Les violences et les dégradations survenues après la mort du jeune Nahel en juillet 2023 doivent être condamnées ; toutefois, elles ont suscité des réactions épidermiques et parfois inadmissibles de la part de certaines femmes et hommes publics.
Le député RN Jean Philippe Tanguy – reprenant une image déjà utilisée par Valérie Pécresse pendant la campagne présidentielle de 2017- parlait sur BFM de « nationalité faciale » à propos des jeunes des banlieues, sous-entendant que derrière la façade, la réalité n’est pas vraiment française. Il faisait écho au sénateur LR B. Retailleau qui déclarait à la même époque et sur la même chaîne : « certes, ce sont des Français mais ce sont des Français par leur identité et malheureusement pour la deuxième, la troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques« . Philippe de Villiers, lui, appelle à « débusquer la cinquième colonne » et la sénatrice LR Eustache-Brinio, déclare, en séance, « ils sont français comment ? » ; elle prétend, elle aussi, que les jeunes générations issues de l’immigration haïssent la France. De son côté, le député RN Roger Chudeau, qui présidait la mission sur l’éducation prioritaire déclarait en commission : « “Les élèves sont dans un milieu totalement exogène à la société française » ; enfin syndicats de policiers UNSA et Alliance ont utilisé, dans leur communication publique, les termes de « sauvages » et de « nuisibles », « sauvages » que le président de la république se propose de « reciviliser », laissant ainsi supposer qu’ils se situent hors de notre civilisation.
Ces mêmes épithètes et accusations étaient déjà celles de l’Inquisition, notamment en Espagne, dès lors que le pouvoir séculier avait décidé, après la prise de Grenade en 1492, d’expulser les juifs (marranes), puis plus tard, les musulmans (maurisques) tous qualifiés de corps étrangers, inassimilables et dangereux pour l’unité – si récente – de la Castille et de l’Aragon.
Aux justifications des expulsions massives pratiquées en Espagne et au Portugal répond au XXIème siècle la thématique de la « rémigration », qui n’est qu’une euphémisation de l’expulsion ; aux procès faits à certains juifs et surtout aux maurisques de travailler pour des puissances étrangères répond l’étrange procès en « cinquième colonne » ou de la « haine de la France » ; aux procès intentés par l’Inquisition aux « nouveaux convertis » ou à leurs descendants de continuer de pratiquer leurs anciennes religions, répond la théorie actuelle de la « régression vers les origines ethniques » laquelle ne peut se concevoir sans les qualificatifs d’exogène, de sauvage et de nuisible à l’unité de la nation. La similitude des situations peut même être observée en comparant l’agressivité manifestée au XVème siècle par certains Dominicains fils ou petits fils de conversos à l’égard de leurs ex congénères avec celle manifestée actuellement par certaines personnes issues de l’immigration post coloniale à l’égard des jeunes « des quartiers ».
Certes, heureusement, on n’écartèle plus, on ne brule plus les relaps et « l’histoire ne ressert jamais deux fois le même plat », mais des Torquemada, on en trouvera malheureusement toujours pour distiller le poison de l’exclusion.
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