Quand le lobby sécuritaire franco-israélien tient congrès à Nice

Le quotidien Nice Matin, dans son édition du 23 février 2017, rend compte, sous le titre « la reconnaissance faciale pointe à nouveau son nez » du congrès « terrorisme, radicalisation, cybersécurité, révolution digitale » qui s’est tenu à Nice le 22 mars 2017.

Sûr de lui, surfant sur la vague de peur engendrée par les récents actes terroristes, le lobby Elnet France, « qui travaille au renforcement des relations bilatérales entre la France et Israël » tient colloque dans un des lieux les plus prestigieux de la ville de Nice ; un colloque sur le renforcement des relations culturelles, sportives ou universitaires ? Un colloque sur les moyens de parvenir à une paix juste et durable au Moyen Orient ? Pas du tout, un colloque sur « la sécurité et les nouvelles technologies ». Bref, le lobby du complexe militaro-industriel franco-israélien, vient parader à Nice ; on aurait pu penser que le choix d’une autre ville que Nice aurait été plus judicieux …

M. Pechenard, ancien directeur de la police nationale, responsable de la suppression de 13.000 postes de policiers, recyclé en vice président L.R du Conseil Régional Ile-de-France, était présent en vrp du lobby sécuritaire (1). Que vient vendre ce lobby ? La très profitable et très chère illusion technologique du smart ceci, du connecté cela, de la poudre aux yeux à base de « ville intelligente » comme si le béton pouvait être intelligent, comme si l’on pouvait bâtir la paix ou arrêter les fanatiques avec des zéros et des un. En Israël, que M Estrosi veut nous vendre comme exemple, à mesure que la technologie sécuritaire progresse, les perspectives d’un paix durable s’éloignent. Face à un couteau de boucher, de quel poids ont pesé les centaines de millions dépensés par la « ville intelligente » de Londres ? Face à la folie meurtrière d’un désaxé, qu’ont pu faire les 1300 caméras disséminées dans la commune de Nice ?

Dès lors que la densité des caméras atteint des sommets inégalés, il faut bien que le lobby de la technologie sécuritaire trouve de nouveaux débouchés (drones, détection comportementale, reconnaissance faciale, etc). Concernant la détection comportementale, on observera que, aux USA, le Government Accountability Office a publié un rapport accablant  : les « preuves disponibles » n’auraient pas été suffisamment convaincantes pour en déduire que le logiciel puisse être « utilisé pour identifier des personnes qui présentent un risque pour la sûreté aérienne ». Le succès d’une telle opération relèverait même « plutôt de la chance » (Le Monde 09/02/2017). Toutefois, à l’heure actuelle, le nouveau produit en tête de gondole, c’est la reconnaissance faciale, présentée comme l’arme fatale contre le terrorisme.

Le processus est connu : on commence par inscrire dans le dispositif les individus les plus dangereux, puis, de proche en proche, sous la pression de la police et du Parquet, on inscrit, dans un deuxième temps, les un peu moins dangereux, puis ceux qui ont un antécédent judiciaire, puis l’armée innombrable de ceux qui ont eu une contravention et à terme, toute la population sera inscrite dans la base de données ; ce processus est inéluctable. Il a déjà été observé pour le fichier Système de Traitement des Infractions Constatées (STIC) qui compte actuellement près de 6,5 millions de personnes inscrites.

La lutte contre le terrorisme c’est, fondamentalement et sous le contrôle du juge : le renseignement, l’infiltration, l’interception des communications ; tout le reste n’est que gain marginal et surtout écran de fumée de bonimenteurs destiné à vendre un technologie hors de prix.

Les tragiques événements du 14 juillet 2016 ont mis en évidence que le centre de supervision urbaine (CSU) de Nice, là ou convergent toutes les caméras de la ville, est placé sous la responsabilité d’une fonctionnaire municipale qualifiée par la presse nationale de « policière très engagée » (2). Cette situation est potentiellement dangereuse pour les libertés individuelles. La capacité d’intrusion de la vidéosurveillance dans la vie privée des administrés, des opposants, des syndicalistes, des journalistes, n’est actuellement contrebalancée par aucun contre-pouvoir crédible ; l’analyse des activités de la commission départementale de la vidéosurveillance des Alpes-Maritimes (2014 et 2015) nous a montré que cette structure censée contrôler les activités de vidéosurveillance n’est en fait qu’une chambre d’enregistrement (en moyenne, chaque dossier d’autorisation est traité en moins de 2 minutes). Cette commission n’a aucune capacité de contrôle et d’investigation, ce qui veut dire qu’un CSU, qu’il soit de Nice ou d’ailleurs, fonctionne en roue libre, hors de tout contrôle effectif.

Face au lobby militaro-policier de la vidéosurveillance, lequel prend désormais une dangereuse dimension internationale, il est urgent de mettre en place d’un véritable contre-pouvoir doté de moyens humains et technologiques à la hauteur des enjeux et adossé à un solide dispositif juridique qui lui accorde des pouvoirs élargis d’enquête. Sans libertés individuelles effectives, la démocratie est en danger.

Pour aller plus loin :

« Questionner la vidéosurveillance à Nice : utilité, coûts, dangers » :[ ICI ]

L’impasse de l’israélisation de la société  : [ ICI ]

(1) « Celui que Sarkozy appelle affectueusement « Pèch » a son rond de serviette chez Carla et Nicolas […] habitué des vacances au Cap Négre dans la résidence des Bruni-Tedeschi » in Bienvenue place Beauvau – Robert Laffont 2017.

(2) Selon Le Parisien (25/07/2016) cette policière, serait une « proche du maire de Nice » et elle aurait, dès le début des polémiques liées aux circonstances de l’attentat, supprimé ses comptes Facebook.