l’Observatoire de l’enfermement des étrangers
En Europe, la directive « retour » adoptée le 16 décembre 2008 a institutionnalisé la pratique de la détention administrative des étrangers, avec des durées pouvant aller jusqu’à dix-huit mois. En France, la politique du chiffre en matière d’éloignement conduit à ce que l’enfermement, sous toutes ses formes, devienne un mode banal de « gestion des migrants ».
Cette pratique provoque notamment des actes de désespoir et des drames humains dans les centres de rétention administrative (CRA) : automutilations, tentatives de suicides, incendies, révoltes. Le 21 juin 2008, à la suite de la mort d’un retenu, une révolte éclate : le plus gros CRA de France part en fumée. Réponse du gouvernement : répression et désinformation. Le nombre de personnes privées de liberté pour des motifs extra-judiciaires est en forte augmentation depuis 2004. Fin 2009, il y avait 23 CRA en métropole et 4 outre-mer. Dans ces derniers, la situation est particulièrement préoccupante tant sur le plan des conditions matérielles de rétention que sur celui du respect des droits des étrangers. En raison de l’application d’un droit dérogatoire et beaucoup moins protecteur, le nombre de reconduites à la frontière est bien plus élevé dans les départements ou collectivités d’outre-mer que dans l’hexagone. A Mayotte, en 2008, leur nombre représentait 10% de la population et près de 3 000 mineurs ont été expulsés.
Plusieurs dizaines de locaux de rétention administrative (LRA) existent également en France. Certains sont permanents, d’autres temporaires. Ils peuvent être créés par simple décision préfectorale dans n’importe quel lieu (commissariat, hôtel, etc.). Les conditions matérielles y sont souvent mauvaises et la possibilité d’y faire valoir ses droits limitée. En outre, l’enfermement dans ces locaux est quasi-clandestin car il est très difficile d’obtenir des informations précises sur leur nombre, comme sur le nombre des personnes qui y sont placées. Il n’existe à ce jour aucune liste facilement accessible de ces lieux d’enfermement.
Par ailleurs, un grand nombre d’étrangers se trouvent en prison, condamnés pour séjour irrégulier ou pour refus d’embarquer lors de l’exécution d’une expulsion et ne pouvant accéder à leurs droits en détention.
Enfin, la situation est également préoccupante à l’entrée sur le territoire français. Vingt ans après sa création, l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) constate tous les ans que des milliers d’étrangers – parmi lesquels des demandeurs d’asile – se voient refuser l’entrée sur le territoire et sont maintenus en zone d’attente pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, dans des conditions très difficiles et bien souvent au mépris de leurs droits.
Si plusieurs initiatives citoyennes existent, si l’Anafé et la Cimade notamment, à travers leurs rapports annuels, ont fourni à ce jour des données précieuses, la question de l’enfermement des étrangers échappe encore à une appréhension globale par l’opinion.
C’est pourquoi nos associations, souhaitant être rejointes par d’autres organisations/groupes, décident de créer un Observatoire de l’enfermement des étrangers pour porter le regard de la société civile sur le processus et les lieux de l’enfermement, en vue :
– de recueillir des informations sur l’exercice effectif des droits des étrangers privés de liberté ;
– de faire connaître la réalité et les conditions de l’enfermement des étrangers ;
– de témoigner sur les conséquences de cet enfermement et sur des situations conduisant aux violations des droits ;
– de jouer un rôle d’alerte et de défense des droits des étrangers ;
– de soutenir les initiatives locales pour la défense des étrangers enfermés ;
– de favoriser l’émergence d’observatoires locaux.
COMMENT
L’Observatoire fonde son action sur les dispositions de droit interne et les instruments internationaux de protection des droits de l’Homme, en particulier la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui prohibent la torture et les peines et traitements inhumains ou dégradants, et protègent le droit à la vie, la dignité ainsi que le droit à une vie privée et familiale.
L’Observatoire mettra en relation les personnes, groupes et réseaux qui soutiennent les étrangers enfermés. Il organisera un réseau d’informateurs en tissant des liens avec les personnes, groupes et réseaux qui interviennent ou accèdent aux lieux d’enfermement et celles qui subissent directement ou indirectement la privation de liberté (les personnes détenues et leurs proches).
L’ensemble de ces personnes seront sollicitées pour alerter l’Observatoire lorsqu’elles constateront un manquement aux droits ou des dysfonctionnements sérieux. Le cas échéant, il procédera à des investigations complémentaires. Il organisera régulièrement l’audition des différents acteurs intervenant dans les lieux d’enfermement, et pourra mener des campagnes de visites.
Les alertes régulières des pouvoirs publics et de la presse seront effectuées sous la forme de rapports, d’études, d’une revue et/ou d’un site internet.