Lettre ouverte à Madame Natacha Bouchart, Maire de Calais

Communiqué de la Fédération du Pas-de-Calais de la LDH

Lettre ouverte à Madame Natacha Bouchart, Maire de Calais

C’est avec consternation et colère que nous avons appris votre décision d’annuler le Festival « À l’Uni’son », prévu les 18 et 19 octobre derniers à Calais. Cette manifestation voulait être une rencontre festive et affichait clairement sa volonté de favoriser un rapprochement entre la population calaisienne et les personnes migrantes en exil. Elle prévoyait des expositions et des concerts et n’était donc pas, contrairement à ce que vous avez affirmé, de nature à exacerber les tensions dans la ville. Il s’agissait bien de faciliter le dialogue et les échanges dans le cadre d’une action culturelle citoyenne, démarche on ne peut plus légitime. Nous estimons que ce n’est pas en interdisant le débat public et en muselant les voix de ceux qui ne partagent pas vos conceptions en la matière que vous contribuerez à faire émerger des réponses à la situation des migrants qui soient en conformité avec le respect des droits de l’Homme. En conséquence, nous considérons que la décision que vous avez prise relève d’une démarche de censure.

Nous sommes également profondément choqués et scandalisés par vos récentes déclarations faisant appel à la délation en invitant la population calaisienne à dénoncer toute tentative d’occupation d’un squat par des migrants.

Nous l’avons déjà exprimé à plusieurs reprises, la répression ne peut tenir lieu de politique migratoire et il est indigne de traiter des hommes, des femmes et des enfants « pires que des bêtes », comme l’avait déclaré, en 2009, notre ancien Président national Jean-Pierre Dubois venu découvrir la réalité des situations sur le terrain.

Alors que des scientifiques et philosophes de renom lancent aujourd’hui une campagne visant au respect de la dignité des animaux, on est effaré de voir que vous appelez, vous, élue du peuple, à la dénonciation pour jeter, de fait, les migrants à la rue : est-il nécessaire de rappeler qu’il s’agit de populations en errance ou en transit, de pauvres parmi les pauvres ?

Vous prenez prétexte des nuisances occasionnées aux riverains, des conditions d’hygiène lamentables voire des risques encourus en matière de sécurité. Alors, pourquoi ne pas proposer des conditions plus respectueuses de la dignité de ces personnes ?

Vous donnez ainsi, à quelques semaines d’une échéance électorale importante pour vous, l’impression de vouloir concurrencer l’extrême droite sur son propre terrain (à savoir l’exclusion, le rejet de l’étranger et la préférence nationale).

Vous auriez pu, en respectant la liberté d’expression, en apportant votre soutien au Festival, en vous engageant résolument au service des valeurs républicaines de Liberté et de Fraternité, vous affirmer comme une élue capable de prendre de la hauteur, au-dessus des clivages politiciens, dans le but de favoriser le « vivre ensemble » qui fait toute la richesse d’une ville ouverte sur le monde. Tel n’a malheureusement pas été le cas, c’est le moins qu’on puisse dire ! Je vous informe que la LDH, la LICRA et le MRAP viennent de cosigner un appel national « Refusons que la haine fasse programme ».

Peut-être pensez-vous avoir réussi à séduire quelques électeurs tentés par l’extrême droite mais vous aurez dans le même temps perdu l’estime et la considération de beaucoup d’autres Calaisiens et Calaisiennes, indignés ou simplement troublés par vos déclarations et votre appel à la délation.

Compte tenu de la gravité de la situation, il nous est apparu indispensable de rendre cette lettre publique.

Veuillez agréer, Madame le Maire, l’expression de notre consternation et de notre attachement profond au respect des droits de l’Homme.

Alain PRUVOT, Président de la Fédération LDH du Pas-de-Calais

Le 25 octobre 2013.

>>> Lettre Ouverte à Mme Le Maire de Calais 2013 10 25