LES ALGORITHMES VONT-ILS PRENDRE LE POUVOIR DANS LES ADMINISTRATIONS ?

LES ALGORITHMES VONT-ILS PRENDRE LE POUVOIR DANS LES ADMINISTRATIONS ?

Les algorithmes sont de plus en plus utilisés dans les administrations, ils permettent de gagner en efficacité, mais ils peuvent aussi produire des effets discriminatoires, c’est pourquoi le législateur devrait créer des obligations de transparence pour que les citoyens puissent garder un œil sur leur fonctionnement.

Aujourd’hui ces algorithmes concourent à optimiser les politiques publiques dans des domaines très variés, mais sont le plus souvent invisibles aux yeux des usagers, voire des agents.

Qu’est-ce qu’un algorithme ? La Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) le définit comme « une suite finie et non ambiguë d’instructions permettant un résultat à partir d’éléments fournis en entrée ».

Les domaines d’application des algorithmes sont multiples, c’est pourquoi ils sont le plus souvent présentés comme des assistants aux pouvoirs numériques extraordinaires mais peuvent devenir de véritables « boites noires », dont les décisions sont difficiles à expliquer, ou pire, à comprendre !

Tout d’abord, il s’est agi d’attribuer ou de calculer le montant de prestations sociales ou de l’impôt. Ensuite, les administrations ont employé des algorithmes pour réaliser des appariements entre une « offre » et une « demande » (au sens large des termes). Enfin, l’usage d’algorithmes « apprenants » est beaucoup plus récent et n’est pas encore généralisé dans les administrations publiques.

Dans la plupart des cas, ces outils sont une aide à la décision, ils ne prennent pas la décision eux-mêmes. Quand c’est le cas, depuis le 1er juillet 2020, la mention est obligatoire sous peine de nullité de la décision.

Attributions de subventions, de places en crèche ou de logements, logiciel Parcoursup pour des inscriptions des étudiants dans l’enseignement supérieur, en principe, au plus près de leurs choix, gestion des flux de déplacements, logiciels de police prédictive ou de reconnaissance faciale… la liste des cas d’usages des algorithmes fondant des décisions individuelles est longue et reste à écrire : des décisions au moins en partie automatisées, il y en a partout, mais le sujet est minoré, voire invisibilisé.

En mai 2020, le Défenseur des droits a même tiré la sonnette d’alarme avec la Cnil, en rappelant que « le système algorithmique, neutre en apparence, peut produire des discriminations » et appelant à une « mobilisation collective ». Car, tout numérique qu’il soit, l’algorithme n’est au final, que la retranscription de choix humains.

Cette prise de conscience doit conduire à prendre en compte la dimension éthique dans le choix des outils et ce de la conception à la phase opérationnelle de tout projet, le Défenseur des droits recommandant notamment la réalisation d’études d’impact pour anticiper les effets discriminatoires des algorithmes.

C’est-à-dire, en amont des projets, se poser les bonnes questions : quel problème veut-on résoudre ?

Est-on vraiment sûr qu’un outil algorithmique soit la meilleure solution ? Quelles sont les alternatives, y compris non technologiques ?

(Source : la Gazette des Communes du 24/08/20)

Loups, éleveurs : pour un débat public libre et apaisé.

LDH Comité régional PACA

Loups, éleveurs : pour un débat public libre et apaisé.

La projection le 2 août à Tende par le Parc National du Mercantour du film « Marche avec les loups » de Jean-Michel Bertrand, qui prône la cohabitation loups/éleveurs, a dû prendre fin suite à l’irruption d’une quarantaine d’éleveurs et de chasseurs, accompagnés et soutenus par le maire de la commune, sous les yeux de 200 spectateurs (dont beaucoup d’enfants) incrédules et intimidés et des forces de l’ordre, présentes, qui ne sont pas intervenues.

Ce qui est en cause, c’est avant tout la censure d’un film et l’entrave de la liberté d’expression par une minorité mal-agissante, qui préfère employer la menace physique, l’invective et l’insulte plutôt que participer à un débat citoyen.

Mais c’est aussi la confrontation de plusieurs usages de l’espace naturel : c’est-à-dire de plusieurs droits d’usage qui s’appliquent sur tout ou partie du territoire français, y compris donc sur la commune de Tende. Rappelons que le maire, agent de l’État, est censé veiller à leur bonne application en bonne intelligence avec l’autorité administrative : le préfet, et l’autorité judiciaire : le procureur de la République.

La diversification des usages : résidence, pastoralisme, fréquentation touristique, gestion des forêts et de la nature, pratiques culturelles et sportives, équipements, services publics, a rendu plus complexe la gestion du territoire,  impliquant la prise en compte par les individus, les entreprises et les administrations (Parc, Collectivités territoriales, Etat) de logiques de plus en plus intégrées, tout en respectant les spécificités locales.

Le temps où les bergers assuraient la garde permanente des troupeaux est révolu, la sécurité du pastoralisme ne peut être assurée qu’en interdépendance avec les autres problématiques d’un espace naturel protégé comme le Mercantour.

Ainsi s’imposent peu à peu, à Tende, comme ailleurs, l’urgence de concilier activités humaines et  préoccupations environnementales majeures, dont au premier rang ici la préservation de la biodiversité, notamment par la préservation et parfois la réintroduction d’une vie sauvage, c’est-à-dire non domestiquée.

Les travaux de la dernière Université d’automne de la Ldh se sont clos sur un constat : « La question de l’environnement bouleverse notre monde et son avenir. Elle interroge nos droits et libertés. Le droit étant par essence anthropocentré, il faut très rapidement l’adapter à de nouvelles normes, ce qui doit constituer la troisième génération de droits universels : les droits environnementaux, après les droits politiques fondamentaux et les droits économiques et sociaux. »

Reste que cette notion d’« environnement » reste elle-même encore trop centrée sur l’Homme et qu’il devient urgent de considérer ce dernier comme l’une des expressions du vivant sur terre et non pas comme le maître auto-proclamé de la planète.

Accepter de partager avec le monde vivant un même territoire limité, c’est désormais une règle de survie, pour les éleveurs du Mercantour comme pour tous les êtres humains de la planète.

19 août 2020

Nice – Polices municipales : expérimentez, mais pas au détriment de nos libertés

Lors de son déplacement à Nice le 25 juillet le premier ministre a officiellement lancé l’opération « expérimentation de l’extension des compétences pour les polices municipales » ; le maire de Nice obtient ainsi satisfaction sur une revendication qu’il porte depuis plusieurs années.

Cette démarche s’inscrit dans le contexte plus large de revendications exprimées par certains élus locaux, portant sur d’éventuels transferts de compétences, comme par exemple : « Pour le plein exercice des libertés locales 50 propositions du Sénat »  [ ICI ]  (2 juillet 2020) ou les propositions de Territoires Unis en date du 8 juillet 2020: « Plus de libertés locales pour plus d’efficacité » [  ICI  ]. Toutefois, ces deux épais dossiers n’abordent pas la question des polices municipales, dont le maire de Nice s’est fait une spécialité dans le cadre d’un marketing sécuritaire hérité de son mentor Jacques Médecin.

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 accorde le droit à l’expérimentation aux collectivités territoriales, au demeurant, droit peu utilisée jusqu’à présent. Une intéressante expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » en collaboration avec ATD Quart Monde et Emmaüs France  a aussi été menée dans dix territoires  [  ICI  ] . A l’évidence, cette expérimentation n’a pas passionné le maire de Nice, ville pourtant ou le chômage de masse sévit ; or personne n’ignore que certaines formes de délinquance sont fortement corrélées avec l’accroissement du chômage.

Rappelons aussi que le maire anime dans sa commune la politique de prévention de la délinquance (article L 132-4 du code de la sécurité intérieure). Cette fonction, qui implique un travail au quotidien, un travail de fond peu spectaculaire, qui ne semble pas intéresser outre mesure le maire de Nice.

La commune de Nice va donc expérimenter de nouvelles compétences pour les polices municipales. Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur cette question, en particulier sur une des revendications majeures du maire : l’accès au fichier des personnes recherchées (FPR) à l’intérieur duquel figure celui des personnes fichées « S » (rappelons, par exemple, que de nombreux journalistes et opposants sont fichés « S »). L’intention d’articuler ultérieurement ces fichiers avec la reconnaissance faciale est clairement annoncée, quand bien même cela ne ferait pas partie de l’expérimentation. Concernant l’éventuelle autorisation pour les polices municipales de procéder à des contrôles d’identité, la situation est déjà suffisamment dégradée (contrôles au faciès) au niveau national, pour qu’il ne soit pas besoin de l’aggraver.

Dès à présent, nous alertons tous les démocrates sur les dangers potentiels que renferme le projet de créer un statut d’officier municipal de police judiciaire pour les responsables de police municipale (Nice Matin 26/07/2020). En aucun cas nous n’accepterons que des dispositions règlementaires puissent permettre, par exemple, à une « hiérarque de la police municipale et proche du maire » (Nice Matin du 20/02/2020 [ ICI ] ) d’accéder au statut d’OPJ.  

Plainte pour diffamation publique à caractère racial contre M. Christian Estrosi

La ligue des droits de l’Homme vient de saisir le procureur de la République de Nice d’une plainte contre Monsieur Christian Estrosi, suite aux propos qu’il a tenus lors d’une interview télévisée diffusée le 16 juin 2020 sur la chaîne BFM TV. Consultez en suivant le lien : [ ICI ]

Lors de cette interview, M. Estrosi, interrogé sur les conflits opposant des bandes rivales dans différentes villes de France, a en effet tenu les propos suivants : « Dans un certain nombre de quartiers de France, la communauté tchétchène face à d’autres communautés lutte pour avoir le monopole du marché de la drogue ».

Cette déclaration, en ce qu’elle constitue une allégation ou imputation d’un fait précis, à savoir le trafic de stupéfiants, porte atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes tchétchènes à raison de leur origine ou de leur appartenance à cette nation ; elle caractérise ainsi le délit de diffamation publique à caractère racial réprimé par l’article 32 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La Ligue des droits de l’Homme, qui a pour objet social de lutter contre toutes les formes de racisme et de discrimination, intervient chaque fois que lui est signalée une atteinte aux droits fondamentaux, notamment en agissant auprès des pouvoirs publics et des juridictions compétentes.

23/07/2020

Genou à terre ou debout contre les violences policières

Cosignataires de l’appel ci-dessous, nous avions prévu d’organiser un rassemblement samedi 6 juin à Nice ; toutefois, nous apprenons qu’une marche « contre les violences policières, les systèmes oppressifs et discriminatoires » est organisée le même jour à 17h départ de Magnan, arrivée au palais de justice. Nous avons donc pris la décision d’annuler notre rassemblement et de relayer l’appel à cette marche, sur la base de notre appel.

Genou à terre ou debout contre les violences policières 

Nous refusons la séquence sécuritaire et discriminatoire qui agite le monde d’aujourd’hui.

Dans les Alpes Maritimes, avec en tête de proue Eric Ciotti et son projet de Loi interdisant de filmer les forces de police, en banlieue parisienne avec ce jeune Rrom de 14 ans tabassé par la police, aux Etats-Unis avec la mort de George Floyd.

Aucune rhétorique sécuritaire ne peut justifier de tels actes. Ces violences doivent être condamnées, leur caractère systématique ne peut plus être ignoré.

Citoyens, militants, acteurs associatifs, nous devons appeler un chat un chat.

Dans les Alpes maritimes nous n’acceptons d’être spectateurs face au racisme, ni en France, ni aux USA :

– Solidarité avec les victimes de violences policières, notamment envers George Floyd, Gabriel Djordjevic, Adama Traoré.

– Dénoncer les abus (contrôles) et les bavures (violences) liées au faciès.

-Demander l’arrêt des pratiques d’obstruction respiratoire et l’impunité des forces de l’ordre.

– S’insurger de la montée et de la tolérance d’opinions racistes, antisémites, xénophobes, homophobes et nationalistes parmi les forces de l’ordre et rappeler leur code de déontologie.

– Faire un rappel à la loi : la mission de la police est soumise à des règles juridiques strictes.

Signataires : Association pour la démocratie à Nice – Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples 06 – Ligue des droits de l’Homme Nice – Tous Citoyens.

Appli Stop Covid : les Dassault, Cap-Gemini et autres font l’aumône à l’Etat de quelques lignes de code

Le secrétaire d’Etat Cédric O déclare que « l’application n’a rien couté au gouvernement, hormis le salaire des agents publics qui ont participé à son développement, car les entreprises qui ont travaillé sur stop Covid l’ont fait gratuitement » La Voix du Nord 1/06/2020.

Les agents publics qui ont participé au développement apprécieront surement de constater que leurs salaires sont juste un peu plus que « rien ».

Ainsi, après avoir fait les poches de l’Etat en particulier à travers le crédit impôt recherche ou la commande publique militaire, les Dassault, Cap-Gemini et autres Orange font l’aumône à l’Etat de quelques lignes de code. Quelle grandeur d’âme !

Nice : les quartiers populaires restent sous le régime de la punition collective, en attendant le « paradis sanitaire »

Nice, le 2 mai 2020

Section de Nice de la LDH – Communiqué

Nice : les quartiers populaires restent sous le régime de la punition collective, en attendant le « paradis sanitaire »

Le quotidien Nice-Matin, dans son édition du 2 mai 2020, interviewe Michel Tubiana – président d’honneur de notre association – à propos de certaines mesures de durcissement du confinement, prises sur tout le territoire national par quelques collectivités locales.

Concernant le cas de Nice, ville dans laquelle a été pris un arrêté municipal aggravant le couvre-feu préfectoral dans certains quartiers, Me Tubiana observe : « nous avons contesté le couvre-feu de Nice, mais le tribunal administratif a considéré qu’il était valable au motif qu’il concerne une petite partie du territoire, en fait, cela vise les quartiers populaires. »

Nous voudrions apporter les précisions suivantes : dans son mémoire en défense, la commune de Nice argumente que les quartiers concernés par le confinement – tous des quartiers populaires – ne représentent que 1,3% de la surface totale de la commune, suggérant ainsi au juge administratif que peu de nos concitoyens sont concernées par l’arrêté. Par un grossier tour de passe-passe, la commune compare ainsi devant le juge sa superficie totale, incluant, par exemple, la superficie de l’aéroport de Nice qui est de 37 ha, celles des parcs et jardins 300 ha, La promenade des Anglais déroule sur 7 k une large chaussée piétons-vélos, etc. avec les superficies urbanisées. Pour notre part, peu impressionnés par ce pourcentage biaisé, nous avons simplement consulté la grande enquête démographique INSEE de 2012 qui fournit des statistiques d’habitants pour les 146 quartiers de la ville de Nice : les neuf quartiers concernés par l’arrêté ont 43.531 habitants, lesquels représentent 12,6 % de la population totale.

Nous avions aussi soulevé devant le juge administratif le fait que la publication de l’arrêté du 15 avril 2020 n’était pas opposable aux administrés concernés car sa publication n’était pas conforme à la règlementation : d’une part, à l’affichage public, seule la première page de l’arrêté figure et, d’autre part, sur le site internet de la ville, l’arrêté n’était pas publié. Ce constat a été établi à notre demande, par huissier, le 16 avril 2020. Pour mémoire, l’arrêté précédent, daté du 7 avril, n’était toujours pas publié sur internet le 16 avril, alors qu’il était caduc ! Au moment où nous écrivons ces lignes, le dernier arrêté publié sur internet date du 30/03/2020 (fermeture au public trottoir sud promenade des Anglais).

Chacun comprendra qu’il est difficile d’agir dans l’urgence d’un référé sans pouvoir disposer de l’arrêté dont toute la presse parle, mais que la commune rend inaccessible à ses administrés.  Le maire de Nice nous promet rien de moins qu’un « un paradis sanitaire » (Nice-Matin 25/04/2020) ; il pourrait déjà commencer par se préoccuper du bon fonctionnement démocratique de la commune.

Le covid-19 ne justifie aucune discrimination !

Communiqué :

Le covid-19 ne justifie aucune discrimination !

Un arrêté spécifique a été pris par le maire de Nice le 7 avril 2020, renouvelé le 15 avril 2020, qui se concentre sur quelques quartiers défavorisés du centre-ville, lesquels ont déjà fait l’objet, dans le passé, d’arrêtés municipaux très ciblés et discriminatoires : Trachel, Jean Vigo, Notre-Dame, St Charles, Bon Voyage, Maurice Maccario, Pasteur, Las Planas, Les Moulins.

Chacun comprend bien qu’il est plus aisé de supporter le confinement dans une superbe résidence agrémentée d’un beau parc que dans ces quartiers aux immeubles parfois dégradés, occupés par des familles ayant peu de ressources.

Les décisionnaires nationaux ou locaux, par leur impéritie, imprévoyance ou inaptitude à prendre des décisions rapides sont les principaux responsables de la diffusion du COVID-19, pas les habitants des quartiers populaires.

Dans ce contexte exceptionnel d’urgence sanitaire, notre association appuie toute initiative tendant à maitriser la propagation du virus et susceptible de repousser cette terrible menace sanitaire.

Mais les arrêtés mentionnés ne nous semblent pas poursuivre ce but. Au contraire, ils aggravent sans motif les restrictions d’aller et de venir déjà édictées par arrêté préfectoral ; dans une manœuvre politicienne, ils visent à stigmatiser et à faire montre d’autoritarisme envers les populations des quartiers populaires, ainsi collectivement punies.

Nous ne pouvons pas croire que, en plus des effectifs de la police nationale, dans la ville aux 2600 caméras de vidéosurveillance et à la police municipale la plus nombreuse de France, il y ait besoin d’arrêtés supplémentaires pour surveiller l’ensemble de sa population en période de confinement.

Cette façon de procéder par le biais d’arrêtés visant des sous-catégories de niçoises et niçois est discriminatoire et nous ne saurions l’accepter. C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme a pris la décision de saisir le tribunal administratif d’un référé liberté contre l’arrêté municipal 2020-01135.

Nice, le 18 avril 2020