Edito : Combattons l’exploitation politicienne et raciste des migrations

Arthur KOESTER, en 1941 a écrit  «La lie de la terre »,  livre bouleversant sur le parcours d’un exilé juif hongrois et communiste. Ce livre lucide et prémonitoire par bien des aspects, d’une sensibilité extrême, nous narre la fabrication du racisme et ses racines très anciennes.

En 2022, les ressorts de la haine de l’étranger sont toujours vivaces. Ils prennent des tournures religieuses, économiques, culturelles ou sociales.

Les politiciens plus souvent de droite et d’extrême droite, sans pour autant  exclure des politiciens de gauche et non des moindres, ressortent régulièrement les thématiques sur les migrants faiseurs d’insécurité, dévoreurs de nos aides sociales, amalgamant musulmans et intégristes.

Le grand remplacement en est la thèse la plus caricaturale. Mais ne perdons pas de vue que ces postures conduisent inexorablement à un durcissement de lois anti-immigrés et fabriquent un risque démocratique certain. Car courir derrière l’hydre autoritaire et la préférence nationale ne fait pas un rempart contre l’extrême-droite. Cela conduit d’abord à une politique migratoire calamiteuse et pourvoyeuse de dangers pour les personnes et leurs droits les plus élémentaires. C’est  aussi rendre banal le fond idéologique de l’extrême-droite. Les valeurs démocratiques et l’action publique n’en sortent pas grandies.

Certains me diront qu’il faut sortir de l’angélisme d’accueil  si nous ne voulons pas que l’extrême-droite prenne le pouvoir. Pour autant, ce sont les mêmes politiciens qui  demandent aux Français d’ouvrir leurs  portes aux réfugiés ukrainiens. En effet, nous ostraciser car nous serions des doux-rêveurs est plus facile à faire que de construire une politique devant à la fois lutter contre les préjugés, les haines ancestrales et permettre une intégration réussie. Il faut avoir du courage pour affronter les contre-vérités dites à longueur de journée et soutenir une autre politique migratoire.

Discernons aussi les causes à défendre et ne sombrons pas dans l’inaction face aux intégrismes qui sont de vraies atteintes aux droits humains. Continuons de dénoncer les causes écologiques, sociales géopolitiques, économiques qui conduisent à l’exil, mais luttons sans merci contre ceux qui s’enrichissent dans le trafic migratoire dont le trafic d’êtres humains. Nous le devons à tous ceux qui combattent l’obscurantisme religieux, ceux qui sont morts ici en France ou ailleurs à travers le monde pour notre liberté d’expression, pour le droit des femmes, contre l’application de la charia dans les régimes islamistes.

Refusons les amalgames, ayons un propos clair sur tous les profiteurs des migrations, soyons pédagogues et refusons l’hystérie du sujet.

Le futur projet de loi DARMANIN sera la 21ème loi sur l’immigration depuis 1986. Si Emmanuel Macron veut sortir d’une politique absurde à la fois inefficace et inhumaine, il faut lui rappeler que la dernière loi date de 2018, loi qui a réduit la durée pour déposer une demande d’asile et qui a conduit aussi à un rallongement des durées d’enfermement en centre de rétention. La proposition de loi de M. DARMANIN a principalement pour visée de rendre encore plus difficiles les conditions pour obtenir un titre de séjour. Il visera également à réduire les délais pour déposer des demandes d’asile et les recours à la CNDA, il rallongera les durées de rétention. Le projet vise aussi à augmenter d’un an à trois ans les Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF). Il accélèrera la dématérialisation des dossiers, veut accroître le volet de l’immigration économique, sans oublier des projets d’ouverture de nouveaux centres de rétention administrative inscrits dans ce projet.

La création d’un centre de rétention administrative sur NANTES présenté dernièrement dans une actualité sur la délinquance nantaise a conduit la LDH de NANTES à réagir avec les associations de défense des migrants, en précisant qu’il était anormal d’amalgamer immigration et délinquance. Si la délinquance est plus élevée dans les quartiers populaires où il y a une forte concentration de personnes d’origine étrangère, encore faut-il y noter que cette délinquance est pour grande partie liée au trafic de drogue qui est le résultat d’une politique prohibitive totalement inefficiente et inefficace pour lutter contre le fléau de la drogue, des addictions et de l’argent facile. Cette économie souterraine est aussi le fruit des difficultés économiques graves et de la précarité importante de bon nombre d’habitants de ces quartiers. Donner ces explications sociologiques et criminologiques ne vient nullement amoindrir les responsabilités individuelles ni la lutte à développer contre les réseaux mafieux qui ne cessent malheureusement de prendre de l’ampleur.

Pour continuer à travailler sur les conditions d’une intégration réussie, prenons comme exemple les facilités données fort heureusement aux Ukrainiens. Faciliter l’obtention de titres de séjour, du droit au travail et à l’éducation  conduit à un affaiblissement des réseaux mafieux et produit forcément une meilleure sécurité de tous et les conditions d’une intégration à l’image des valeurs de notre République. 

La ville de SAINT-BREVIN se rappelle à notre souvenir. Lors de la fermeture de la zone de CALAIS en 2016, des migrants avaient été installés dans un centre de vacances de cette commune. Leur arrivée avait généré un mouvement de haine, il y avait eu un tir de chevrotine dans ce centre, fort heureusement sans faire de victime. Mais il y est né un formidable mouvement de solidarité qui existe toujours et qui a permis des brassages culturels et humains riches.

Le 15 octobre 2022, une contre-manifestation a eu lieu devant la mairie de ST-BREVIN car un projet de création d’un CADA a amené de soi-disant Brévinois apolitiques mais soutenus par le Rassemblement National à manifester leur désaccord contre cette création. Les arguments sur l’insécurité, sur le coût de cette installation et sur la dépréciation immobilière étaient une fois encore cités par ces Brévinois. Mais le nombre de manifestants favorables à cette ouverture de CADA, venus à l’appel du collectif des Brévinois attentifs et solidaires, étaient bien plus nombreux.

La LDH a rappelé lors de cette manifestation que la fraternité n’était pas à géométrie variable et qu’une politique migratoire accueillante avait montré tout son plein succès à ST-BREVIN.

Jean-Luc BOERO, Président de la section LDH-St Nazaire

Le 15 octobre 2022