Nice – Polices municipales : expérimentez, mais pas au détriment de nos libertés

Lors de son déplacement à Nice le 25 juillet le premier ministre a officiellement lancé l’opération « expérimentation de l’extension des compétences pour les polices municipales » ; le maire de Nice obtient ainsi satisfaction sur une revendication qu’il porte depuis plusieurs années.

Cette démarche s’inscrit dans le contexte plus large de revendications exprimées par certains élus locaux, portant sur d’éventuels transferts de compétences, comme par exemple : « Pour le plein exercice des libertés locales 50 propositions du Sénat »  [ ICI ]  (2 juillet 2020) ou les propositions de Territoires Unis en date du 8 juillet 2020: « Plus de libertés locales pour plus d’efficacité » [  ICI  ]. Toutefois, ces deux épais dossiers n’abordent pas la question des polices municipales, dont le maire de Nice s’est fait une spécialité dans le cadre d’un marketing sécuritaire hérité de son mentor Jacques Médecin.

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 accorde le droit à l’expérimentation aux collectivités territoriales, au demeurant, droit peu utilisée jusqu’à présent. Une intéressante expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » en collaboration avec ATD Quart Monde et Emmaüs France  a aussi été menée dans dix territoires  [  ICI  ] . A l’évidence, cette expérimentation n’a pas passionné le maire de Nice, ville pourtant ou le chômage de masse sévit ; or personne n’ignore que certaines formes de délinquance sont fortement corrélées avec l’accroissement du chômage.

Rappelons aussi que le maire anime dans sa commune la politique de prévention de la délinquance (article L 132-4 du code de la sécurité intérieure). Cette fonction, qui implique un travail au quotidien, un travail de fond peu spectaculaire, qui ne semble pas intéresser outre mesure le maire de Nice.

La commune de Nice va donc expérimenter de nouvelles compétences pour les polices municipales. Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur cette question, en particulier sur une des revendications majeures du maire : l’accès au fichier des personnes recherchées (FPR) à l’intérieur duquel figure celui des personnes fichées « S » (rappelons, par exemple, que de nombreux journalistes et opposants sont fichés « S »). L’intention d’articuler ultérieurement ces fichiers avec la reconnaissance faciale est clairement annoncée, quand bien même cela ne ferait pas partie de l’expérimentation. Concernant l’éventuelle autorisation pour les polices municipales de procéder à des contrôles d’identité, la situation est déjà suffisamment dégradée (contrôles au faciès) au niveau national, pour qu’il ne soit pas besoin de l’aggraver.

Dès à présent, nous alertons tous les démocrates sur les dangers potentiels que renferme le projet de créer un statut d’officier municipal de police judiciaire pour les responsables de police municipale (Nice Matin 26/07/2020). En aucun cas nous n’accepterons que des dispositions règlementaires puissent permettre, par exemple, à une « hiérarque de la police municipale et proche du maire » (Nice Matin du 20/02/2020 [ ICI ] ) d’accéder au statut d’OPJ.  

Plainte pour diffamation publique à caractère racial contre M. Christian Estrosi

La ligue des droits de l’Homme vient de saisir le procureur de la République de Nice d’une plainte contre Monsieur Christian Estrosi, suite aux propos qu’il a tenus lors d’une interview télévisée diffusée le 16 juin 2020 sur la chaîne BFM TV. Consultez en suivant le lien : [ ICI ]

Lors de cette interview, M. Estrosi, interrogé sur les conflits opposant des bandes rivales dans différentes villes de France, a en effet tenu les propos suivants : « Dans un certain nombre de quartiers de France, la communauté tchétchène face à d’autres communautés lutte pour avoir le monopole du marché de la drogue ».

Cette déclaration, en ce qu’elle constitue une allégation ou imputation d’un fait précis, à savoir le trafic de stupéfiants, porte atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes tchétchènes à raison de leur origine ou de leur appartenance à cette nation ; elle caractérise ainsi le délit de diffamation publique à caractère racial réprimé par l’article 32 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La Ligue des droits de l’Homme, qui a pour objet social de lutter contre toutes les formes de racisme et de discrimination, intervient chaque fois que lui est signalée une atteinte aux droits fondamentaux, notamment en agissant auprès des pouvoirs publics et des juridictions compétentes.

23/07/2020

Genou à terre ou debout contre les violences policières

Cosignataires de l’appel ci-dessous, nous avions prévu d’organiser un rassemblement samedi 6 juin à Nice ; toutefois, nous apprenons qu’une marche « contre les violences policières, les systèmes oppressifs et discriminatoires » est organisée le même jour à 17h départ de Magnan, arrivée au palais de justice. Nous avons donc pris la décision d’annuler notre rassemblement et de relayer l’appel à cette marche, sur la base de notre appel.

Genou à terre ou debout contre les violences policières 

Nous refusons la séquence sécuritaire et discriminatoire qui agite le monde d’aujourd’hui.

Dans les Alpes Maritimes, avec en tête de proue Eric Ciotti et son projet de Loi interdisant de filmer les forces de police, en banlieue parisienne avec ce jeune Rrom de 14 ans tabassé par la police, aux Etats-Unis avec la mort de George Floyd.

Aucune rhétorique sécuritaire ne peut justifier de tels actes. Ces violences doivent être condamnées, leur caractère systématique ne peut plus être ignoré.

Citoyens, militants, acteurs associatifs, nous devons appeler un chat un chat.

Dans les Alpes maritimes nous n’acceptons d’être spectateurs face au racisme, ni en France, ni aux USA :

– Solidarité avec les victimes de violences policières, notamment envers George Floyd, Gabriel Djordjevic, Adama Traoré.

– Dénoncer les abus (contrôles) et les bavures (violences) liées au faciès.

-Demander l’arrêt des pratiques d’obstruction respiratoire et l’impunité des forces de l’ordre.

– S’insurger de la montée et de la tolérance d’opinions racistes, antisémites, xénophobes, homophobes et nationalistes parmi les forces de l’ordre et rappeler leur code de déontologie.

– Faire un rappel à la loi : la mission de la police est soumise à des règles juridiques strictes.

Signataires : Association pour la démocratie à Nice – Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples 06 – Ligue des droits de l’Homme Nice – Tous Citoyens.

Appli Stop Covid : les Dassault, Cap-Gemini et autres font l’aumône à l’Etat de quelques lignes de code

Le secrétaire d’Etat Cédric O déclare que « l’application n’a rien couté au gouvernement, hormis le salaire des agents publics qui ont participé à son développement, car les entreprises qui ont travaillé sur stop Covid l’ont fait gratuitement » La Voix du Nord 1/06/2020.

Les agents publics qui ont participé au développement apprécieront surement de constater que leurs salaires sont juste un peu plus que « rien ».

Ainsi, après avoir fait les poches de l’Etat en particulier à travers le crédit impôt recherche ou la commande publique militaire, les Dassault, Cap-Gemini et autres Orange font l’aumône à l’Etat de quelques lignes de code. Quelle grandeur d’âme !

Nice : les quartiers populaires restent sous le régime de la punition collective, en attendant le « paradis sanitaire »

Nice, le 2 mai 2020

Section de Nice de la LDH – Communiqué

Nice : les quartiers populaires restent sous le régime de la punition collective, en attendant le « paradis sanitaire »

Le quotidien Nice-Matin, dans son édition du 2 mai 2020, interviewe Michel Tubiana – président d’honneur de notre association – à propos de certaines mesures de durcissement du confinement, prises sur tout le territoire national par quelques collectivités locales.

Concernant le cas de Nice, ville dans laquelle a été pris un arrêté municipal aggravant le couvre-feu préfectoral dans certains quartiers, Me Tubiana observe : « nous avons contesté le couvre-feu de Nice, mais le tribunal administratif a considéré qu’il était valable au motif qu’il concerne une petite partie du territoire, en fait, cela vise les quartiers populaires. »

Nous voudrions apporter les précisions suivantes : dans son mémoire en défense, la commune de Nice argumente que les quartiers concernés par le confinement – tous des quartiers populaires – ne représentent que 1,3% de la surface totale de la commune, suggérant ainsi au juge administratif que peu de nos concitoyens sont concernées par l’arrêté. Par un grossier tour de passe-passe, la commune compare ainsi devant le juge sa superficie totale, incluant, par exemple, la superficie de l’aéroport de Nice qui est de 37 ha, celles des parcs et jardins 300 ha, La promenade des Anglais déroule sur 7 k une large chaussée piétons-vélos, etc. avec les superficies urbanisées. Pour notre part, peu impressionnés par ce pourcentage biaisé, nous avons simplement consulté la grande enquête démographique INSEE de 2012 qui fournit des statistiques d’habitants pour les 146 quartiers de la ville de Nice : les neuf quartiers concernés par l’arrêté ont 43.531 habitants, lesquels représentent 12,6 % de la population totale.

Nous avions aussi soulevé devant le juge administratif le fait que la publication de l’arrêté du 15 avril 2020 n’était pas opposable aux administrés concernés car sa publication n’était pas conforme à la règlementation : d’une part, à l’affichage public, seule la première page de l’arrêté figure et, d’autre part, sur le site internet de la ville, l’arrêté n’était pas publié. Ce constat a été établi à notre demande, par huissier, le 16 avril 2020. Pour mémoire, l’arrêté précédent, daté du 7 avril, n’était toujours pas publié sur internet le 16 avril, alors qu’il était caduc ! Au moment où nous écrivons ces lignes, le dernier arrêté publié sur internet date du 30/03/2020 (fermeture au public trottoir sud promenade des Anglais).

Chacun comprendra qu’il est difficile d’agir dans l’urgence d’un référé sans pouvoir disposer de l’arrêté dont toute la presse parle, mais que la commune rend inaccessible à ses administrés.  Le maire de Nice nous promet rien de moins qu’un « un paradis sanitaire » (Nice-Matin 25/04/2020) ; il pourrait déjà commencer par se préoccuper du bon fonctionnement démocratique de la commune.

Le covid-19 ne justifie aucune discrimination !

Communiqué :

Le covid-19 ne justifie aucune discrimination !

Un arrêté spécifique a été pris par le maire de Nice le 7 avril 2020, renouvelé le 15 avril 2020, qui se concentre sur quelques quartiers défavorisés du centre-ville, lesquels ont déjà fait l’objet, dans le passé, d’arrêtés municipaux très ciblés et discriminatoires : Trachel, Jean Vigo, Notre-Dame, St Charles, Bon Voyage, Maurice Maccario, Pasteur, Las Planas, Les Moulins.

Chacun comprend bien qu’il est plus aisé de supporter le confinement dans une superbe résidence agrémentée d’un beau parc que dans ces quartiers aux immeubles parfois dégradés, occupés par des familles ayant peu de ressources.

Les décisionnaires nationaux ou locaux, par leur impéritie, imprévoyance ou inaptitude à prendre des décisions rapides sont les principaux responsables de la diffusion du COVID-19, pas les habitants des quartiers populaires.

Dans ce contexte exceptionnel d’urgence sanitaire, notre association appuie toute initiative tendant à maitriser la propagation du virus et susceptible de repousser cette terrible menace sanitaire.

Mais les arrêtés mentionnés ne nous semblent pas poursuivre ce but. Au contraire, ils aggravent sans motif les restrictions d’aller et de venir déjà édictées par arrêté préfectoral ; dans une manœuvre politicienne, ils visent à stigmatiser et à faire montre d’autoritarisme envers les populations des quartiers populaires, ainsi collectivement punies.

Nous ne pouvons pas croire que, en plus des effectifs de la police nationale, dans la ville aux 2600 caméras de vidéosurveillance et à la police municipale la plus nombreuse de France, il y ait besoin d’arrêtés supplémentaires pour surveiller l’ensemble de sa population en période de confinement.

Cette façon de procéder par le biais d’arrêtés visant des sous-catégories de niçoises et niçois est discriminatoire et nous ne saurions l’accepter. C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme a pris la décision de saisir le tribunal administratif d’un référé liberté contre l’arrêté municipal 2020-01135.

Nice, le 18 avril 2020

 

 

 

 

 

 

Le virus, la crécelle et le smartphone

Il fallait s’y attendre, un peu partout dans le monde, les petits malins ont vite reniflé la possibilité de se faire de la com, ou de juteux profits (ou les deux à la fois) en proposant des applications d’identification et de pistage des personnes ayant contracté le COVID 19.  Il en tombe comme à Gravelotte et venant de tous les pays et d’abord des pays « leaders » de la surveillance de masse : Chine, USA, Israël, etc.

Dans notre pays, on retiendra particulièrement la proposition d’une entreprise qui propose l’application dénommé CoronApp « développé en 78h » ! Autant dire que, malgré la présentation flatteuse qui en est faite, elle utilise une technologie éculée, aussi innovante que l’utilisation de la roue pour déplacer une grosse pierre.

« Le principe : l’application suit les mouvements des utilisateurs pendant 14 jours. Si un porteur du virus se déclare comme infecté par le Covid-19, l’algorithme va retracer son parcours pour vérifier les personnes qu’il/elle a croisées et les informera via une notification [sur smartphone] alors de l’heure et de la date à laquelle ils ont été en contact avec cette personne. » (in : Strategies)

Sans préjuger des intentions des concepteurs de cette application – présenté par Stratégies comme « une démarche citoyenne » – plusieurs observateurs font remarquer que la précision de la géolocalisation est en moyenne de l’ordre de dix mètres, donc incompatible avec le but que se propose CoronApp. Il n’est donc même pas nécessaire d’aborder des questions aussi cruciales que : qui collecte les données ? qui les stocke ? et surtout qui peut garantir que ces données et ce type d’applications ne seront pas ultérieurement utilisées à d’autres fins ? Cette application participe de la très dangereuse banalisation de la géolocalisation de masse sous prétexte d’urgence médicale, alors que le porteur du virus, pour protéger autrui d’une contagion, dispose de solutions qui sont d’une banalité rassurante : un masque et une paire de gants en latex.

Finalement, cette débauche de technologie nous démontre que l’humanité fait du surplace depuis le haut moyen âge, époque pendant laquelle les lépreux étaient contraints de se déplacer dans la cité en actionnant une crécelle, de sorte que les biens portants puissent passer au large. C’était déjà de la géolocalisation !

Certes, CoronApp n’oblige pas le lépreux du XXIème siècle à se déclarer comme tel, mais des dispositions individuelles de mise en quarantaine de personnes susceptibles d’être malades adoptées il y a peu dans le cadre de l’« état d’urgence sanitaire » pourraient les y contraindre. (1)

A y regarder de près, on peut se poser la question de savoir si « la servitude volontaire » à laquelle invite cette application n’est pas plus terrible que l’obligation qui jadis était faite aux lépreux.

(1) L’expérience de la législature précédente montre que les dispositions d’urgence et à caractère provisoire ont une fâcheuse tendance en France à se convertir en dispositions permanentes, définitivement inscrites dans le marbre de la loi.

Observation des audiences du JLD de Nice – février 2019/février 2020 –

La ligue des droits de l’Homme (Nice), la CIMADE 06 et le syndicat des avocats de France (Nice) ont organisé entre février 2019 et février 2020 une observation systématique des audiences du juge des libertés et de la détention (JLD) de Nice, contentieux de la rétention.

292 fiches individuelles anonymisées ont été établies entre février 2019 et février 2020.

Nous employons volontairement la terminologie de « retenus » à propos des étrangers qui se trouvent privés de liberté dans les centres de retenue administrative (CRA), les locaux de retenue administrative (LRA) ou les zones d’attente (ZA – Aéroport de Nice Cote d’Azur) afin de bien rendre compte que le fait, pour un étranger, de se trouver sur le territoire national sans titre de séjour valide n’est pas un délit ; c’est pour cette raison qu’ils ne sont pas enfermés dans une prison, mais dans un centre ou local de rétention.

Ces observations ont donné lieu à un rapport.

Vous pouvez télécharger ici : JLD Nice Rapport février 2020

Frontière italienne : les préfets changent, mais les illégalités demeurent et l’impunité aussi

Frontière italienne : les préfets changent, mais les illégalités demeurent et l’impunité aussi

Le 20 février 2020, deux mineurs étrangers étaient contrôlés en début de soirée par la police en gare de Menton Garavan et reconduits sans autre procédure à la frontière italienne le lendemain matin à 8h30, au mépris, une fois de plus, des lois de notre pays.

Sans la présence active de militants associatifs et l’action déterminante de Me Oloumi, ces deux mineurs auraient subi le même sort injuste que celui de tant d’autres qui n’ont pas eu la chance de croiser le chemin de militants des droits de l’Homme.

Tout se passe comme si une consigne implicite ou explicite était donnée aux forces de l’ordre de ne pas s’embarrasser de tout « ce fatras juridique » pour refouler les mineurs étrangers.

Ceux-là mêmes qui ont pour mission sacrée de faire respecter la loi, la violent impunément ; aucun préfet, aucun haut gradé de la police n’a jamais été limogé, suspendu ni même blâmé, malgré les condamnations répétées par les tribunaux, dans des affaires similaires à Nice comme ailleurs.

Tribunal administratif de Nice, ordonnance du 24 février 2020 (extraits concernant le mineur M) :

« Il n’est, en l’espèce, ni établi ni même allégué par le préfet des Alpes-Maritimes que le procureur de la République aurait été immédiatement avisé pour qu’il désigne un administrateur ad hoc, ni que le président du Conseil départemental aurait été immédiatement informé afin de lui permettre d’évaluer la situation du requérant. L’autorité administrative ne s’est pas davantage préoccupée des conditions dans lesquelles l’enfant mineur serait pris en charge en Italie. En agissant de la sorte, l’administration n’a pas accompli les diligences nécessaires pour réunir les informations qu’elle devait, dans le cas d’un mineur, s’efforcer, dans la mesure du possible, de collecter avant de procéder à son éloignement forcé. Il suit de là que la décision de refus d’entrée en France en litige est entachée d’une illégalité manifeste qui a porté et continue de porter gravement atteinte à l’intérêt de M. M. »

« Il y a lieu, en l’espèce, pour le juge des référés de suspendre la décision du 20 février 2020 refusant l’entrée sur le territoire français de M. M d’une part et d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de prendre attache avec les autorités italiennes pour que M. M se voit remettre un saufconduit lui permettant de se présenter au poste frontière de Menton »