La vidéosurveillance sous l’œil de la cour des comptes

La cour des comptes vient de publier un rapport public thématique consacré aux polices municipales (octobre 2020), rapport que vous pouvez télécharger ici : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-polices-municipales

Ce rapport contient 15 pages consacrées à la vidéosurveillance et autres outils de surveillance (drones, reconnaissance faciale, etc) utilisés par les polices municipales. Nous en avons fait une extraction que vous pouvez télécharger ici :

http://ldh.nice.free.fr/files/extrait_videosurv_rapport_cdc.pdf

Nous vous proposons ci-dessous des extraits (en italique) accompagnés de quelques commentaires

Absence de connaissance des coûts réels

La cour des comptes observe que (page 67) :  « Peu de communes sont en mesure de tracer le coût d’exploitation, certaines ne précisant que certains coûts, d’autres indiquant un coût nul pour l’exploitation, alors même qu’il existe un CSU (par exemple, à Bandol). D’autres communes encore, comme Argenteuil, ont indiqué qu’elles n’opéraient pas de ventilation budgétaire ou n’indiquaient aucun coût d’exploitation au motif que celle-ci est internalisée. » 

Situation lamentable qui ne semble pas trop émouvoir la cour des comptes.  Elle ne fait aucune recommandation précise, par exemple en suggérant au législateur de rendre obligatoires des éléments comptabilité analytique pour isoler les coûts complets de la vidéosurveillance ; ainsi, les citoyens vont rester dans l’ignorance des coûts réels de ces outils.


Aucune corrélation entre vidéosurveillance et niveau de délinquance

La cour observe aussi (pages 69/70) « Faute d’études statistiques et d’évaluations indépendantes, l’efficacité de ces politiques a longtemps fait débat en France. Aujourd’hui, selon ses partisans, la vidéoprotection permet de contrôler les conditions de respect de la sécurité, de la sûreté ou de l’exécution d’une procédure particulière, tout particulièrement s’agissant des systèmes installés dans les réseaux de transport. La police et la gendarmerie nationale soulignent l’intérêt de ces dispositifs, soit en soutien aux opérations de services d’ordre et de maintien de l’ordre, soit à des fins d’investigation judiciaire, et déclarent inciter les maires à se doter de tels dispositifs.  [… ] Selon ses détracteurs, la vidéoprotection ne réduirait pas la petite délinquance, mais la déplacerait vers des zones non surveillées, phénomène dénommé « effet plumeau ».

 [ .. ]  » aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation »

Pas d’évaluation des résultats

(page 70). « La Cour avait formulé en 2011 une recommandation visant à améliorer l’évaluation des résultats produits par la vidéoprotection, en relevant que peu de municipalités s’engageaient dans une telle démarche (suivi d’indicateurs d’activités liées à la vidéoprotection ou générées par celle-ci, indicateurs de perception et d’impact, indicateurs de délinquance, etc.). Des progrès ont été constatés en ce sens ; c’est ainsi qu’à Lille, un comité de suivi et d’évaluation a été mis en place [… ]  » La belle affaire ! il s’agit d’un comité « entre soi » lequel, en quelque sorte s’auto-évalue.

Pour une appréciation objective de l’efficacité

(page 71)  » L’ampleur des sommes engagées depuis plus de dix ans impose en effet une appréciation objective de l’efficacité de la vidéoprotection. Le fait que le sujet soit sensible justifie d’autant plus un traitement scientifique transparent fondé sur des données statistiques partagées. Si l’on peut admettre que la contribution de la vidéoprotection à la prévention de la délinquance soit difficilement mesurable, son apport en matière d’élucidation judiciaire, largement souligné par les services d’enquête, se prête davantage à l’évaluation, sous réserve que les statistiques des parquets identifient les procédures pour lesquelles la vidéoprotection a été utilisée. L’évaluation pourrait donc dans un premier temps se concentrer sur cet usage spécifique et son impact local sur les taux d’élucidation. » 

Nous attendons donc une évaluation scientifique indépendante, tout en observant que l’argument « protection » de la vidéosurveillance est définitivement passé à la trappe ; on se raccroche désormais à l’élucidation.

A ce jour, les vagues statistiques « élucidation » produites sans contrôle externe (y compris celles fournies par la cour des comptes dans son rapport), s’arrêtent à l’interpellation , comme si interpellation = inculpation = condamnation. De plus, dans de nombreux cas, la vidéosurveillance peut être un des contributeurs à une arrestation, pas forcément le seul et pas forcément le plus déterminant. Nous souhaitons bien du plaisir aux scientifiques qui vont devoir démêler cet écheveau. 

Dans sa conclusion, la cour des comptes produit de l’eau tiède appelant le ministère de l’intérieur à combler rapidement les vides juridiques et « élaborer un cadre équilibré entre innovation et protection des droits fondamentaux »