Déclaration à propos de l’affaire dite « du burkini »

Nice, décembre 2016

Déclaration à propos de notre position sur « l’affaire du burkini »

Au cours de l’été 2016, plusieurs municipalités azuréennes ont prononcé des arrêtés dits anti-burkini qui visaient à interdire l’accès des plages aux femmes portant ce vêtement. Au nom des libertés individuelles, la LDH s’est pourvue en justice contre ces arrêtés et a réussi à les faire suspendre. Le combat dans lequel s’est engagé la Ligue, activement soutenu par les sections locales de Nice et Cannes, a suscité de nombreuses réactions, non seulement parmi la droite réactionnaire, mais également parmi nos sympathisants et nos membres. Si certains ont rejoint nos rangs à cette occasion, d’autres ont émis des réserves.

Ce sont les critiques venues de personnes aux sensibilités humanistes et/ou féministes qui nous ont conduit à ouvrir un débat interne, au sein de la section de Nice, afin de prendre au sérieux ces réticences, d’en saisir le sens, d’interroger ce qui peut apparaître aux yeux de certains comme des contradictions internes pour, in fine, clarifier nos positions et les valeurs qui animent les luttes que nous menons.

L’épisode du burkini, comme d’autres avant lu (1) , a pu laisser penser que la LDH soutenait aveuglément la religion musulmane. Ainsi, en attaquant devant les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat les arrêtés dits anti-burkini, la Ligue serait indifférente au sort des femmes qui, au nom d’une religion, couvrent leur corps pour le protéger de la convoitise des hommes ? Les combats féministes n’auraient plus droit de cité face à une position systématiquement pro-musulmane ?

Il n’en est rien, bien entendu. Un débat interne mené en plusieurs étapes nous conduit à préciser un certain nombre de points :

– Nous n’approuvons pas les valeurs véhiculées par le port du burkini.

– C’est parce que le racisme d’hier a pris aujourd’hui les traits d’une vindicte à l’encontre de l’islam que la LDH se trouve aux côtés de ceux qui subissent cette nouvelle forme d’oppression. Là où, hier, seule l’extrême droite osait stigmatiser les immigrés et leurs descendants, c’est aujourd’hui une large partie de la classe politique qui se saisit de l’islam pour mettre à l’index ces mêmes classes populaires issues des anciennes colonies. A ce titre, la LDH-Nice se mobilise pour combattre le racisme, quelles que soient les formes qu’il prenne, et défend l’égalité de traitement entre les musulmans et tous les autres Français, qu’ils aient ou non une religion. En aucun cas la LDH-Nice ne soutient une religion et elle n’entend pas non plus distribuer de bons et de mauvais points aux diverses croyances.

La quête d’un traitement égalitaire pour tous les citoyens n’est pas contradictoire avec la condamnation d’un islam politique prosélyte, réactionnaire, voire totalitaire. La LDH-Nice s’inquiète des initiatives menées par les militants d’un islam radical auprès de la jeunesse dans certains de nos quartiers et considère qu’il est de son devoir de s’en préoccuper. C’est pourquoi, ayant à l’esprit que la radicalisation est intrinsèquement liée à la question sociale et au désarroi d’une population laissée aux marges de la croissance, nous souhaitons développer des liens et des actions dans ces quartiers pour y faire vivre les valeurs de la République (plutôt que de les asséner comme une menace). C’est en renforçant le lien social que l’on entend lutter contre l’extrémisme.

– L’égalité hommes-femmes n’est pas un combat révolu et il ne saurait tenir la deuxième place derrière la lutte contre les discriminations racistes. Il n’y a pas à choisir entre la défense du droit des femmes à décider pour elles-mêmes et le combat contre l’instrumentalisation de l’islam par des politiques peu scrupuleux. Nous n’oublions pas que les mêmes qui veulent interdire le burkini au nom de la liberté de la femme, restent muets quant aux différences de salaires entre les hommes et les femmes (30% à l’heure actuelle), aux violences domestiques (1 femme meurt sous les coups de son partenaire tous les 3 jours) ou au partage des tâches domestiques. Nous sommes également conscients de la position d’infériorité laissée aux femmes dans les religions du Livre et notamment dans l’islam, du moins tel qu’il est pratiqué dans certains pays aujourd’hui. La domination des femmes revêt mille visages et nul ne peut se targuer d’avoir le monopole de leur défense. A l’heure actuelle, la section de Nice a le souci de faire valoir l’émancipation des femmes auprès d’un public large, au-delà des appartenances de chacun-e ; elle entend organiser des actions en ce sens.

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(1) Notre prise de position en faveur de l’ouverture de la mosquée En Nour ou notre action en justice contre les provocateurs qui y ont déposé un sanglier ensanglanté.

De la vidéosurveillance à la vidéoverbalisation : usages réels et fantasmés d’une technologie moderne

Laurent Mucchielli, sociologue (CNRS & Aix-Marseille université) publie dans le n° 38 de la revue « Archives de politique criminelle » [ cliquez ici ] une étude intitulée :

« De la vidéosurveillance à la vidéoverbalisation : usages réels et fantasmés d’une technologie moderne ».

Après avoir décrit les infrastructures ainsi que les moyens mis en ouvre par la commune de Marseille, l’auteur analyse divers aspects du fonctionnement du centre de supervision urbaine, pour en tirer des conclusions quant à son efficience et à la finalité réelle de son activité.

Le centre de supervision urbaine de la ville de Marseille (SSU) emploie 48 fonctionnaires territoriaux, lesquels représentent un huitième de l’effectif total de la police municipale. 864 caméras sont en fonctionnement (hors caméras du métro et transports en commun) .

« L’activité « en direct » correspond aux imaginaires populaire et politique ordinaires de la vidéoprotection associée à l’idée de flagrant délit et d’élucidation instantanée. C’est l’idée d’une surveillance en temps réel permettant de détecter les infractions en train de se commettre et d’intervenir immédiatement pour interpeller leurs auteurs. En 2015, le CSU a réalisé 1 253 opérations de ce type concernant principalement des vols, des agressions, des dégradations, des ventes à la sauvette de cigarettes, des « recherches d’individus », des problèmes d’ordre public et de circulation. Cette activité de surveillance en direct a débouché sur 770 demandes d’interventions adressées principalement à la police nationale et à la police municipale, dont 505 ont effectivement eu lieu. A la suite de ces interventions, les services de police (la police nationale dans 90% des cas) ont procédé à 248 interpellations (concernant principalement des vols, des ventes à la sauvette de cigarettes, des agressions et des dégradations). Au final, on compte donc 1,1 demande d’intervention par caméra en moyenne sur l’année, ce qui amène à conclure qu’il s’agit en réalité d’une activité très mineure dans l’ensemble des activités du CSU »

Concernant l’apport de la vidéosurveillance de la ville de Marseille à l’élucidation des affaires, Laurent Mucchielli à calculé que, en 2015, pour 55.000 infractions constatées, les affaires élucidées grâce à la vidéosurveillance correspondent à 0,2 % du total des infractions constatées, ou 1,5 % du total si l’on tient compte des affaires dans lesquelles la vidéo a pu avoir une utilité dans l’enquête. Dans notre étude sur la vidéosurveillance de 2015, nous avions déjà fait le même constat en nous basant sur le cas figurant dans le site internet du ministère de l’intérieur « Questionner la vidéosurveillance à Nice », page 6  [ cliquez ICI ]

L’impact financier de la vidéosurveillance, bien que difficilement quantifiable du fait de l’absence (volontaire?) de comptabilité analytique, est estimée à 7 millions d’euros par an (coûts de fonctionnement) qui correspondent à l’embauche de 250 agents municipaux. Dans notre étude précitée de 2015 (voir infra), page 9  [ ICI ]   nous évaluions, pour la ville de Nice, le coût annuel à 7,7 M€, auxquels nous avions ajouté une charge annuelle d’amortissement de l’ordre de 1,4 M€.

Ainsi, indique L. Mucchielli, la vidéoverbalisation « apparaît presque comme un peu honteuse et en tous cas dissimulée, d’un point de vue quantitatif c’est la vidéoverbalisation qui constitue − et de très loin − le cœur de l’activité répressive du système [ …] Si l’on cumule les faits constatés en direct et les recherches d’images, l’on constate ainsi que la vidéoverbalisation représente près de 90% des actions répressives du CSU. »

Mineurs à la frontière italienne : l’Unicef prend clairement position

Communiqué de l’Unicef :

« INFORMATION PRESSE
Enfants non accompagnés : la protection de l’enfance doit s’exercer aussi à la frontière franco-italienne
Paris, le 13 décembre 2016 –

Soucieux de la situation des mineurs tentant de passer la frontière franco-italienne chaque nuit, l’UNICEF France a rencontré les acteurs associatifs, les autorités locales et les représentants de l’Etat les 24 et 25 novembre dernier.
Cette mission a fait émerger une forte inquiétude à propos des mineurs non accompagnés (MNA) traversant la frontière et particulièrement exposés aux risques de violences, d’exploitation et de traite sur leur parcours. Ils sont renvoyés en Italie par la Police aux Frontières au même titre que les adultes, sans que leur statut d’enfant à protéger soit pris en considération.
L’UNICEF France rappelle que les obligations contenues dans la Convention relative aux droits de l’enfant prévalent sur toute autre considération, accord bilatéral et dans toutes les situations. La frontière franco-italienne ne peut faire exception. L’intérêt supérieur de l’enfant doit être le principe directeur de toutes les décisions et actions entreprises par les autorités françaises.
L’UNICEF dénonce le refoulement systématique des MNA à la frontière par les autorités françaises, qui les exposent à de nombreux dangers et à des risques accrus de violences, au mépris des engagements internationaux ratifiés par la France, alors que la priorité absolue devrait être de les protéger.
L’UNICEF interpelle les autorités françaises, locales et nationales, sur cette situation qui expose les mineurs au même traitement que les majeurs et les éloigne de toute protection. Or comme le rappelle le Comité des droits de l’enfant (Observation Générale – 2005), « les obligations qui incombent à un État en vertu de la Convention s’appliquent à l’intérieur de ses frontières, y compris à l’égard des enfants qui passent sous sa juridiction en
tentant de pénétrer sur son territoire ».
Les situations auxquelles sont confrontés les enfants non accompagnés arrivant en France depuis l’Italie mais aussi sur tout le parcours de Nice à Paris et Calais montrent bien la nécessité d’inscrire cette réalité à l’échelle nationale. La réponse globale doit être coordonnée dans le cadre de la Protection de l’enfance, impliquer l’ensemble des parties prenantes et se baser sur l’anticipation du flux. Il s’agit du seul moyen de sortir de la logique d’urgence locale qui ne peut déboucher sur des solutions satisfaisantes. »

 

Voir lettre interassociative adressée à l’Unicef le 30 septembre 2016     [ ICI ]

Un préfet de la « République issue du CNR » en vallée de la Roya

Ligue des droits de l’Homme – Section de Nice

Ligue des droits de l’Homme – Section de Cannes-Grasse

Ligue des droits de l’Homme –  Comité régional PACA

CIMADE06

COMITE DE VIGILANCE ALPES-MARITIMES (COVIAM)

 

COMMUNIQUE

Un préfet de la « République issue du CNR » en vallée de la Roya

Le 29 novembre 2016, Yvan Gastaut, historien de l’université de Nice, publiait dans le quotidien local un log article dans lequel il retraçait l’histoire des flux migratoires dans les vallées frontalières depuis le rattachement de Nice à la France en 1860. Cet article se terminait par une brève évocation très nuancée des problèmes actuels et de l’attitude de nombreux habitants de ces vallées : « Cette désobéissance n’est pas sans rappeler celle, organisée dans l’autre sens en 1943, par les habitants de St-Marin-Vésubie qui ont caché des juifs et aidé certains d’entre eux à fuir la répression nazie »

Sitôt arrivé dans le Département des Alpes-Maritimes, le nouveau préfet publie un libelle dans lequel il s’attaque d’abord à l’historien en utilisant des termes outranciers tels que « imposture » « injures », puis à sa véritable cible : les habitants de vallées, bénévoles et solidaires des réfugiés.

Le nouveau préfet entend donc dicter aux historiens le sens de leurs analyses, refusant de tirer les enseignements des heures sombres de notre Histoire. Il assène : « La République issue du Conseil National de la Résistance n’est pas Vichy » ; certes, mais cette République a aussi été capable de commettre les pires exactions.

Plutôt qu’une polémique indigne, nous attendions du représentant de l’Etat une réponse aux associations qui lui ont écrit le 18 novembre 2016 pour lui rappeler ses obligations découlant de l’ instruction ministérielle du 28/10/2015 qui lui enjoint de « détecter, prévenir et limiter les effets sanitaires et sociaux liés aux températures de l’hiver » .

Nous attendions aussi qu’il oppose de vrais arguments à la plainte déposée par plus de 250 citoyens, devant le tribunal de grande instance de Nice et qui vise le Conseil départemental 06, le Conseil Régional PACA, l’Aide Sociale à l’Enfance et le Préfet des Alpes-Maritimes pour leurs manquements concernant les mineurs isolés.

Aujourd’hui, à la frontière italienne, « La république issue du CNR » de M. le préfet abandonne sans sourciller les réfugiés égarés sur les routes de montagne, mineurs isolés compris.

Aujourd’hui, à la frontière, « La république issue du CNR » ce n’est pas M. le préfet des Alpes-Maritimes qui la représente, mais les dizaines de bénévoles qui se substituent aux services préfectoraux et départementaux pour les accueillir et leur apporter un peu d’humanité, de solidarité et de fraternité.