Arrêtés anti-mendicité : où est le trouble grave à l’ordre public ?

Comme à chaque début de saison touristique, il s’agit pour la mairie de Nice de faire place nette « dans les secteurs touristiques et à forte fréquentation ». Que les pauvres aillent mendier chez les pauvres, à l’Ariane ou aux Moulins, c’est dans l’ordre normal des choses, mais qu’ils osent venir contrarier le lobby touristique dans le centre ville, c’est insupportable. La vidéosurveillance a été largement mise à contribution pour traquer les sdf dans le moindre recoin du centre-ville (1) ; les mains courantes et les PV pleuvent comme à Gravelotte, pour venir grossir artificiellement le dossier à présenter au juge administratif : parmi les 76 procès-verbaux présentés par la ville au juge administratif, 42% de ceux-ci ne concernaient que huit personnes !

Qui peut prétendre que les 20 ou 25 sdf qui mendient occasionnellement à Nice provoquent un trouble grave à l’ordre public ? Que reprennent 20 ou 25 sdf dans une agglomération qui compte 340.000 habitants ?

La LDH et la Fondation Abbé Pierre ont décidé d’attaquer conjointement et partout en France les arrêtés anti-mendicité que nos deux associations jugent abusifs. C’est dans le cadre de cette action nationale que l’arrêté du trois mai 2019   pris par la mairie de Nice a fait l’objet d’un référé en suspension ainsi qu’un recours en annulation devant le tribunal administratif (TA) de Nice.

En procédure de référé, le magistrat du TA de Nice a jugé qu’il n’y avait pas urgence à suspendre l’arrêté ; l’affaire sera donc jugée au fond ultérieurement, très vraisemblablement après la date de fin de l’arrêté (30 septembre 2019).

Les principaux moyens développés par les services juridiques de nos deux associations, ainsi que par Me Mireille Damiano et Me Catherine Cohen-Seat sont :

  • La liberté d’aller et de venir est un principe de valeur constitutionnelle ; seule la protection de l’ordre public peut justifier la restriction d’une liberté fondamentale. De plus, en vertu des conventions internationales, cette liberté est reconnue au profit de « quiconque », c’est-à-dire indistinctement des nationaux comme des étrangers.
  • L’absence de preuves de troubles graves à l’ordre public
  • La mendicité agressive, en état d’ébriété, en groupe ou sous la menace d’un animal dangereux est déjà réprimée par la loi.
  • L’extension de l’interdiction, dans l’espace aux « abords des commerces de proximité » et dans le temps – de 9h à 2h du matin – est abusive.
  • Le principe constitutionnel de fraternité ne peut subir des restrictions

Aussi, selon nos associations, les interdictions mises en place par l’arrêté ne sont ni nécessaires, ni proportionnées.

 

(1) précision pour les innocents qui s’imaginent que la vidéosurveillance est faite pour prévenir meurtres et assassinats.