Une expulsion tous les trois jours entre juin et août 2018. Ce ne sont pas moins de 37 squats ou bidonvilles où vivaient plusieurs centaines de personnes qui ont été détruits en Ile-de-France, dans le Nord, les Bouches-du-Rhône, la Loire Atlantique ou encore à Lyon et Toulouse. Sur la même période, 26 lieux de vie avaient été expulsés en 2017.
Un rythme effréné contredisant l’instruction du 25 janvier 2018 visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des bidonvilles, qui préconise de travailler « le plus tôt possible à l’accompagnement des personnes vers la sortie, dans le but d’une résorption complète de ces campements ». Pourtant, la grande majorité des expulsions de cet été n’a pas été suffisamment anticipée : absence de concertation préalable avec les habitants, refus des autorités de dialoguer avec des acteurs associatifs, absence de diagnostic social, etc. Dans ces conditions, elles se soldent immanquablement par une absence de proposition adaptée d’hébergement ou de relogement. Et la reconstruction de nouveaux bidonvilles !
Pire, certaines expulsions sont exécutées en dehors de tout cadre légal ou sans respecter la procédure. Les juges tendent de plus en plus à condamner l’Etat pour « voie de fait » et à accorder des dommages et intérêts aux personnes expulsées, à l’instar du tribunal de grande instance de Nanterre concernant une expulsion à Gennevilliers en juin dernier[1].
Pour autant, les conséquences d’une expulsion, mesure brutale par nature, sont bien souvent irréparables. Ainsi, pour les enfants, en plus de traumatismes psychologiques souvent graves, elles sont trop souvent synonymes de déscolarisation ; l’errance contrainte dans laquelle elles placent leurs familles faisant généralement obstacle à leur maintien à l’école. Autant de temps perdu qu’aucune indemnité ne permettra de rattraper…
Il existe néanmoins des solutions alternatives à l’expulsion « sèche » des habitants de bidonvilles et squats qui commencent à être mises en œuvre sur certains territoires avec des résultats très encourageants. Pour que ces solutions deviennent la norme, elles doivent être intégrées à une politique de résorption des bidonvilles et des squats cohérente et concertée avec l’ensemble des acteurs, au premier rang desquels les personnes concernées.
C’est le sens de l’instruction du 25 janvier 2018, qui tarde à être appliquée sur de nombreux territoires alors que les associations comme les habitants sont prêts à accompagner sa mise en œuvre. Il est urgent d’agir pour mettre en pratique le changement de cap engagé par ce texte, et ce dans l’intérêt des habitants de bidonvilles, de leurs voisins, et de l’ensemble de la société !
Paris, le 7 septembre 2018