Edito : Violence des jeunes : les solutions démagogiques

Ces dernières semaines, au regard de faits-divers crapuleux ou criminels, le gouvernement s’est une fois de plus montré à la hauteur de la vox populi, à savoir pointer du doigt la violence de la jeunesse. Répondre aux sirènes de la décivilisation vaut mieux que comprendre les causes et remédier aux drames vécus par bon nombre de jeunes.

N’oublions pas que depuis la crise de la Covid, la souffrance psychosociale des jeunes s’est considérablement accrue. Rajoutons que l’éco anxiété n’est pas un symptôme uniquement des enfants vivant dans les beaux quartiers parisiens. Vivre dans un quartier relégué ou dans une zone périurbaine mal desservie en transports en commun et services publics, se voir relégué dans un collège ou lycée professionnel reproducteur des inégalités sociales comme le dirait Bourdieu ou être pris en charge par un système en faillite, celui de la protection de l’enfance très régulièrement montré du doigt par ses graves défaillances, ne peut que conduire au concours Lépine de la plus absurde solution pour encore mieux répondre à une fracture générationnelle ou désavouer celles et ceux qui quotidiennement consacrent leur énergie à éduquer nos jeunes.

Parmi les idées les plus bêtes, il y a celle de la suppression de l’excuse de minorité, et sur le podium, la première place mise en avant par le gouvernement est celle des 40 000 places en internat scolaire pour les sauvageons. Où a-t-il trouvé ces 40 000 places soi-disant disponibles, notre très cher jeune Premier Ministre ? On peut jouer avec les mots, avec les concepts, avec les peurs, et véhiculer l’idée d’une justice laxiste vis-à-vis des mineurs, mais qu’est devenue cette politique de la famille et de l’enfance depuis 2017 ?

La Protection Judiciaire de la Jeunesse, l’Aide Sociale à l’Enfance, la médecine scolaire, la pédiatrie, la pédopsychiatrie et l’Education Nationale sont des institutions qui croulent sous des difficultés systémiques, un manque de moyens et une définition de politiques publiques de plus en plus déconnectées des réalités de terrain.

Restaurer l’autorité va donc de pair avec une volonté d’une justice de plus en plus expéditive et de moins en moins éducative. Les différentes réformes de l’ordonnance de 1945 se sont traduites par une fermeture de places dans les foyers éducatifs et par la création de coûteuses mesures d’enfermement comme les centres éducatifs fermés à plus de 600 € par jour ou les établissements pénitenciers pour mineurs. Comme il se doit, on a diminué les crédits concernant la prévention spécialisée, fermé des services éducatifs, pressurisé encore plus les juges pour enfants qui croulent sous les dossiers. En Loire Atlantique, aujourd’hui, en mai 2024, 1 500 enfants dits en danger sont en attente de mesure d’Assistance Educative en Milieu Ouvert, 300 mineurs sont en attente de placement mais M. Gabriel Attal n’a pas d’autre chose que de nous proposer un énième plan pour sanctionner encore plus.

Parmi les autres mesures que l’on nous a beaucoup surinées après les révoltes urbaines de l’été 2023, il y a celles voulant responsabiliser les parents par des sanctions pénales et financières. Doit-on rappeler à nos gouvernants que ces dispositifs existent déjà et qu’ils ont très peu souvent montré leur efficience ?

Faudra-t-il d’autres condamnations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme concernant les défaillances de protection de l’enfance par l’Etat ou les collectivités territoriales ? Faut-il que les associations de parents d’enfants handicapés et la défenseure des droits fassent de nouvelles alertes concernant les carences criantes de prise en charge des enfants handicapés et voir l’Etat une fois de plus condamné par les tribunaux pour dire : de qui se moque-t-on ?

S’il est courant de dire que l’état d’une société se juge à la manière dont sa jeunesse et sa vieillesse sont traitées, point n’est besoin de vous dire que notre pays dégrade de plus en plus sa note et que les agences de notation mériteraient bien de dire symboliquement à l’Etat la dette qu’il doit à ses jeunes et ses vieux.

Mais il n’y a pas d’agence de notation internationale sur ces questions qui valent bien peu de choses par rapport à l’économie ou à la sphère financière.

Jean-Luc Boero, président de la section, le 13 mai 2024