Le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) ou la tentation du pot de confiture

L’assassinat de la jeune Louise dans la nuit du sept au huit février 2025 a soulevé un vif émoi dans toute la France. Dès le 8 février, le rédacteur en chef de Valeurs Actuelles diffuse l’information suivante : « deux suspects ont été interpellés […] l’homme est de type Nord-Africain six mentions au TAJ et la femme de 20 ans de type européen inconnue au TAJ ». Un journaliste du JDD écrit le nom entier du jeune homme, assorti de son année de naissance sur le réseau X.

Quelques jours plus tard le couple sera relâché et le présumé assassin incarcéré.   A l’évidence, un policier ou un magistrat du parquet ont transmis illégalement l’information aux journalistes.

Le TAJ – qui est un des 100 fichiers détenus par le ministère de l’Intérieur – a été créé le 1er janvier 2014 par la fusion des fichiers STIC (police) et JUDEX (gendarmerie).  Il est prévu par les articles 230-6 et suivants et R40-23 et suivants du code de procédure pénale. Ce fichier comporte des informations sur les personnes interpellées, les personnes mises en cause (y compris acquittées ou relaxées) les personnes ayant porté plainte et les personnes morales. Ce fichier contiendrait à l’heure actuelle près de 19 millions de mis en cause, soit près du tiers de la population totale française (enfants compris) ; il fait l’objet de critiques récurrentes (rappels à l’ordre et injonctions) de la CNIL [  ICI  ] et de la Cour européenne des droits de l’Homme [  ICI  ]. Des français ou des étrangers au casier judiciaire vierge continuent de figurer dans ce fichier, ce qui, on s’en doute, est susceptible de leur porter préjudice à un moment ou à un autre.

Des exemples de fuites d’informations après consultation illégale du TAJ sont légion. Une simple consultation dans la presse écrite française avec la seule requête « TAJ consultation illégale » fait remonter près de quarante cas, lesquels ne sont sans doute que la partie visible (pour le public) de l’iceberg.

L’analyse des articles publiés permet de dégager la typologie suivante des motivations :

  • Monétisation des données en vendant l’accès aux fichiers à des personnes extérieures, souvent du milieu délinquant. Des policiers profitent de leur habilitation pour fournir des renseignements en échange d’argent​. On voit ainsi des transactions tarifées : par exemple 50 € la consultation de fiche TAJ dans le réseau « la Genèverie »​ ou encore 25 € pour un numéro d’immatriculation et 100 € pour un signalement FPR dans une affaire de trafic de stupéfiants en 2024​ .

  • Consultations à des fins personnelles ou familiales : plusieurs abus constatés sont le fait de membres des forces de l’ordre agissant par intérêt privé ; des policiers ou gendarmes interrogent le TAJ pour savoir si un.e proche “a des antécédents” ou pour surveiller des connaissances. Par exemple, plusieurs mis en cause ont recherché des informations sur leurs ex-conjoints ou leurs nouveaux compagnons​. D’autres ont avoué avoir consulté des fiches de voisins, de membres de la belle-famille​
  • Consultations à des fins politiques : l’exemple de la jeune Louise cité plus haut montre que les motivations politiques ne sont pas absentes ; de même, dans le cas de la policière de Tours, (Le Figaro 31/01/2023) la consultation est allée jusqu’à porter sur des personnalités publiques​. L’affaire « Squarcini » (Le Monde 30/09/2016) représente le cas le plus emblématique à l’intersection des intérêts politico-économiques.

Le profil des contrevenants couvre un large spectre hiérarchique

On trouve de jeunes gardiens de la paix (22-25 ans) tentés de rendre de « petits services » ou de gagner un peu d’argent facile​, mais aussi des agents plus expérimentés – un commandant de police quinquagénaire, un commissaire divisionnaire. Les gendarmes ne sont pas en reste, avec des militaires d’une vingtaine d’années jusqu’à 40 ans surpris en flagrant délit de consultation illégale​. Il ressort également que certains complices extérieurs (ex-conjoints, amis, informateurs) sollicitent ces agents indélicats, ou que des imposteurs essayent d’exploiter la crédulité des opérateurs (cas du faux policier Leandro)​. Ainsi, l’abus du TAJ n’est pas cantonné à un type précis de profil, mais touche potentiellement tous les échelons, du simple ADS (adjoint de sécurité) jusqu’aux officiers supérieurs.

La banalisation et le sentiment d’impunité

Un élément marquant est la banalité apparente de ces pratiques aux yeux de certains prévenus puisque Les droits d’accès au fichier TAJ ont été multipliés ou tolérés alors que les contrôles semblent être peu efficaces.  Plusieurs ont affirmé en audition que « tout le monde consulte le TAJ », sous-entendu en dehors des enquêtes officielles, et que cette tolérance officieuse ferait partie de la culture du métier​. Le gendarme de l’Ain a parlé d’une « mauvaise habitude fréquente chez nous ». De même, la policière de Tours a soutenu que nombre de collègues avaient eu au pire de simples rappels à l’ordre pour des faits semblables, et qu’il était inédit d’être déféré devant un tribunal correctionnel pour cela​. Ce sentiment d’impunité explique que certains agents aient multiplié les recherches illicites sur des années.

L’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme énonce le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, mais la tentation de mettre la main dans le pot de confiture est trop forte et le pot beaucoup trop facile à atteindre.

Articles recensés (hors doublons) :

10 février 2025

CheckNews

Affaire Louise : quand des médias d’extrême droite dévoilent le nom complet d’un suspect finalement mis hors de cause – TAJ, une information qui fuite.

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14 mars 2024

Le Monde

Au tribunal de Paris, la « tricoche » de deux policiers – Jugés pour « corruption », ils monnayaient des fichiers confidentiels à un escroc. : il était possible, contre quelques centaines d’euros, de recevoir sa fiche TAJ

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16 mars 2024

Le Parisien

Le commissaire détournait des fichiers pour aider sa compagne, joueuse de poker

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2 avril 2024

La Nouvelle République du Centre-Ouest

Usage détourné de fichiers internes : la policière condamnée

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13 mai 2024

Le Parisien

Complicité Un policier ripou dans la manche des trafiquants – Ces données provenaient du fichier des véhicules (SIV), de celui des antécédents judiciaires (TAJ) et de celui des personnes recherchées (FPR). Environ 200 recherches contre une rémunération

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23 mai 2024

La Voix du Nord
À onze reprises, il a consulté le fichier des antécédents judiciaires (TAJ) pour obtenir des informations personnelles sur l’une d’elles. L’un des rares faits que le gradé n’a pas contesté.

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8 juillet 2024

La Nouvelle République du Centre-Ouest

Un policier en poste au commissariat central de Tours a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire le 28 juin, notamment pour des menaces de mort ainsi que la consultation à des fins personnelles du Traitement des antécédents judiciaires (TAJ)

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16 octobre 2024

Le Télégramme (Bretagne)

L’homme était également jugé pour avoir consulté le fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) à des fins personnelles

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26 novembre 2024

Le Figaro (site web)

Marseille : un policier condamné pour avoir fourni des renseignements au crime organisé. Il avait consulté de manière irrégulière le Traitement des antécédents judiciaires (TAJ), le Système d’immatriculation des véhicules (SIV) et le Fichier des Personnes Recherchées (FPR).

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Mercredi 25 janvier 2023

Le Progrès (Lyon)

Poursuivi pour « violation du secret professionnel » et « détournement de la finalité d’un traitement de données à caractère personnel » Le gendarme consultait des informations protégées.

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28 janvier 2023

Ouest-France

Consultation du TAJ, un fichier d’antécédents judiciaires, à de multiples reprises, pour obtenir des renseignements sur certaines personnes : sa femme, son supposé amant, l’épouse de celui-ci mais aussi sa sœur, des cousins.

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31 janvier 2023

Le Figaro (site web)

Tours : une policière condamnée pour avoir consulté un fichier à des fins personnelles

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1er février 2023

La Nouvelle République du Centre-Ouest

Détournement d’un fichier interne : la policière condamnée

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7 avril 2023

Le Progrès (Lyon)

Un gendarme en poste dans l’Ain, déjà condamné en 2020 pour avoir « espionné » son ancienne compagne, a été jugé pour des menaces de mort. Mais également pour avoir consulté plusieurs fois des fichiers judiciaires pour trouver des informations sur elle ou ses proches.

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16 avril 2023

La Voix du Nord

Une jeune policière révoquée après la vente de fiches confidentielles

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24 avril 2023

Le Figaro (site web)

Police municipale : enquête pour usage illégal de fichiers en Haute-Garonne

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1er juillet 2023

L’Équipe

Supporter giflé par Neymar : Ahmed est gardien de la paix, lui aussi en poste dans le sud de la France, et pense pouvoir consulter le fichier du Traitement des antécédents judiciaires (TAJ) sans trop se faire remarquer.

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29 septembre 2023

Ouest-France

Elle avait obtenu d’un ex, policier à Lorient, qu’il consulte le fichier judiciaire de son ancien petit ami qu’elle accusait de proxénétisme.

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8 janvier 2022

La Voix du Nord

Un policier condamné pour violation du secret professionnel

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5 mai 2022

Le Figaro (site web)

Oise : un policier mis en examen pour avoir détourné des fichiers « à des fins personnelles »

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10 juin 2022

Cambrai

Il consulte des fichiers nationaux dans un but privé, le gendarme sévèrement sanctionné

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18 juillet 2022

Le Figaro (site web)

Vente de données issues des fichiers de police : quatre suspects mis en examen dont deux policiers

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3 septembre 2022

Le Parisien

Escroquerie – Un usurpateur bien connu sur Internet a été mis en examen, jeudi soir à Paris, pour avoir diffusé des données confidentielles provenant des fichiers de police concernant des personnalités.

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24 novembre 2022

Sud-Ouest (site web)

Charente-Maritime : la gendarme avait diffamé son ex sur TikTok – Il lui est reproché un « accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données »

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15 janvier 2021

La Nouvelle République du Centre-Ouest

Un gendarme a été condamné, mercredi, pour avoir ouvert le fichier de traitement d’antécédents judiciaires sans y être autorisé.

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20 août 2021

La Voix du Nord

En dehors de tout cadre légal, des recherches vont être effectuées au «TAJ»

Deux policiers maubeugeois condamnés à de la prison avec sursis

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3 septembre 2021

La Voix du Nord

Détournement, à des fins personnelles, de données en provenance du fichier policier des antécédents judiciaires (TAJ)

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13 mai 2020

Le Parisien

Ces intrigantes recherches sur une accusatrice de Tariq Ramadan – Bidule7575 déclare ce jour-là au policier ripou qu’il a de gros clients qui veulent savoir qui est Christelle – il consulte à 9 h 5 le traitement d’antécédents judiciaires (TAJ)

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28 septembre 2020

Le Monde (site web)

La juge d’instruction a retrouvé les consultations faites par les deux fonctionnaires au printemps 2018 sur le fichier de Traitement d’antécédents judiciaires (TAJ)

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25 mars 2018

La Voix du Nord

Un concessionnaire automobile, avec lequel il a un différend commercial, publie sur son téléphone la page de garde du fichier TAJ

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10 mai 2018

Ouest-France

Il va chercher des infos sur la plainte de Monsieur H dans le TAJ (dossier de Traitement des antécédents judiciaires). Et il va planquer l’argent chez des parents. Le gendarme perd la tête à la chasse au trésor.

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16 octobre 2018

La Voix du Nord

J’ai consulté le TAJ car il était censé vivre avec ma fille – Le policier n’accepte pas la rupture conjugale et roue de coups l’ami de son ex.

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30 septembre 2016

Le Monde

France

Pourquoi Bernard Squarcini a été mis en examen

Il est établi par ailleurs que M. Squarcini a eu accès à divers fichiers de police, comme le Traitement des antécédents judiciaires (TAJ), le Service de traitement des infractions constatées (STIC), le Fichier des personnes recherchées (FPR) ou encore le fichier Cristina relatif notamment au terrorisme, couvert par le secret défense.

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16 septembre 2015

Le Figaro.fr

Le fonctionnaire de police recherchait par ailleurs des informations sur les salariés ou les futurs employés de l’établissement dans le fichier policier TAJ

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Combat juridique contre un préfet sans foi ni loi

Récit d’un « cirque infernal dura dix semaines au cours desquelles toutes les manifestations ont été systématiquement interdites par un arrêté chaque fois annulé par la juridiction administrative. Semaine après semaine, les recours ont été portés par la Ligue des droits de l’homme, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), l’Association France Palestine et par la suite également par l’Association de Défense des Libertés constitutionnelles (ADELICO) et occasionnellement par des requérant·es personnes physiques. »

Merci à nos avocates Rosanna Lendom et Mireille Damiano qui ont mené ce combat avec l’aide des services juridiques de nos associations.

Comment est-il possible que, dans un pays qui se prétend le parangon de la démocratie, un préfet puisse impunément bafouer ouvertement les principes les plus élémentaires de la démocratie ?

Le texte complet  [   ICI   ]  (durée de lecture : 5mn )

« AUCUNE RÉPONSE ! »

Lorsque les citoyens et citoyennes ou les associations garantes de l’intérêt général adressent des demandes d’information aux autorités, la moindre des choses serait que celles-ci leur répondent dès lors que les demandes ne sont pas manifestement abusives. Or, au travers de deux exemples récents sur la place de Nice, nous voyons que, au contraire, des demandes réitérées par tous les moyens légaux se heurtent à un silence confinant au mépris. Aucune réponse n’a été apportée dans les deux cas évoqués ci-dessous.

Une caméra de très longue portée

Le 5 décembre 2023 le quotidien Nice-Matin publiait un article indiquant que la commune de Nice envisagerait d’installer (ou a installé) une ou des « caméras qui ont des capacités de zoom impressionnantes comme celle de Rauba Capeu (sur le quai des Etats Unis) qui permet de voir très précisément ce qu’il se passe jusqu’à l’aéroport »

Mesurée sur https://www.geoportail.gouv.fr/ la distance entre Rauba Capeu et l’aéroport de Nice est de 6km à vol d’oiseau.

Le 18 décembre 2023, notre association interrogeait M. le président de la commission départementale de la vidéoprotection à propos de la capacité d’un tel dispositif à répondre à l’exigence d’information du public posée par l’article R253-6 du CSI et – dans ce cas particulier – du public fréquentant l’aéroport de Nice, ses abords ou la Promenade des Anglais.

Compte-tenu du caractère si spécifique de cet équipement particulièrement furtif, donc potentiellement intrusif, nous souhaiterions aussi savoir si une étude d’impact a été effectuée avant son installation. De plus, nous sollicitions communication des caractéristiques techniques précises de cette caméra.

A ce jour : aucune réponse.

Nous avons donc saisi le 30 janvier 2024, dans des termes similaires, M. le préfet des Alpes-Maritimes, qui est l’autorité administrative qui, in fine, autorise l’installation des caméras de vidéosurveillance sur la voie publique.

A ce jour : aucune réponse.

Le 29 février 2024, nous adressions un courrier en RAR à M. le préfet des Alpes-Maritimes.

A ce jour : aucune réponse.

Vraisemblablement, il doit s’agir d’un équipement similaire à celui-ci, qui se trouve, comme presque toujours en matière de vidéosurveillance de la population, à l’intersection entre le militaire et le civil.

Voir la vidéo ici : [ OSIRIS ]

Autre exemple : que sont devenus les 10,9 millions d’euros de subventions pour Safe City ?

Le 7 juin 2018, le conseil municipal de la commune de Nice approuvait une convention avec Thalès comme chef de file regroupant treize autres entreprises, ainsi que l’INRIA, afin d’installer à Nice un démonstrateur dit « Safe City »

Le 18 juillet 2018, la banque publique BPI-France publie un communiqué indiquant qu’elle finance les projets « Safe City » de Nice et du quartier de la Défense à Paris à hauteur de 10,9 M €, sous forme de subventions et d’avances remboursables. Le capital de BPI-France est détenu par la Caisse des dépôts et consignations (institution publique) et par l’Etat Français.

Depuis, les Niçois, pourtant abondamment abreuvés d’informations liées aux technologies de pointe en matière de surveillance de la population, n’ont plus jamais entendu parler du démonstrateur « Safe City ». 

Nous nous sommes alors interrogés : BPI-France n’a finalement versé aucune subvention ou a-t-elle subventionné une ou des entreprises du consortium ? Si oui, laquelle ? pour quels montants ? pour quels résultats ?

Afin d’obtenir une réponse, nous avons contacté BPI-France le 2 juin 2023 par message déposé sur leur site internet.

A ce jour : aucune réponse.

Le 27 novembre 2023, nous réitéré notre demande d’information par lettre RAR adressée au siège de la banque publique.

A ce jour : aucune réponse.

Quelle conception de la démocratie, des droits et libertés prévaut en France en 2024, lorsqu’aux légitimes demandes d’information, la réponse est systématiquement : « Aucune réponse ». Les associations, les citoyens et citoyennes qui sollicitent des informations concernant leurs libertés individuelles ou collectives sont traités avec le plus grand mépris ; et s’il leur vient l’idée de s’adresser aux tribunaux, immanquablement, il leur sera répondu « secret défense » ou « secret des affaires ».

Est-ce que des collectivités territoriales, des préfectures, des commissions, des organismes paraétatiques peuvent encore en toute impunité se comporter comme sous l’Ancien régime : « l’Etat, c’est moi ; circulez, il n’y a rien à voir » ?

Genou à terre ou debout contre les violences policières

Cosignataires de l’appel ci-dessous, nous avions prévu d’organiser un rassemblement samedi 6 juin à Nice ; toutefois, nous apprenons qu’une marche « contre les violences policières, les systèmes oppressifs et discriminatoires » est organisée le même jour à 17h départ de Magnan, arrivée au palais de justice. Nous avons donc pris la décision d’annuler notre rassemblement et de relayer l’appel à cette marche, sur la base de notre appel.

Genou à terre ou debout contre les violences policières 

Nous refusons la séquence sécuritaire et discriminatoire qui agite le monde d’aujourd’hui.

Dans les Alpes Maritimes, avec en tête de proue Eric Ciotti et son projet de Loi interdisant de filmer les forces de police, en banlieue parisienne avec ce jeune Rrom de 14 ans tabassé par la police, aux Etats-Unis avec la mort de George Floyd.

Aucune rhétorique sécuritaire ne peut justifier de tels actes. Ces violences doivent être condamnées, leur caractère systématique ne peut plus être ignoré.

Citoyens, militants, acteurs associatifs, nous devons appeler un chat un chat.

Dans les Alpes maritimes nous n’acceptons d’être spectateurs face au racisme, ni en France, ni aux USA :

– Solidarité avec les victimes de violences policières, notamment envers George Floyd, Gabriel Djordjevic, Adama Traoré.

– Dénoncer les abus (contrôles) et les bavures (violences) liées au faciès.

-Demander l’arrêt des pratiques d’obstruction respiratoire et l’impunité des forces de l’ordre.

– S’insurger de la montée et de la tolérance d’opinions racistes, antisémites, xénophobes, homophobes et nationalistes parmi les forces de l’ordre et rappeler leur code de déontologie.

– Faire un rappel à la loi : la mission de la police est soumise à des règles juridiques strictes.

Signataires : Association pour la démocratie à Nice – Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples 06 – Ligue des droits de l’Homme Nice – Tous Citoyens.

Nice : les quartiers populaires restent sous le régime de la punition collective, en attendant le « paradis sanitaire »

Nice, le 2 mai 2020

Section de Nice de la LDH – Communiqué

Nice : les quartiers populaires restent sous le régime de la punition collective, en attendant le « paradis sanitaire »

Le quotidien Nice-Matin, dans son édition du 2 mai 2020, interviewe Michel Tubiana – président d’honneur de notre association – à propos de certaines mesures de durcissement du confinement, prises sur tout le territoire national par quelques collectivités locales.

Concernant le cas de Nice, ville dans laquelle a été pris un arrêté municipal aggravant le couvre-feu préfectoral dans certains quartiers, Me Tubiana observe : « nous avons contesté le couvre-feu de Nice, mais le tribunal administratif a considéré qu’il était valable au motif qu’il concerne une petite partie du territoire, en fait, cela vise les quartiers populaires. »

Nous voudrions apporter les précisions suivantes : dans son mémoire en défense, la commune de Nice argumente que les quartiers concernés par le confinement – tous des quartiers populaires – ne représentent que 1,3% de la surface totale de la commune, suggérant ainsi au juge administratif que peu de nos concitoyens sont concernées par l’arrêté. Par un grossier tour de passe-passe, la commune compare ainsi devant le juge sa superficie totale, incluant, par exemple, la superficie de l’aéroport de Nice qui est de 37 ha, celles des parcs et jardins 300 ha, La promenade des Anglais déroule sur 7 k une large chaussée piétons-vélos, etc. avec les superficies urbanisées. Pour notre part, peu impressionnés par ce pourcentage biaisé, nous avons simplement consulté la grande enquête démographique INSEE de 2012 qui fournit des statistiques d’habitants pour les 146 quartiers de la ville de Nice : les neuf quartiers concernés par l’arrêté ont 43.531 habitants, lesquels représentent 12,6 % de la population totale.

Nous avions aussi soulevé devant le juge administratif le fait que la publication de l’arrêté du 15 avril 2020 n’était pas opposable aux administrés concernés car sa publication n’était pas conforme à la règlementation : d’une part, à l’affichage public, seule la première page de l’arrêté figure et, d’autre part, sur le site internet de la ville, l’arrêté n’était pas publié. Ce constat a été établi à notre demande, par huissier, le 16 avril 2020. Pour mémoire, l’arrêté précédent, daté du 7 avril, n’était toujours pas publié sur internet le 16 avril, alors qu’il était caduc ! Au moment où nous écrivons ces lignes, le dernier arrêté publié sur internet date du 30/03/2020 (fermeture au public trottoir sud promenade des Anglais).

Chacun comprendra qu’il est difficile d’agir dans l’urgence d’un référé sans pouvoir disposer de l’arrêté dont toute la presse parle, mais que la commune rend inaccessible à ses administrés.  Le maire de Nice nous promet rien de moins qu’un « un paradis sanitaire » (Nice-Matin 25/04/2020) ; il pourrait déjà commencer par se préoccuper du bon fonctionnement démocratique de la commune.

Le covid-19 ne justifie aucune discrimination !

Communiqué :

Le covid-19 ne justifie aucune discrimination !

Un arrêté spécifique a été pris par le maire de Nice le 7 avril 2020, renouvelé le 15 avril 2020, qui se concentre sur quelques quartiers défavorisés du centre-ville, lesquels ont déjà fait l’objet, dans le passé, d’arrêtés municipaux très ciblés et discriminatoires : Trachel, Jean Vigo, Notre-Dame, St Charles, Bon Voyage, Maurice Maccario, Pasteur, Las Planas, Les Moulins.

Chacun comprend bien qu’il est plus aisé de supporter le confinement dans une superbe résidence agrémentée d’un beau parc que dans ces quartiers aux immeubles parfois dégradés, occupés par des familles ayant peu de ressources.

Les décisionnaires nationaux ou locaux, par leur impéritie, imprévoyance ou inaptitude à prendre des décisions rapides sont les principaux responsables de la diffusion du COVID-19, pas les habitants des quartiers populaires.

Dans ce contexte exceptionnel d’urgence sanitaire, notre association appuie toute initiative tendant à maitriser la propagation du virus et susceptible de repousser cette terrible menace sanitaire.

Mais les arrêtés mentionnés ne nous semblent pas poursuivre ce but. Au contraire, ils aggravent sans motif les restrictions d’aller et de venir déjà édictées par arrêté préfectoral ; dans une manœuvre politicienne, ils visent à stigmatiser et à faire montre d’autoritarisme envers les populations des quartiers populaires, ainsi collectivement punies.

Nous ne pouvons pas croire que, en plus des effectifs de la police nationale, dans la ville aux 2600 caméras de vidéosurveillance et à la police municipale la plus nombreuse de France, il y ait besoin d’arrêtés supplémentaires pour surveiller l’ensemble de sa population en période de confinement.

Cette façon de procéder par le biais d’arrêtés visant des sous-catégories de niçoises et niçois est discriminatoire et nous ne saurions l’accepter. C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme a pris la décision de saisir le tribunal administratif d’un référé liberté contre l’arrêté municipal 2020-01135.

Nice, le 18 avril 2020

 

 

 

 

 

 

Observation des audiences du JLD de Nice – février 2019/février 2020 –

La ligue des droits de l’Homme (Nice), la CIMADE 06 et le syndicat des avocats de France (Nice) ont organisé entre février 2019 et février 2020 une observation systématique des audiences du juge des libertés et de la détention (JLD) de Nice, contentieux de la rétention.

292 fiches individuelles anonymisées ont été établies entre février 2019 et février 2020.

Nous employons volontairement la terminologie de « retenus » à propos des étrangers qui se trouvent privés de liberté dans les centres de retenue administrative (CRA), les locaux de retenue administrative (LRA) ou les zones d’attente (ZA – Aéroport de Nice Cote d’Azur) afin de bien rendre compte que le fait, pour un étranger, de se trouver sur le territoire national sans titre de séjour valide n’est pas un délit ; c’est pour cette raison qu’ils ne sont pas enfermés dans une prison, mais dans un centre ou local de rétention.

Ces observations ont donné lieu à un rapport.

Vous pouvez télécharger ici : JLD Nice Rapport février 2020

Nice 27/02/2019 à 18h : Rassemblement pour le droit de manifester librement

Rassemblement  pour le droit de manifester librement et en sécurité

et contre l’utilisation des armes dites intermédiaires

Mercredi 27 février à 18h 

Place Garibaldi à Nice

La loi dite « anti-casseurs » constitue une atteinte au droit de manifester et instaure une présomption de culpabilité en interpellant des personnes qui auraient « l’intention de commettre des violences ». Elle transfère les prérogatives des juges à des préfets aux ordres et affaiblit la séparation des pouvoirs en France. Elle limite la vie démocratique et la citoyenneté.

Si nous condamnons toutes les violences et s’il faut mettre un terme aux violences inacceptables qui se greffent sur le mouvement des gilets jaunes, le recours par les forces de l’ordre aux armes intermédiaires (LDB 40, grenades de désencerclement, etc.) cause des mutilations et blessures graves. La France, contrairement à de nombreux pays européens, ne pratique pas la désescalade de la tension et des conflits en privilégiant une logique « armement/répression ».

Une réaction d’ampleur est urgente !

Premiers signataires : ADN, la CGT 06, EELV 06, Ensemble! 06, la France Insoumise 06, FSU 06, Génération.s Nice, Gilets jaunes plate-forme d’union, la LDH 06, le MRAP, le Mouvement pour la paix 06, Les amis de la démocratie, Nice au cœur, le NPA 06, le PCF 06, le Parti de Gauche 06, le PS 06, Roya Citoyenne, Solidaires 06,Solidaires Etudiant-e-s Nice, Sud Santé Sociaux 06, le Syndicat des Avocats de France (section Nice), Tous citoyens !

Bianca, la plus misérable des misérables – Chronologie critique

Bianca la plus misérable des misérables

Mercredi 17 octobre 2018, journée mondiale contre la misère, nous avons l’occasion de libérer Bianca.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence s’apprête à rejuger Bianca, une jeune mendiante de 24 ans, qui vient de passer 4 mois en prison.  Son délit : avoir fait la manche avec ses enfants pour les nourrir.

Bianca, c’est notre misère : celle des territoires, celle de la France, celle de l’Europe. Elle est Rom, orpheline, analphabète, son frère est handicapé mental, elle a deux enfants en bas âge, elle est enceinte, elle vit dans un squat, elle fait la manche pour survire. Son casier judiciaire est vierge.

En maison d’arrêt, elle n’a pu ni recevoir de visites ni téléphoner et n’a aucune nouvelle de ses enfants. Elle pourrait donc accoucher en prison.

Sa vie est un enfer.

Chronologie 

Bianca est victime d’une damnation sociale où se mélangent le politique, la police, le système judiciaire, et les enjeux économiques.

– Lundi 4 juin 2018, Christian Estrosi écrit une lettre au Procureur de la République de Nice: « Mes services ont procédé, à ma demande à un recensement le mois dernier : on dénombre 609 sans domicile stable qui occupent l’espace public, 403 qui se livrent à la mendicité dont 59 avec enfants (…) Aussi, j’ai attiré l’attention de monsieur le préfet sur cette question et nous nous sommes convenus d’une réunion de travail vendredi prochain [le 8 juin]. (…) Mais j’estime que cette réunion ne portera ses fruits que si le Parquet nous accompagne fortement dans notre action. » Déroulant une logique comptable, le Maire va exiger de la part du parquet plus de fermeté.

– Ce même 4 juin, à 17 heures, rue de France, Bianca est arrêtée avec ses deux enfants par la police nationale. C’est l’employée d’une agence immobilière qui prévient la police, Bianca aurait frappé ses enfants. Dans la ville la plus surveillée de France, avec plus de 2000 cameras, dans la rue la plus touristique, il n’existe aucune image des faits reprochés. Les témoignages sont ceux de certains commerçants travaillant dans cette zone touristique et qui connaissent cette mendiante, pour certains depuis trois ans.

– Mardi matin du 5 juin, M. Estrosi annonce par voie de presse (Nice-Matin), qu’il allait prendre un nouvel arrêté anti-mendicité pour éloigner les SDF de sa ville. Parallèlement, des examens médicaux sont effectués par un médecin légiste puis par les services de l’hôpital pédiatrique Lenval : « aucun signe de sévices physiques » concluent les différents médecins. Les deux enfants de Bianca sont placés dans une famille d’accueil.

– Mercredi 6 juin, Dans l’édition du jour de Nice Matin, avec cet article titré Mendicité, le Maire de Nice dit Stop, Christian Estrosi annonce son de plan anti-mendicité. Il conclut son intervention par : « On ne pourra rien faire si le parquet ne fait pas suite à nos sollicitations. Alors, aujourd’hui, je rue dans les brancards, j’en appelle au procureur ! »

Pour son électorat, il publie sur son compte Facebook un post justifiant son prochain arrêté anti-mendicité. On y apprend que l’hôpital Lenval a connu une hausse de 147% dans l’accueil d’enfants en situation de précarité.

Voici un des commentaires, sur la page Facebook du maire : « Moi je travaille vers le Negresco, et certaines rues sont très sales. Par exemple celle à côté de l’église st Pierre rue de France. La mendicité rue de France à côté du parking du musée Massena. Où une jeune rom fait la mendicité avec une petite fille d’environ 2 ans, et elle mendiait aussi avec un nourrisson. Enfin c’est bien triste de se servir des enfants… Ils sont drogués… »

– Jeudi 6 juin un mandat de dépôt est signé et Bianca se retrouve en situation de détenue prévenue à la maison d’arrêt de Nice. Le système judiciaire va la broyer.

– Vendredi 7 juin, pendant que le maire tient une réunion de travail avec le préfet des Alpes-Maritimes, Bianca se voit signifier son maintien en détention provisoire.

D’un point de vue comptable, cela fera une mendiante et deux enfants de moins dans les rues. Sauf que…

– Jeudi 14 juin, lors d’une audience de jugement en assistance éducative, les enfants « s’enfuient » – ou sont « enlevés », cela dépend du point de vue – par leur grand-mère paternelle (supposée) Ils sont aujourd’hui introuvables, ayant vraisemblablement réussi à fuir en Roumanie.

Vendredi 13 – L’Audience

– Vendredi 13 juillet après six semaines de préventive, Bianca est jugée par le tribunal correctionnel de Nice.

On lui reproche deux chefs de prévention :

D’abord, d’avoir commis des actes de violence depuis le 1er janvier 2018 jusqu’au 4 juin 2018 sur ses propres enfants, faits prévus par l’ART.222-13 du code pénal.

Pas de preuves (pas de traces de coups, pas d’images), mais seulement le témoignage de commerçants.

Ensuite, d’avoir privé ceux-ci d’aliments ou de soins au point de compromettre leur santé, en l’espèce n’apportant pas les soins médicaux, vestimentaires et alimentaires nécessaires à ces deux jeunes enfants, ainsi qu’en les maintenant sur la voie publique dans le but de solliciter la générosité des passants, faits prévus par l’ART.227-15 du code pénal.

Oui, Bianca fait la manche depuis la naissance de ses enfants.

Lors de l’audience, Bianca « explique se livrer à la mendicité pour nourrir ses enfants, et contestait l’exercice de violence à leur encontre ».

Verdict : Bianca est condamnée un an ferme, ainsi qu’à une peine complémentaire d’interdiction de séjour pour une durée de cinq ans dans le département des Alpes-Maritimes.

Les juges justifient la sentence par « la gravité des faits reprochés commis à l’encontre d’enfants en très bas âge, qui aujourd’hui restent introuvables, dont la santé a été gravement compromise et qui ont été confrontés par leur propre mère à une situation quotidienne de violence ».

Il n’y a pas d’exploitation des enfants, il n’y a pas de réseaux mafieux en cause.   Il s’agit de survie dans une situation de misère extrême.

Que pouvait faire Bianca pendant qu’elle mendiait ? Mettre ses enfants à la crèche ou alors les laisser seuls dans un squat ? Ils étaient encore trop jeunes pour être scolarisés ; mais elle avait entamé des démarches auprès du consulat de Roumanie.

– Vendredi 14 Septembre, le Maire de Nice écrit une lettre aux commerçants – et plus précisément à ceux qui possèdent une terrasse : « Cet été, j’ai demandé à la Police Municipale d’accroître sa présence sur la voie publique et de porter une attention particulière à l’encontre de ceux qui occupent illégalement le domaine public. (…) Grâce à une action conjointe de la police municipale, police nationale et sur la base des réquisitions du parquet, plus de 600 personnes ont été évacuées, 72 personnes ont été interpellées et présentées à un officier de police judiciaire, quelques gardes à vues ont même été engagées. Et ces résultats sont visibles sur la zone piétonne Masséna, sur le cours Saleya ou sur le Quai des Etats-Unis ».

Pas un mot sur Bianca et ses enfants, qui auront été effacés du paysage azuréen.

– Mercredi 17 octobre 2018, Bianca risque de purger la totalité de sa peine, soit un an ferme, et accouchera en prison.

Nous ne pouvons pas laisser le système politique fabriquer des bouc-émissaires. Et dans ce genre de procédés, c’est la plus faible qui se fait attraper en premier – Bianca.

On a mis une femme rom, enceinte, en prison et on a perdu ses deux enfants dont on avait la charge.

Avec le cas Bianca, ils ont a envoyé un message fort à la communauté rom : « quittez la côte d’azur ou l’on vous enferme ! »

 Le message est passé parmi la communauté rom, mais maintenant, cela suffit, libérez Bianca !

Nous sommes tous responsables de ce qui arrive à Bianca, mais ce mercredi 17 octobre 2018, si vous la condamnez, nous serons tous coupables.

 

 

Le tribunal, une autre façon d’éloigner les SDF de Nice

Le tribunal, une autre façon d’éloigner les SDF de Nice

Le 5 juin, quelques heures après que M. Estrosi, maire de Nice, ait annoncé qu’il allait prendre un nouvel arrêté anti-mendicité pour éloigner les SDF de sa ville, Madame L. était arrêtée sur dénonciation de la responsable d’une agence immobilière devant laquelle elle mendie depuis plusieurs années dans un quartier hyper touristique de la ville. Après six semaines de préventive, elle passait en jugement ce vendredi 13 juillet, au TGI de Nice, pour une supposée maltraitance sur ses enfants.

La prévenue, âgée de 24 ans, de nationalité roumaine, enceinte de plusieurs mois, ne comprend pas le français et répond de façon manifestement incohérente aux questions des juges. Ce qui lui est reproché : être maltraitante et violente envers ses deux enfants qui l’accompagnent dans sa mendicité. Comme l’a fait remarquer l’avocat de la défense, les certificats médicaux établis par les médecins de l’hôpital Lenval concluent à une absence de toute trace de coups et sévices anciens ou récents sur les corps des enfants. Sur la dizaine de témoins interrogés, seuls la plaignante et un autre commerçant évoquent une attitude violente envers les enfants, alors que les autres riverains, certes agacés par sa présence dans la rue depuis plusieurs années, n’ont noté aucune agressivité envers les enfants. Le verdict est tombé comme un couperet : un an d’emprisonnement ferme et 5 ans d’interdiction de séjour dans les Alpes-Maritimes.

En écoutant la présidente du tribunal, qui interroge la prévenue avec une certaine acrimonie, il était manifeste que ce n’était pas la maltraitance volontaire que l’on jugeait chez cette femme mais son incapacité à éduquer ses enfants selon les normes de la classe moyenne française. Elevés dans un squat avec leurs parents, les enfants manquent d’hygiène, la fille de presque deux ans serait « dans la limite basse de la courbe en poids et en taille » et le garçon a une blessure mal soignée au pied (qui ne nécessite cependant pas d’hospitalisation selon les rapports médicaux). On reproche à cette mère de pas donner de repas équilibrés à ces enfants, de n’avoir pas de médecin de famille, de ne pas fréquenter le planning familial, d’avoir probablement allaité trop longtemps son fils de trois ans, de les vêtir tout deux « de manière inappropriée » ou encore de ne pas faire garder ses enfants pendant qu’elle mendie (par une baby sister ?). En d’autres termes, elle élève ses enfants dans la misère. La misère qui est la sienne. Rien de plus ne peut lui être reproché, si ce n’est, implicitement, de « faire tâche » dans la station balnéaire niçoise.

A aucun moment, le tribunal et l’association partie civile ne se sont posé la question de savoir pourquoi les services sociaux et les associations de protection de l’enfance ont laissé à la rue, pendant plusieurs années, une jeune mère de famille avec deux enfants en bas âge ; à l’évidence, ça n’intéresse pas le tribunal.

En creux, c’est un autre procès qu’on lui fait et qui accapare la moitié du temps de parole des magistrats : alors qu’elle était déjà en préventive depuis dix jours, au cours de la procédure ayant trait au placement de ses enfants, « des membres de sa communauté » (selon les mots de la juge), sont partis – illégalement – avec les enfants en question. Plus forts que Spaggiari, ils ont quitté le tribunal de Nice, puis la vieille ville, à pied sans que personne – ni services sociaux, ni juge, ni police, tous présents sur les lieux- n’intervienne ni ne parvienne à retrouver leur trace. Qui porte la responsabilité de cette situation ubuesque ? Certainement pas la mère qui était alors incarcérée.

Alors qu’est-ce qui justifie une condamnation aussi lourde sur une jeune femme enceinte, au casier judiciaire vierge ? Puisque les certificats médicaux ne concluent pas à la maltraitance, force est de constater qu’elle a été condamnée sur la base de la dénonciation d’une commerçante directement intéressée à la voir déguerpir définitivement. Ce jugement vient en tout cas à point nommé dans la campagne lancée par le maire de Nice contre les pauvres errant dans sa ville ; il met en garde les mendiants contre les risques qu’ils encourent s’ils ne quittent pas la Côte d’Azur.