Act Up-Paris

 

Act Up-Paris est une association militante de lutte contre le sida, créée en juin 1989, suivant le modèle américain, né deux ans plus tôt. Ce modèle a essaimé essentiellement dans le monde occidental (New York, Philadelphie, Bâle, etc., en France : Paris et Toulouse), chaque association bénéficiant d’une totale autonomie, et se caractérise par un certain nombre de techniques activistes relatives tant à la visibilité de la lutte engagée qu’au mode de fonctionnement interne du collectif

 

Les objectifs d’Act Up consistent :

> à alerter les médias sur l’épidémie de sida, à faire pression sur les personnalités politiques pour améliorer l’image et la prise en charge des malades quels que soient leur genre, leur sexualité ou leur inclusion dans la démocratie représentative (toxicomanes, prisonniers, étrangers en situation irrégulière, personnes prostituées) ;

> suivant le modèle américain des Principes de Denver, à partager, transmettre, reprendre et réinvestir dans le réel le savoir des malades.

Act Up est en outre un groupe avec une forte identité collective « homosexuel-séropositif », mais ouverte à des identités multiples. Ses militants viennent de toutes les catégories de la population qui sont touchées par l’épidémie, ce qui fait de ce groupe un mouvement politique que l’on peut vraiment désigner comme queer dans la mesure où il se définit seulement par son caractère oppositionnel:

« Au-delà de ce qui fait la colère d’Act Up, il y a toujours eu aussi une dénonciation de la norme, de ce qui devrait décider de ce qui est bien, de ce qui est mal, de si nos vies sont correctes ou pas. »

— Emmanuelle Cosse, présidente d’Act Up de 1999 à 2001, témoignage pour Yagg de 2009

 

La maladie à des croisées multiples « L’idée que la communauté est formée de minorités plus ou moins majoritaires occulte une certaine hiérarchie des douleurs vécues par le plus grand nombre. Ma génération affrontait le problème en changeant d’échelle et en adoptant une attitude plus pragmatique. Nous nous attaquions d’abord aux problèmes qui touchaient le maximum de personnes. Les réussites politiques servent de moteur pour résoudre les problèmes des petites minorités. De nos jours, c’est l’inverse qui se passe. La personne qui crie dans le Berry écrase toutes les autres parce que nous sommes dans une hiérarchie de la victime ! »

«La lutte contre le sida lie pour Act Up la résistance gay et la politique sexuelle à une mobilisation sociale autour de questions multiples telles que celles de la « race », du genre (pour l’égalité des droits des personnes LGBT), de la pauvreté, de la prison, de la toxicomanie, de la phobie du sexe, des représentations journalistiques, de la réforme du système de santé, des lois sur l’immigration, de la recherche médicale, du pouvoir et de la responsabilité des experts ou/et de l’industrie pharmaceutique. »

— Didier Lestrade, co-fondateur d’Act Up, entretien de 2008

 

Act Up fonctionne essentiellement en opérant la mise en scène d’événements soigneusement choisis et en travaillant soigneusement à la construction de symboles et à leur communication : le triangle rose, la pose d’un préservatif géant sur l’Obélisque de la Concorde, le patchwork à la mémoire de Cleews Vellay, etc. Ses théâtralisations font partie d’un processus continu visant à forger dans l’action une « identité gay » tout en contestant la façon dont celle-ci avait été élaborée pour les gays à un moment où les stigmates de la maladie étaient liés à ceux d’une sexualité déviante:

« La vitalité d’Act Up est aussi là, c’est-à-dire qu’on n’était pas dans le drame permanent, au contraire. C’était peut-être ça qui était le plus terrifiant, la colère ce n’est pas ça le plus terrifiant, mais la capacité d’Act Up à faire en même temps la fête, la Gay Pride, ça terrifiait les gens. Non pas la colère en soi, mais cette colère, ce mélange de joie et d’hystérie, ça peut être effrayant, c’est ce qui fait le plus peur aux gens. Qu’on puisse faire des blagues sur le sida par exemple. C’est quelque chose qui en dehors d’Act Up est très difficile à se réapproprier. »

— Victoire Patouillard, présidente d’Act Up de 2001 à 2003, citée dans Cosmopolitiques, n°14 : « Comment rendre la santé publique ? », 2007

 

source : www.actupparis.org