De la vidéosurveillance à la vidéoverbalisation : usages réels et fantasmés d’une technologie moderne

Laurent Mucchielli, sociologue (CNRS & Aix-Marseille université) publie dans le n° 38 de la revue « Archives de politique criminelle » [ cliquez ici ] une étude intitulée :

« De la vidéosurveillance à la vidéoverbalisation : usages réels et fantasmés d’une technologie moderne ».

Après avoir décrit les infrastructures ainsi que les moyens mis en ouvre par la commune de Marseille, l’auteur analyse divers aspects du fonctionnement du centre de supervision urbaine, pour en tirer des conclusions quant à son efficience et à la finalité réelle de son activité.

Le centre de supervision urbaine de la ville de Marseille (SSU) emploie 48 fonctionnaires territoriaux, lesquels représentent un huitième de l’effectif total de la police municipale. 864 caméras sont en fonctionnement (hors caméras du métro et transports en commun) .

« L’activité « en direct » correspond aux imaginaires populaire et politique ordinaires de la vidéoprotection associée à l’idée de flagrant délit et d’élucidation instantanée. C’est l’idée d’une surveillance en temps réel permettant de détecter les infractions en train de se commettre et d’intervenir immédiatement pour interpeller leurs auteurs. En 2015, le CSU a réalisé 1 253 opérations de ce type concernant principalement des vols, des agressions, des dégradations, des ventes à la sauvette de cigarettes, des « recherches d’individus », des problèmes d’ordre public et de circulation. Cette activité de surveillance en direct a débouché sur 770 demandes d’interventions adressées principalement à la police nationale et à la police municipale, dont 505 ont effectivement eu lieu. A la suite de ces interventions, les services de police (la police nationale dans 90% des cas) ont procédé à 248 interpellations (concernant principalement des vols, des ventes à la sauvette de cigarettes, des agressions et des dégradations). Au final, on compte donc 1,1 demande d’intervention par caméra en moyenne sur l’année, ce qui amène à conclure qu’il s’agit en réalité d’une activité très mineure dans l’ensemble des activités du CSU »

Concernant l’apport de la vidéosurveillance de la ville de Marseille à l’élucidation des affaires, Laurent Mucchielli à calculé que, en 2015, pour 55.000 infractions constatées, les affaires élucidées grâce à la vidéosurveillance correspondent à 0,2 % du total des infractions constatées, ou 1,5 % du total si l’on tient compte des affaires dans lesquelles la vidéo a pu avoir une utilité dans l’enquête. Dans notre étude sur la vidéosurveillance de 2015, nous avions déjà fait le même constat en nous basant sur le cas figurant dans le site internet du ministère de l’intérieur « Questionner la vidéosurveillance à Nice », page 6  [ cliquez ICI ]

L’impact financier de la vidéosurveillance, bien que difficilement quantifiable du fait de l’absence (volontaire?) de comptabilité analytique, est estimée à 7 millions d’euros par an (coûts de fonctionnement) qui correspondent à l’embauche de 250 agents municipaux. Dans notre étude précitée de 2015 (voir infra), page 9  [ ICI ]   nous évaluions, pour la ville de Nice, le coût annuel à 7,7 M€, auxquels nous avions ajouté une charge annuelle d’amortissement de l’ordre de 1,4 M€.

Ainsi, indique L. Mucchielli, la vidéoverbalisation « apparaît presque comme un peu honteuse et en tous cas dissimulée, d’un point de vue quantitatif c’est la vidéoverbalisation qui constitue − et de très loin − le cœur de l’activité répressive du système [ …] Si l’on cumule les faits constatés en direct et les recherches d’images, l’on constate ainsi que la vidéoverbalisation représente près de 90% des actions répressives du CSU. »