Bianca, la plus misérable des misérables – Chronologie critique

Bianca la plus misérable des misérables

Mercredi 17 octobre 2018, journée mondiale contre la misère, nous avons l’occasion de libérer Bianca.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence s’apprête à rejuger Bianca, une jeune mendiante de 24 ans, qui vient de passer 4 mois en prison.  Son délit : avoir fait la manche avec ses enfants pour les nourrir.

Bianca, c’est notre misère : celle des territoires, celle de la France, celle de l’Europe. Elle est Rom, orpheline, analphabète, son frère est handicapé mental, elle a deux enfants en bas âge, elle est enceinte, elle vit dans un squat, elle fait la manche pour survire. Son casier judiciaire est vierge.

En maison d’arrêt, elle n’a pu ni recevoir de visites ni téléphoner et n’a aucune nouvelle de ses enfants. Elle pourrait donc accoucher en prison.

Sa vie est un enfer.

Chronologie 

Bianca est victime d’une damnation sociale où se mélangent le politique, la police, le système judiciaire, et les enjeux économiques.

– Lundi 4 juin 2018, Christian Estrosi écrit une lettre au Procureur de la République de Nice: « Mes services ont procédé, à ma demande à un recensement le mois dernier : on dénombre 609 sans domicile stable qui occupent l’espace public, 403 qui se livrent à la mendicité dont 59 avec enfants (…) Aussi, j’ai attiré l’attention de monsieur le préfet sur cette question et nous nous sommes convenus d’une réunion de travail vendredi prochain [le 8 juin]. (…) Mais j’estime que cette réunion ne portera ses fruits que si le Parquet nous accompagne fortement dans notre action. » Déroulant une logique comptable, le Maire va exiger de la part du parquet plus de fermeté.

– Ce même 4 juin, à 17 heures, rue de France, Bianca est arrêtée avec ses deux enfants par la police nationale. C’est l’employée d’une agence immobilière qui prévient la police, Bianca aurait frappé ses enfants. Dans la ville la plus surveillée de France, avec plus de 2000 cameras, dans la rue la plus touristique, il n’existe aucune image des faits reprochés. Les témoignages sont ceux de certains commerçants travaillant dans cette zone touristique et qui connaissent cette mendiante, pour certains depuis trois ans.

– Mardi matin du 5 juin, M. Estrosi annonce par voie de presse (Nice-Matin), qu’il allait prendre un nouvel arrêté anti-mendicité pour éloigner les SDF de sa ville. Parallèlement, des examens médicaux sont effectués par un médecin légiste puis par les services de l’hôpital pédiatrique Lenval : « aucun signe de sévices physiques » concluent les différents médecins. Les deux enfants de Bianca sont placés dans une famille d’accueil.

– Mercredi 6 juin, Dans l’édition du jour de Nice Matin, avec cet article titré Mendicité, le Maire de Nice dit Stop, Christian Estrosi annonce son de plan anti-mendicité. Il conclut son intervention par : « On ne pourra rien faire si le parquet ne fait pas suite à nos sollicitations. Alors, aujourd’hui, je rue dans les brancards, j’en appelle au procureur ! »

Pour son électorat, il publie sur son compte Facebook un post justifiant son prochain arrêté anti-mendicité. On y apprend que l’hôpital Lenval a connu une hausse de 147% dans l’accueil d’enfants en situation de précarité.

Voici un des commentaires, sur la page Facebook du maire : « Moi je travaille vers le Negresco, et certaines rues sont très sales. Par exemple celle à côté de l’église st Pierre rue de France. La mendicité rue de France à côté du parking du musée Massena. Où une jeune rom fait la mendicité avec une petite fille d’environ 2 ans, et elle mendiait aussi avec un nourrisson. Enfin c’est bien triste de se servir des enfants… Ils sont drogués… »

– Jeudi 6 juin un mandat de dépôt est signé et Bianca se retrouve en situation de détenue prévenue à la maison d’arrêt de Nice. Le système judiciaire va la broyer.

– Vendredi 7 juin, pendant que le maire tient une réunion de travail avec le préfet des Alpes-Maritimes, Bianca se voit signifier son maintien en détention provisoire.

D’un point de vue comptable, cela fera une mendiante et deux enfants de moins dans les rues. Sauf que…

– Jeudi 14 juin, lors d’une audience de jugement en assistance éducative, les enfants « s’enfuient » – ou sont « enlevés », cela dépend du point de vue – par leur grand-mère paternelle (supposée) Ils sont aujourd’hui introuvables, ayant vraisemblablement réussi à fuir en Roumanie.

Vendredi 13 – L’Audience

– Vendredi 13 juillet après six semaines de préventive, Bianca est jugée par le tribunal correctionnel de Nice.

On lui reproche deux chefs de prévention :

D’abord, d’avoir commis des actes de violence depuis le 1er janvier 2018 jusqu’au 4 juin 2018 sur ses propres enfants, faits prévus par l’ART.222-13 du code pénal.

Pas de preuves (pas de traces de coups, pas d’images), mais seulement le témoignage de commerçants.

Ensuite, d’avoir privé ceux-ci d’aliments ou de soins au point de compromettre leur santé, en l’espèce n’apportant pas les soins médicaux, vestimentaires et alimentaires nécessaires à ces deux jeunes enfants, ainsi qu’en les maintenant sur la voie publique dans le but de solliciter la générosité des passants, faits prévus par l’ART.227-15 du code pénal.

Oui, Bianca fait la manche depuis la naissance de ses enfants.

Lors de l’audience, Bianca « explique se livrer à la mendicité pour nourrir ses enfants, et contestait l’exercice de violence à leur encontre ».

Verdict : Bianca est condamnée un an ferme, ainsi qu’à une peine complémentaire d’interdiction de séjour pour une durée de cinq ans dans le département des Alpes-Maritimes.

Les juges justifient la sentence par « la gravité des faits reprochés commis à l’encontre d’enfants en très bas âge, qui aujourd’hui restent introuvables, dont la santé a été gravement compromise et qui ont été confrontés par leur propre mère à une situation quotidienne de violence ».

Il n’y a pas d’exploitation des enfants, il n’y a pas de réseaux mafieux en cause.   Il s’agit de survie dans une situation de misère extrême.

Que pouvait faire Bianca pendant qu’elle mendiait ? Mettre ses enfants à la crèche ou alors les laisser seuls dans un squat ? Ils étaient encore trop jeunes pour être scolarisés ; mais elle avait entamé des démarches auprès du consulat de Roumanie.

– Vendredi 14 Septembre, le Maire de Nice écrit une lettre aux commerçants – et plus précisément à ceux qui possèdent une terrasse : « Cet été, j’ai demandé à la Police Municipale d’accroître sa présence sur la voie publique et de porter une attention particulière à l’encontre de ceux qui occupent illégalement le domaine public. (…) Grâce à une action conjointe de la police municipale, police nationale et sur la base des réquisitions du parquet, plus de 600 personnes ont été évacuées, 72 personnes ont été interpellées et présentées à un officier de police judiciaire, quelques gardes à vues ont même été engagées. Et ces résultats sont visibles sur la zone piétonne Masséna, sur le cours Saleya ou sur le Quai des Etats-Unis ».

Pas un mot sur Bianca et ses enfants, qui auront été effacés du paysage azuréen.

– Mercredi 17 octobre 2018, Bianca risque de purger la totalité de sa peine, soit un an ferme, et accouchera en prison.

Nous ne pouvons pas laisser le système politique fabriquer des bouc-émissaires. Et dans ce genre de procédés, c’est la plus faible qui se fait attraper en premier – Bianca.

On a mis une femme rom, enceinte, en prison et on a perdu ses deux enfants dont on avait la charge.

Avec le cas Bianca, ils ont a envoyé un message fort à la communauté rom : « quittez la côte d’azur ou l’on vous enferme ! »

 Le message est passé parmi la communauté rom, mais maintenant, cela suffit, libérez Bianca !

Nous sommes tous responsables de ce qui arrive à Bianca, mais ce mercredi 17 octobre 2018, si vous la condamnez, nous serons tous coupables.