Edito : Un projet de loi DARMANIN qui vise à rendre encore plus précaire la situation des étrangers les plus vulnérables

En cette fin d’année commence à être discuté le 23ème projet de loi concernant les étrangers depuis 1980.

Dans une course en avant effrénée pour contrer l’extrême droite, le gouvernement pense qu’en durcissant la politique d’immigration, il évitera une prochaine déconfiture électorale. Rien n’est moins sûr car face à une situation de plus en plus xénophobe, nous constatons au quotidien que la situation des personnes étrangères, selon le pays d’où elles viennent, n’est pas traitée de la même manière.

Les chiffres sont manipulés. Ainsi, 7 millions de personnes immigrées soit 10,3 % de la population vivent en France. Mais il faut savoir que 36 % d’entre elles soit 2,5 millions de personnes ont acquis la nationalité française. Ainsi, on ne compte que 5 millions de personnes de nationalité étrangère.

Il est utile de rappeler que l’immense majorité des personnes étrangères vivant sur notre sol sont en situation régulière. Il arrive en moyenne plus de 250 000 personnes étrangères tous les ans en France et un nombre non négligeable de celles-ci retournera un jour ou l’autre soit dans son pays, soit vivra dans un autre pays (les étudiants, les retraités étrangers, etc.).

La période des années SARKOZY a modifié sensiblement le traitement des étrangers hors union européenne. Ce fut l’époque de la création d’un Ministère de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale. Les compétences autrefois déléguées au Ministère des affaires sociales furent intégrées au Ministère des affaires étrangères. C’est une vision de plus en plus régressive et répressive des politiques migratoires.

La dernière loi date de 2018 et elle n’a même pas donné lieu à un bilan d’application. Le débat sur les OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) a pris une tournure nauséabonde suite à la mort crapuleuse de la jeune Lola. M. DARMANIN s’est fendu d’une circulaire en date du 17 novembre pour renforcer l’exécution des OQTF, son propos étant, comme il a pu le dire en conférence de presse, d’être « méchant avec les méchants ». Il veut rendre la vie impossible à celles et ceux qui ont reçu une OQTF.

La LDH et d’autres associations ont rappelé à notre Ministre d’Etat que la question de l’hébergement d’urgence ne peut aucunement déroger à l’inconditionnalité de l’accueil telle que prévue dans les textes réglementaires. Vouloir une fois de plus recourir à l’expulsion des étrangers en situation irrégulière est une vue de l’esprit totalement irréalisable car faut-il le préciser, l’expulsion nécessite des accords avec des pays tiers, des moyens financiers et humains très importants si l’on veut expulser chaque année 100 000 personnes contre 10% des OQTF exécutées en moyenne actuellement. Et faut-il rappeler que des recours sont possibles contre des OQTF.

Monsieur DARMANIN, comme sous le président SARKOZY, veut réhabiliter la notion d’immigration choisie et Monsieur DUSSOPT, Ministre du travail, parle de régulariser les personnes qui occupent des métiers en tension, mais cette régularisation se fera via les cartes de séjour temporaires d’un an et correspondra à des professions choisies en fonction des besoins de l’économie.

Le droit d’asile, dans le projet DARMANIN, risque aussi d’être mis à mal par l’usage systématique de la visioconférence, par des procédures écourtées, par la mise en place d’un juge unique et par la territorialisation de la Cour Nationale du Droit d’Asile.

La LDH revendique une politique migratoire basée sur le respect des droits et libertés fondamentales et notamment la libre circulation et l’égalité des droits. Nous revendiquons de faire de l’asile un droit effectif avec le principe de non refoulement, le libre choix du pays d’asile, une procédure assurant les garanties effectives et un traitement adapté. Nous demandons que la notion de pays sûr soit abandonnée ainsi que le recours aux procédures dites accélérées. Elles constituent en elles-mêmes une rupture d’égalité des droits.

Nous demandons depuis très longtemps une revalorisation de l’Aide aux Demandeurs d’Asile et un accès à l’emploi facilité. Nous avons dit depuis de très nombreuses années que la LDH réaffirme sa position en faveur de la régularisation de toutes les personnes étrangères vivant sous notre territoire. Il nous semble important de changer de paradigme concernant la fermeture des frontières et ce en raison de la richesse qu’ont apporté et qu’apportent les migrations, de l’enjeu que représente aujourd’hui le droit d’asile en raison des conflits religieux ou territoriaux à travers le monde, des régimes autocratiques et d’un exil souvent lié aux misères économiques, sociales et sanitaires. Rappelons aussi que l’enjeu climatique conduit et conduira inexorablement à l’augmentation sensible des migrations. Vouloir nier ces réalités, c’est se parer dans des postures idéologiques qui ne permettent pas de régler les questions de flux migratoires et encore moins celle de l’inclusion des étrangers.

Il n’existe pas de grand remplacement, il existe avant tout des êtres humains qui cherchent protection, accueil et sécurité. Vouloir opposer les citoyens et les migrants en les catégorisant, en rejetant la légitimité des demandes, en les associant à des délinquants, en précarisant leurs conditions d’existence est une rupture d’égalité des droits qui déchire notre tissu social.

La section LDH s’opposera avec force avec nos partenaires habituels comme avec l’ensemble des associations qui travaillent sur ces questions à un projet de loi qui viendrait confirmer la manipulation politicienne de Monsieur MACRON en ratissant largement sur ces terres droitières.

Jean-Luc BOERO, Président de la section LDH-St Nazaire,

le 11 décembre 2022

Edito – Pourquoi des Assises locales de la solidarité avec les migrants ?

Saint-Nazaire, le 15 février 2022

Depuis plusieurs décennies, des femmes, des hommes, des enfants originaires de l’Europe de l’Est, d’Afrique de l’Est, du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud-Est tentent par tous les moyens de franchir les frontières pour venir s’installer en Europe. En dehors de la parenthèse 2015-2016 quand Mme Merkel a donné un accord pour l’installation d’environ 1 million de réfugiés syriens, la politique européenne, dans le cadre des accords de Schengen ou du nouveau Pacte européen pour les migrations, a donné lieu à des frontières de l’U.E. de plus en plus verrouillées.

Le droit des exilés est de plus en plus à la baisse. En France, l’OFPRA n’accorde le statut de réfugié qu’à environ 20 % des demandeurs, soit largement en dessous de la moyenne européenne qui est de 38 %.

Les thèses d’une submersion d’un grand remplacement ne se vérifient aucunement dans les réalités migratoires. Dans l’ensemble, le nombre des migrants tend effectivement à augmenter ces dernières années. Ainsi, entre 1970 et 2019, il est passé de 84 millions à 272 millions. Mais la part que représentent les migrants par rapport à la population mondiale a régressé. Au début du 20ème siècle, les migrations internationales représentaient 5 % de la population mondiale, aujourd’hui elles n’en constituent que 3,5 %. La plupart des personnes qui migrent le font sans quitter leur pays de naissance ou alors, pour s’installer dans un pays voisin. Par ailleurs, n’oublions pas qu’entre 1870 et 1920, plus de 20 millions d’Européens ont émigré vers les Etats Unis.

Malgré un volume du commerce mondial qui a été multiplié par 30 depuis les années 1950, les migrations n’ont augmenté que de manière relativement modérée. Partout en Europe, ces 3 dernières décennies, barbelés, barrières et murs sont venus entraver la mobilité des personnes. Pour autant, la population étrangère ne représente que 4,7 % de la population totale européenne.

Penser autrement la question migratoire devient une nécessité absolue car de plus en plus, la fermeture des frontières est devenue la solution pour stopper l’immigration. Le problème, c’est que cela ne marche pas, ce n’est ni le degré d’ouverture ou de fermeture des frontières qui détermine les flux migratoires, c’est avant tout les conditions de vie, le besoin d’échapper à la misère, les violences, les famines, les crises économiques, les crises sanitaires, les répressions politiques qui génèrent ces flux migratoires. La fermeture des frontières fait le business des passeurs. Si elle sert à renforcer le sentiment d’identité collective, elle ne règle rien des migrations mais participe au chaos migratoire et à des crises entre l’Europe et le reste du monde.

Vouloir externaliser les demandes d’asile, se conformer aux pays hostiles à l’accueil, renier davantage des valeurs qui fondent le projet européen, restreindre le droit d’asile, tels sont les projets du pacte européen de septembre 2020 sur l’asile et les migrations. C’est un cercle vicieux qui ne peut produire que de l’injustice.

Pour toutes ces raisons, une bonne vingtaine d’associations et organisations nazairiennes, de la Carène, de Cap Atlantique, d’Estuaire et Sillon, de Sud Estuaire ont décidé de présenter une autre image des migrations. Les migrations sont une constante de l’humanité, une autre politique migratoire est nécessaire qui tienne compte de la dignité humaine, qui cesse de dresser des obstacles et qui ne renvoie pas de nombreux migrants dans une précarité et dans un grand dénuement.

Nous devons agir tous ensemble, en finir avec ces idées xénophobes, racistes qui nourrissent le rejet et la peur. Il faut promouvoir un monde plus juste et plus solidaire, prêt à surmonter les défis sociaux et environnementaux à venir.

Soyez très nombreux le samedi 19 mars pour ces Assises qui se tiendront toute la journée à l’Alvéole 12 de St Nazaire.

Jean-Luc BOERO, président de la section LDH de St-Nazaire