Edito : Les dépenses sociales sont avant tout une affaire de droits !

Les collectivités territoriales (villes ou départements principalement) sont des pourvoyeuses de prestations sociales au titre du RSA, de l’enfance, de la pauvreté, des vulnérabilités sociales ou de politiques de solidarités facultatives.

L’Etat intervient principalement par une redistribution autour de 6 domaines : vieillesse, santé, famille, emploi, logement, pauvreté-exclusion. Des pays de l’OCDE, la France est le pays qui dépense le plus au titre de l’Etat-providence, soit un peu plus de 30% de son PIB.  Cela a aussi un impact fort sur son attractivité économique,  ce n’est pas qu’un pognon de dingue qu’il faut chercher à réduire.

Les contraintes européennes sur les comptes publics, les exigences des marchés financiers, les politiques de désendettement voulues par les traités imposent de plus en plus les états à un rationnement des dépenses publiques.  Les dépenses sociales sont souvent dans les premières à vivre des coupes budgétaires. C’est le cas pour la santé, (déremboursement, fermeture de lits, durée réduite d’hospitalisation, etc..), dernièrement pour l’assurance-chômage et prochainement pour les retraites.

La France est un des pays européens qui a le plus à craindre d’un effritement de son modèle social. Nos concitoyens n’en sont pas dupes et réagissent souvent avec un fatalisme lorsque des réformes dont le but est de diminuer les dépenses sociales pesant sur les entreprises et les comptes publics se font jour.

Cette politique est en place depuis plus de 30 ans avec cependant de nouveaux acquis sociaux comme le RSA mais a pris des formes parfois très inquiétantes comme la diminution des dépenses hospitalières qui a conduit à  des risques sanitaires majeurs lors de la pandémie de la COVID.  Le manque de personnel hospitalier, la dégradation des conditions de travail et la saturation de certains services en sont les phénomènes les plus visibles. Et cela touche aujourd’hui plein de secteurs : les EPHAD, les personnes handicapées, la Protection de l’Enfance, l’aide à domicile, etc..

Alors, lorsque l’on voit des mairies nous faire de beaux exposés sur leurs politiques de solidarité, on peut être dubitatif au regard de leurs contraintes financières et des besoins sociaux grandissants. Ce fut le cas lors du forum annuel social de la mairie de St Nazaire.  Les moyens mis au service des plus fragiles sont réels et importants. Mais derrière les chiffres, les dispositifs, se cachent aussi des politiques sociales à guichets fermés : il faut entrer dans les cases.

Saint Nazaire n’échappe pas à cette réalité. Son CCAS revoit son accompagnement des usagers en lien avec le département. Et cela reste encore bien difficile pour les usagers de trouver une réponse adaptée et durable à leurs difficultés. Le panier des aides sociales municipales ne répond qu’à des urgences et ne permet pas de sortir de situations chroniques de grande pauvreté et il ne concerne pas tous les publics.

Et en ce qui concerne l’accueil inconditionnel et global qui est inscrit dans le droit positif, on peut faire beaucoup mieux, car l’accompagnement est souvent conditionné à des notions d’ayant-droit et de répartition des champs de compétences entre Etat, Département et communes. Pour l’hébergement d’urgence, la compétence est d’Etat mais au titre de l’action sociale volontariste, les communes et les Départements peuvent agir et créer des dispositifs d’hébergement d’urgence. Il ne faut pas que les collectivités et l’Etat se renvoient la balle laissant des personnes vulnérables sur le carreau.

Les avancées comme la création en 2023 d’un dispositif d’hébergement d’urgence en modulaire, pour des SDF avec des chiens et avec des problématiques d’addictions, etc. est une réponse que les professionnels, les associations sociales attendent depuis longtemps. Dans un tel projet, il ne faut pas croire que c’est uniquement les questions de droit des personnes qui ont été les seuls déclencheurs de ce programme. Les aspects autour de la tranquillité publique, de l’attractivité touristique, de l’image de la ville ont aussi influencé les choix politiques. Saint Nazaire veut se montrer proche des préoccupations des classes moyennes ou supérieures qui s’y installent. Le dire n’est pas remettre en cause les intentions sociales de la mairie, mais c’est aussi dans ces différentes dimensions que se pense l’action sociale, d’où l’importance que des associations comme la LDH rappellent les droits des plus fragiles.

La section LDH sera présente à la table-ronde initiée par la mairie de St Nazaire sur l’hébergement d’urgence et notre propos sera de redire que les droits sont avant tout notre ADN !  Il ne faudra pas que cette table-ronde soit une fois encore le lamento sur le désengagement de l’Etat dans cette politique qui lui incombe.

Nous revendiquerons la reconnaissance pleine et entière des expérimentations sociales conduites par les associations, de l’importance de prendre en compte la parole des usagers, de l’absolue nécessité de dépasser les approches trop sectorielles ou par catégories et de travailler dans la durée à partir de la prise en compte de la globalité de la personne et de ses droits. Nous demanderons  qu’un diagnostic des besoins qui inclut les réalités rencontrées par toutes les associations et non par le seul prisme des décideurs ou financeurs soit mis en avant pour éclairer les besoins et droits à couvrir.

Nous serons donc aux côtés des associations, des bénévoles, des professionnels et des élus pour faire en sorte que les droits ne soient pas écornés par des politiques de rationalisation budgétaire qui sont forcément plus coûteuses à terme. Recoudre un tissu social éclaté, des détresses humaines aggravées par des manques revient plus cher. Et sur le plan démocratique c’est un vrai risque de voir l’extrême-droite au pouvoir.

Le 27 novembre 2022

 Jean-Luc BOERO, Président de la section