Nouvelle carte nationale d’identité électronique : le ver est dans le fruit ?

Simple – Sécurisée – Rapide – Pratique

Contrôles abusifs – surveillance généralisée – déshumanisant 

La nouvelle carte nationale d’identité électronique (CNIe) s’inscrit dans la logique du « portefeuille numérique européen » voulu par la commission européenne [  ICI  ] Elle est – comme le passeport et, ultérieurement, les titres de séjour – le premier maillon d’un dispositif, qui, à terme, pourrait nous mener vers une société du contrôle généralisé et permanent.

Les informations contenues dans la CNIe servent à constituer le fichier TES et ce même fichier sert à contrôler le service de garantie de l’identité numérique (SGIN) qui va à terme et à travers votre CNIe autoriser vos accès aux services publics, aux banques, à la SNCF, aux compagnies aériennes et à des centaines d’autres services, en « vous identifiant de façon sécurisée »  

La nouvelle carte nationale d’identité électronique (CNIe)

« Une nouvelle carte plus sécurisée, plus pratique, au design modernisé » « protection optimale des données à caractère personnel » « hautement sécurisé » « accès spécifiquement encadré » c’est ainsi que le ministère de l’intérieur présente depuis 2021 la nouvelle carte nationale d’identité électronique.

Avec votre nouvelle carte d’identité numérique et si vous possédez un smartphone muni d’une puce NFC, alors, vous entrez – grâce au service de garantie de l’identité numérique (SGIN) dans un monde merveilleux où tout est facile, rapide, peu contraignant. Finie la bureaucratie lourdingue qui vous oblige à ressortir pour chaque démarche vos actes de naissance, photocopies resto-verso de vos CNI, etc. 

Effectivement, la nouvelle CNIe est surement plus pratique, peut-être plus sécurisée. Toutefois, elle ne peut pas prétendre être totalement sécurisée :  les exemples de serveurs « totalement sécurisés » qui ont fait l’objet de cyberattaques abondent.

La CNIe contient beaucoup plus d’informations que l’ancienne CNI : Le nom de famille, les prénoms, la date et le lieu de naissance, le sexe, la taille, la nationalité, le domicile ou la résidence de l’intéressé, la date de délivrance et la date de fin de validité du document ; le code de lecture automatique (QR code) ; elle comporte également la photographie, l’image numérisée de deux doigts et la signature du titulaire. La CNIe comporte surtout un composant électronique contenant toutes les données, à l’exception de la signature, du QR code et du numéro de support. Le composant électronique contient l’image numérisée de la photographie et celle des empreintes digitales de deux doigts.

Le fichier TES – (Titres électroniques sécurisés)  

Crée à l’origine pour lutter contre l’usurpation d’identité en stockant les données des détenteurs des nouveaux passeports biométriques, ce fichier enregistre désormais aussi les données, y compris biométriques (cf. plus haut), des détenteurs des nouvelles cartes nationales d’identité électronique CNIe et à terme ceux des détenteurs de titres de séjour.

La CNIL (1) a fait observer au gouvernement que plusieurs pays européens comme la Belgique ou l’Allemagne, conservent les données biométriques en base centrale seulement 90 jours ; la France, elle, conservera les données de la CNIe 15 ans ! Une fois de plus, le gouvernement actuel (et tous ceux qui l’ont précédé depuis trente ans), montre une irrésistible et irresponsable appétence pour le fichage généralisé et permanent des citoyens.

La Quadrature du net (2) a déposé plainte le 24 septembre 2022 auprès de la CNIL au motif que cette base biométrique n’est ni nécessaire ni proportionnée à son objet et parce que l’obligation de sécurité qui pèse sur elle n’est pas assurée.

  • Absence de nécessité et proportionnalité

Les passeports et, plus récemment, les cartes nationales d’identité sont dotées d’une puce qui contient, entre autres, la numérisation des empreintes digitales et du visage. Ces données, qui servent à les authentifier et donc à lutter contre l’usurpation d’identité, ils les détiennent dans leurs poches ou leurs sacs. Lorsqu’un voyageur se présente dans un aéroport français devant un guichet « Parafe » le logiciel va comparer son visage avec l’information numérisée de son visage contenue dans la puce de son passeport ; si la comparaison est conforme, le passage est autorisé. Ainsi, il est évident qu’une base de données centralisée n’est pas nécessaire pour authentifier une personne.

Ficher la quasi-totalité de la population dans une base centralisée qui contient des « données biométriques […] susceptibles d’être rapprochées de traces physiques laissées involontairement par la personne ou collectées à son insu » (3) est proprement irresponsable.

  • Absence de respect de l’obligation de sécurité

Le risque de cyberpiratage  

Dès lors qu’une base de données est centralisée et surtout si elle a vocation à contenir les données biométriques de la quasi-totalité de la population elle fera inévitablement l’objet de cyberattaques. L’expérience prouve que les bases les mieux protégées peuvent faire l’objet d’intrusions.

Le risque de détournement

« les restrictions juridiques seront toujours moins efficaces que les restrictions techniques qui rendent impossibles l‘utilisation de la base [à des fins détournées] » (4) Pour répondre à cette exigence de non utilisation à des fins détournés, la seule solution technique connue à ce jour est celle de la base de données dite « à lien faible ». Selon le rapport sénatorial de M. Philippe Goujon en date du 29 juin 2011, « Dans ce système, plusieurs dizaines ou centaines de milliers d‘empreintes sont associées à plusieurs dizaines ou centaines de milliers d‘identités sans qu‘un lien soit établi entre une de ces empreintes et l‘une de ces identités. Nul ne peut en conséquence être identifié à partir de ses seules empreintes digitales » Autrement dit, le fichier ne pourra être – de par sa conception – utilisé ultérieurement à une autre fin que celle pour laquelle il a été conçu : l’authentification de détenteurs de passeports et de cartes nationales d’identité. Malheureusement, ce n’est pas la solution technique retenue par le gouvernement.

Le gouvernement avait le choix : soit concevoir un système d’authentification « décentralisé » détenu par chaque citoyen sur son passeport ou sa CNIe, soit développer un système centralisé : il a opté pour le système centralisé.

Après avoir opté pour un système centralisé, il pouvait mettre en place une base de données « à liens faibles » qui aurait empêché tout détournement d’usage : il ne l’a pas fait.

Cela est d’autant plus grave que ce méga fichier joue un rôle pivot dans tout l’écosystème du contrôle numérique de l’identité.

Service de garantie de l’identité numérique (SGIN)

Ce traitement, qui vient remplacer feu le très décrié « Alicem » (5) est conçu pour mettre à la disposition des titulaires de la nouvelle CNIe « un moyen d’identification électronique leur permettant de s’identifier et de s’authentifier auprès d’organismes publics ou privés grâce à une application qu’ils installent sur leur équipement terminal de communications électroniques  [en clair, le smartphone]. L’application permet à l’usager, notamment, de générer des attestations électroniques comportant les seuls attributs d’identité dont il estime la transmission nécessaire aux tiers de son choix » . Article 1 du décret 2022-676  [  ICI  ]

Dans le paramétrage actuel, ne sont conservées en historique que les cinq dernières transactions ; qui pourra empêcher – par simple modification réglementaire – que la base conserve ultérieurement vos 300 dernières transactions ? Par recoupement des données, votre profil de citoyen pourra aisément être établi et votre activité pourrait être suivie.

Pub du ministère sur TES : « Enfin, afin de répondre aux interrogations qui se sont fait jour, et notamment de la part des parlementaires, il vient d’être décidé de conditionner le versement dans TES des empreintes digitales des usagers au consentement de ces derniers. Si les usagers n’y consentent pas, le titre sera délivré mais ils ne bénéficieront pas des services associés et recherchés, qu’il s’agisse de la lutte contre l’usurpation d’identité dont ils pourraient être victimes ou du renouvellement simplifié de leur demande de CNI. Mais ils en auront la liberté de choix. »

France Connet et France Identité

« À compter du 21 novembre 2022, l’application France Identité devient un fournisseur d’identité au sein de FranceConnect. Elle permet d’accéder à plus de 1 400 services en ligne de manière plus simple et plus sécurisée […] Grâce à l’application France Identité, plus besoin d’identifiant et de mot de passe, la carte d’identité et le code personnel à six chiffres les remplacent. En plus d’être plus ergonomique, ce système est aussi plus sécurisé ». (Site officiel de France identité).

L’application Docvérif va venir vérifier (comme son nom l’indique !) la validité de la CNIe en consultant le SGIN, avec lequel elle n’échange qu’un nombre limité de données et aucune donnée biométrique.

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Oui, pour le moment, le smartphone doté d’une puce NFC n’est pas suffisamment généralisé pour que son usage soit, en pratique, obligatoire ; mais songez à la vitesse à laquelle le prix des portables a vertigineusement chuté. 

Oui, en France, la détention d’une CNI n’est pas obligatoire ; mais tenter de vivre sans une CNI pourrait faire l’objet d’une épreuve de Koh-Lanta intitulé « survivre en milieu urbain sans CNI plus d’un mois ».

Oui, le fichier TES ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale ; mais la CNIL observe (6) que cette précision a été retirée de l’article 2 du décret « La Commission regrette la disparition de cette mention qui permettait de mentionner explicitement qu’aucun traitement supplémentaire de données biométriques ne serait réalisé »

Oui, pour le moment, nous n’avons détecté aucun service public qui rende obligatoire l’utilisation de France Connect par l’intermédiaire d’un smartphone ; mais nous avons testé le service public « Mon compte formation », le passage par France Connect est obligatoire, mais il existe une procédure sans smartphone : comptez cinq étapes et quatre semaines d’attente ! [cliquez ICI ]–  Vous avez le choix : un click ou quatre semaines d’attente.

Oui, le demandeur d’une CNIe peut refuser que l’image numérisée de ses empreintes digitales soit conservée dans le fichier TES ; mais ce faisant, il sera immanquablement repéré comme « mouton noir ».

Oui, le SGIN ne conserve que les cinq dernières transactions ; mais il s’agit d’un simple paramétrage qu’un simple décret modificatif pourrait porter aux 30 ou 40 dernières transactions, avec tous les risques de profilage  

Oui, la désinstallation, toujours possible, de l’application mobile entraîne automatiquement l’effacement des données stockées sur le serveur du SGIN et sur l’ordiphone, à l’exception de celles conservées en vue de la résolution d’éventuels contentieux ; il s’agit d’une disposition, intéressante, mais réversible.

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La CNIe est un des éléments de l’écosystème électronique français du contrôle de l’identité ; l’architecture de cet écosystème fait que, désormais, il suffirait de déplacer légèrement le curseur de l’un ou l’autre de ses paramètres, ou d’y installer ici ou là un bouton marche-arrêt pour que le dispositif bascule dans le contrôle autoritaire et débouche sur la surveillance généralisée dont rêvent un certain nombre de nos hommes politiques.

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  1. CNIL – Délibération 2021-022
  2. Ainsi que 15.248 plaignants l’ayant mandatée
  3. Conseil constitutionnel 22/03/2012
  4. CNIL 2012 Mme Falque-Pierrotin
  5. Alicem prévoyait un dispositif de reconnaissance faciale
  6. CNIL délibération n° 2022-011 du 10/02/2022

Décret CNIe : [  ICI  ]

Décret Fichier TES : [  ICI  ]

Décret SGIN : [  ICI  ]

Plus un enfant ne doit dormir dans la rue !

20 novembre : journée internationale des droits de l’enfant

Plus un enfant ne doit dormir dans la rue !

20 novembre dans les Alpes-Maritimes journée de la grande hypocrisie 

Les maires de Nice, Cannes et Antibes – villes pourtant labellisées par l’Unicef « amies des enfants » vont beaucoup communiquer lors de la journée internationale des droits de l’enfant.

Pourtant, aucun des trois maires n’a signé la lettre ouverte de 43 élus de grandes villes françaises, toutes tendances politiques confondues, dans laquelle ils expriment leurs inquiétudes : « les maires de grandes villes et présidents d’agglomérations et métropoles restent très inquiets face à la situation d’enfants parfois très jeunes, pour une part scolarisés dans nos écoles et leurs familles dormant encore dans larue ou dans des squats insalubres et dégradés. »[   ICI   ]

Pendant ce temps, à Nice, on expulse des familles avec enfants qui avaient trouvé un abri, même précaire, sous les ponts et on réclame des mesures expéditives pour pouvoir les expulser encore plus rapidement.

Nice Matin le 09/09/22, à propos des familles avec enfants qui dormaient sous l’autopont constate que « personne ne semble en mesure de savoir où elles vont désormais s’installer »

Les Mineurs Non Accompagnés subissent dans les Alpes-Maritimes une maltraitance policière, administrative et sociale et des entraves systématiques à la reconnaissance de leurs droits. Le préfet refoule en toute impunité des mineurs en Italie. Le Conseil Départemental procède à des entretiens d’évaluation à charge et fait appel de toute décision de justice favorable aux mineurs isolés étrangers afin d’empêcher leur accueil et leur intégration dans notre département.

Dans les Alpes-Maritimes, la journée internationale des droits de l’enfant n’est pas celle de tous les enfants.

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Habitat et Citoyenneté – Ligue des droits de l’Homme 06 – MRAP 06 –  RESF 06 – Roya Citoyenne –  Syndicat des avocats de France – Tous Citoyens

Nice Matin a raison : la laïcité est en danger

Estrosi, Ciotti, Ginesy et autres élus du département des Alpes-Maritimes  communiquent abondamment et ostensiblement lors de leur présence dans des lieux de culte ou des manifestations religieuses.
Certains élu.e.s affichant parfois leurs écharpes d’élu.e.s de la République dans des lieux de culte ;  la ville de Nice communique pour appeler  à une manifestation religieuse.

En effet,  le département des Alpes-Maritimes est un mauvais élève, la laïcité est en danger.

La une de Nice-Matin du 15/10/2022 – un peu modifiée …

Attentat de Nice : faire émerger la vérité

Communiqué de presse

Les auditions de François Hollande et Bernard Cazeneuve par la Cour d’Assises spéciale de Paris lundi 10 octobre n’ont pas permis de faire émerger la vérité sur le dispositif de sécurité mis en place à Nice le 14 juillet 2016.


François Hollande a renvoyé, pour les détails du dispositif, sur Bernard Cazeneuve. Ce dernier a, à son tour, renvoyé à la responsabilité du maire de Nice et du Préfet alors en fonction. Or, et alors que c’est lui qui a validé le dispositif de sécurité, le Préfet Adolphe Colrat n’est pas cité comme témoin dans ce procès.


Jeudi 20 octobre ce sera au tour de Christian Estrosi, alors en charge de la sécurité, et de Philippe Pradal, alors maire de Nice, d’être entendus mais sans qu’aucune suite ne puisse être donnée à ces témoignages dans le présent procès, puisque son objet est uniquement la responsabilité des personnes de l’entourage de l’auteur de l’attentat.
Or les auditions de François Hollande et de Bernard Cazeneuve le 10 octobre laissent en suspens nombre d’interrogations sur la sécurité du 14 juillet :


– Avions-nous le niveau de sécurisation suffisant compte tenu que « le niveau d’alerte terroriste était à son paroxysme et que la menace terroriste était extrêmement élevée à l’été 2016, et notamment à Nice » ? « A-t-on raté quelque chose en termes de prévention des risques ? » a demandé d’emblée Laurent Raviot, le Président de la Cour d’Assises.

– Quel a été le dispositif de sécurisation réel coordonné par l’Etat et par la Ville : nombre et répartition des forces de l’ordre présentes, absence de plots en béton, barrage trop léger à l’angle Gambetta – Promenade, etc. ? « Beaucoup de Niçois disent qu’il y avait un déficit de policiers le 14 juillet, en comparaison de la fête de la musique le 21 juin », a indiqué le Président de la cour d’Assises.


– Comment l’auteur de l’attentat a-t-il pu faire ses repérages en camion à 10 reprises sur la Promenade des anglais, dans la ville la plus vidéosurveillée de France ? « Qui s’occupe de visionner ? Quelle articulation entre la police nationale et la police municipale ? » demande le Président Laurent Raviot.


– Quel a été le niveau d’implication des représentants de l’Etat et de la Ville de Nice dans les réunions de préparation de la sécurisation de Nice ?
En l’état des questionnements posés, nous réitérons notre demande d’un procès spécifique sur la sécurisation de Nice le 14 juillet 2016, pour que toute la lumière soit faite, pour savoir ce qui a été réellement fait et ce qui n’a pas été fait pour nous protéger ce soir là et pour ne plus jamais connaître les mêmes failles de sécurité.


Enfin, le Président de la Cour d’Assises spéciale a déclaré en audience « Il y a bien une instruction en cours sur la sécurité du 14 juillet à Nice, mais nous n’avons aucune info ». Xavier Bonhomme, Procureur de Nice, a confirmé à la presse que « cette enquête est dans les mains de deux magistrats instructeurs ». Afin d’éviter toute pression locale nous demandons le dépaysement de l’information judiciaire en cours pouvant aboutir à la tenue de ce second procès et que ce dossier ne soit plus instruit à Nice.

Nice, le 19 octobre 2022


Ligue des Droits de l’Homme section Nice – Syndicat des Avocats de France – Collectif citoyen 06 – Tous citoyens






Attentat du 14 juillet : un indispensable second procès

Le procès actuellement en cours a pour vocation de juger la culpabilité des personnes susceptibles d’avoir aidé Mohamed Lahouaiej-Bouhlel à commettre l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice. De nombreux témoignages émaillent les audiences et les responsables de l’époque, nationaux et locaux, vont très prochainement témoigner : François Hollande et Bernard Cazeneuve le 10 octobre, Philippe Pradal et Christian Estrosi le 20 octobre. Or la question des failles éventuelles du dispositif de sécurité mis en place ne pourra pas être tranchée par ce procès, puisque tel n’est pas son objet. Des plaintes ont été déposées et une instruction est en cours depuis décembre 2016, mais sans que l’on sache si un second procès aura bien lieu.

Au vu des éléments actuels, constats validés et témoignages, les parties civiles, mais aussi et plus largement la société civile, sont légitimes à demander la tenue d’un second procès judiciaire afin d’être éclairées sur les éventuelles failles du système de sécurité et les responsabilités afférentes des autorités en charge de la sécurité de cette soirée tragique du 14 juillet 2016.

Ce deuxième procès est une nécessité pour les familles et proches des victimes mais elle l’est aussi pour l’ensemble des Niçoises et des Niçois, et bien au-delà. La menace terroriste ne peut être écartée. Même si nous savons qu’aucun dispositif de sécurité ne peut prétendre à 100 % empêcher un attentat, il faut, pour une meilleure protection de nos concitoyens, tirer les enseignements de l’inefficacité du dispositif mis en place le 14 juillet 2016 à Nice. Et, plus encore que le dispositif lui-même, c’est la conception de notre politique sécuritaire qui est en jeu.
L’attentat du 14 juillet 2016 a été et reste pour notre ville une terrible épreuve. De nombreuses personnes, qu’elles soient niçoises ou venues d’ailleurs, ont été frappées dans leur chair. Beaucoup en portent les stigmates, tant physiques que psychologiques. Leurs revendications sont légitimes, elles doivent être entendues et devenir nos revendications collectives et citoyennes.

Nice, le 9 octobre 2022


La Ligue des Droits de l’Homme section Nice, le Syndicat des Avocats de France, le Collectif citoyen 06 et l’association Tous citoyens

Nice Halle Gare du Sud

Vous prendrez bien une tranche de caméra sauce surveillance ?

L’idée était pourtant séduisante : proposer aux Niçois une « offre de restauration variée et conviviale tournée vers la thématique des cuisines du monde ».

Si l’opération, hélas, est pour le moment un échec financier retentissant, la machine bureaucratique, elle, semble bien se porter, en distribuant des autorisations de vidéosurveillance à tour de bras, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Halle.

On savait déjà que ce lieu, par son volume, son bruit et sa résonance, n’était déjà pas le plus convivial de la ville, mais voici qu’à présent, son gestionnaire est autorisé à vous surveiller en permanence pendant vos repas à l’aide de ses 18 caméras 360° : Bon appétit !

La banalisation de la vidéosurveillance

Pour rappel, dans ce même ensemble immobilier (côté Bd Malausséna), se trouve une médiathèque dans laquelle pas moins de 17 caméras de vidéosurveillance avaient déjà été autorisées (22/01/2014) dont une dans ce qui était à l’époque une salle de réunion associative… Saisie par nos soins, la Commission départementale de la vidéoprotection, présidée par un magistrat du Siège, a estimé (30/11/2016) que « le dispositif est apparu proportionné à la double exigence de libre expression et de sécurité ».
La banalisation de la vidéosurveillance est donc telle que même un magistrat du siège trouve normal que l’on puisse vidéosurveiller ou éventuellement enregistrer les activités d’une association loi de 1091. [lien]

Une étrange mission confiée au privé

A la lecture de l’article 5 de l’arrêté, on constate que la société privée «  La Halle Gare du Sud » se voit confier par l’Etat des missions de « prévention d’actes terroristes » et de « prévention du trafic de stupéfiants », missions en principe éminemment régaliennes ; très étrange.

Arrêté préfectoral du 20 mai 2022 (extrait) :


Nice – Arrêté préfectoral du 29 juin 2022 : Estrosi is watching you

L’arrêté préfectoral du 29 juin 2022 autorise rien de moins qu’un lot supplémentaire de 2.258 caméras de vidéosurveillance, ainsi que le transfert des images du centre de supervision urbain (CSU) vers le bureau de monsieur le maire !

Open Bar

La commission départementale – pourtant présidée par un magistrat du siège – n’a imposé aucune limite au nombre d’écrans possibles dans « le bureau de monsieur le maire » ; cela veut dire qu’il aura tout le loisir d’en faire installer deux, trois, quatre ou plus s’il en ressent l’impérieux besoin (1). 

Tracking sur la voie publique

Le réseau actuel de 4.000 caméras de vidéosurveillance pouvant être couplé à terme avec le logiciel de profilage (tracking) sur la voie publique actuellement en expérimentation à Nice, on imagine toutes les opportunités qui pourraient s’offrir au maire. Allez, il ne faut pas faire preuve de mauvais esprit, le maire dit à la presse que juste pour pouvoir retrouver un enfant ou un pépé Alzheimer qui se seraient perdus…

Banalisation de la vidéosurveillance généralisée de la voie publique

On observe comment on a dérivé silencieusement de la vidéosurveillance statique « de papa » sur quelques caméras, à la vidéosurveillance généralisée sur plusieurs milliers de caméras (cas de Nice) ;

 puis aux transferts tous azimuts d’images captées sur la voie publique  (Décret du 12/8/22 « relatif à l’extension des destinataires des images de vidéoprotection »  [  ICI  ] ) ;

 puis au profilage qui n’est possible qu’avec une vidéosurveillance généralisée.

Prochaine étape : que pourrait-on faire à partir du profilage ?  Le concours d’idées est lancé ! Mais on ne triche pas en regardant sur l’élève Xi Jinping.

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(1) Article 3 de l’arrêté du 3 août 2007 portant définition des normes techniques des systèmes de vidéosurveillance : « Le logiciel permet : 1° La lecture des flux vidéo sans dégradation de la qualité de l’image ; 2° La lecture des flux vidéo en accéléré, en arrière, au ralenti ; 3° La lecture image par image des flux vidéo, l’arrêt sur une image, la sauvegarde d’une image et d’une séquence, dans un format standard sans perte d’information ; 4° L’affichage sur l’écran de l’identifiant de la caméra, de la date et de l’heure de l’enregistrement ; 5° La recherche par caméra, date et heure. »

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Recours de la LDH contre l’arrêté anti-mendicité (13 juin 2022) de la ville de Nice

Communiqué :

« La liberté est la règle et la restriction de police l’exception »

Recours en référé suspension et pour excès de pouvoir contre l’arrêté du 13 juin 2022 pris par M. le maire de Nice portant réglementation de la mendicité sur les secteurs touristiques.

Malheureusement, une fois de plus, la Ligue des droits de l’Homme a été contrainte de déposer auprès du tribunal administratif de Nice , le 1 août 2022, un recours en référé suspension, ainsi qu’un recours pour excès de pouvoir contre le nouvel arrêté anti-mendicité de la ville de Nice.Les principaux points soulevés devant la juridiction administrative sont :

  • Atteinte à la liberté d’aller et venir qui est la première des libertés
  • Non respect de la liberté d’utilisation du domaine public
  • Violation du principe de non discrimination à l’égard des personnes vivant dans la pauvreté et du principe de respect de la dignité humaine
  • Atteinte portée au principe de fraternité et à la liberté fondamentale d’aider autrui dans un but humanitaire
  • Absence de preuves de troubles à l’ordre public en rapport avec l’exercice de la mendicité
  • Détournement de pouvoir : en effet, il apparaît clairement que l’objectif réel de l’arrêté n’est pas le maintien de l’ordre public, mais  de rendre invisible la mendicité dans les zones touristiques de la ville

Christian Braquet

Président de la section de Nice

IMREDD Nice : grattez un peu la smart-city et vous trouverez rapidement la police-city

L’IMREDD

L’Institut Méditerranéen du Risque de l’Environnement et du Développement Durable (IMREDD) est un institut de l’université Côte d’Azur (ex université Nice Sophia-Antipolis) qui « s’intéresse à un défi sociétal : le territoire intelligent et résilient, territoire « aimable » face à l’ensemble des problématiques environnementales. »

« Intelligent », « résilient », « aimable » : une avalanche de qualificatifs charmants, qui évoquent plus le confort douillet du cocooning que l’univers de la barbouzerie digitale ; et pour faire bonne mesure, comme c’est désormais le cas assez souvent, on enrobe le tout avec des « problématiques environnementales » : qui pourrait s’opposer à ça ?

Cette technique du « paquet cadeau » qui consiste à mixer, dans un même projet, surveillance généralisée et invasive des populations avec des solutions qui pourraient s’avérer utiles (alertes tremblements de terre, accidents Seveso, etc.) est utilisée par la ville de Nice dans son projet « Safe city » piloté par Thalès  https://site.ldh-france.org/nice/2018/08/27/safe-city-criminogene/

Dans tous les cas, l’objectif est d’éviter de prononcer les mots qui fâchent comme surveillance, contrôle des réseaux sociaux, reconnaissance faciale, etc.

SERENITY

Prenons l’exemple de « Serenity », projet piloté par l’IMREDD :

« L’ambition stratégique de SERENITY est avant tout d’apporter une solution globale et clés en main aux acteurs du tissu urbain, avec des avantages croisés et mutualisés autour des grandes thématiques de la sureté / sécurité et de l’écoresponsabilité. En renforçant au sein même du projet l’acceptabilité de cette technologie disruptive, l’objectif est de supprimer les barrières et freins à l’adoption. »

Il s’agirait de proposer une « solution globale » autour des « grandes thématiques de la sureté/sécurité et de l’écoresponsabilité », sans plus de précisions, sans doute parce que les concepteurs savent parfaitement que la vidéosurveillance généralisée et autres techniques de pistage algorithmique des citoyens, ça passe mal ; c’est pourquoi on inclut dans le paquet cadeau un peu d’écoresponsabilité fort consesuelle.

D’ailleurs, si « Serenity », dont le titre même évoque immanquablement « dormez bien les enfants » est une solution technologique  exempte d’atteintes aux libertés publiques, on se demande bien pourquoi « l’objectif est de supprimer les barrières et freins à l’adoption. » Le directeur de l’IMREDD lui-même tente de convaincre en déclarant sur Twitter (23/06/2022) :  » le premier besoin du citoyen quand il sort de chez lui, c’est de sen sentir en sécurité dans la ville » version à peine modifiée du fameux « la première des libertés, c’est la sécurité » chère chère à tous les marchands de solutions techno-policières.

Le consortium de Serenity

Pour y regarder d’un peu plus près, il suffit de consulter le savoir faire de toutes les entreprises qui composent le consortium de Serenity, pour comprendre que nous n’avons pas à faire à des bisounours  

ONHYS : spécialisée dans la simulation du comportement humain

SIRADEL ENGIE :  l’optimisation d’infrastructures (connectivité 5G/6G, mobilité, vidéosurveillance, etc.), et les territoires dans leurs transformations digitales, énergétiques, environnementales et sociétales

INOCESS : captation des flux par IoT qui permet la mise en place et l’administration d’un ensemble de capteurs sur le terrain, le prétraitement et l’anonymisation des données.

VIDETICS : propose des solutions d’analyse vidéo par intelligence artificielle permettant de se connecter aux réseaux des caméras de vidéoprotection et de retransmettre en temps réel des informations

ATRISC : compétences fortes autour de toutes les questions liées à l’innovation dans les domaines de la gestion des risques, menaces et vulnérabilités des organisations et des territoires. Le sujet de l’acceptabilité des solutions ou méthodes proposées aux usagers. ATRISC assure le pilotage de l’acceptation

Mots clé : Simulation de comportement humain, transformations sociétales, analyse vidéo par intelligence artificielle, caméras de vidéoprotection, vulnérabilités des organisations.

Sans doute, ils pensent que les français sont encore un peu archaïques, un peu trop Amish pour accepter leurs solutions intrusives, mais avec le « pilotage de l’acceptation » (traduisez un bon lobbying) , le groupe de pression sécuritaire espère y arriver.

En appuyant sur un bouton

Lors de l’émission « C Politique » diffusée sur la 5 samedi 7 mai, il a été diffusé un reportage sur la gestion de la pandémie par la Chine avec les méthodes techno-policières que l’on connait. Ci dessous, un extrait de 7 minutes :

(cliquez sur le triangle en bas à gauche)

Dans ce bref extrait, on voit les policiers chinois utiliser toute une gamme d’objets technologiques et de procédures qui existent aussi en France, même s’ils ne sont pas généralisés, systématisés et poussés à leur paroxysme comme en Chine : vidéosurveillance généralisée, reconnaissance faciale, géolocalisation, Pass, drones pour surveiller et  invectiver la population ; nous n’avons pas encore ces effrayants cloportes-robots développés sur le modèle de ceux de Boston Dynamics et munis de hauts parleurs.

Pas de ça chez nous

La première réaction est de penser que tout cela ne peut se produire en France, parce que nous sommes une démocratie, même autoritaire et avec de très forts penchants policiers, même très friande d’états d’urgence prolongés et « régimes transitoires ». Mis à part quelques représentants du tout sécuritaire tels qu’Estrosi et autres Rebsamen, on imagine volontiers la réponse de la majorité des élus : pas de ça chez nous !

Le « Crisis data hub »

 Toutefois, on ne peut s’empêcher de penser à quelques-unes des propositions contenues dans le rapport produit en juin 2021 par nos braves et paisibles sénateurs de la « Délégation sénatoriale à la prospective »  [   ICI   ] dont nous avons extrait quelques propositions :

« Quarantaine obligatoire pour les seules personnes positives, strictement contrôlée grâce à des outils numériques (géolocalisation en temps réel avec alerte des autorités » « Dans les cas les plus extrêmes […] toute violation de quarantaine pourrait conduire à une information en temps réel des forces de l’ordre, à une désactivation du titre de transport, ou encore à une amende prélevée automatiquement sur son compte bancaire »

Mais la proposition phare est celle de la création d’un « Crisis data hub » plateforme de collecte, de concentration de données personnelles (comme par exemple les données médicales) croisées avec celles produites par des tiers (opérateurs télécoms (géolocalisation), entreprises dites « technologiques » , transports, banques, etc. Le tout à mettre en œuvre uniquement en « cas de crise sanitaire ou autre ».

En appuyant sur le bouton

Les sénateurs se placent dans l’hypothèse d’une « situation de crise sanitaire ou autre » pour s’autoriser à « croiser, entre autres, des données médicales avec des données de géolocalisation » ; c’est exactement ce que fait actuellement le gouvernement chinois.

Le très vague et inquiétant « ou autre » devrait alerter tous les défenseurs et défenseuses de l’Etat de droit ; c’est la porte ouverte à tous les abus et à toutes les tyrannies. Que se passera-t-il si un jour est déclenchée dans notre pays une grève générale illimitée et qu’elle dure plusieurs semaines ? Qui est en mesure de garantir que ce dispositif ne sera pas détourné pour surveiller ou entraver les mouvements des syndicalistes, des journalistes ou de simples militants ?

L’expérience montre que lorsqu’un dispositif techno est disponible, son utilisation finit toujours par être dévoyée et utilisée à d’autres fins que celles prévues à l’origine, dans un premier temps illégalement, puis ensuite avalisé par la loi, Cf par exemple : la reconnaissance faciale sur les fichiers du TAJ, les valises IMSI Catcher, l’utilisation policière des drones.  

Les sénateurs  font preuve d’une certaine candeur s’ils pensent qu’ils vont pouvoir venir à bout d’une pandémie « ou autre » « en appuyant sur le bouton » ;  leurs propositions sont très inquiétantes, car « en appuyant sur un bouton » il serait alors possible de porter un coup fatal à l’Etat de droit.