social au profit des logiques du marché. Dans un petit opuscule paru en 2011 sous le titre Logement, habitat & cohésion sociale, au-delà de la crise, quelle société voulons-nous pour demain (éditions Mollat) préfacé par le gendre de Jacques Chirac, Frédéric Salat-Baroux – nous verrons bientôt que ce détail a son importance –, il proposait ainsi que les organismes de logements sociaux soient à l’avenir régis par des règles nouvelles : « Ils doivent, de fait, devenir de véritables opérateurs immobiliers globaux et acquérir progressivement toutes les compétences de gestionnaires de portefeuilles d’actifs immobiliers qu’impliquent leurs nouvelles missions. »

« Gestionnaires de portefeuilles d’actifs immobiliers ». Pour dire les choses plus grossièrement : il y a beaucoup d’argent à se faire dans l’univers des HLM. « En définitive, ajoutait André Yché, la conclusion de ce tour d’horizon, c’est que la seule manière réaliste et pertinente de dynamiser le logement social, c’est d’instiller des mécanismes de gestion privée dans son exploitation. » Ce qui, là encore, avait le mérite de la franchise : vive le secteur privé ! Vivent les « plus-values latentes » !

Ces thèses n’auraient à l’époque pas retenu l’attention si elles avaient été défendues par un quelconque promoteur immobilier. Mais ce n’était évidemment pas le cas. Chacun avait bien compris que dans les plus hauts sommets de l’État, jusqu’à l’Élysée, on le laissait à dessein jouer ce rôle de boutefeu.

Quelque temps avant ce livre, André Yché avait d’ailleurs fait une première fois scandale, quand on avait appris qu’il était l’auteur de « notes blanches », sans en-tête ni signature donc, rédigées à l’automne 2009 à destination de l’Élysée. Voici une première de ces notes ; et en voilà une seconde.

André Yché
André Yché

Dans ces « notes blanches », André Yché explorait déjà les mêmes pistes. Déplorant que les quelque « 4,5 millions de logements » HLM, représentant « 200 milliards d’euros de plus-values latentes », soient sanctuarisés et échappent « pour l’éternité aux circuits économiques courants », il préconisait un véritable « big bang » : « Ce statut idéal n’est plus d’actualité », écrivait-il. En conclusion, André Yché recommandait d’activer une partie des plus-values latentes en organisant la cession de 10 % du parc de logements détenus par les sociétés anonymes de HLM. En résumé, il proposait de vendre 200 000 logements sur dix ans, ce qui rapporterait 10 milliards d’euros…

Plus récemment, comme l’avait révélé Mediapart, André Yché a encore alimenté la critique en cooptant au comité exécutif de la SNI Thomas Le Drian, qui est le fils du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian.

Le rôle prépondérant des « plus-values latentes »

Or, le rapport de la Cour des comptes présente le grand intérêt de montrer que ces divers dérapages n’ont rien d’accidentel et poussent la SNI vers une privatisation au moins partielle, sur fond d’affairisme croissant. Les magistrats financiers établissent de manière méticuleuse que les fameuses « plus-values latentes » chères à André Yché jouent un rôle croissant dans la vie du groupe : au fil des ans, ces plus-values ont explosé et deviennent le principal ressort de la vie financière de l’entreprise.

Les cessions d’actifs engagées par la SNI, qui avoisinaient 80 millions d’euros en 2008 et 2009, ont grimpé à 435 millions d’euros en 2010. Au total, elles ont atteint près de 921 millions d’euros de 2006 à 2011, période qui correspond à l’enquête de la Cour des comptes. Dans le même temps, les plus-values constatées (par rapport aux valeurs comptables des biens vendus), ont explosé atteignant 140 millions d’euros en 2010 et 399 millions sur la période sous revue.

Or, à titre de comparaison, le résultat avant impôt de la SNI en 2010 a été de 152,5 millions d’euros, soit à peine plus que les plus-values. Conclusion en forme de lapalissade de la Cour des comptes : « La contribution des cessions au résultat est devenue prépondérante. »

Dans le même temps, la Cour des comptes établit que l’endettement du groupe a explosé pour atteindre 8,4 milliards d’euros. Les magistrats soulignent que le groupe SNI est pris dans une sorte d’étau : comme ses marges de manœuvre pour se financer deviennent de plus en plus contraintes, il est de plus en plus amené à exploiter ces gisements de « plus-values latentes ». C’est une sorte de fuite en avant perpétuelle.

Certes, tous les pôles d’activité de la SNI ne butent pas sur les mêmes difficultés de financement. Même s’il est confronté à de fortes difficultés, liées aux effets de la banalisation du livret A et de l’appétit croissant des banques privées, le pôle qui intervient dans le domaine de l’habitat social est ainsi assuré d’être alimenté par le Fonds d’épargne, qui recueille la collecte du produit favori des Français. Mais le financement du pôle de logement intermédiaire est, lui, de plus en plus contraint, pour une cascade de raisons : parce que les marges de manœuvre de la Caisse des dépôts sont elles-mêmes contraintes ; parce que, sous les effets de la crise financière, les banques sont de plus en plus frileuses, et que « la SNI est aujourd’hui confrontée à l’impossibilité de lever des fonds sur plus de 20 ans amortissables dans des conditions économiquement acceptables », comme le dit le rapport.

À lire le diagnostic des magistrats financiers, on devine que la SNI est arrivée à un point de bascule de son histoire. Avec deux scénarios possibles : soit la SNI reste dans le giron public, et défend bec et ongles ses missions d’intérêt général ; soit elle devient une proie tentante pour le privé. Sous la houlette d’André Yché, la stratégie est déjà clairement choisie : ce sera la seconde option. Et cela transparaît clairement du rapport de la Cour : « Dans le secteur du logement, il est devenu de plus en plus difficile d’obtenir des financements bancaires de long terme et ceux qui subsistent sont très coûteux (…) La seule possibilité pour la SNI de continuer son développement en étant moins tributaire du marché financier serait de trouver de nouvelles sources de fonds propres, du côté des compagnies d’assurances, des fonds d’investissement. »

En clair, la Cour des comptes confirme que l’idée chemine de passer dans un premier temps une alliance stratégique avec de très gros appétits privés. De qui s’agit-il ? D’Axa ? D’autres groupes du CAC 40 ? En tout cas, c’est écrit noir sur blanc : « L’idée a été envisagée de créer un fonds dans lequel la CDC prendrait une participation à côté d’autres investisseurs. Ceux-ci pourraient être intéressés s’il leur était proposé un investissement suffisamment rentable et liquide. Le rôle de la SNI serait de leur apporter la garantie d’une rentabilité minimale et de la liquidité de leur investissement, par exemple au moyen d’une promesse de rachat à la demande moyennant une prime. » Dans cette première étape, selon le vieux principe libéral, les profits éventuels seraient donc privatisés ; et la SNI socialiserait éventuellement les pertes.

La CDC «n’exclut pas une ouverture à terme » du capital de la SNI

Mais on découvre, à la lecture du rapport, qu’une fois le loup entré dans la bergerie, il pourrait avoir un appétit beaucoup plus grand. En clair, après une alliance stratégique avec des fonds d’investissement ou des grands groupes privés d’assurance, une deuxième étape pourrait être franchie, conduisant à une privatisation, au moins partielle, de la SNI.

Le rapport dit que cette réflexion chemine : « Ces perspectives pourraient se traduire par une évolution de la composition du capital de la SNI. Si la CDC entend la conserver en son sein (sic !), elle n’exclut pas une ouverture à terme de son capital, surtout dans l’hypothèse où la contrainte financière demeurerait forte et où la SNI voudrait néanmoins conserver des projets de développement opérationnels. » On sent que la logique de l’intérêt général est en train d’être progressivement reléguée au second plan, au profit d’une autre, celle du profit. Avec toutes les convoitises que cela peut déchaîner.

C’est un autre aspect important que révèle ce rapport de la Cour des comptes : il suggère que la SNI, avant même son éventuelle privatisation partielle, est la proie d’un spectaculaire affairisme. Comme Le Monde l’a révélé (l’article est ici – lien payant), la Cour des comptes s’arrête en particulier sur une affaire grave, celle de la cession du patrimoine résidentiel locatif qui appartenait à Icade, une autre filiale de la Caisse des dépôts. À la cession de ce gigantesque parc locatif résidentiel, « localisé en quasi-totalité dans huit départements d’Île-de-France, dans une cinquantaine de communes » et « largement financé sur apports publics ainsi que par le 1 % logement et les loyers versés pendant des décennies par des locataires modestes » – ce sont les mots de la Cour des comptes –, Mediapart a déjà consacré de nombreuses enquêtes, sous la plume de ma consœur Martine Orange, que l’on peut retrouver ici.

Or, la Cour des comptes vient confirmer que ce projet de cession, qui portait initialement sur 31 453 logements, 742 commerces, 59 bureaux, 1 859 logements en copropriété et divers autres biens, soit un actif net évalué à 2,2 milliards d’euros, s’est déroulé dans de stupéfiantes conditions. La solution retenue, au début de 2009, a été que la SNI devienne le chef de file d’un consortium regroupant divers investisseurs, dont les « ESH » concernées (les entreprises sociales pour l’habitat des différentes collectivités), pour racheter ces biens à Icade (filiale de la CDC, comme la SNI). D’entrée, la procédure était viciée : « La SNI était donc, en tant que chef de file du consortium, de manière patente, en situation, sinon de conflit d’intérêts, du moins de conflit de missions. »

Mais il y a plus grave. En des termes elliptiques, la Cour des comptes laisse entendre que les avocats choisis par la SNI pour piloter l’opération étaient eux-mêmes en grave conflit d’intérêts. Les magistrats se bornent à donner le nom du cabinet concerné, Weil, Gotshal & Manges, sans indiquer précisément quel est le signe distinctif de ce cabinet. Étrange discrétion de la Cour des comptes !

Mais avant de percer ce mystère, lisons : « Selon les propres termes de la SNI, ces conseils « choisis d’un commun accord avec la CDC » « ont été désignés de gré à gré notamment par rapport à leur connaissance du groupe CDC, à leur dimensionnement suffisant (…) » Même en tenant compte de l’appartenance commune d’Icade et de la SNI au groupe CDC, il est surprenant de voir le conseil de l’acheteur potentiel désigné de fait par le principal actionnaire du vendeur (lequel actionnaire, la CDC, avait recours par ailleurs aux services de ce conseil). Le conflit d’intérêts du côté des conseils était patent. »

Augustin de Romanet
Augustin de Romanet

Traduisons. Le patron de la CDC, à l’époque, était Augustin de Romanet, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée du temps de Jacques Chirac et actuel PDG de Aéroports de Paris. Et si le conseil du cabinet d’avocats Weil, Gotshal &Manges n’est pas nommé, il n’est guère difficile de savoir qui il est : il s’agit de Frédéric Salat-Baroux (ici sa biographie sur le site du cabinet), gendre de Jacques Chirac, et ancien secrétaire général de l’Élysée.

Frédéric Salat-Baroux
Frédéric Salat-Baroux

En clair, Augustin de Romanet avait pris son ancien supérieur hiérarchique à l’Élysée comme conseil de la CDC et, en accord avec le même Augustin de Romanet, André Yché n’a rien trouvé de mieux que de prendre le même Frédéric Salat-Baroux, celui-là même qui a fait la préface de son livre, comme conseil pour le consortium. Des conflits à tous les étages, avec à la clef d’immenses honoraires pour le cabinet concerné.

Entre mondanités et vie des affaires, André Yché a donc su, au gré des alternances, naviguer au mieux. À titre de rappel, on peut visionner ci-dessous la cérémonie fastueuse qu’il a organisée le 29 janvier 2013 pour présenter ses vœux de nouvelle année, dans une aile des Invalides auquel il peut avoir accès, grâce aux bonnes grâces du ministre de la défenses, Jean-Yves Le Drian :

La SNI sur les traces sulfureuses de Dexia

Et sans doute n’est-ce qu’une partie seulement du scandale car la Cour des comptes prend soin de préciser qu’elle ne traite ce dossier que sous l’angle de la SNI et qu’un nouveau rapport verra bientôt le jour sur le même sujet, dans le cadre d’un contrôle de la société Icade. Dans ses enquêtes sur Mediapart, ma consœur Martine Orange avait ainsi apporté de nombreuses autres révélations sur l’opération. Elle avait en particulier dévoilé que le patron déchu de Vivendi, Jean-Marie Messier, reconverti en banquier d’affaires, avait aussi dispensé ses conseils aussi bien à Icade qu’à la SNI pour un montant global de commissions de 5 millions d’euros (lire Et maintenant, Jean-Marie Messier réorganise le logement social).

La Cour des comptes relève d’autres irrégularités. Les membres du consortium (les organismes HLM, les collectivités…) n’ont bénéficié que d’informations « lacunaires » sur les détails de l’opération. De surcroît, la SNI a fait le jeu de son actionnaire, la CDC, au détriment du consortium dont elle était pourtant le chef de file, en acceptant que la valorisation des biens cédés (l’actif net réévalué) passe subrepticement de 2,2 à 2,8 milliards d’euros, au moment même où le marché immobilier entrait dans une phase d’effondrement, forçant des offices HLM à jeter l’éponge et sortir du consortium ou alors à accepter ces prix surévalués.

« Dans cette affaire, la SNI aurait dû en tant que chef de file du consortium s’attacher en priorité à la défense des intérêts de ses mandants, qui l’ont payée pour cela », note la Cour, soit 6,7 millions d’euros, qui ont été en bonne partie rétrocédés aux conseils. Or, la SNI a fait le jeu d’Icade.

Ce n’est pas la seule opération pointée. Au fil des pages du rapport, on découvre d’autres critiques visant des opérations différentes, comme la vente à prix cassé d’un immeuble dans le VIIIe arrondissement de Paris au profit de Gecina, un groupe foncier qui détient un patrimoine immobilier de 11 milliards d’euros en Île-de-France ; et bien d’autres opérations encore. Les magistrats financiers multiplient aussi les critiques à l’encontre du système de gestion domanial des agents du ministère de la défense (10 000 logements environ), que ce dernier a alloué à la SNI…

Bref, si la Cour des comptes admet que « le groupe SNI apparaît globalement bien géré, notamment en matière de gestion locative », elle délivre dans tous les autres domaines une avalanche de critiques. Et puis surtout, il y a cette alerte rouge : au cœur du logement social, un projet très inquiétant de privatisation fait son chemin. Un projet, selon ce que suggère la Cour, qui a la bénédiction des instances dirigeantes de la CDC.

C’est d’ailleurs là la clef. Car, dans les premiers mois après l’alternance, on pouvait se demander pourquoi l’État ne se débarrassait pas du si encombrant auteur des « notes blanches » à Nicolas Sarkozy, André Yché. Mais sans doute dispose-t-on désormais de la réponse. En vérité, l’ancien ministre sarkozyste qu’est Jean-Pierre Jouyet, actuel patron de la CDC, est vraisemblablement sur la même longueur d’ondes. Tout comme son meilleur ami, François Hollande, qui mène avec ardeur sur tous les fronts une politique clairement néolibérale…

En quelque sorte, à lire la Cour des comptes – et même si elle ne formule pas les choses de manière aussi abrupte –, c’est une sorte de nouveau « hold-up » qui se profile, au sein même de la Caisse des dépôts, un peu à la manière de celui du Crédit local de France, le banquier des collectivités locales, qui, dans le courant des années 1990, s’est progressivement désarrimé de la CDC, puis a été privatisé, et se transformant en Dexia, a copié les mœurs de la finance, arrosé ses mandataires sociaux d’abondantes stock-options, avant de connaître une faillite retentissante, l’une des plus graves de l’histoire bancaire française.

Avec le logement social, l’histoire semble bégayer. À ce rythme-là, une fois que le capital de la SNI aura été ouvert, André Yché pourra à son tour être couvert de stock-options. En remerciements des services rendus au CAC 40 et à la finance. À bas le logement social ! Vivent les plus-values latentes…

Clermont-Ferrand, exemple dramatique de la surchauffe du 115

MEDIAPART

Carine Fouteau

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Clermont-Ferrand : 230 personnes en passe d’être relogées

Le Monde

| 10.09.2013 à 16h06 • Mis à jour le 10.09.2013 à 16h08

Des personnes sans abri dans une tente place de Jaude à Clermont-Ferrand, le 5 septembre.Après avoir obtenu gain de cause auprès du tribunal administratif le week-end dernier, 230 personnes sur les 360 qui avaient été privées d’hébergement d’urgence à Clermont-Ferrand ont été hébergées à nouveau ou ont reçu une proposition en ce sens, a annoncé, mardi 10 septembre, la préfecture du Puy-de-Dôme. « Les conditions sont réunies pour un retour rapide à une situation normale », veut rassurer le représentant de l’Etat dans un communiqué, assurant que « 102 personnes ont passé la nuit de lundi à mardi dans le gymnase Verlaguet, soit 27 de moins que la nuit précédente ».

Le 2 septembre, ces 360 personnes s’étaient retrouvées privées d’hébergement d’urgence à Clermont-Ferrand après que l’Association nationale d’entraide féminine (ANEF), qui gère le 115 dans le Puy-de-Dôme, a décidé de ne plus payer les hôteliers assurant cet hébergement, faute de financement suffisant de l’Etat. Les autorités locales ont alors proposé un relogement provisoire dans un gymnase, solution refusée dans un premier temps par une partie des familles de sans-abri et des associations qui leur viennent en aide.

La plupart des personnes concernées sont des demandeurs d’asile, congolais et kosovars en majorité, ou des déboutés du droit d’asile, des mères seules avec enfants, mais aussi des femmes victimes de violences et des SDF.

Lire l’éclairage : « Hébergement d’urgence : la situation clermontoise peut-elle se reproduire ailleurs en France ? »

FINANCEMENT INSUFFISANT

L’ANEF a indiqué lundi qu’elle reprendrait prochainement l’ensemble des activités d’urgence et d’insertion du Système intégré d’accueil et d’orientation (SIAO), « sauf la prise en charge des nuitées d’hôtel qui n’est toujours pas financée », précisant avoir reçu de l’Etat 149 396 euros depuis janvier, sur un engagement d’un total de 3,63 millions pour 2013.

En réponse à cette situation d’urgence, les pouvoirs publics ont annoncé la semaine dernière un déblocage de 400 000 euros, afin que l’ANEF puisse commencer à rembourser les dettes contractées auprès des hôteliers en juillet et août. Une avance financière indispensable mais non suffisante rétorque l’ANEF, qui revendique toujours « le remboursement urgent des sommes qu’elle a avancées par souci humanitaire, mettant sa propre trésorerie en péril ».

Loyers : qui va payer ?

Commun

31 mars 2013 à 21:06
Par François SERGENT

On ne peut qu’applaudir à l’idée juste de la ministre du Logement qui veut à la fois garantir le paiement des loyers aux propriétaires et éviter précarisation et expulsions aux locataires étranglés. On sait qu’une longue kyrielle d’impayés finit par l’expulsion des bailleurs écrasés par des embarras financiers amplifiés par la crise. On sait aussi que cette mésaventure décourage souvent le propriétaire, qui finit par laisser son appartement vide plutôt que de prendre le risque d’une nouvelle location. De quoi tendre un marché français de l’immobilier qui reste étroit malgré les récentes tendances à une décrue des prix à l’achat et à la location.

Dans ces conditions, une mutualisation des risques locatifs fait sens. Socialement, elle peut éviter l’expulsion à une famille en difficultés temporaires, liées au chômage, à un deuil ou à un divorce. La garantie permet de passer le cap et le propriétaire continue à percevoir son revenu.

Mais ce système ne peut fonctionner que si ces difficultés peuvent être vérifiées et contrôlées afin d’éviter que de petits malins profitent de la garantie. Qui peut exercer ce contrôle et comment ?

Autre obstacle déjà notoire dans la préparation des textes législatifs : qui va payer cette assurance loyer ? L’Etat n’a pas les moyens. Quant aux locataires et propriétaires, contribuables évidents, ils se renvoient la balle. Alors que les locataires et propriétaires, traditionnellement ennemis, ont en l’espèce des intérêts communs et se doivent d’être solidaires. Pour une fois.

Merci à Libération.

Précarité énergétique : les CCAS et les CIAS devant l’explosion de demandes…

http://wp.me/p21cdX-18y

Merci à la Gazette des communes.

Journée débats en Gironde sur le logement le jeudi 21 mars 2013