MRAP

 

Le MRAP est né dans la tourmente. C’est la tourmente d’une destruction de l’homme ; la xénophobie et l’antisémitisme, à la veille de la Deuxième guerre mondiale, sont virulents. Les lois et l’idéologie viendront les conforter. Les mesures à l’égard des juifs sont parmi les premières prises par Vichy. De juin à décembre 1940, 46 décrets, lois et ordonnances calquent la législation anti-juive de Vichy sur celle de l’Allemagne nazie. L’ensemble des lois édictées par Vichy vise à exclure totalement les juifs de la société française, tant au niveau économique que social. Créé en septembre 1942 sur l’initiative de résistants membres des Francs Tireurs et Partisans – Main d’œuvre Immigrée (FTP-MOI), le Mouvement national contre le racisme, MNCR, est un mouvement dont la vocation est de réunir des résistants juifs et non-juifs pour des actions à caractère humanitaire : cacher des enfants qui risquent la déportation, organiser des évasions et le passage des frontières, fabriquer des faux papiers … et obtenir de l’aide au-delà des milieux juifs, notamment parmi les milieux catholiques. Il imprime deux journaux clandestins, J’accuse en zone nord et Fraternité en zone sud. Dès octobre 1942, J’accuse publie des témoignages sur l’extermination massive des juifs déportés en Europe de l’Est.

Le MRAP, créé en 1949, se trouvera, au cours de son histoire, affronté à des tragédies d’ampleurs différentes mais toujours destructrices des hommes. Guerres de décolonisation, dont la guerre d’Algérie, apartheid en Afrique du Sud, guerre en Palestine, etc… Le MRAP revivra constamment sa solidarité avec les victimes et s’élèvera contre toute tentative de revenir aux exploitations ou écrasement des plus faibles et aux haines homicides.

Plus jamais ça ?La fin de la guerre en 1945 fut accueillie avec un immense soulagement. Les camps d’extermination, un nombre immense de victimes, le mépris des valeurs humaines poussé à l’extrême, les collaborations apportées aux horreurs du nazisme par des hommes appartenant à des régimes dits démocratiques, firent pousser un grand cri : « Plus jamais ça ! ». Ce même cri était prononcé à la fin des visites de ruines d’un camp de concentration.

Après la capitulation de l’Allemagne nazie, les puissances alliées devaient mettre en application les accords de Postdam qui prévoyaient la démilitarisation, la décartellisation et la dénazification pour empêcher l’Allemagne de constituer à nouveau une menace en Europe.

Le MRAP se battit contre toute concession qui eût été une concession à l’horreur du crime. Cependant Américains et britanniques temporisent. Les exécutions de criminels de guerre sont suspendues, de nombreuses peines sont inférieures à un an. Des criminels de guerre sont mêmes enrôlés dans les services de renseignements américains. Les Français sont moins disposés que les Américains à l’indulgence. La France a été pillée pendant la guerre et les réparations constituent un élément essentiel dans son dispositif économique. Les Américains voient à long terme ; ils veulent faire de l’Allemagne un avant-poste du libéralisme américain. Et c’est ainsi que l’oubli s’installe peu à peu dans de nombreux esprits. Au point même que le négationnisme s’insinue pour faire oublier le crime et l’horreur.

Cette époque ne constitue pourtant pas un fait isolé. La colonisation qui a sévi pendant près de cent ans en moyenne était une domination sur des populations considérées comme des possessions, comme des inférieurs ; les conquêtes et les guerres de décolonisation ont donné lieu à de véritables massacres : Sétif, 1945, 45 000 morts, Hanoi, 1946, 6 000 morts, Madagascar 1947, 90 000 ou 100 000 morts. Ce ne sont que des échantillons, et la Métropole n’en fut que vaguement informée.

A la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance – qui s’est tenue à Durban du 31 août au 8 septembre 2001 – les pays africains voulaient des réparations pour les crimes et les dégâts de l’esclavage et de la colonisation, et que la question soit inscrite dans un programme d’action. Les pays européens n’ont pas voulu céder sur ce point, craignant d’ouvrir la porte à des revendications financières auxquelles ils refusaient de s’engager. Il ne put être admis que la traite et l’esclavage constituaient un crime contre l’humanité. Ce fut l’un des échecs de cette conférence. Les pays européens préféraient l’oubli à la vérité.

A force d’oublier, nos concitoyens ne savent pas grand chose sur des pans de l’histoire, de notre histoire. Les mentalités sont imprégnées de préjugés, d’ignorance, certains se laissant gagner par le mépris ou l’illusion de certitudes sans fondement raisonnable. Et l’histoire tient tellement peu de place dans la culture générale communiquée aux jeunes et aux enfants, qu’il ne faut pas s’étonner de l’ignorance et des dérives qui mutilent les consciences.

Le MRAP doit faire davantage de place à la mémoire dans ses luttes. Il doit mettre à nu les engrenages de l’oubli, du silence qui maintiennent ou aggravent le racisme, sous forme d’infériorisation, de discrimination, de rejet. La lutte des origines continue.

Fondation et re-Fondation du MRAP.Les animateurs du MNCR décident, en 1946, de constituer «l’Alliance Antiraciste » en tentant de rassembler des militants de divers horizons politiques et associatifs, dont des membres de la LICA (Ligue internationale contre l’Antisémitisme), constituée en 1927 et dissoute au début de l’occupation. Il s’agit, par cette initiative, d’élargir le front antiraciste, de mobiliser des militants, sans perdre de temps. Mais très vite des divergences apparaissent : divergences de milieux, divergences de générations, divergences politiques. La LICA se reconstitue et interdit à ses militants la double appartenance avec le MRAP qui se crée, ce que s’interdit le MRAP de son côté. C’est la rupture et comme un signe d’un affaiblissement de l’élan antiraciste qui néanmoins allait se développer. Le MRAP va définir son identité.

C’est alors qu’a lieu le dimanche 22 mai 1949, la Journée nationale contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix qui devient le congrès fondateur du MRAP, au Cirque d’Hiver. Il s’agit d’un élan qui entend donner au mouvement l’image d’un pluralisme et d’un large mouvement populaire. Le pluralisme politique, ethnique, social se dégage fortement à travers la diversité des intervenants de la tribune et les messages adressés. Droit et Liberté, organe du MRAP évalue le nombre des délégués à 2500.

Une double volonté hante la Journée entière : s’unir sans exclusive, agir résolument face au retour offensif des nazis et des vichystes. Au cours de cette journée, aucune intervention ne se réfère à l’immédiate actualité. Le MRAP remonte aux causes politiques du racisme, mais ne prend pas position sur les problèmes politiques sans lien direct avec le racisme ; pour ce qui est de la guerre froide, il la condamne en bloc et compte sur la pression des peuples pour imposer aux gouvernants la recherche de la paix.

A partir de 1967, le MRAP célèbre par d’autres initiatives, de plus en plus décentralisées, la Journée internationale contre toutes les formes de discrimination raciale, fixée par l’ONU au 21 mars, date anniversaire du massacre de Sharpeville, en Afrique du Sud. Cette dernière date est actuellement bien ancrée dans le calendrier militant sous l’angle de l’éducation ; elle est en effet très orientée en direction des jeunes et des enfants, et rassemble de très nombreuses associations ; l’éducation apparaît comme décisive pour faire reculer le racisme. Dans ce cadre de travail, le MRAP est fidèle à l’impulsion d’origine : s’unir sans exclusive.

Mais le MRAP n’est plus la seule organisation antiraciste ; d’autre part la mondialisation élargit son champ militant. Les problèmes de l’appauvrissement du tiers monde, de la dette avec les Programmes d’Ajustement Structurel imposés, l’écart grandissant entre riches et pauvres, émergent dans les préoccupations antiracistes ; mais l’action militante se révèle difficile à adapter au niveau de la base et de l’action quotidienne. Mais le MRAP se retrouve dans les grands rassemblements ou Forums alter mondialistes depuis Porto Alegre ; les pays riches sont toujours les maîtres du monde, mais s’inquiètent des montées des résistances.

Avec l’afflux des demandeurs d’asile et des réfugiés de tous ordres, le MRAP poursuit sous des formes nouvelles le soutien de ces nouveaux immigrés qui frappent à la porte de tous les pays riches.

Plus que jamais, le MRAP remonte aux causes du racisme. 4. Les répressions contre la liberté.

Le jour même où le chant de la liberté résonnait dans la France entière, le 8 mai 1945, des Algériens ont voulu signifier qu’ils vivaient, eux aussi, dans l’attente de la liberté, la leur qu’ils avaient perdue depuis 1830. Pour avoir voulu défiler en direction du Monument aux morts de Sétif avec un drapeau algérien, ils furent mitraillés et une violente répression fit 45000 morts dans la région. La population française, toute en fête, n’eut que des bribes de nouvelles truquées.

Une autre répression eut lieu sur le territoire français le 14 juillet 1953. L’après-midi de ce jour, plusieurs organisations démocratiques avaient décidé d’appeler à une manifestation, à Paris, de la Bastille à la Nation. Pour défendre les idéaux républicains mais aussi pour protester contre la guerre d’Indochine. Le matin, le gouvernement avait, quant à lui, organisé le plus important défilé militaire depuis la seconde guerre mondiale. En vedettes : le 18ème régiment d’infanterie parachutiste et la première demi-brigade de commandos parachutistes coloniaux. Les noms sont tout un symbole. Lorsque le défilé populaire se disperse, l’après-midi à hauteur de la Nation, le groupe de tête des Algériens est attaqué par la police. On relèvera sept morts : six algériens et un Français, et des centaines de blessés. La délégation permanente à Paris du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (Mouvement de résistance algérien M.T.L.D.) écrivit alors dans un communiqué : « Le gouvernement et la police portent la responsabilité des incidents et du sang versé. Il leur fallait des morts pour atteindre leur but et ils ont tiré. Il leur fallait un 14 juillet sanglant pour essayer de porter un coup au mouvement qui unit de plus en plus les démocrates français et algériens contre l’arbitraire et la justice et pour le respect des libertés démocratiques en France comme en Algérie. » Le MRAP, qui partageait la même analyse et qui déjà orientait sa lutte à la fois contre le racisme et pour l’Amitié entre les Peuples, organisait au lendemain de cette ratonnade, un meeting au Cirque d’Hiver.

La ratonnade suprême eut lieu à Paris le 17 octobre 1961. Dans un communiqué du 5 octobre le préfet de police annonçait l’instauration d’un couvre-feu pour les seuls Français Musulmans d’Algérie. Le MRAP réagit en rappelant «qu’en aucun cas la liberté ou l’égalité d’un groupe de citoyens ne peuvent être réduites à raison de la seule croyance et du seul lieu de naissance de ces citoyens. Monsieur le Préfet de Police, en «conseillant de la façon la plus pressante » aux «Français Musulmans d’Algérie » de s’abstenir de circuler la nuit de 20h 30 à 5h 30, en leur recommandant très vivement de ne circuler en toute occasion, qu’isolément ; en décidant la fermeture à 19h des débits de boisson tenus et fréquentés par eux, institue, en fait et contrairement au droit français, un véritable couvre-feu pour un seul groupe de citoyens déterminé par leur confession et leur lieu de naissance présumé. » C’est une véritable ratonnade qui a lieu ce 17 octobre 1961 et les jours suivants ; l’opinion est frappée par la brutalité des forces de police, par son ampleur et son systématisme, face à une population pacifique, sans arme. Il y eut des centaines de morts dont un certain nombre a été noyé dans la Seine.

Ces répressions collectives furent parmi les dernières avant la fin de la guerre d’Algérie. Mais c’est un même racisme qui poursuit ses effets aujourd’hui. Les discriminations qui se produisent encore au faciès, au nom, à la religion (musulmane) par delà même la nationalité française, prolongent ce racisme qui allait jusqu’au meurtre, notamment dans les années 1970 ; et qui aboutit encore aux mêmes extrémités dans des cas plus isolés aujourd’hui. On dit parfois que le racisme, c’est vouloir que l’autre n’existe pas. Dire à un jeune, dans une ANPE ou ailleurs, qu’on pourra lui trouver un emploi, s’il accepte de changer de nom, c’est vouloir en quelque sorte qu’il n’existe pas sous son identité d’origine. Le MRAP continue aujourd’hui le même combat pour l’égalité de tous les hommes. Il importe qu’à tous les niveaux policier, judiciaire la loi soit appliquée avec fermeté pour assurer la dignité de tous, quels qu’ils soient. 5. Mémoire : colonisation, torture.

Une colonisation pendant environ 80 ans laisse aujourd’hui peu de souvenirs. La colonisation des conquêtes atroces. La colonisation des appropriations et du dépouillement des colonisés, la colonisation des infériorisations et des humiliations, la colonisation de la négation des exactions, aux métropolitains, la colonisation et le poids du non-dit, le déficit d’enseignement dans l’histoire d’un passé censé nous appartenir, le refus de reconnaître les fossés de mépris ou de haine dans lesquels la vérité s’enfouit.

Le MRAP persiste à demander que la France assume son passé colonial en assumant toute la vérité ; il persiste à demander l’ouverture des archives ; du 17 octobre et de toute la guerre d’Algérie, des élections truquées et des pires exploitations. N’aura-t-il pas fallu attendre quarante ans pour que l’usage généralisé de la torture soit enfin avoué et que des consciences soient libérées? Le MRAP n’a pas peu contribué à révéler que son utilisation pendant la guerre d’Algérie était un fait avéré. Certes des livres avaient été publiés, de nombreux crimes étaient connus, notamment commis pendant la Bataille d’Alger : torture d’Henri Alleg, disparition de Maurice Audin. L’amnistie, intervenue après la fin des hostilités, avait permis de jeter un voile pudique sur toutes les atrocités qui ont émaillé six ans de guerre, encore qu’il faille considérer que la torture a sévi pendant tout le temps de la colonisation. En 2000 des victimes ont parlé, notamment Louisette Ighilahriz dont le témoignage a bouleversé l’opinion. Le MRAP a apporté une large part à soutenir les anciens suppliciés pour la libération de leur parole ; il a reçu officiellement Louisette Ighilahriz ; il a aussi donné un large écho à l’appel lancé par douze personnalités qui ont demandé au président de la République et au Premier Ministre de condamner les pratiques de torture par une déclaration publique, ce que ceux-ci n’ont pas fait véritablement. L’amnistie ne permettant pas les poursuites, le MRAP s’est en tout cas constitué partie civile pour faire condamner des généraux en retraite qui ont fait l’apologie de la torture, comme le général Aussares, ou qui calomniaient des soldats qui avaient rapporté et témoigné des exactions particulières en direction des femmes, comme le général Schmidt.

Pour se rencontrer, pour se reconnaître, pour se réconcilier comme ont su le faire les Français et les Allemands qui n’étaient pas des colonisés de l’un ou de l’autre, il faut être capable de se dire mutuellement la vérité, d’assumer réciproquement le passé, et de se tourner vers l’avenir. Le MRAP continue de veiller pour que soit assumé le combat de la vérité sans laquelle un dialogue nouveau ne pourrait pas émerger. C’est l’un de ses combats. Si elle veut assumer son passé colonial, c’est-à-dire reconnaître les réalités les plus atroces destinées à assurer une domination sans partage sur les colonisés, la France doit dire la vérité ; reconnaître enfin l’autre comme un égal. L’enjeu est colossal. Le dominateur peine à oublier son statut ancien. Souvenons-nous de la nationalisation des hydrocarbures algériens par le président Boumediene, richesses que lors des négociations franco-algériennes pour parvenir à la paix, la partie française aurait voulu conserver ; des quolibets de mépris adressés aux travailleurs immigrés devenus collectivement possesseurs de richesses, ce qui était inconvenant. Et puis comme tous les pays riches, la France continue à réclamer aux anciens colonisés une dette truquée.

Le racisme d’aujourd’hui, comme les discriminations promues au statut d’évidences, comme ce fut le cas par l’amputation des pensions des anciens combattants ex-colonisés, ou le refus de l’ouverture de toutes les archives relatives à la ratonnade du 17 octobre 1961 sur qui toute la vérité n’a pas encore été faite. Le MRAP appelle sans cesse à mettre fin à tous les mépris, à toutes les discriminations qui sont, encore aujourd’hui, des séquelles de la colonisation ; pour qu’enfin deux peuples puissent se reconnaître . Les résistances à accepter la vérité témoignent des refus de mettre fin au mépris, des refus de tourner la page pour en commencer une autre toute neuve.

Faire respecter la loi : la loi de 1972.Dès sa création, le MRAP a senti la nécessité d’une loi contre le racisme pour réprimer toutes les formes de discrimination et de diffamation, et permettre aux associations de se constituer partie civile lors des poursuites. La loi est le garant de la reconnaissance des droits de l’homme, de sa dignité ; elle est l’envers du racisme. En 1959, Léon Lyon-Caen, son président, rédige un projet qui est envoyé à tous les députés et les sénateurs. Il faudra treize ans pour le voir aboutir.

En attendant, de nombreux procès, faute d’une loi adaptée, se soldent par la relaxe des auteurs de délits racistes. Dans la plupart des cas, les Parquets n’entament même pas d’action en justice. Tant qu’il n’est pas régi par une loi, le racisme n’est pas reconnu comme un délit. Les discriminations, les injures, voire les meurtres, ne pouvaient pas être qualifiés de racistes.

Le MRAP a donc mené une action en direction des parlementaires. Après chaque élection législative, il envoyait ses propositions de loi contre le racisme à tous les députés et sénateurs. Celles-ci se présentaient en trois volets : extension des poursuites à toutes les formes de discrimination et de diffamation, possibilité pour les associations de se constituer partie civile, et dissolution des groupes fascistes. Le MRAP a attendu en vain que le gouvernement mette un projet de loi à l’ordre du jour. Il a envoyé à nouveau ses propositions aux parlementaires en 1966 et lancé une campagne de pétitions pour sensibiliser l’opinion publique. Il s’est heurté à deux difficultés : certains parlementaires prétendaient que le racisme n’existait pas en France, d’autres que les dispositions existantes étaient suffisantes.

Le 7 janvier 1971, une délégation du MRAP a été reçue par le Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, et demandé que la proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée. L’année 1971 n’avait-elle pas été décrétée Année Internationale contre le racisme ? Saisissant cette opportunité, le MRAP a estimé que c’était, pour la France, l’occasion de ratifier la Convention de l’ONU de 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales. La Convention était effectivement adoptée par la France en 1971.

Le MRAP a alors lancé une nouvelle pétition pour obtenir la discussion sur la proposition de loi contre le racisme à l’Assemblée nationale. La loi est enfin examinée le 7 juin 1972. Elle est adoptée par le Sénat le 22 juin. Notons qu’elle l’aura été à l’unanimité des parlementaires. Mais il aura fallu vingt années de lutte, 13 ans d’actions ciblées pour que ce projet du Mouvement devienne une loi. Celle-ci a été améliorée par la suite par des amendements portant sur la qualification raciste de coups et blessures et de meurtres ; elle sera encore complétée par «la loi Gayssot » qui intégrera le délit du négationnisme.

Cette nouvelle loi a permis de bien préciser le contenu et la nature des délits racistes; elle stigmatise en effet les discriminations touchant l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion, tant en raison de l’appartenance ou de la non-appartenance et introduit ainsi une nouvelle infraction dans le Code pénal. L’application de la loi touche notamment les refus de servir les gens de couleur. Des plaintes mettent en cause des ANPE qui publient des mentions discriminatoires portées sur les annonces, à la demande d’employeurs.

En 1973 et 1974, le MRAP a décidé de poursuivre les discriminations dans le logement qui sont innombrables. Le champ des discriminations est loin d’être cerné ; cette lutte demeure d’une actualité pressante.

La loi aura permis aussi de démasquer les faux prétextes, comme celui de ramener un délit à une opinion ou à une libre expression.

Mais cette loi est un outil que nous devons défendre. La constitution de partie civile par les associations permet d’avoir accès au dossier et d’éviter que parfois, en raison de l’encombrement des Parquets notamment, des affaires soient classées sans suite. Par cette action les associations sont d’un puissant secours pour faire reconnaître la citoyenneté. Alors que l’on sait que des discriminations notoires frappent des jeunes français, nés de parents étrangers anciens colonisés, la loi a pour objet de faire respecter le droit

La ténacité du MRAP, qui a lutté vingt ans pour obtenir cette loi, est prolongée par la ténacité pour la faire appliquer. Ce ne sont pas seulement des condamnations qui sont recherchées, c’est aussi une action pédagogique en direction de l’opinion publique qui est engagée ; il s’agit de faire prendre conscience à tous les citoyens que le racisme est un délit parce qu’il méprise par la haine des hommes et des femmes qui sont des égaux, parce que nous sommes tous des égaux, partageant les mêmes Droits de l’Homme garantis par la Constitution française. Qui récuse les Droits de l’Homme, renie son identité.

 

source : www.mrap.fr