Lettre ouverte à Monsieur le sous-préfet

Saint-Nazaire, le 06 octobre 2022

Par lettre ouverte,  vous indiquez que vous ne participerez pas à une table-ronde sur l’hébergement d’urgence au motif que le Collectif d’Urgence Sociale(CUS) n’y a pas sa place et que seules les associations de terrains bénéficiant de crédits publics peuvent y siéger. Et vous y écrivez que seules les autorités publiques sont légitimes pour décider des politiques publiques.

Il serait prétentieux de vous rappeler que nombre de politiques publiques ont émergé de la société civile. Coluche n’a pas créé les restos du cœur pour se faire de la publicité mais bien parce qu’il y avait une vraie carence des politiques publiques qui s’est  traduite par la suite par des lois sur l’aide alimentaire. Lois bien souvent insuffisantes.

L’Abbé Pierre, en son temps, s’est indigné du sort réservé aux sans –logis. Avez-vous lu son appel à l’insurrection de la bonté ? Et c’est bien son action qui a conduit à des politiques publiques de construction de logements sociaux ! Que les gouvernements, depuis 2017, réduisent.

Pensez-vous sérieusement que les militants du CUS ont mené leur action avec autant de détermination, de temps et de sérieux pour uniquement occuper illégalement des maisons non-occupées  appartenant à la ville ?

Ouvrez les yeux et regardez autour de vous : les sans-abris sont nombreux. Certes, une grande partie est invisible. Pour rappel, Saint Nazaire a un taux de 16% d’habitants vivant sous le seuil monétaire de pauvreté  contre 14,6% en France (statistique de l‘INSEE).C’est grâce à l’action d’associations financées sur fonds publics mais aussi à l’énergie déployée par des centaines de bénévoles, d’argent provenant de dons, d’autofinancement que les sans-abris sont accueillis et hébergés.

L’Etat que vous représentez a fait appel en février 2022 dernier à la solidarité de tous-tes  pour héberger des Ukrainiens…Et aujourd’hui refuser de vous mettre autour de la table avec des militants de la solidarité est scandaleux !

Faire le tri dans vos interlocuteurs pourrait se comprendre si ces militants ne vous reconnaissaient aucune légitimité et s’ils avaient pour  projet de mener des actions illégales !

Les membres du CUS soutenus par 25 organisations dont la LDH n’ont pas envie de continuer à mettre juridiquement en difficulté le maire, eux-mêmes et surtout à faire vivre une insécurité à des hébergés.

La LDH a toujours soutenu un dialogue constructif et une démarche pour sortir de l’illégalité.

Votre lettre ouverte montre que vous n’êtes pas disposé  à assurer pleinement une politique publique qui soit capable de répondre au sans-abrisme, car c’est bien de cela dont il est question.

Vous  mettre autour de la table avec le CUS et d’autres associations aurait bien montré que vous reconnaissez les carences de l’Etat en matière d’hébergement d’urgence.

Alors  maquiller votre décision par un argument sur l’illégalité est pour le moins surprenant, car tous les jours l’Etat ne répond pas à l’obligation républicaine du droit au logement pour tous !

L’’Etat est souvent dans l’illégalité  sur les droits de l’homme !

Pour la section LDH de St Nazaire, Jean Luc BOERO- Président

CP à propos de l’installation du foyer Blanchy avenue de la république,

La LDH ne rentrera pas dans une polémique ni dans une surenchère avec ceux qui craignent pour leur tranquillité ou activité commerciale car le foyer Blanchy va temporairement s’installer dans l’ancien Hôtel Bretagne.

Les travailleurs sociaux et les usagers de cette structure d’hébergement d’urgence sauront rapidement dissiper toute appréhension.

Nous ne ferons pas de commentaires sur la situation économique de commerçants qui après la crise du COVID prennent de plein fouet l’inflation et la crise énergétique. Mais nous leur rappelons que tous les nazairiens subissent ces crises.

Le « quoi qu’il en coûte »  leur a permis de ne pas mettre la clé sous la porte et ce « quoi qu’il en coûte » n’a pas été aussi favorable pour les plus démunis.

Depuis de nombreuses années, la ville de St-Nazaire souffre d’un manque de personnel de police, de justice et de prévention. Si l’insécurité est réelle, il faut la corréler avec cette réalité et une politique publique inefficace sur le trafic de drogue, sur la petite délinquance, et malheureusement largement insuffisante sur les violences intrafamiliales.

Oui, tous les nazairiens (commerçants, travailleurs, retraités, SDF, etc.) ont le droit de vivre dans la bienveillance et le respect mutuel. L’éducation à ces valeurs est une nécessité. Les combats pour une sécurité pour tous, pour une justice pour tous, pour une politique éducative au service de l’égalité des chances, pour une économie au service de tous et pour la fraternité ne se gagneront pas sur le dos des plus précaires !

LDH – section de St Nazaire

Le 29 septembre 2022

Edito : Lutter contre les inégalités : une nécessité

Saint-Nazaire, le 20 septembre 2022

Comme vous avez pu le constater, la section est très active dans le combat des Maisons d’Hébergement Solidaire(MHS). Dès février 2021 et la réquisition citoyenne des deux maisons du boulevard Jean DE NEYMAN nous avons été sur une ligne politique très claire :

  • Le droit au logement est un droit constitutionnel et les ressorts légaux ne sont malheureusement pas  toujours mis en œuvre à la hauteur des besoins  par l’Etat et les collectivités territoriales. Les associations professionnalisées étant dépendantes de l’argent public, elles ont souvent une ligne politique molle. Les associations caritatives, malheureusement, n’utilisent pas suffisamment les ressors légaux tels que le DAHO ou le DALO.  Le dispositif d’hébergement d’urgence est largement embolisé et la politique nationale sur le logement favorise la concentration du patrimoine, la spéculation, et se fait sur le dos du logement social. Sur St-Nazaire, nous n’échappons pas aux effets de cette politique, même si en matière de logement social, la ville s’est traditionnellement montrée volontariste.
  • le droit de propriété n’exclut pas la possibilité de signer des conventions d’occupation précaire, voire de faire des réquisitions (loi du 23 novembre 2018), et pour cela nous avons demandé dès le premier trimestre 2021 à la mairie de Saint Nazaire d’ouvrir des négociations avec le collectif d’urgence sociale.

Depuis deux ans, nous avons rencontré plusieurs fois les membres du Collectif d’Urgence Sociale (CUS) pour qu’ils acceptent de rentrer dans le jeu républicain en se constituant en association.  Nous leur avons demandé de déposer un dossier sur leur projet, sa philosophie et les principes directeurs auprès de la mairie.

Notre engagement auprès d’eux a toujours été conditionné par une nécessité d’ouvrir un dialogue positif avec la mairie, de mener un combat pacifique, sérieux et sans provocation.  

A deux reprises, nous avons rencontré l’élue en charge des solidarités, Mme TRIGODET, et ce à notre demande. Nous avons proposé, au regard des positions fermées du maire, d’être médiateur pour faciliter le dialogue et obtenir que l’expérience des MHS soit reconnue par les pouvoirs publics. Les membres du CUS nous ont toujours sollicités pour que cette fonction de médiation par la LDH facilite le dialogue.

Avec le CUS, la mairie a conduit deux réunions avec une épée de Damoclès : une assignation devant la justice pour occupation illégale. Mme TRIGODET et son directeur des Solidarités ont tergiversé sur la suite à donner à l’expérience conduite par le CUS. Est-ce la démarche horizontale des MHS, sont-ce les soutiens apportés par des organisations situées à l’extrême-gauche, est-ce l’assimilation à une image de squatteur radicalisé ou est-ce la ligne politique de la mairie qui ne veut pas froisser la préfecture qui a conduit à ce positionnement municipal ?

Face au peu d’enthousiasme municipal, face à une demande tatillonne et technocratique de la mairie, face à la responsabilité de l’Etat en matière d’hébergement d’urgence, face à la position de la municipalité de maintenir l’assignation en justice, le CUS s’est refusé à poursuivre un dialogue qu’il a jugé insincère.

Suite au jugement de juin 2022 confirmant l’expulsion, nous avons demandé à la mairie que l’expulsion ne se fasse pas tant que le relogement de tous les expulsés soit une réalité. A cet effet, lors d’une réunion avec un adjoint, nous avons demandé expressément à être de nouveau reçus par Mme TRIGODET.

Ainsi, au regard du manque de dialogue municipal dès août dernier, nous avons été très présents avec le CUS et les 25 organisations solidaires sur deux mots d’ordre : le relogement de tous les expulsés et l’ouverture de négociations pour légaliser le projet poursuivi par les MHS.

Dans les réunions conduites, au regard de l’expulsion imminente, nous avons demandé au CUS que celle-ci se fasse sans débordement.

Le  jeudi 15 septembre lors de l’expulsion des MHS, nous avons constaté le sang-froid des membres du CUS, des représentants des organisations présentes et des expulsés dans une situation de démonstration de force du sous-préfet.

Le même jour, en début d’après-midi, nous avons expressément demandé une entrevue en urgence avec Mme TRIGODET car 10 expulsés se retrouvaient à la rue.

Avec le père Arnaud, curé de la paroisse de St-Gohard, qui a accepté par charité chrétienne que les expulsés installent un campement sur son terrain, nous avons été reçus par Mme TRIGODET en présence d’un membre du CUS. Le propos de celle–ci sur le relogement était une fois de plus un renvoi de responsabilité vers le sous-préfet et le 115, comme si la situation n’était pas suffisamment complexe et critique pour 10 personnes à la rue, situation enclenchée par le maire suite à l’assignation en justice.

Nous avons demandé qu’il y ait rapidement une nouvelle réunion sur la situation des expulsés sans relogement. Mme TRIGODET a accepté de nous revoir le lundi 19 septembre. Lors de cette réunion, les deux membres du CUS présents ont exposé la situation des 7 expulsés qui se retrouvaient sans relogement. Ils ont proposé la mise à disposition sous forme de convention d’occupation précaire de maisons appartenant à la mairie en attendant un relogement par le 115. Ils ont fait état que la dynamique dans le campement conduisait à des tensions, la venue de SDF et des risques de reprise d’addictions pour certains hébergés. Ils ont demandé que tout soit fait pour que ce campement ne perdure pas. Mme TRIGODET n’avait aucune solution et manifestement durant tout le week-end précédent avait fait le service minimum. Elle doit donner une réponse d’ici la fin de la semaine.

Le maire, par voie de communiqué, a fait savoir qu’il était prêt à ouvrir des négociations concernant un tiers-lieu à condition de sortir des postures clivantes. Si aujourd’hui la situation est dans une impasse, monsieur le maire en est largement responsable. Il a dit que sa responsabilité juridique pouvait être engagée en cas de maintien du squat ! Il pouvait signer une convention d’occupation précaire, il s’agit d’une convention mettant à disposition un local soit à des personnes physiques, soit à une personne morale.

La réglementation sur les Établissements accueillant du public (ERP) est certes complexe mais en matière d’hébergement avec nuitées, les obligations sont avant tout très contraignantes lorsque l’activité va au-delà de 20 hébergés. Si le maire avait tant peur de se retrouver en prison, il pouvait facilement et à peu de frais revoir l’installation électrique, installer des extincteurs et selon la commission de sécurité y adjoindre des portes coupe-feu. Les membres du CUS ont effectué par eux-mêmes de gros travaux avec un coût d’achat du matériel de l’ordre de 4000 €. Il faut savoir qu’un maire, dans le Puy de Dôme, a saisi la justice pour que l’Etat lui rembourse les frais de mise aux normes d’un local mis à la disposition pour faire de l’hébergement d’urgence.

L’argument du sous-préfet sur l’hébergement d’urgence saturé malgré les créations de places et une situation de logement très inquiétante sur St-Nazaire est une analyse partiellement fausse. La loi de finances de 2022 a réduit de 10 000 places l’hébergement d’urgence. Le projet pour 2023 est encore de réduire de 7000 places. Cela étant dit, la loi s’applique et la saturation du dispositif géré par le 115 ne dédouane aucunement le sous-préfet des obligations légales. Rappelons qu’un toit est un droit. Pour cela, le sous-préfet peut très bien attirer l’attention auprès de son préfet afin d’obtenir des crédits supplémentaires.

En France, 9 à 10 millions de femmes, d’enfants et d’hommes vivent sous le seuil de pauvreté. En Pays de Loire, 400 000 personnes sont en situation de pauvreté et il y a 124 000 enfants qui ne mangent pas à leur faim dès le 15 du mois. 104 000 demandes de logements sociaux restent en attente sur la région (chiffre du collectif Alerte qui regroupe 34 associations dont la LDH). Cette réalité de la pauvreté et des inégalités ne peut être niée par les pouvoirs publics.

Nous continuerons à nous battre pour que les droits des plus vulnérables soient effectifs.

Jean Luc Boero, Président de la section nazairienne de la LDH

Edito : Une mobilisation plus que nécessaire

Le 11 septembre 2022

La situation internationale est très préoccupante avec une guerre en Ukraine qui fait beaucoup de morts, des dégâts colossaux, des crimes de guerre, un risque d’accident nucléaire, un renchérissement des prix du blé, un chantage russe sur le gaz et dans une moindre mesure le pétrole; une situation de montée de l’armement chinois et un risque à tout moment d’annexion de Taiwan; des crimes contre l’humanité des minorités ethniques en Chine (Ouïghours, Tibétains pour les plus connus); des combattants musulmans inféodées à des groupes radicalisés un peu partout en Afrique et toujours présents au Moyen Orient; des défis climatiques mondiaux que nous mesurons au quotidien avec une absence coordonnée de prise en compte pour atteindre les objectifs des COP.; des pays qui sombrent dans l’aventure autoritaire (Nicaragua, Birmanie, Syrie, Russie, Chine, etc…), la liste est longue; un spectre de la colonisation qui ne cesse de nous miner et qui conduit à des tensions; une gouvernance mondiale qui ne se réforme pas ; bref  nous avons bien de quoi nous inquiéter !

Les urgences sociales, climatiques, mondiales conduisent à des risques de radicalisation majeurs et de nouvelles tensions internationales voire de guerres. L’ère des crises n’est pas finie et pourrait devenir systémique.

Nous pourrions nous contenter de pérorer dans des colloques, d’avoir des propos bienpensants dans nos revues, de distribuer les bons et mauvais points auprès de ceux qui luttent et manifestent dans nos rues. Ce n’est pas le rôle de la LDH d’être absente des luttes présentes !  C’est ce que nous faisons ici comme dans d’autres villes.

Ainsi, la résolution votée lors du dernier congrès à Marseille « Environnement, écologie et droits »  donne un cadre à notre lutte pour l’amélioration de la qualité de l’air dans le bassin nazairien et nous allons dans les mois prochains accentuer ce combat essentiel.

Comme vous le savez via nos mails, nous sommes très présents dans le combat pour la fin du sans-abrisme à St Nazaire. D’autres sections comme Le Mans sont aussi très impliquées dans cette lutte.

Nous avons aussi été visibles lors du dernier forum des associations de St Nazaire et avons fait de nouvelles adhésions. Nous avons été approchés par l’association ”Le choix citoyen pour une mort choisie” pour organiser en décembre une conférence-débat en présence de François Damas, chef de service de soins intensifs à Liège, promoteur du respect de la volonté de patients médicalement condamnés et désireux d’un suicide assisté pour une fin de vie digne.

Nous sommes toujours actifs avec l’UCIJ, et avec le collectif réclamant une application sans effet du Contrat d’Engagement Républicain (CER) inscrit dans le décret du 31 décembre 2021 prévu par la loi confortant les principes de la République et la lutte contre les séparatismes.

Nous serons aussi présents pour la commémoration de la fin de l’esclavage.

Nous avons très régulièrement des interpellations de citoyens sur leurs situations face à la police, la justice, les services sociaux, etc.

Et nous relançons pour la deuxième année consécutive la campagne pour les Ecrits pour la Fraternité qui aura pour thème “Il n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’homme seront violés en quelques parties du monde que ce soit “ de René CASSIN, prix Nobel de la paix en 1968.

Mais notre activité et nos combats ne peuvent être le seul fruit de l’énergie de quelques un.e.s. Venez aux réunions mensuelles, participez à nos actions, proposez vos compétences, vos talents et votre temps à des actions ciblées !

Bonne rentrée à toutes et tous !

Jean-Luc Boero, président de la section LDH- St Nazaire

Lettre commune MHS

Pas d’expulsion sans relogement et ouverture de négociations pour pérenniser des expériences innovantes et solidaires d’hébergement !

Le jugement d’expulsion des Maisons d’Hébergement Solidaire (MHS) du 107-109 boulevard Jean de Neyman deviendra très rapidement une réalité.
Le relogement des 18 personnes, dont 5 enfants, encore hébergées est une absolue nécessité. Ce relogement doit prendre en compte les besoins et la réalité familiale, sociale, professionnelle et de santé des hebergé.e.s .
Nous ne pourrons nous satisfaire d’un éventuel relogement uniquement de quelques personnes !

Entre février 2021 et août 2022, ces MHS ont permis l’accueil et la mise à l’abri de 123 personnes, hommes, femmes, enfants avec parfois des animaux. Les bénévoles de l’association « Les ami.e.s du collectif urgence sociale » avec l’appui d’associations et d’acteurs du domaine social ont mis en place un accompagnement social multidimensionnel qui a permis à
certain.e.s de trouver un logement, un emploi, une formation, d’ouvrir des droits et de réaliser des démarches de soin.

Les missions d’hébergement d’urgence et de mise à l’abri de la responsabilité de l’Etat sont gravement défaillantes. L’accompagnement social relevant des collectivités territoriales (Ville et Département) est aussi insuffisant.
Cette situation démontre que le projet des MHS est bien fondé et indispensable.
Les pouvoirs publics doivent accepter d’ouvrir des négociations pour légaliser la mise à disposition aux associations de bâtiments d’habitation sans usage et dont ils sont propriétaires pour créer des tiers-lieux d’hébergement.

Nous demandons aux pouvoirs publics :

  • De proposer à l’ensemble des 18 personnes hébergées actuellement aux MHS des solutions pérennes d’hébergement à Saint-Nazaire, là où ils et elles ont des attaches et une vie sociale, avant qu’une expulsion ait lieu.
  • De rencontrer sans délai les organisations signataires de cet appel pour aboutir rapidement à une existence légale de tiers-lieux qui pallient les insuffisances et les manquements des pouvoirs publics.

Le Jeudi 8 Septembre 2022, à Saint-Nazaire

Signataires :
Les ami.e.s du Collectif Urgence Sociale, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Association Solidarités
Créations (ASC), le Secours Catholique, le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples
(MRAP), l’Union Contre l’immigration jetable (UCIJ), le Collectif de Soutien aux Personnes Sans Papiers
(CSPSP), Réveillons la solidarité (RLS), le Droit Au Logement Nantes/Saint-Nazaire (DAL), Amnesty
International, Planning Familial 44, Union Syndicale Solidaires, Femmes Solidaires Saint-Nazaire, Comité
départemental Femmes Solidaires, CGT, FSU, ATTAC, Parti Communiste Français, Europe Écologie Les
Verts (EELV), La France Insoumise / Union Populaire (LFI), Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Lutte
Ouvrière, (LO) Fédération des Conseils de Parents d’Élèves (FCPE), Les Ami.e.s de May, Groupes des
élu.e.s de l’opposition Ensemble, Solidaires et Écologistes, Guerrières de l’Ouest, Collectif des brévinois
attentifs et solidaires, Choisir la Cause des Femmes, Émancipation Tendance Intersyndicale.

Lettre ouverte MHS

Saint-Nazaire, le 7 septembre 2022

Lettre ouverte sur le sans –abrisme à St Nazaire

Le lundi 29 août, un huissier se présentait au 107-109 boulevard Jean de Neyman à Saint Nazaire pour signifier le jugement d’expulsion pris le 8 juin, aboutissement du conflit qui oppose depuis 18 mois la municipalité aux Maisons d’Hébergement solidaires (MHS). Les associations, le collectif Urgence sociale – Plus jamais sans toi(t), les citoyens qui n’ont cessé  de soutenir cette action innovante ne peuvent accepter que l’illégalité soit uniquement du côté des plus faibles. Combien y-a-t-il de marchands de sommeil sur Saint Nazaire ? Devrions-nous oublier le dramatique incendie rue de Pornichet en novembre dernier qui a fait deux morts ? Pourquoi le droit constitutionnel à un toit n’est-il pas respecté en France ?

L’hébergement d’urgence est saturé. Dans la loi de finance 2022, il a été décidé la suppression progressive de 10 000 places d’hébergement d’urgence. Les associations gérant des Centres d’hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) sont mises sous tension par un cadre budgétaire fermé. L’accompagnement social  ne pourra qu’en souffrir.

La production de logements très sociaux est insuffisante et les dispositions budgétaires pour soutenir le logement social sont en réduction. Il en va de l’avenir de la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui impacte fortement les bailleurs sociaux et obère leurs capacités de production et d’investissement. Bref la politique nationale du logement est défaillante. Et ce n’est pas l’augmentation du coût des matières premières et du peu de foncier disponible qui va permettre d’investir.

 Certes sur Saint Nazaire, nous avons une politique de construction de logements sociaux volontariste et soutenue par la municipalité. Mais les nuages sont présents et il ne faudrait pas les minimiser !

Et puis tous les acteurs de l’accompagnement social savent bien que la mise en logement ne peut pas se faire sans, pour certaines personnes, un accompagnement préalable dans un dispositif d’hébergement.

Face à un tel tableau, nous sommes  admiratifs du travail réalisé par les bénévoles des MHS qui ont remis en état les pièces à vivre des maisons réquisitionnées du boulevard Jean de Neyman. Entre février 2021 et le 08 aout 2022 ,123 personnes auront bénéficié de 550 nuitées en hébergement d’urgence (une nuit renouvelable) et de 6500 nuitées en hébergement stabilisé (un mois renouvelable) ; 80% des personnes hébergées ont été orientées par des institutions dont le 115 ! Et parfois les services sociaux municipaux ou départementaux.

 Dans cette expérimentation, l’accueil est inconditionnel. C’est un principe qui est très difficile à faire vivre et ils l’ont réussi. Cette réussite provient de leur forte implication, d’une cogestion avec les bénéficiaires, d’une sincérité des relations interhumaines et d’un travail en réseau conséquent : allant du secours catholiques en passant par l’ASC ou Oppelia. Le soutien du mouvement associatif nazairien a été réel tout au long des 18 derniers mois. La mobilisation citoyenne a été très forte dès le début de l’ouverture des MHS. Et se poursuit encore aujourd’hui.

La richesse et la diversité des actions conduites par les MHS est aussi à saluer : stand avec vente tous les dimanches sur le marché de St Nazaire et ce pour mobiliser et obtenir des fonds solidaires, soutien scolaire, jardinage, soirées musicales, participation active aux assises locales de solidarités avec les migrants, et très fort accompagnement social  individuel, etc…

Le fonctionnement aussi est remarquable avec des usages et règles discutés et approuvés par les membres du collectif et les bénéficiaires, ce qui a  permis de rendre bien vivant la notion de co construction des règles du vivre ensemble et leur intégration par les bénéficiaires. C’est probablement un des aspects qui a permis la réussite de ce lieu autogéré uniquement par des bénévoles et des usagers.

Les MHS ont démontré leur utilité sociale, elles n’ont  rien coûté aux contribuables. Les maisons occupées  étaient inhabitées depuis dix ans pour une maison et quatre ans pour l’autre et il n’y a pas de projet immobilier immédiat dans cette partie de la ville. Leur réquisition fut bien faîte sur un principe d’utilisation non-dommageable pour des particuliers ou la collectivité.

Bref, réduire le collectif Urgence sociale – Plus jamais sans toi(t), à un ramassis de dangereux squatteurs est une vue de l’esprit qui ne correspond en rien à la réalité !

Aujourd’hui, en France, 1600 enfants dorment dans la rue  soit 80 % d’enfants sans abri en plus depuis six mois. (Chiffre fondation Abbé Pierre). A Toulouse, une centaine de Mineurs Non Accompagnés (MNA) auparavant hébergés par le CCAS ont été remis à la rue ; à Lille trois évacuations de bidonvilles ont jeté dans l’errance des centaines de familles.  Toujours selon la fondation Abbé Pierre, les expulsions locatives, dès cet été, ont retrouvé leur niveau d’avant Covid.

Saint Nazaire est une ville  fière de sa politique sociale qui s’est toujours souciée des plus vulnérables. Il ne faudrait pas que pour un blocage dont nous pouvons par ailleurs comprendre certaines composantes, nous en soyons à une telle impasse.

Des villes comme Marseille ou Rennes ont signé  des baux précaires avec des associations gérant des lieux d’accueil pour personnes sans-domicile. Les questions autour des règles de sécurité d’un établissement recevant du public (ERP) doivent pouvoir trouver des solutions faciles grâce à l’hébergement diffus voir des mises aux normes pas forcement couteuses.

Comme nous l’avons écrit le 1er septembre à l’élue en charge des solidarités, il est largement temps d’ouvrir des négociations avec le collectif Urgence sociale – Plus jamais sans toi(t), les associations et les personnes hébergées. Et sur ce point, nous rappelons que le collectif a toujours souhaité avoir un dialogue constructif avec la mairie. Une demande de bail précaire lui a été adressée qui aurait pu courir jusqu’à un autre usage de ces maisons. La mairie demanda une identité juridique, ce fut fait. Pour montrer l’intérêt et l’utilité d’une telle initiative solidaire et citoyenne, un rapport d’activité fut envoyé. La mairie trouva que les éléments de construction technique du projet étaient insuffisants. Nous en prenons acte mais n’y-a- t-il pas des services supports à la mairie qui auraient pu aider à la formalisation administrative de l’expérimentation en cours ?

Autre point soulevé par la mairie : celui des champs de compétence. L’hébergement d’urgence est de la compétence de l’Etat.

 La municipalité n’est pas seule à rappeler à l’Etat ses obligations !  La LDH fait partie du collectif des  associations unies qui regroupe 39 associations agissant dans le champ de l’hébergement d’urgence et du logement très social. Nous interpellons très régulièrement les gouvernements !

 Et au-delà, le sans-abrisme concerne la vie dans la cité et touche tous les services publics : le CCAS dépendant de la commune pour la domiciliation et des aides financières ; les aides enfance/famille relevant du Conseil départemental ; les institutions et services de santé, tout comme la justice, etc. dépendant de l’État … Bref c’est un sujet aux compétences intriquées. Le Code de L’action sociale et des familles(CASF) n’empêche aucunement les communes qui ont un large champ de compétence en matière sociale d’élargir leurs actions au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Nous savons que la mairie a demandé au sous-préfet qu’il n’y ait pas d’expulsion sans relogement, soit.  Cela concerne 18 personnes dont 5 enfants. Mais dans l’avenir qu’en sera-t-il du sans-abrisme dans notre cité ?

Toutes les parties prenantes concernées par le sans-abrisme, dans un contexte tendu en matière de logement et d’hébergement d’urgence, doivent pouvoir trouver des points de convergence pour que l’action des MHS se poursuive en quelque lieu que ce soit.

Pour la section de Saint-Nazaire,

Jean-Luc Boero, Président

Communiqué de Presse : Exigeons une solution digne et durable pour le Collectif Urgence Sociale !

Le 8 juin dernier, les hébergé.es des Maisons d’Hébergement Solidaire (MHS) et le Collectif Urgence Sociale « Plus jamais Sans Toi(t) » ont appris que la justice, suite à la procédure engagée par la ville de St-Nazaire, avait décidé d’une expulsion sans délai.

Dès que l’huissier leur notifiera la décision de justice, ils auront deux mois pour quitter les lieux des deux maisons vides qu’ils occupent depuis plus d’un an.

Que deviendra l’expérience sociale conduite ? Quelles propositions de relogement vont faire les services publics pour ces personnes hébergées, dont certaines sont des familles avec enfant ?  Leur expulsion de la rue Jean de Neyman est incompréhensible au regard de la montée du sans-abrisme.

L’hébergement d’urgence est saturé. Ni la ville de St-Nazaire, ni les autres autorités publiques compétentes en matière d’hébergement d’urgence ne peuvent ignorer cette situation. Ainsi, les MHS ont hébergé 120 personnes en 15 mois. 80 % de celles-ci ont été envoyées par des associations, des institutions, des travailleurs.euses sociaux. Ce sont des familles françaises, étrangères, des femmes seules, de jeunes adultes. Sur St Nazaire et la Carène, le DAL a recensé près de 900 personnes sans abri.

L’expérience conduite par les MHS répond à un vrai besoin. Le pouvoir d’agir des personnes, la solidarité permettent une réhabilitation et une inclusion sociale.

La LDH et le DAL demandent expressément aux autorités publiques que le Collectif d’Urgence Sociale « Plus jamais Sans Toi(t) » puisse être soutenu pour poursuivre leurs missions sociales et l’hébergement d’urgence dans des conditions respectueuses du droit de propriété.  

Il appartient à la ville de St Nazaire et à ses élus de pérenniser  une expérience sociale totalement nécessaire, peu coûteuse et largement approuvée par les acteurs sociaux de terrain.

 Saint-Nazaire, le 10 juin 2022

Contact DAL : stnazaire.dal44@gmail.com

BILLET • Pour une politique de protection de l’enfance qui sorte des incantations !

Par Jean-Luc Boero, Cadre ASE et président de la section Ligue des Droits de l’Homme de St Nazaire.


Le 20 avril dernier, lors du débat qui l’opposait à Marine Le Pen à quatre jours de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a déclaré que la protection de l’enfance sera au cœur des cinq années à venir. Le journal « Le Monde » en date du 12 mai s’est fait l’écho du manque de moyens. Le nombre de mesures non-exercées est parfois de plusieurs centaines dans certains départements, que ce soient des mesures de placements ou des mesures en milieu ouvert. Les juges des enfants et les professionnels en charge d’évaluer et de préconiser des mesures d’assistance éducative ou d’aide éducative administrative sont effarés par l’augmentation des délais moyens de prise en charge. On dépasse souvent les six mois. Les enfants sont évidemment les premières victimes de notre incapacité à les protéger. Mais les familles sont aussi celles qui sont confrontées à un système où les décisions les plus lourdes, celles qui conduisent à écarter un enfant de son milieu familial, ne prennent pas sens alors que dans nombre de situations, les parents sont débordés, fatigués et éprouvés par les troubles du comportement des enfants. Les maltraitances perdurent, s’amplifient et alourdissent les troubles et pathologies. La crise est profonde, la défiance à l’égard d’un dispositif souvent décrié par ces dysfonctionnements hyper médiatisés, son opacité, ses règles de fonctionnement complexes, sa répartition entre acteurs institutionnels pas toujours coordonnés, sa gouvernance complexe et très éloignée des préoccupations des professionnels et des usagers, affronte aujourd’hui une autre crise : celle du recrutement. Les politiques sociales sont devenues très bureaucratiques, cloisonnées et se sont rigidifiées. Il faut faire avec un dispositif si peu porteur, qui ne permet pas d’accompagner dans la durée et au rythme des familles. La créativité, la souplesse et les initiatives sont de plus en plus réduites. Le fonctionnement en silo, les missions qui se cloisonnent et se spécialisent à tout va ne sont plus en phase avec les besoins du travail social. Le désenchantement est terrible et avec des salaires dérisoires, vous combinez une crise majeure de sens et d’attractivité. Cette réalité douloureuse ne cesse de s’accroitre malgré les efforts conduits par des départements volontaires mais souvent confrontés à des finances exsangues. Si la loi Taquet apporte quelques satisfactions de principe, il n’en reste pas moins vrai que du texte à la réalité, la situation continue de se dégrader. Et rien ne nous permet d’envisager la fin des accueils hôteliers ou en gîte rapidement. D’ailleurs dans certains départements, ce type d’accueil ne cesse de progresser. En Loire Atlantique, par exemple, nous avons perdu plusieurs centaines de places d’accueil chez les assistants familiaux ces 10 dernières années. Et nous augmentons sans cesse le nombre d’enfants accueillis en gîte. La fonction et les contraintes du métier d’assistant familial sont très éprouvantes. Comment réussir à vivre harmonieusement en famille face à un ou plusieurs enfants en très grandes difficultés avec, pour un nombre non négligeable d’entre eux, des troubles majeurs du comportement et souvent des troubles psychiques. Les accueils familiaux doivent se faire selon une triple dimension : sociale, thérapeutique et éducative. Les équipes d’accompagnement doivent être représentatives de ces trois axes. Il faut que les professionnels ne soient pas confrontés à un sous-effectif chronique, à une surcharge de travail et une incapacité chronique à pouvoir répondre aux multiples crises et épreuves que traversent les familles d’accueil. Il est important aussi de rappeler qu’il ne peut y avoir une politique d’accueil familial sans une politique articulée et complémentaire avec le secteur médico-social et le secteur thérapeutique. Il faut aussi permettre l’accueil de jour des enfants déscolarisés et la prise en compte du besoin de souffler des familles d’accueil. L’ensemble de ceux qui travaillent dans ce secteur doivent bénéficier de supervisions et d’analyse de la pratique. La création de places en nombre pour pouvoir accueillir dignement les enfants qui nous sont confiés par les familles dans le cadre de la protection administrative ou sur décision des juges des enfants doit donner lieu à une vraie impulsion nationale. Le gouvernement doit favoriser les investissements en la matière. Il doit injecter les moyens financiers auprès des départements qui manquent de places d’accueil. Il doit permettre des créations diversifiées et faciliter les implantations territoriales de maisons d’enfants et de lieux de vie et d’accueil. Il ne pourra y avoir prise en compte de la réalité rencontrée sans un panel diversifié de modes d’accueil. Les départements avec l’aide conséquente de l’Etat doivent œuvrer en ce sens et accroitre leur complémentarité qui s’est raréfiée ces dernières années en raison du manque de places. Un effort sensible doit aussi exister pour le maintien des fratries en cas de placement. Construisons massivement des villages d’enfants. Il est encore trop difficile de maintenir ensemble les enfants d’une même fratrie. Certes parfois la séparation est nécessaire en raison des souffrances massives et des places occupées dans les familles pathogènes. Un tel effort doit aussi se faire pour les mesures en milieu ouvert et pour la prévention éducative. Ce nouveau dessein de la protection de l’enfance doit aussi prendre en compte l’expertise des professionnels et le pouvoir d’agir des familles. Tout enfant doit trouver une solution, toute décision prise par un juge des enfants ou par une autorité administrative doit se mettre en place dès que possible, toute information préoccupante doit donner lieu à une évaluation dans un délai de trois mois maximum, tel que prévu par la loi. Toute mesure en milieu ouvert administrative ou judiciaire doit s’appliquer rapidement. Il ne s’agit pas de réduire la crise actuelle à un effet de la crise sanitaire. La dégradation est bien antérieure à cette pandémie, même si celle-ci est venue l’accroître. Dans bon nombre de départements, la crise existait bien avant mars 2020. Elle est apparue progressivement depuis que les politiques sociales ont été déterminées par l’orthodoxie budgétaire. Il n’y a plus d’adéquation entre les besoins et les moyens mis à disposition. Nous sommes confrontés à la même crise que la crise de l’hôpital public : activité à l’acte, primat de l’approche budgétaire, manque d’investissements, manque de personnel, fonctionnement en silo, mauvaise répartition territoriale, salaire dérisoire, gouvernance opaque et pouvoir exclusif aux technocrates, déconstruction des cultures-métiers et accroissement sensible des besoins, comme ce fut le cas avec les mineurs non-accompagnés. L’empilement de lois devenues de plus en plus inappliquées vient bien mettre en avant que réformer la protection de l’enfance ne devra pas se traduire dans les cinq années à venir par une nouvelle inflation de textes, de lois, de décrets, si ces obligations légales ne viennent pas donner du sens à un secteur sinistré et si les moyens financiers ne sont pas massifs et globaux. Faudra-t-il aller vers un texte qui rende opposable la protection de l’enfance ? C’est à se le demander. Ainsi, j’ai envie de dire à M. Macron, « chiche, nous vous attendons pour sortir de cette situation et enfin redonner espoir aux professionnels, aux enfants et aux familles. »

https://www.lien-social.com/%E2%96%BA-BILLET-o-Pour-une-politique-de-protection-de-l-enfance-qui-sorte-des-incantations

Jean-Luc Boero, le 10 juin 2022