La ville de Nice prédit crimes et délits ou des banalités ?

Dans un dossier de deux pages produit par Nice-Matin le 5 avril 2021, le quotidien local publie quatre articles qui vantent sans beaucoup de nuances le solutionnisme technologique si cher à la mairie de Nice. Un de ses articles est consacré à un nouveau logiciel mis au point en interne par la ville :

« Un logiciel quasiment capable de dire où les infractions vont être commises » (on apprécie la modestie du « quasiment ») « unique en France » nous dit-on, sans préciser que ce type de logiciel existe un peu partout dans le monde depuis plus de dix ans, mis au point par une myriade de start-up ou de d’entreprises ayant pignon sur rue comme par exemple la tristement fameuse Palantir. Puis on nous égerme les mots clef habituels : « formidable base de données » utilisable « en temps réel » , pour finir avec le propos prétentieux d’un technicien : « le hasard n’a que peu de place ».

Bref, la ville de Nice aurait trouvé la pierre philosophale de la sécurité.

Mais il suffit de faire une brève recherche sur internet concernant les logiciels de prédiction policière, pour trouver plusieurs articles et études sur la question.

Afin d’aller un peu plus loin que ce que prétend le marketing de la ville de Nice et pour informer correctement les personnes intéressées par la question, nous voudrions signaler, en particulier :

1/ une étude sérieuse et documentée, réalisée par un étudiant de l’université de Grenoble :

https://cortecs.org/politique-societe/predpol-predire-des-crimes-ou-des-banalites/

« Le graphique nous montre que 50 % des délits ont lieu dans 7,5 % de la ville. Étant donné que la criminalité évolue peu, il suffit de prédire toujours les mêmes lieux « à risque » pour être aussi performant que Predpol »

2/ un article paru dans la revue « La vie des idées » intitulé « A qui profite le crime ? » Le marché de la prédiction du crime aux Etats-Unis :

https://laviedesidees.fr/A-qui-profite-le-crime.html

Dans cet article, sont mis en évidence à la fois les insuffisances du logiciel et la grande sophistication du marketing des commerciaux de Predpol

« Un algorithme peut-il prédire les crimes? Les forces de police américaines s’équipent depuis plusieurs années de logiciels censés détecter le lieu des futurs crimes et délits. Leur succès tient pourtant davantage du marketing que de leur efficacité prédictive. »

« Quand bien même les forces de police comprendraient les limites de l’algorithme, elles ne renonceraient pas nécessairement à l’offre de Predpol, car l’efficacité prédictive de l’algorithme n’est pas la question cruciale aux yeux de la police. Pour celle-ci, l’enjeu principal est moins la prédiction des crimes qu’un management simplifié de l’action policière.« 

3/ La Quadrature du Net a publié un article intitulé : « La police prédictive progresse en France. Exigeons son interdiction ! ».

https://technopolice.fr/blog/la-police-predictive-progresse-en-france-exigeons-son-interdiction/

Après avoir fait observer que les logiciels de police prédictive commencent à être abandonnés par plusieurs villes aux USA et en particulier dans la mégapole de Los Angeles, l’article observe en particulier :

« La dernière critique couramment adressée à ces dispositifs, c’est qu’ils n’ont pas fait la preuve de leur intérêt. Tout au plus permettent-ils de visualiser des données dont la police disposait déjà. Il s’avère aussi bien compliqué d’évaluer l’efficacité de ces logiciels : si l’évènement prédit par la machine a lieu, l’outil sera présenté comme efficace. Mais si l’évènement n’a pas lieu, l’outil pourra aussi être considéré comme efficace en ce qu’un patrouille envoyée sur place aurait dissuadé les personnes d’agir… »

« Ou peut être ont-ils également peur de ne pas être assez modernes, aveuglés par la croyance dans le fait que s’équiper des dernières technologies de contrôle social est une fin en soi, qu’importe leur impact sur nos libertés, leur coût, ou même leur intérêt. »