Saint-Nazaire, le 20 septembre 2022
Comme vous avez pu le constater, la section est très active dans le combat des Maisons d’Hébergement Solidaire(MHS). Dès février 2021 et la réquisition citoyenne des deux maisons du boulevard Jean DE NEYMAN nous avons été sur une ligne politique très claire :
- Le droit au logement est un droit constitutionnel et les ressorts légaux ne sont malheureusement pas toujours mis en œuvre à la hauteur des besoins par l’Etat et les collectivités territoriales. Les associations professionnalisées étant dépendantes de l’argent public, elles ont souvent une ligne politique molle. Les associations caritatives, malheureusement, n’utilisent pas suffisamment les ressors légaux tels que le DAHO ou le DALO. Le dispositif d’hébergement d’urgence est largement embolisé et la politique nationale sur le logement favorise la concentration du patrimoine, la spéculation, et se fait sur le dos du logement social. Sur St-Nazaire, nous n’échappons pas aux effets de cette politique, même si en matière de logement social, la ville s’est traditionnellement montrée volontariste.
- le droit de propriété n’exclut pas la possibilité de signer des conventions d’occupation précaire, voire de faire des réquisitions (loi du 23 novembre 2018), et pour cela nous avons demandé dès le premier trimestre 2021 à la mairie de Saint Nazaire d’ouvrir des négociations avec le collectif d’urgence sociale.
Depuis deux ans, nous avons rencontré plusieurs fois les membres du Collectif d’Urgence Sociale (CUS) pour qu’ils acceptent de rentrer dans le jeu républicain en se constituant en association. Nous leur avons demandé de déposer un dossier sur leur projet, sa philosophie et les principes directeurs auprès de la mairie.
Notre engagement auprès d’eux a toujours été conditionné par une nécessité d’ouvrir un dialogue positif avec la mairie, de mener un combat pacifique, sérieux et sans provocation.
A deux reprises, nous avons rencontré l’élue en charge des solidarités, Mme TRIGODET, et ce à notre demande. Nous avons proposé, au regard des positions fermées du maire, d’être médiateur pour faciliter le dialogue et obtenir que l’expérience des MHS soit reconnue par les pouvoirs publics. Les membres du CUS nous ont toujours sollicités pour que cette fonction de médiation par la LDH facilite le dialogue.
Avec le CUS, la mairie a conduit deux réunions avec une épée de Damoclès : une assignation devant la justice pour occupation illégale. Mme TRIGODET et son directeur des Solidarités ont tergiversé sur la suite à donner à l’expérience conduite par le CUS. Est-ce la démarche horizontale des MHS, sont-ce les soutiens apportés par des organisations situées à l’extrême-gauche, est-ce l’assimilation à une image de squatteur radicalisé ou est-ce la ligne politique de la mairie qui ne veut pas froisser la préfecture qui a conduit à ce positionnement municipal ?
Face au peu d’enthousiasme municipal, face à une demande tatillonne et technocratique de la mairie, face à la responsabilité de l’Etat en matière d’hébergement d’urgence, face à la position de la municipalité de maintenir l’assignation en justice, le CUS s’est refusé à poursuivre un dialogue qu’il a jugé insincère.
Suite au jugement de juin 2022 confirmant l’expulsion, nous avons demandé à la mairie que l’expulsion ne se fasse pas tant que le relogement de tous les expulsés soit une réalité. A cet effet, lors d’une réunion avec un adjoint, nous avons demandé expressément à être de nouveau reçus par Mme TRIGODET.
Ainsi, au regard du manque de dialogue municipal dès août dernier, nous avons été très présents avec le CUS et les 25 organisations solidaires sur deux mots d’ordre : le relogement de tous les expulsés et l’ouverture de négociations pour légaliser le projet poursuivi par les MHS.
Dans les réunions conduites, au regard de l’expulsion imminente, nous avons demandé au CUS que celle-ci se fasse sans débordement.
Le jeudi 15 septembre lors de l’expulsion des MHS, nous avons constaté le sang-froid des membres du CUS, des représentants des organisations présentes et des expulsés dans une situation de démonstration de force du sous-préfet.
Le même jour, en début d’après-midi, nous avons expressément demandé une entrevue en urgence avec Mme TRIGODET car 10 expulsés se retrouvaient à la rue.
Avec le père Arnaud, curé de la paroisse de St-Gohard, qui a accepté par charité chrétienne que les expulsés installent un campement sur son terrain, nous avons été reçus par Mme TRIGODET en présence d’un membre du CUS. Le propos de celle–ci sur le relogement était une fois de plus un renvoi de responsabilité vers le sous-préfet et le 115, comme si la situation n’était pas suffisamment complexe et critique pour 10 personnes à la rue, situation enclenchée par le maire suite à l’assignation en justice.
Nous avons demandé qu’il y ait rapidement une nouvelle réunion sur la situation des expulsés sans relogement. Mme TRIGODET a accepté de nous revoir le lundi 19 septembre. Lors de cette réunion, les deux membres du CUS présents ont exposé la situation des 7 expulsés qui se retrouvaient sans relogement. Ils ont proposé la mise à disposition sous forme de convention d’occupation précaire de maisons appartenant à la mairie en attendant un relogement par le 115. Ils ont fait état que la dynamique dans le campement conduisait à des tensions, la venue de SDF et des risques de reprise d’addictions pour certains hébergés. Ils ont demandé que tout soit fait pour que ce campement ne perdure pas. Mme TRIGODET n’avait aucune solution et manifestement durant tout le week-end précédent avait fait le service minimum. Elle doit donner une réponse d’ici la fin de la semaine.
Le maire, par voie de communiqué, a fait savoir qu’il était prêt à ouvrir des négociations concernant un tiers-lieu à condition de sortir des postures clivantes. Si aujourd’hui la situation est dans une impasse, monsieur le maire en est largement responsable. Il a dit que sa responsabilité juridique pouvait être engagée en cas de maintien du squat ! Il pouvait signer une convention d’occupation précaire, il s’agit d’une convention mettant à disposition un local soit à des personnes physiques, soit à une personne morale.
La réglementation sur les Établissements accueillant du public (ERP) est certes complexe mais en matière d’hébergement avec nuitées, les obligations sont avant tout très contraignantes lorsque l’activité va au-delà de 20 hébergés. Si le maire avait tant peur de se retrouver en prison, il pouvait facilement et à peu de frais revoir l’installation électrique, installer des extincteurs et selon la commission de sécurité y adjoindre des portes coupe-feu. Les membres du CUS ont effectué par eux-mêmes de gros travaux avec un coût d’achat du matériel de l’ordre de 4000 €. Il faut savoir qu’un maire, dans le Puy de Dôme, a saisi la justice pour que l’Etat lui rembourse les frais de mise aux normes d’un local mis à la disposition pour faire de l’hébergement d’urgence.
L’argument du sous-préfet sur l’hébergement d’urgence saturé malgré les créations de places et une situation de logement très inquiétante sur St-Nazaire est une analyse partiellement fausse. La loi de finances de 2022 a réduit de 10 000 places l’hébergement d’urgence. Le projet pour 2023 est encore de réduire de 7000 places. Cela étant dit, la loi s’applique et la saturation du dispositif géré par le 115 ne dédouane aucunement le sous-préfet des obligations légales. Rappelons qu’un toit est un droit. Pour cela, le sous-préfet peut très bien attirer l’attention auprès de son préfet afin d’obtenir des crédits supplémentaires.
En France, 9 à 10 millions de femmes, d’enfants et d’hommes vivent sous le seuil de pauvreté. En Pays de Loire, 400 000 personnes sont en situation de pauvreté et il y a 124 000 enfants qui ne mangent pas à leur faim dès le 15 du mois. 104 000 demandes de logements sociaux restent en attente sur la région (chiffre du collectif Alerte qui regroupe 34 associations dont la LDH). Cette réalité de la pauvreté et des inégalités ne peut être niée par les pouvoirs publics.
Nous continuerons à nous battre pour que les droits des plus vulnérables soient effectifs.
Jean Luc Boero, Président de la section nazairienne de la LDH